MAIS QUE PENSENT DONC LES SÉNÉGALAIS DES MESURES GOUVERNEMENTALES CONTRE LE CORONAVIRUS ?
Considéré comme l'un des pays ayant, pour le moment, le mieux géré la lutte contre le Covid-19, le pays a-t-il convaincu sa propre population ? Un sondage a été réalisé pour le savoir

Bien avant l'apparition du premier cas confirmé de Covid-19 début mars 2020, le gouvernement du Sénégal a instauré, à l'instar d'autres pays en Afrique, une série de mesures gouvernementales pour lutter contre la pandémie. Une réunion extraordinaire du comité national de gestion des épidémies a été organisée dès le 6 janvier 2020. Le Sénégal disposait même d'un plan de riposte avant la détection du premier cas de Covid-19 sur son sol. Il fallait, en effet, agir vite. Des chercheurs avaient prédit que le Sénégal allait subir un peu plus de 2 200 décès d'ici à la fin de l'année. D'autres avaient estimé que le pic des cas se produirait entre le 28 mai et le 15 juin 2020. En fait, l'évolution de l'épidémie au Sénégal est lente mais constante. Cependant, les données épidémiologiques disponibles dépendent beaucoup des stratégies de dépistage. La proportion de tests positifs reste autour de 10 % depuis plusieurs mois.
De bonnes dispositions au départ
De nombreuses mesures visant à lutter contre la pandémie ont été mises en place de façon graduelle. Dès le 14 mars, le gouvernement décide d'interdire les rassemblements et la fréquentation des lieux de culte. Le 23 mars, trois mesures importantes sont décidées : couvre-feu (dont les horaires vont varier dans le temps) ; interdiction des déplacements entre les régions ; et fermeture des marchés. La réouverture des lieux de culte a eu lieu le 11 mai pour les volontaires, puis la restriction du transport entre les régions a été levée le 4 juin, le couvre-feu et les marchés ont été rouverts (sauf un jour par semaine) le 29 juin. Pour que toutes ces mesures soient efficaces, elles doivent être appliquées, respectées et, bien sûr, acceptées par les personnes concernées. Il est donc essentiel de comprendre ce qu'en pensent les Sénégalais afin de les ajuster et de les adapter. C'est l'objectif de notre étude, qui sera bientôt publiée, centrée autour des quatre principales mesures (le couvre-feu ; l'interdiction des déplacements entre les régions ; la fermeture des marchés et la fermeture des lieux de culte) s'inscrivant dans l'évolution de l'incidence journalière des cas de Covid-19 présentée dans la figure suivante.
L'échantillonnage et les questions posées
Si plusieurs sondages téléphoniques ont été réalisés en Afrique de l'Ouest et au Sénégal sur la pandémie, rares sont ceux qui disposent d'un échantillon national et aucun ne s'est appuyé sur un modèle conceptuel éprouvé pour étudier l'acceptabilité des mesures. Pour disposer d'un échantillon national sans mettre en danger les enquêtrices, notre sondage a été réalisé au téléphone à l'aide d'experts internationaux de ce type d'innovations technologiques. Nous avons suivi la méthode des quotas afin que notre échantillon respecte la distribution de la population du pays concernant l'âge, le sexe et la région de vie. À partir de plus de 30 000 numéros de téléphone créés de façon aléatoire au Sénégal, un tirage au sort a été réalisé et des appels ont été effectués. Plus de 800 personnes ont répondu. Notre étude a obtenu l'autorisation du comité d'éthique national. Pour chacune des quatre mesures analysées, les questions posées portaient sur son importance, les efforts pour la respecter, le ressenti, l'efficacité pour réduire la maladie, les bénéfices tirés, la capacité́ à la respecter et enfin la concordance avec les valeurs personnelles.
Des mesures dont l'acceptabilité sociale est très variable
L'acceptabilité sociale des mesures prises par l'État a été calculée sur la base d'un score variant entre 0 (aucune acceptation) à 7 (acceptation totale). La figure montre que le couvre-feu et l'interdiction des déplacements entre les régions sont très bien acceptés, ce qui est aussi le cas de la fermeture des marchés. En revanche, la fermeture des lieux de culte porte plus à controverse. En dépit de quelques émeutes contre le couvre-feu, notre enquête montre que cette mesure a été appréciée positivement par la majorité des Sénégalais. Cela doit certainement s'expliquer par ses autres effets potentiels, notamment sur le plan de la sécurité et de la présence de tous les membres de la famille au domicile à la nuit tombée.