POURQUOI LES CAÏDS EN DETENTION NE SAURAIENT MERITER NOTRE COMPASSION
Une criminalité dans la criminalité en milieu carcéral- Les récents affrontements entre détenus et gardes pénitentiaires remettent sur le devant de la scène la question du traitement de la criminalité en milieu carcéral.

Les familles des victimes du grand banditisme entre traumatisme et précarité.
Les récents affrontements entre détenus et gardes pénitentiaires remettent sur le devant de la scène la question du traitement de la criminalité en milieu carcéral. Exemple par le Camp pénal de Liberté VI à Dakar où la population carcérale est constituée de près de 1.200 pensionnaires. Des détenus pour la plupart condamnés pour meurtres, assassinats et vols à main armée, trafic de drogue et autres agressions barbares à la machette. Des caïds qui, on le voit, ne sont pas des enfants de chœur. Ce sont pourtant à ces taulards ayant souvent du sang sur les mains que les organisations de défense des droits de l’homme apportent leur soutien. Mieux, certains voudraient que la société accorde à ces criminels des conditions de détention dignes d’hôtels quatre ou cinq étoiles !
Pour mieux cerner les différentes catégories de détenus qui habitent le Camp pénal de Liberté VI, « Le Témoin » s’aventure à faire la reconstitution de certains faits. Des faits cruels face au récit desquels les âmes sensibles doivent notamment s’abstenir. Courant 2016 à la Cité Lobatt Fall à Pikine, le chauffeur Samba Sow a froidement exécuté sa patronne, à l’époque vice-présidente du Cese (Conseil économique, social et environnemental), Mme Fatoumatou Matar Ndiaye, lors d’un cambriolage avorté. Sans se faire prier, il avait reconnu sans ambages les faits odieux c’est-à-dire avoir tué son employeur. « Je l’ai poignardée à trois reprises en appuyant sa tête contre le sol » avait-il avoué devant la chambre criminelle de Dakar qui l’a finalement condamné aux travaux forcés à perpétuité. Depuis lors l’assassin Samba Sow séjourne au Camp pénal de Liberté VI.
Son crime barbare nous rappelle un autre tout aussi abject survenu à Tambacounda où une tentative de viol avait viré au meurtre. Il s’agissait de l’affaire de la jeune fille Bineta Camara sauvagement tuée par le gardien domestique Pape Alioune Fall. Reconnu coupable de tentative de viol et de meurtre, il a écopé de la réclusion criminelle à perpétuité c’est-à-dire prison à vie. Au lendemain du verdict, Malal Camara, le père de la victime, s’était dit soulagé : « Je me sens enfin soulagé car justice est rendue ! Je voudrais tout d’abord rendre grâce Dieu tout en remerciant tous les Sénégalais, les autorités religieuses, les hommes politiques, les mouvements de jeunesse de Tamba qui se sont fortement mobilisés pour soutenir ma famille » avait déclaré le père éploré en guise de piètre consolation après le meurtre dans des conditions horribles de sa fille adorée. Les populations de la banlieue dakaroise, elles, n’oublient pas le jour où les populations de Thiaroye-Tally Diallo se sont réveillées dans la douleur et la stupeur en apprenant le meurtre du vieux gardien Daouda Guissé âgé de 75 ans. Surpris nuitamment devant le magasin qu’il gardait, il avait été ligoté et battu à mort par des cambrioleurs armés. Il a fallu plus d’un mois pour que les éléments de la brigade de gendarmerie de Diourbel mettent la main sur le chef de gang, un certain « King ». Et quelques semaines après, les autres membres de la bande sont tombés les uns après les autres dans les filets de la Sûreté Urbaine de Dakar. Depuis lors, les caïds ne perdent rien pour attendre dans les couloirs de la prison.
Soudain, une balle dans la tête !
