LES ENSEIGNANTS DU NORD SINDIAN, INQUIETS, INTERPELLENT L’ETAT
Dans le nord Sindian, il n’y a presque plus l’ombre d’un enseignant, d’un élève ou d’un directeur d’école dans les établissements élémentaires proches de la zone d’échange de tirs entre l’Armée sénégalaise et les hommes de Salif Sadio.

Dans le nord Sindian, des acteurs de l’école, notamment ceux de l’élémentaire, soutenant n’être plus stables sur le plan pédagogique, ont quitté les écoles pour remonter vers des zones plus calmes entrainant ainsi la fermeture d’une dizaine d’écoles le 14 mars dernier. Selon des acteurs de l’éducation, l’intervention militaire en cours contre les bases rebelles pourrait nuire aux intérêts de l’école dans cette zone de la Casamance et sacrifier des générations d’élèves. Ils demandent surtout à l’Etat de trouver des stratégies d’insertion des enseignants et des élèves dans d’autres écoles avec un réaménagement «spécial» du calendrier scolaire pour eux.
Dans le nord Sindian, il n’y a presque plus l’ombre d’un enseignant, d’un élève ou d’un directeur d’école dans les établissements élémentaires proches de la zone d’échange de tirs entre l’Armée sénégalaise et les hommes de Salif Sadio. Les corps administratifs comme pédagogiques, de même que les habitants des villages proches des zones d’intervention de l’Armée ont déserté les lieux, fuyant ainsi les «balles perdues» ou les bruits assourdissants des tirs envoyés par les soldats au niveau des bases rebelles dans le fief de Salif Sadio en Casamance.
Dans les communes environnantes, presque l’ensemble des bras valides sont partis vers la frontière gambienne ou vers d’autres zones plus clémentes. Le climat n’est plus favorable aux enseignements-apprentissages. Ce, alors qu’on n’a pas encore fini d’épiloguer sur la longue grève des enseignants qui a négativement impacté le quantum horaire. Un arrêt des cours qui avait mis l’école sénégalaise en stand-by, le temps d’un «bras de fer» des syndicats avec le gouvernement. C’est alors que les cours avaient à peine repris que des opérations de ratissage ont été déclenchées dans le département de Bignona, plongeant encore une partie de l’école sénégalaise dans un avenir incertain. « Ce sont en moyenne 4 salles de classe et environ 6 classes pédagogiques composées de doubles flux et de multigrades », a fait savoir l’ancien maire de Sindian et leader du mouvement « Bourabé », Yankhoba Sagna, selon qui l’avenir de l’école dans le nord Sindian dépendra de ce que les belligérants feront à Bignona, particulièrement dans la zone polarisant les communes de Sindian, Djibidione et Oulampane.
Fermeture massive d’écoles et de collèges
En effet, la reprise unilatérale des actions de l’Armée contre les bases de Salif Sadio a provoqué la fermeture d’une trentaine d’écoles élémentaires, préscolaires, maternelles, garderies d’enfants et écoles de la communauté de base depuis le 14 mars dernier. Des écoles qui, pour la plupart, polarisent deux à trois villages chacune. «Aujourd’hui, ceux qui sont complètement impactés ont été déplacés et intégrés dans des communes de Sindian. Ce sont, pour la plupart, des élèves du primaire parce que, tout simplement, on peut commencer un cours et que ça dégénère.
L’enseignant peut certes rapidement quitter à vélo par exemple. Mais il a aussi l’obligation de raccompagner tous ses élèves jusque chez eux», a expliqué le secrétaire général du Sels (Syndicat des enseignants libres du Sénégal) à Bignona, Yankhoba Badji. Il précise que «aucun enseignant n’a été blessé». Cependant, il leur a demandé dans un communiqué de quitter s’ils sentent le moindre danger. Son camarade secrétaire général de la section Saemss de Bignona, M. Sambou, a fait savoir que les enseignants du lycée de Djibidione se sont même réunis et ont envoyé une correspondance à l’inspection Académie pour une suite à réserver à leur situation dans les écoles en plein temps d’affrontement. Selon Ndongo Sarr du Cusems, l’idéal aujourd’hui, c’est d’assurer la sécurité à tous les acteurs de l’école mais aussi et surtout trouver des stratégies pour les élèves en classe d’examen par un «réaménagement spécial» du calendrier scolaire en les renvoyant aux sessions de remplacement pour ne pas les faire composer en juillet.
«Il appartient à l’Etat de prendre toutes les dispositions en les réintégrant dans d’autres écoles le plus rapidement possible, sinon ce seront des générations sacrifiées qui vont perdre une année d’enseignement-apprentissage», a dit Tamsir Bakhoum du Saemss qui considère que cette nouvelle situation à Bignona va nuire aux intérêts de l’école dans le Nord Sindian. Le problème surtout, dit-il, c’est comment revoir la carte scolaire au niveau des zones devenues dangereuses. «C’est une psychose éternelle, les enseignants et les élèves vont être allergiques aux bruits, pédagogiquement parlant, ils ne sont plus stables. Ce, sans compter cette dislocation d’une société vers Ziguinchor, la Gambie et Bignona».
D’après les dires de Mamadou Tamba du G20, il y a des mesures qui sont en train d’être prises pour voir comment accueillir tous ces élèves et enseignants dans d’autres communes. S’agissant des enseignants, qui ont en principe reçu une bonne formation, peut-être qu’ils auront la force psychologique de retourner dans ces zones lorsque les familles seront de retour. « Il y a 15 ou 20 ans, elles avaient vécu des situations pareilles. Et c’est au moment où ces familles pensaient avoir une vie normale que survient encore ce problème. Donc pour que toutes ces familles reviennent dans la zone, il faudra qu’il y ait d’abord un climat propice à la reprise de la vie normale «, a souligné, l’ancien maire de Sindian, Yankhoba Sagna.