COMMENT LA DOUANE VERROUILLE LES FLUX DE COCAÏNE
Grâce à leur professionnalisme et à de nouveaux équipements performants, les douaniers sénégalais ont réalisé ces derniers mois des saisies records de cocaïne, à hauteur de près de deux tonnes

Si la lutte contre le trafic international de la drogue était érigée en championnat d’Afrique, nul doute que la Douane sénégalaise serait championne toutes catégories confondues ! En dehors de sa mission fiscale consistant à renflouer les caisses de l’Etat à partir des liquidations des droits et taxes à l’importation, et de protection de l’économie nationale de façon générale, les hommes du Dr Mbaye Ndiaye se sont distingués dans la lutte constante contre les drogues en renfort aux autres forces de défense et de sécurité dédiées. C’est ainsi qu’en moins de six mois, et bien que ce ne soit pas leur principale mission, nos unités des douanes ont saisi près de deux (02) tonnes de cocaïne d’une contrevaleur au détail de plus de 150 milliards CFA. Des saisies record inédites qui constituent un violent coup de poignard porté à l’économie sous-régionale de la drogue. « Le Témoin » a enquêté.
Le Sénégal a réussi là où nos pays voisins ont lamentablement échoué dans la lutte contre le trafic international de drogue. Des pays devenus d’ailleurs des narco Etats. Ces dix dernières années, l’Afrique de l’Ouest est devenue une zone privilégiée de transit pour la drogue en provenance des trois principaux pays producteurs d’Amérique latine que sont la Colombie, la Bolivie et le Pérou. Une drogue à destination de l’Europe. La preuve par les nombreuses saisies record de cocaïne effectuées par les unités des douanes nationales. Ce, grâce à de nouveaux équipements de dernière technologie mis en place par le directeur général des Douanes, Dr Mbaye Ndiaye, et capables de scanner voire détecter tous types de marchandises, de narcotiques sans compter traces d’explosifs et de narcotiques. Des équipements performants renforcés par le fameux flair douanier, qui ont porté leurs fruits sur l’étendue du territoire national.
Rien que ces six derniers mois, près de deux (02) tonnes de cocaïne d’une contre-valeur au détail de plus de 150 milliards CFA ont été interceptées par nos gabelous. Des cargaisons de drogue en provenance pour la plupart des localités frontalières avec la Guinée-Conakry, la Gambie, la Guinée Bissau et le Mali. Un exemple parmi d’autres, cette saisie de 92 kg de cocaïne d’une valeur de 7 milliards CFA réalisée par les éléments de la Brigade mobile des douanes de Koumpentoum. C’était courant mars dernier lors d’un contrôle de routine effectué sur deux véhicules portant des plaques d’immatriculation étrangères.
En dehors de Koumpentoum, les douaniers ont eu à procéder à d’autres saisies à Kidira, Keur-Ayib, Fatick, Mbour etc… Mais l’exploit majeur dans cette lutte contre le trafic international de drogue, c’est la saisie de 1137,6 kg de cocaïne à la sortie de Kidira. Une importante quantité de drogue dure conditionnée en plaquettes et mise dans des sacs soigneusement dissimulés dans le double fond d’un camion frigorifique venant du Mali voisin. Une saisie record d’une contrevaleur de 90 milliards CFA jamais réalisée dans un dispositif terrestre parla Douane nationale. Et, sans doute, même Afrique de l’ouest.
Le flair douanier !
Jusque-là, au Sénégal, la plupart des opérations maritimes ou terrestres dans la lutte contre le trafic international de drogue étaient le fruit d’une coopération internationale en matière de renseignements. Parce que la clé de voûte de cette collaboration est de faire en sorte que les autorités de Police, de l’Armée, de la Gendarmerie ou de la Douane du monde entier disposent des informations nécessaires pour prévenir les trafics de stupéfiants afin de mener des enquêtes approfondies sur les narcotrafiquants, les convoyeurs, les intermédiaires, les parrains et autres complices sur leur propre territoire. Compte tenu du professionnalisme des forces de défense et de sécurité sénégalaises, les services de renseignements américains ou européens leur communiquaient des informations précises et complètes sur des bateaux ou voitures susceptibles de contenir de la drogue. Au finish, il suffisait seulement d’aller intercepter le navire ou le véhicule indiqué. Et le tour voire le coup était joué ! Preuve de l’intégrité de nos douaniers et marins pour ce qui est des saisies maritimes. Car sous d’autres cieux, on imagine des policiers, douaniers ou marins ripoux rentrer bredouilles avec le fameux rapport : « Rien à signaler /R.A.S ! ». Donc pour revenir à cette saisie inédite de près de 1,400 kg réalisée à Kidira, c’est le flair douanier qui a été déterminant ! Un flair douanier, jadis, tant redouté par les fraudeurs et contrebandiers. Parce qu’il s’agit l’ « Adn » historique de chaque agent des douanes acquis par l’expérience et le professionnalisme. Justement ce jour-là, à Kidira, les hommes du Dr Mbaye Ndiaye n’auraient jamais imaginé qu’ils allaient réaliser la plus grosse prise terrestre de drogue dure effectuée dans notre pays. Pourtant au départ, il s’agissait de simples contrôles matérialisés par des « check-points » sur des principales routes nationales. Un dispositif aux équipements adéquats tendant à rechercher des marchandises frauduleuses et réprimer des infractions à la législation douanière. C’est ainsi que le camion frigorifique est tombé dans la nasse. Soudain, nous raconte-t-on, le fameux « flair douanier » a pu conduire les agents de Kidira à porter leurs soupçons sur l’équipage du camion. C’est lors du passage au scanner du camion que les douaniers ont découvert le pot aux roses confirmant leurs soupçons !
