TRUCS ET ASTUCES DES VOYAGISTES POUR SE DEPLACER DANS LA SOUS-REGION
Alors que les frontières terrestres avec des pays voisins sont fermées et des tests de Covid-19 exigés pour entrer au Sénégal, le transport international de voyageurs via les corridors se poursuit. Reportage

Alors que les frontières terrestres avec des pays de la sous-région, y compris celles de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) sont fermées et des tests de Covid-19 obligatoires exigés pour entrer au Sénégal, histoire de limiter la propagation de la pandémie qui ne cesse de gagner du terrain, le transport international de voyageurs via les corridors se poursuit. Mais sous un autre modus operandi. Même si, depuis plusieurs mois, il est impossible ou presque de faire le direct Dakar-Bamako-Ouagadougou, Dakar-Bamako-Abidjan ou Dakar-Bamako-Cotonou… à cause des restrictions imposées par la présence du virus de la Covid-19, les citoyens de l’espace communautaire continuent la navette par la route entre le Sénégal, le Mali, la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Niger etc. et vice versa, sans trop de soucis. Sud Quotidien vous embarque pour ce voyage international sous-régional en mode Covid-19, à partir de la gare routière Les Baux Maraîchers de Pikine.
Vous allez où ? A Ndar ? Au Fouta ? En Casamance, Ziguinchor ? A Touba, Ndiarem ? A Kaolack, Fatick ? A Tamba ? A Kidira ? Au Mali, Côte d’Ivoire, Benin ? Ce sont des rabatteurs (coxeurs), chauffeurs et autres intermédiaires qui accueillent ainsi toute personne qui se rend à la gare routière interurbaine Les Baux Maraichers de Pikine. A pied ou en véhicule (taxi ou particulier), tout visiteur ou voyageur qui débarque aux Baux Maraichers à droit à cet accueil, dès l’entrée de ce haut lieu de transport public/privé de voyageurs, point de départ et d’arrivée de l’écrasante majorité de véhicules de transport en commun qui relient Dakar au reste du Sénégal. Et même des pays de la sous-région Ouest Africaine, par la voie terrestre. Des fois, ils ne disent même pas «bonjour» à leur interlocuteur ; ce qui les intéresse, c’est de connaître sa destination et de le conduire au tableau où sont stationnés les voitures (bus, minicars, taxis brousse – appelés 7places, c’est selon) qui y mènent. C’est leur gagne-pain : plus tu amènes des clients, plus tu peux gagner en commission. Ici, déjà à 500 m de la gare routière, ces intermédiaires, comme s’ils ont le flair, «prennent d’assaut» les potentiels voyageurs ou clients qui ont souvent comme l’impression d’être harcelés. Tellement ils assaillent les futurs passagers de questions, leur demandant avec insistance où ils veulent se rendre. Parmi eux, un transporteur qui criait à tue-tête Mali, Bénin, Côte d’Ivoire… Lui, il s’intéresse aux clients à destination de pays de la sous-région.
En effet, malgré la fermeture des frontières terrestres entre le Sénégal et ses voisins, à l’exception de la Gambie que les voyageurs en partance ou en provenance des régions méridionales (Sédhiou, Kolda et Ziguinchor) traversent facilement, les transporteurs ont trouvé un nouveau modus operandi pour convoyer des personnes et leurs biens vers de nombreux pays de la sous-région. C’est l’objet de notre déplacement. Nous nous rapprochons de certains acteurs. Après les salutations d’usage, il a suffi que nous nous présentions comme journaliste voulant savoir comment cela se passe, en cette période de propagation du coronavirus (Covid-19) et ou les frontières terrestres restent toujours fermées, pour que nos interlocuteurs se rétractent. «Désolé, on ne parle pas aux journalistes» ; c’est la consigne. Et pourtant c’est clair : les appels des coxeurs à destination des certains pays (Mali, Côte d’Ivoire, Bénin, Burkina Faso…) en disent long sur la continuité de ce voyage à travers la sous-région via la voie terrestre.
