«MALHEUREUSEMENT, C’EST L’APPLICATION DES TEXTES QUI FAIT TRES SOUVENT DEFAUT»
Jean Augustin Carvalho, président de l’Ordre des architectes, qui revient sur les causes de ces effondrements, en appelle à l’application des textes de construction déjà existants

Des bâtiments en ruine qui menacent de s’effondrer d’une minute à l’autre, campent le décor de plusieurs quartiers à Dakar. A cela s’ajoute des constructions illégales qui sont pilotées par des personnes non qualifiées dans le domaine de l’architecture. Ainsi des immeubles continuent de s’écrouler, mettant en danger la vie des populations, tuant des occupants ou de simples passants. Le tout dernier drame s’est produit à la Médina et a fait un mort et un blessé. Jean Augustin Carvalho, président de l’Ordre des architectes, qui revient sur les causes de ces effondrements, en appelle à l’application des textes de construction déjà existants, ce qui fait très souvent défaut.
L'effondrement de la dalle d’un immeuble de deux (2) étages à la Médina, un quartier de Dakar, a fait un (1) mort et un (1) blessé, lundi dernier 23 novembre 2020. Il s’agit d’un enfant de 2 ans qui a succombé à ses blessures et de son oncle qui a tenté de le sauver. Plus chanceux, ce dernier s’en est sorti avec une «tête cassée». Ce genre d’incident est récurrent, du fait nombre important de constructions irrégulières et de bâtiments menaçant ruine recensés par la protection civile mais toujours occupés. Interrogé par Sud Fm, Jean Augustin Carvalho, président de l’Ordre des architectes du Sénégal, liste les racines du mal.
Les racines du mal
A en croire M. Carvalho, «c’est un problème récurrent, l’effondrement d’immeubles à travers le pays. Ce problème est dû à plusieurs facteurs, mais on pourra en citer principalement deux points. Le premier, c’est que beaucoup de constructions dans ce pays se font sans faire appel à l’expertise des gens habilités dans ce sens c’est-à-dire l’architecte qui est le premier concepteur et le premier intervenant du projet. L’architecte, c’est lui qui fait la conception, assure le suivi des travaux et coordonne l’ensemble du processus de construction. C’est le maître d’ouvrage. Ajouté à cet architecte, nous avons d’autres experts qui interviennent à savoir les ingénieurs, concernant la stabilité technique, les lots techniques, et enfin un entrepreneur qualifié pour faire les travaux. Malheureusement, tous ces intervenants dans la chaine de construction sont la plupart du temps passés sous silence pour des travaux de construction. Et ces travaux, ça va de la plus petite construction… entrainant souvent des immeubles ; ce qui est dangereux et vraiment déplorable», regrette t-il.
Pour Jean Augustin Carvalho, l’application des textes de construction fait défaut. «Au Sénégal, nous avons cette chance d’avoir des textes et une règlementation très bien ficelée depuis très longtemps. Malheureusement, c’est l’application de ces textes qui fait très souvent défaut. Je m’explique : par exemple dans le domaine de la construction, la réglementation dit clairement que toute construction à travers le pays doit être faite et coordonnée par un architecte. Sans l’intervention d’un architecte dans un processus de construction, d’une part, on ne peut pas obtenir l’autorisation de construire. Et si par extraordinaire une personne réussit à contourner cette règle, il y a des services de contrôle qui sont là pour vérifier est-ce que cette loi a été respectée ; sinon, ces services de contrôle arrêtent les travaux. Qu’est-ce qu’on constate sur le terrain ? C’est que très souvent des constructions parfois même de grande importance sont en train d’être érigées. Ces gens qui construisent vous brandissent des autorisations de construire. Et comme par miracle, dans ces autorisations, il n’y a ni architecte ni ingénieur. Comment se fait-il qu’ils puissent obtenir ce fameux papier ?», se demande Augustin Carvalho.
Solutions : appliquer les textes existants et…
Suffisant pour qu’il insiste sur la préoccupation de l’Ordre des architectes qui ne demande que l’application des textes de construction. Car, dit-il, «toute construction doit obtenir des études techniques d’ingénieur qualifié et l’intervention de l’approbation des services de contrôle. Une fois que toutes ces trois étapes seront respectées, je crois que nous aurons des constructions sures et fonctionnelles. Quand on fait abstraction de différentes expertises, c’est le problème que l’on retrouve après des constructions qui ne sont pas stables, qui ne sont pas solides ni sures et qui ne sont pas fonctionnelles. Quand vous avez une construction et qu’en pleine journée vous soyez obligé d’allumer la lumière pour pouvoir travailler à l’intérieur ou vivre à l’intérieur, vous avez un problème. Nous avons un pays où il y a énormément de soleil, la lumière et la ventilation naturels doivent accéder à toutes les pièces d’une construction. Mais si on fait cette construction sans faire appel à un architecte, ces problèmes vont se présenter», fait-il savoir.
…traquer les faux architectes
Avant de proposer des solutions pour mettre un terme à tous ces drames. «Nous demandons simplement l’application des textes qui existent. Si ces textes sont appliqués, nous éviterons tous ces drames que l’on constate à travers le pays». M. Carvalho n’a pas manqué de se prononcer sur l’exercice illégal du métier d’architecte. «Quand nous constatons, à travers le pays, des constructions illégales, irrégulières, des gens qui ne sont pas architectes qui exercent, c’est notre devoir et droit d’interpeller le ministère pour qu’il nous accompagne pour mettre un frein à cela. Quand on constate, malheureusement, qu’il n’y pas de suivi, nous serons obligé de prendre le taureau par les cornes et de trainer la personne en justice. Parce que cela va de la vie de beaucoup de personnes, il y va de la sécurité et même du portefeuille des gens car c’est l’économie de toute une vie qui part en fumé par la faute de ces gens qui ne sont pas habilité à exercer», conclut Jean Augustin Carvalho, président de l’Ordre des architectes.