QUAND DES FUTURS MARIÉS SE METTENT À LA DÉBAUCHE
L’enterrement de vie de célibataire est une fête prénuptiale qui consiste à «faire profiter au célibataire des plaisirs que son prochain engagement de fidélité et sa vie de couple vont le priver ou lui rendre difficiles»

L’enterrement de vie de célibataire est considéré comme une tradition prénuptiale occidentale qui est apparue vers le XVIIIe siècle. Avec l’émergence des réseaux sociaux, cette pratique a connu des mutations ces dernières années et a fini par être adoptée dans certains pays. Au Sénégal, l’enterrement de vie de célibataire est apparu il y a environ 4 ans, prenant peu à peu la place du traditionnel «xawaaré». Pour certains, cette nouvelle tendance notée chez les jeunes ne fait pas partie de notre culture et de nos valeurs religieuses. Ils crient à l’acculturation.
L’enterrement de vie de célibataire est une fête prénuptiale qui consiste à «faire profiter au célibataire des plaisirs que son prochain engagement de fidélité et sa vie de couple vont le priver ou lui rendre difficiles». On parle d’enterrement de vie de garçon pour les hommes et d’enterrement de vie de jeune fille pour les femmes. L’enterrement de vie de célibataire apparaît pour les hommes vers le XVIIIe siècle et se résumait très souvent à un passage en maison close, dans un état d’ébriété avancé. L’enterrement de vie de jeune fille s’est développé plus tardivement, à partir des années 1970, et a pris de l’ampleur plus récemment.
Selon certaines traditions, le futur marié doit enterrer un cercueil à la fin de sa journée d’enterrement. «Ce cercueil contient des souvenirs de sa vie passée (objets fétiches et symboliques, etc.) et fréquemment quelques bouteilles. Ce cercueil est ensuite déterré à la naissance du premier enfant du couple (ou au bout d’un an)», raconte-t-on. La cérémonie est traditionnellement organisée par le témoin de la personne qui se marie. Les activités sont variées et vont du simple restaurant, en passant par des activités sportives collectives ou individuelles, culinaires, durant lesquelles les futurs mariés sont mis à l’épreuve.
Cependant, durant les années 2010, l’enterrement de vie de célibataire a subi un nouveau virage. «Ainsi, la tradition jusqu’alors fondée sur la mise en situation gênante du futur marié (déguisement de mauvais goût, gages douteux) a laissé place a des week-ends tendances sous le signe de la mode et du bon goût». Cette mutation est due à l’évolution des réseaux sociaux dont Instagram, Facebook et certaines chaînes de télévision. Au Sénégal, cette tradition jusqu’ici méconnue dans certaines localités a été adoptée ces dernières années, surtout dans la capitale. Elle prenait ainsi la place de ce qu’on appelait jadis «Xawaare», une cérémonie prénuptiale mythique où l’on chantait et dansait au rythme des tam-tams. Avec l’évolution des réseaux sociaux, cette pratique bien de chez nous tend à disparaître dans des localités comme la capitale (Dakar). L’influence occidentale a fini par prendre le dessus.
Les adeptes de la culture occidentale ou les «fashion-victims» préfèrent désormais organiser à la place du «Xawaare» un enterrement de vie de célibataire. Pour ce genre de fête populaire, le ou la marié (e) passe du bon temps avec ses amis proches etla famille du couple. Les enterrements des futurs mariés se font séparément. Ayant assisté à de nombreuses cérémonies du genre, une jeune femme, la trentaine, raconte son expérience. «Au Sénégal, les gens essayent de faire comme l’occident maintenant pour les enterrements de vie de célibataire. Je me rappelle la veille du mariage d’une de mes cousines, on s’est retrouvé entre filles, pour fêter ensemble son dernier jour de célibat.
Pour l’occasion, nous étions toutes vêtues de peignoirs saumons en satin très doux où on avait imprimé au dos : «Team Bride», ainsi que des écharpes personnalisées. Quant à la mariée, elle portait une peignoir de bain en satin blanc, assorti à des pantoufles de spa. Elle était coiffée d’une couronne en strass. C’est aussi le moment de rivaliser en termes de maquillage et coiffure qui sont en vogue. Les participants sont souvent au nombre de cinq à dix amis proches et membres de la famille.
La liste des noms choisis peut être définie avec la personne qui se marie». Pour assurer l’ambiance, informe notre interlocutrice qui répond au nom de Kiné Ndiaye, «unDj a été engagé pour l’animation. On a également organisé des défilés et des cours de cuisine, sans oublier de prendre des photos et des vidéos qu’on postait instantanément sur Instagram, Snapchat, Facebook et autres afin de partager notre joie. Côté bouffe, les organisateurs avaient engagé un service traiteur qui a concocté des plats diversifiés.