Avec l’affaire des « cambistes » de la rue Raffenel à Dakar, « Le Témoin » vous rafraichit la mémoire sur le type de détenus sanguinaires qui peuplent les camps pénaux comme celui de Liberté VI. Un jour des années 2000, les corps de deux cambistes, Alla Faye et Mbaye Ndour, avaient été retrouvés en état de putréfaction avancée dans le coffre arrière d’un véhicule de marque Mercedes, à la Sicap… Liberté VI. Les malheureux avaient été empoisonnés avant d’être délestés de leur sacoche contenant une somme de 500 millions cfa par les malfaiteurs. En fait, ils étaient tombés dans un piège où les avait entraînés un client se disant richissime et qui voulait changer un montant astronomique en devises. En un temps record, les éléments de Sûreté Urbaine de Dakar dirigée à l’époque par le commissaire Modou Diagne avaient réussi l’exploit de procéder à l’arrestation des auteurs de ce double assassinat odieux. Les coupables ont été condamnés à perpétuité. Actuellement, ils purgent leur peine au Camp pénal de Liberté VI. Comme ce fut le cas des assassins qui avaient froidement abattu le vieux commerçant Djiby Sarr devant son épouse et ses trois enfants mineurs. Le drame avait eu lieu à l’Unité 4 des Parcelles Assainies à Dakar lors d’un cambriolage avorté. Cette nuit-là, le vieux avait été réveillé par un bruit suspect en provenance de sa quincaillerie située en bas de son immeuble. Dès qu’il ouvrit la fenêtre pour jeter un coup d’œil sur son commerce à partir de son balcon, il avait reçu une balle qui lui avait fracassé la tête. Un crime odieux ! L’auteur du tir fatal, un Sierra-Léonais membre d’une bande composée en majorité de Sénégalais, avait été arrêté quelques semaines plus tard par les policiers alors qu’il faisait ses besoins nuitamment sur les rails du chemin de fer.
La délinquance urbaine jusque dans les cellules
Vols à l’arrachée avec violences, cambriolages à la machette, crimes d’empoisonnement, braquages à main armée, agressions sauvages, viols suivis de meurtres, trafics de drogue etc., la liste des actes de cruauté signés par des caïds ultra-violents est non exhaustive. Car chaque jour que Dieu fait, à Dakar comme partout ailleurs au Sénégal, de redoutables gangs de cambrioleurs et d’agresseurs agressent- violent ou même tuent. Souvent, ce sont de braves soutiens de famille c’est-à-dire des gens dont la présence ou l’activité est considérée comme indispensable à la vie ou à la survie de la famille qui sont ainsi arrachés à l’affection des leurs. En effet, la disparition brutale et cruelle de ces nombreuses victimes pulvérise des ménages entiers voire des familles élargies dont les membres sont dès lors plongés dans une éternelle précarité sociale. Certes, on peut comprendre qu’un décès soit l’échéance normale d’une longue maladie ou d’une vieillesse, voire d’un accident de la circulation ou d’un arrêt cardiaque, entre autres causes, mais quand il résulte d’un acte de banditisme, le choc prend les allures d’une cassure violente, profondément injuste. Surtout les malfaiteurs se la coulent douce en prison alors que, sous d’autres cieux, ils seraient conduits à l’abattoir. Autrement dit, la peine de mort leur serait appliquée !
Toujours est-il que les récents affrontements entre détenus et gardes pénitentiaires au Camp pénal de Liberté 6 remettent sur le tapis la question du traitement carcéral de la criminalité. Et surtout dans ce Camp pénal où la plupart des détenus, condamnés à de très lourdes peines et n’ayant plus rien à perdre dans la vie, ont fini par transformer leur lieu de détention en une sorte de Far West ou de Favelas. A preuve, les photos et vidéos filmées à l’intérieur de la prison par des bagnards furieux dont l’audace et la témérité laissent stupéfaits. Apparemment, bon nombre d’entre eux ne sont pas disposés à se repentir. Et pire, ils comptent poursuivre leurs activités délictuelles, voire criminelles, en milieu carcéral comme si, pour eux, l’emprisonnement faisait partie des « risques du métier ». Ce, avec la complicité, malheureusement, de certains surveillants de prison facilitant l’introduction de drogue, d’alcool, de billets de banque, de téléphones portables et d’autres produits prohibés en milieu carcéral.
Que sont devenus les veuves et orphelins des personnes tuées ?
