TELIKO ENTENDU SUR SES DECLARATIONS DANS L’AFFAIRE KHALIFA SALL
C’est un patron de l'UMS d’attaque, prêt à l’offensive contre la chancellerie, qui est ressorti hier de son audition devant l’Inspection Générale de l’Administration de la Justice (Igaj)

C’est un Souleymane Teliko d’attaque, prêt à l’offensive contre la chancellerie, qui est ressorti hier de son audition devant l’Inspection Générale de l’Administration de la Justice (Igaj). Face aux inspecteurs de l’Igaj qui l’ont accusé de violation d’obligation de réserve et de jeter le discrédit sur les juges en soutenant que les droits de Khalifa Sall ont été violés, le président de l’Union des Magistrats de Sénégal (Ums) a plaidé non coupable. Niant formellement ces accusations, il a jugé ridicule sa convocation avant de dénoncer une tentative de déstabilisation et d’intimidation de la part du garde des Sceaux.
« L’As » l’avait annoncé en exclusivité, Souleymane Téliko a été entendu sur les propos qu’il a tenus sur I radio à propos du procès de Khalifa Sall du nom de l’ancien maire de Dakar condamné dans le cadre du dossier dit Caisse d’avance de la mairie de Dakar. Sur saisine du ministre de la Justice Me Malick Sall, les inspecteurs de l’Igaj ont auditionné hier pendant trois tours d’horloge le juge Souleymane Teliko. Assisté de ses deux conseils Mes Ciré Clédor Ly et de Demba Ciré Bathily, le président de l’Ums a été interrogé sur ses propos selon lesquels les droits de Khalifa Sall ont été violés lors de son procès dans le cadre de la caisse d’avance de la Mairie de Dakar. En effet, les «enquêteurs» de l’Igaj lui reprochent, à travers cette déclaration, d’avoir violé son obligation de réserve et jeté le discrédit sur les juges. Des accusations que le juge Téliko a battues en brèche en s’appuyant sur quelques arguments. Sur le premier point, il estime qu’on ne peut pas invoquer la notion d’obligation de réserve étant entendu que l’affaire Khalifa Sall relève désormais du domaine de l’autorité de la chose jugée. Autrement dit, ce dossier a été définitivement jugé. «Le ministre de la Justice sait pertinemment que je n’ai pas violé notre statut, il veut juste me chercher la petite bête. Dès l’instant que l’affaire est définitivement jugée, rien ne m’interdit d’en parler», commente au téléphone le patron de l’Ums avant d’ajouter : «Lorsque le dossier était en cours, je refusais d’en parler à chaque fois qu’on m’interrogeait».
«J’AI ETE CONVOQUE POUR DES BROUTILLES»
A ceux qui l’accusent par ailleurs de jeter le discrédit sur la justice et par ricochet de porter atteinte à l’honorabilité des magistrats, le juge Souleymane Téliko demande de faire le distinguo entre l’avis technique qu’on fait d’une affaire et le jugement de valeur sur une personne. «En partageant la décision de la Cour de justice de la Cedeao qui estime que les droits de Khalifa Sall ont été violés lors du procès, j’émets un avis technique et pose un débat scientifique sur une affaire. Il ne faut pas être dans le déni, il faut accepter de poser le débat scientifique. On ne peut pas me reprocher d’avoir porté atteinte à l’honorabilité des juges, car je ne fais aucun jugement de valeur sur un quelconque magistrat. Je me l’interdis d’ailleurs», soutient le président de l’Ums qui considère qu’on l’a convoqué pour des broutilles. Après avoir jugé ridicule sa convocation, il trouve particulièrement troublant le timing de la saisine de l’Igaj par le garde des Sceaux, Me Malick Sall.
A l’en croire, la saisine a coïncidé avec l’affaire Ngor Diop, du nom de celui qui était le président du Tribunal d’instance de Podor avant d’être muté à Thiès. «Depuis l’affaire Ngor Diop, le juge de Podor qui a été affecté de manière abusive, les magistrats ont décrypté les signes d’une stratégie de déstabilisation de l’Ums», dénonce Souleymane Téliko qui entrevoit dans sa convocation une tentative de déstabilisation et d’intimidation de la part de la Chancellerie. «Mais, cela ne passera pas. Cette déstabilisation est vouée à l’échec, car l’Ums en est insensible», martèle-t-il. Et de rappeler par ailleurs au garde des Sceaux que sa mission consiste à mettre en œuvre la politique du gouvernement dans le domaine de la justice. «Il ne doit pas s’immiscer dans le fonctionnement d’une association», dit-il. L’un de ses conseils, Me Ciré Clédor Ly, s’insurge contre la tentative d’intimidation dont font l’objet les magistrats de la part des autorités politiques. Pour Me Ly, «convoquer le président de l’Ums signifie s’attaquer à tous les magistrats».
SEYDI GASSAMA : «LES MAGISTRATS DOIVENT AVOIR UN SYNDICAT COMME EN FRANCE»
Le président de l’Amnesty International, Seydi Gassama suggère aux magistrats de disposer d’un syndicat comme c’est le cas en France. «Les magistrats doivent avoir un syndicat, car même en France les juges en ont. Ils doivent être au diapason», dit-il. Selon Seydi Gassama, le juge Téliko a le droit de se prononcer sur ce qui se passe au sein de la magistrature. «On sait bel et bien que c’est le ministre la Justice qui est derrière cette convocation. C’est le pouvoir qui manipule pour faire pression afin que l’Ums fasse profil-bas par rapport à tous ces questions comme notamment l’affaire Ngor Diop et le dossier de Khalifa Sall», souligne le sieur Gassama.