La Douane aux avant-postes
Au-delà de leur mission régalienne, les douaniers viennent modestement en appoint aux policiers et gendarmes dans la lutte sans répit que toutes ces forces mènent contre le trafic international de drogue. Encore une fois, de telles prises n’étaient pas évidentes pour les gabelous du fait que leur mission première consiste à pourvoir des fonds ou des recettes pour le budget de l’Etat. Sans oublier la lutte contre la fraude et la contrebande où les soldats de l’économie n’ont plus rien à prouver !
Nous connaissons jusqu’ici, la Gendarmerie qui combat aux côtés des Armées en temps de guerre. Mais en période de lutte contre le terrorisme narcotique, la Douane se distingue de nos jours dans notre pays aux côtés des éléments de l’Office Central de Répression du Trafic Illicite des Stupéfiants (Ocrtis). Et jusqu’aux avant-postes !
DAKAR, L’EFFONDREMENT D’UN HUB ?
« On peut choisir ses amis, mais passes voisins », selon l’adage qui nous renvoie aux pays limitrophes où serpentent les routes de la drogue débouchant sur notre territoire. Si à nos jours, le Sénégal est assimilé à une plaque tournante de la drogue dure, c’est par rapport aux nombreuses saisies record effectuées par nos forces de défense et de sécurité. Tant mieux ! Ces nombreuses saisies s’expliquent en partie par la surproduction mondiale de cocaïne dont la Colombie reste le principal producteur. Suivent de très loin le Pérou, la Bolivie, le Brésil et le Mexique. Jamais jusque-là dans l’histoire mondiale, renseigne-t-on, la production de cocaïne n’avait atteint la barre des 5.000 tonnes produites et stockées soit une valeur marchande surréaliste de plus de deux millions de milliards de nos francs (deux billards cfa). Et pour tenter d’écouler leur stock, les cartels utilisent les ports africains ou les pays côtiers comme hubs de transbordement pour acheminer la drogue dure vers l’Europe. L’objectif étant de conquérir les larges marchés européens beaucoup plus lucratifs. Justement, c’est là qu’interviennent les grands trafiquants et petits convoyeurs africains pour aider les cartels latino-américains à se débarrasser de cette surproduction.
Si la cocaïne rend fou, l’héroïne tue !
C’est compter, pour ce qui concerne le Sénégal, sans la détermination de nos forces de défense et sécurité qui multiplient leurs efforts pour cerner la mafia sénégalaise afin de briser la chaine de réception. Encore une fois, les cargaisons de cocaïne saisies ne faisaient que transiter par le Sénégal puisque la destination finale reste et demeure l’Europe où la valeur marchande est beaucoup plus élevée. Par exemple, à Paris, le gramme de cocaïne est vendu entre 80 et 100 euros soit 55.000 cfa et 65.000 cfa. Pendant ce temps à Dakar, ce même gramme s’achète entre 35.000 cfa et 40.000 cfa (55 euros et 60 euros) dans les quartiers chics comme Dakar-Plateau, Almadies, Saly-Portudal et Mamelles où la consommation locale est plus forte. Mais pourquoi y a-t-il autant de cocaïne que d’héroïne à Dakar ? Un consommateur endurci de drogue dure joint par « Le Témoin » répond : « Parce que l’héroïne tue alors que la cocaïne rend fou ! C’est pour cela que la cocaïne est plus vendue actuellement dans le monde bien que l’héroïne ou le crack soit moins cher. Il est vrai que l’héroïne circule toujours à Dakar, mais elle est souvent conditionnée sous forme de comprimés ou de liquide injectable » explique en substance notre interlocuteur camé.