Au lendemain des émeutes de Liberté VI filmées en direct et diffusées sur les réseaux sociaux, beaucoup de citoyens sénégalais se sont indignés de bonne foi que des gens privés de liberté soient maltraités, mal-nourris et mal-logés au point d’être poussés à la révolte. Ah, s’ils savaient ! Il est vrai que la surpopulation carcérale est le problème fondamental du Camp pénal de Liberté VI comme de tous les établissements pénitentiaires de notre pays, d’ailleurs. Un surpeuplement qui ne favorise pas de bonnes conditions de vie carcérales. Ce qui fait que, d’une manière générale, les détenus vivent dans des conditions déplorables et lamentables. Cela dit, pensent-ils, eux et les âmes charitables qui les défendent, en particulier les droits-de-l’hommistes, aux conditions de vie sociale des veuves (veufs) et orphelins dont ils ont froidement canardé les parents ? Se soucient-ils de l’éducation et de la santé de ces nombreux orphelins des victimes de leurs crimes ? Agée de 54 ans, Nd. K. Cissé fait partie des veuves du grand banditisme. Domiciliée à Cambérène, elle se souvient de l’aube où des agresseurs ont sauvagement poignardé son époux alors qu’il se rendait à son lieu de travail. « Les faits s’étaient déroulés vers 5 heures du matin au rond-point dit « Case Bi », à Cambérène, où mon mari attendait un véhicule de transport en commun. Au moment des faits, j’étais enceinte de six mois. Donc, il n’a pas vu naitre notre dernier enfant âgé aujourd’hui de 8 ans. Depuis sa disparition, nous vivons dans la précarité totale. A chaque occasion, j’explique à mes enfants l’agression au cours de laquelle leur père a été tué pour une sacoche contenant un téléphone portable et une somme de 13.000 cfa. Malheureusement, ils se perdent dans cette histoire à laquelle ils ne comprennent rien ! Evidemment, ils ont du mal à croire que des individus aient pu tuer leur papa pour des pacotilles. Un drame qui continue éternellement d’affliger tous les membres de ma famille » raconte la malheureuse veuve. Naturellement, elle n’éprouve aucune compassion vis-à-vis des détenus du Camp pénal de Liberté VI. « Peut-être que ceux qui se préoccupent de leurs conditions de détention n’ont jamais été victimes d’agression ou n’ont pas un parent tué par ces gens-là » confie la veuve Cissé.
Et quid de M. Diagne, un agent de la Senelec dont le jeune frère, étudiant, a été mortellement agressé par un gang de malfaiteurs en scooters ? « Le crime a eu lieu à Gueule-Tapée/Fass. La jeune victime était mon demi-frère puisque nous avons le même père. Le plus cruel dans cette affaire, c’est que le défunt était un brillant étudiant et unique fils de sa mère. D’ailleurs quelques mois après l’agression barbare de son fils, la maman est décédée de chagrin. Vous voyez comment ces dangereux types sont nuisibles à la société ! A défaut d’une peine de mort, la justice doit les neutraliser à vie en les plaçant à l’écart de la société. Malheureusement au Sénégal, il n’existe ni peine de mort, ni prison à vie véritable car les condamnés à perpétuité bénéficient toujours d’une réduction de peine pouvant aller jusqu’à 5 ou 10 ans. La vie n’est plus sacrée dans notre pays. C’est regrettable ! » s’emporte ce parent de victime.
Sous-officier de gendarmerie (Mdl/chef) à la retraite, M. Nd fut commandant de brigade à Dahra (Linguére). Il s’autoproclame porte-parole de nombreux enfants-bergers dont les parents ont été sauvagement tués à coups de machettes en milieu rural. « A Dahra, comme partout dans le département de Linguére, la criminalité rurale est souvent liée aux vols de bétail, aux règlements de compte sur fond de jalousie et aux viols. Dans de nombreux cas, les orphelins étaient mineurs au moment du meurtre de leurs proches ou de leurs parents. Au bout de quelques années, leur arrivée à l’âge adulte coïncide avec la libération conditionnelle de celui qu’on leur avait indiqué comme étant l’auteur du meurtre de leur père ou leur frère par exemple. A chaque fois qu’ils aperçoivent le meurtrier, ils libèrent des pensées compulsives de vengeance. Ce qui explique les nombreux cas de règlements de comptes, menaces de mort et autres tentatives de meurtres sur fond vengeance en milieu rural. Vous voyez comment la plupart des enfants des victimes de la criminalité vivent entre traumatisme et précarité » explique en substance cet ancien officier de police judicaire.
En tout cas, contrairement à une croyance populaire répandue, un système essentiellement punitif comme la prison peut difficilement prétendre pouvoir dissuader la récidive des délinquants endurcis. Parce que la plupart d’entre eux continuent à mener leur vie de délinquants ou de criminels en prison !