Après avoir mangé, on a sablé le champomy (Ndlr : champagne non alcoolisé et à base de pomme) pour trinquer à la santé des futurs mariés. A la suite de cela, on a coupé le gâteau sur lequel étaient inscrits les noms des futurs mariés. Et pour marquer le coup, on a tous remis des cadeaux à ma cousine.» Il urge de signaler par ailleurs que les fêtes varient en fonction des organisateurs et des moyens dont ils disposent. «Certaines filles «Koobas» (Ndlr : audacieuses) optent pour des soirées arrosées où l’alcool coule à flots et les nuées de fumée de tabac obscurcissent la vue. Les tables sont ornées de gâteaux en forme de sexe. Certaines aussi vont dans un Spa de luxe pour des soins esthétiques : gommage, modelage, massage. D’autres, par contre, se retrouvent à la maison familiale de la mariée pour faire des tatouages au henné, boire du thé, discuter et écouter la musique», renseigne Kiné Ndiaye.
POUR CE GENRE DE FETES POPULAIRES, LES CHOSES SONT PLUS POUSSEES QUAND IL S’AGIT DES GARÇONS
Rencontré aux Allées du Centenaire, un jeune homme garde des souvenirs presque traumatisants d’un enterrement de vie de garçon auquel il a pris part, il y a quelques mois. Ces moments, à l’en croire, sont fortement prisés par Satan qui incite les jeunes à s’adonner à des actes peu recommandables. «Quand je venais de rentrer de la France, j’ai une fois assisté à un enterrement de vie de garçon d’un ami. Les choses que j’y ai vécues m’ont laissé des souvenirs amers. D’ailleurs depuis ce jour, j’ai juré de ne plus participer à de telles soirées. Ce genre de soirée part toujours d’un simple verre à la beuverie. Ce jour-là, on était supposé sortir entre amis, manger et prendre un verre. Malheureusement, la deuxième partie de la soirée a pris des proportions démesurées, car on a fini dans un appartement meublé où nous attendait un autre groupe d’amis.
Pour marquer le coup, ils ont préparé une surprise au futur marié en recrutant trois filles stripteaseuses. Comme si cela ne suffisait pas, l’alcool coulait à flot. Je me rappelle même que j’ai fumé deux joints de Marijuana (chanvre indien). Quant au marié, il était obligé de prendre du plaisir avec ces femmes. D’ailleurs, il a fini par entretenir des rapports sexuels avec l’une d’elles à cause de son état d’ébriété», se souvient-il. A l’arrêt de bus, Maïmouna Diédhiou, teint clair, taille moyenne, attend la ligne 58 pour rentrer. Pour cette jeune femme, serveuse de son état, l’enterrement de vie de célibataire relève de l‘aliénation. Malgré ses apparences de fille moderne, elle désapprouve tout ce qui est en rapport avec ce genre de soirée. «Honnêtement, nous devons revenir sur terre. Quand je vois sur le net des photos de filles qui organisent un enterrement de jeunes filles, je me demande dans quel pays nous vivons. Et où est-ce que ce changement de valeurs va nous mener ? On est en train de faire de la déviance en essayant de s’approprier la culture d’autrui. Cette pratique occidentale ne rime pas avec nos valeurs. Je trouve que cela n’a pas de sens, d’autant plus que cela promeut la perversité et le vice. Au cours de ces soirées, les gens se saoulent, se droguent et s’adonnent à des pratiques sexuelles non réglementées.
Personnellement, je suis contre. En plus, c’est une pratique qui augmente des charges supplémentaires de mariage. Quoi qu’il en soit, ce n’est pas intéressant. En plus, les réalités diffèrent», tranche Maïmouna Diédhiou.
OUSTAZ ALIOUNE SALL SUR L’ENTERREMENT DE VIE DE CÉLIBATAIRE : «Cette pratique ne fait pas partie de nos traditions et de notre religion»
Oustaz Aliou Sall se veut formel sur la pratique d’enterrement de vie de célibataire. «Pour la religion musulmane, celui qui n’a pas encore de femme n’a pas le droit de s’amuser avec qui que ce soit. Cela est valable aussi pour la femme. Cela veut tout simplement dire que ni le futur marié, ni la future mariée n’ont le droit d’organiser ce genre de soirée à la veille de leur mariage. La religion musulmane recommande aux futurs mariés d’attendre le jour du mariage pour fêter leur future vie. Autrement, elle ne reconnaît aucune célébration avant le mariage. Ce genre de fête n’a pas sa place dans la religion. Elle n’est pas recommandée d’autant qu’il peut s’y passer des choses bannies par la religion. Quand un homme épouse une femme, il a le droit de la recevoir chez lui avec une grande fête. Il peux immoler des moutons à son honneur, acheter de la boisson et organiser des festivités. Mais de là à vouloir copier les occidentaux, en buvant, en couchant avec d’autres femmes, ou en prenant de la drogue, c’est interdit par l’Islam. Même si cela n’empêche pas le mariage d’être légal. Je recommande aux jeunes de rompre avec cette nouvelle pratique et de retourner à nos valeurs religieuses et coutumières. Car c’est mieux que de copier la culture d’autrui dans les réseaux sociaux et autres