QUAND L’ÉDUCATION AIDE À SURMONTER LE HANDICAP ET LES PRÉJUGÉS
Problèmes de vision et environnement scolaire hostile sont quelques-unes des entraves à l’éducation des enfants albinos. Toutefois lorsque ces difficultés sont éliminées, l’enfant pourra réaliser son potentiel et aspirer à un avenir prometteur.

Problèmes de vision et environnement scolaire hostile sont quelques-unes des entraves à l’éducation des enfants albinos. Toutefois lorsque ces difficultés sont éliminées ou mieux gérées, l’enfant pourra réaliser son potentiel et aspirer à un avenir prometteur. En cette journée mondiale de l’albinisme célébrée ce 12 juin, Emedia a passé la journée avec Fatbintou, une élève modèle qui surmonte admirablement les difficultés liées à cette condition.
C’est jour de composition au collège Hyacinthe Thiandoum. Sous la vigilante surveillance de M. Sambou, l’ordre règne dans cette classe de 4ème de cet établissement privé catholique. Avec discipline, les élèves vont mettre leurs sacs près du tableau de sorte qu’il ne subsiste sur les tables-bancs que la feuille de devoir et le stylo. En tant que responsable de classe, c’est à Fatbinetou Diop que revient la tâche de recopier au tableau le contenu du test d’informatique. On découvre à travers sa démarche assurée, ses gestes posés et son visage serein, une assurance qui dépasse son jeune âge.
À 13 ans, cette jeune fille studieuse et sociable fait l’unanimité autour de sa personne. « Elle est toujours dans le club de l’excellence et dans le tableau d’honneur. Elle est responsable de classe depuis la 6ème et maintient l’ordre auprès de ses camarades quand le Professeur est absent », témoigne Mme Faye, Préfet des classes de 4ème et 3ème. Elle finit le test assez vite et révèle, sans se départir de son sourire discret, que “Ce n’était pas difficile”. En réalité, elle était dans son élément.
Très douée en Mathématiques et Informatique, elle projette de faire carrière dans la mécanique ou l’Informatique. Elle est optimiste pour l’avenir et ne se fixe aucune limite. “J’ai mes rêves et je vais continuer à travailler dur pour les atteindre”, confie-t-elle. En elle, on ne décèle aucune trace de vulnérabilité ou de traumatisme juste de l’espoir et de la détermination. Son albinisme ne semble aucunement l’affecter. “Il n’y a aucune différence entre les autres et moi à part la couleur de ma peau. Pour le reste on a les mêmes capacités”.
Le chemin qui mène de la classe à la bibliothèque est bondée de monde. On devine, à travers les salutations et gestes amicaux des autres élèves, qu’elle est populaire. On ne manifeste envers elle ni hostilité, ni prévenance excessive. Elle baigne dans une normalité qui la réconforte. “Dans cette école, on insiste sur l’éducation sociale. Les élèves sont sensibilisés et bien éduqués. Il n’y a pas de place pour la discrimination et l’exclusion sociale”, explique Mme Faye. On arrive à la bibliothèque et en habituée des lieux, elle s’installe confortablement avant de révéler qu’à cause de ses problèmes de vision, elle s’assoit toujours devant. Cependant, elle se garde de s’attarder sur ce point négatif et révèle putôt qu’elle se sent comme un poisson dans l’eau dans cette école.
Des débuts difficiles
Pourtant, sa vie n’a pas été exempte de coups durs. Quand elle était enfant à Thiès, une école a refusé de l’admettre. « Ils ont accepté mon frère mais ont clairement fait savoir à mes parents qu’ils n’avaient jamais eu d’élève albinos et qu’ils ne sauraient pas comment gérer ça. » Pendant des semaines, elle reste seule à la maison avant qu’on ne finisse, après de constants efforts de ses parents et l’aide de quelques bonnes volontés, à lui trouver une école qui l’accepte. Elle est cependant exposée aux regards inquisiteurs et au rejet de certains élèves qui ne veulent pas la fréquenter ou s’asseoir à ses côtés. « Au début ça me faisait mal mais j’ai fini par m’habituer », se souvient-elle.
Finalement, elle quitte la famille à Thiès et vient s’installer à Dakar chez la sœur de son père qui l’inscrit à Hyacinthe Thiandoum. Là aussi, les débuts sont difficiles. Étant timide, elle sort rarement de la classe pendant la récréation et doit faire face au comportement de certains élèves qui la jugent ou la rejettent. « Je me souviens qu’une élève déconseillait aux autres de me fréquenter parce que je dois surement être sale », se souvient-elle avec tristesse avant de préciser qu’il s’agissait d’un acte isolé davantage motivé par l’ignorance que par la méchanceté. Il faut dire qu’elle a fini par se faire beaucoup d’amis auprès des élèves tandis que tous les professeurs sont conquis par sa discipline, son mental et son intelligence. “Elle est une fierté pour l’école”, admet Mme Faye qui souligne que son environnement familial est à la source de cette réussite que l’école a aidé à cristalliser.
Un environnement familial sain
En effet, Fatbintou a grandi dans une famille soudée qui l’encourage. Son père, Mouhamadou Bamba Diop est le Président de l’Association Nationale des Albinos du Sénégal (ANAS). Il est très actif dans la lutte en faveur des personnes albinos et a même aidé à construire à Thiès un centre d’accueil pour enfants albinos. Les deux petits frères des Fatbintou sont aussi atteints d’albinisme tandis que sa mère, sa grande sœur et son grand frère ne le sont pas. Néanmoins, ces différences n’entravent en rien l’harmonie familiale qui a fait d’elle une personne positive. Elle est toujours très heureuse de retourner à Thiès durant les vacances. La tante avec laquelle elle vit à Dakar veille scrupuleusement à ce qu’elle ait une vie équilibrée partagée entre les études et des activités ludiques.
À travers la vie de cette jeune fille on voit qu’un environnement familial et scolaire sain et protecteur peut permettre à un enfant albinos de réaliser son potentiel et de se rendre utile à son pays. Malheureusement, Fatbineou est une exception. Beaucoup d’autres enfants sont privés de scolarité et ne reçoivent pas le soutien nécessaire pour voler de leurs propres ailes.