UNE NAVETTE QUI CONTINUE SOUS UN NOUVEAU PROCEDE, MALGRE LA COVID-19 ET LA FERMETURE DES FRONTIERES
Dès lors, pour percer ce «mystère», il va falloir se présenter comme… client. Nous nous rapprochâmes ainsi d’un chauffeur à la recherche de clients pour demander des renseignements. Pour ce transporteur qui a requis l’anonymat, la navette n’a jamais arrêté. Au contraire, depuis la reprise du transport interurbain, suspendu de mars à fin juin 2020 conformément aux mesures de restrictions prises dans le cadre du premier état d’urgence assorti de couvre-feu décrété pour circonscrire la première vague de Covid-19, les acteurs de ce transport international ont repris du service. «Nous n’avons pas arrêté. C’est impossible, nous vivons de cela. Et l’Etat ne nous propose rien à la place. Et puis, c’est au bénéfice de tout le monde ça. On ne sait pas quand la pandémie va finir. Ils pouvaient juste nous exiger le respect des mesures barrières ; comme ici à Dakar, le transport interrégional continue dans les autres pays. Déjà nous respectons les mesures édictées et les faisons respecter par nos clients», informe ce transporteur. Ainsi, pour ce voyage à l’international, l’on procède par étapes. Par exemple, ceux qui vont au Mali, Côte d’Ivoire, Bénin, Burkina Faso…, une fois à Kidira, pour traverser la frontière, ces voyageurs utilisent des motos. Pas de contrôle nécessaire. «Vous savez, nous sommes très organisés. Quand le client vient et achète le billet, nous envoyons son nom à nos agents qui sont sur place, à la frontière. Une fois à la frontière, la voiture ne traverse pas. Nous prenons les passagers en provenance du Mali et nous les amenons ici au Sénégal. Et nos autres voitures prennent les clients du Sénégal à destination du Mali et les autres pays. Les passagers traversent le pont et les bagages sont transportés par des motos pour entrer dans l’autre territoire.»
5000 F CFA A LA FRONTIERE POUR TOUT RESSORTISSANT DE LA CEDEAO SE RENDANT DANS UN ETAT AUTRE QUE SON PAYS D’ORIGINE
A la question de savoir comment ils font face aux forces de l’ordre aux différentes frontières, il répond qu’ils gèrent. Telle une «directive communautaire implicite», partout au niveau des frontières entre deux pays de la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), le constat et l’approche sont le même ou presque. A titre d’exemple, une fois à Kidira (Sénégal) ou Diboli (Mali), le Malien qui retourne dans son pays ou le Sénégalais qui rentre au bercail n’est pas inquiété. Par contre, le citoyen communautaire désireux de rentrer dans un pays autre que le tient, est verbalisé. Il est contraint de payer jusqu’à 5000 F CFA. «(…)
Pour les bagages, nous gérons ça. Mais pour les personnes, c’est à eux-mêmes de payer. Si, par exemple, tu es Malien, une fois à Kidira tu ne payes rien pour entrer au Mali. Mais pour un Sénégalais, tu payes 5000 F CFA. Si tu es Malien aussi, tu payes pareil pour entrer au Sénégal, alors que les Sénégalais ne payent rien pour entrer dans leur pays d’origine», confie notre interlocuteur. C’est pourquoi, pour gagner du temps, ces frais sont inclus dans le billet, pour le voyage, qui a connu une hausse. Aussi, le nombre de jours que durent les trajets ont augmenté. Ainsi, alors qu’il fallait 3 jours pour arriver à Cotonou au Bénin, au départ de Dakar, avant l’avènement de la Covid-19 avec comme corollaire la fermeture des frontières terrestres, actuellement il en faut 5. «Maintenant, pour gagner du temps, nous expliquons cela à nos clients en amont et on tire ça dans le billet ; comme ça on gère tout le trajet nous-mêmes, c’est plus simple. Mais si le client refuse de l’inclure dans le billet, c’est son problème ; une fois à la frontière, même si on lui demande le double, il va payer et nous on ne va pas intervenir. Et c’est pour ça que le transport a augmenté. Avant la pandémie à Covid-19 pour aller au Mali, c’était 25.000 F CFA. Maintenant, c'est 35.000 F CFA. Pour aller au Bénin, c’était 65.000 F CFA et maintenant c'est 100.000 F CFA parce qu’il y’a deux frontières fermées : Kidira et Cotonou. Et avant cela, on faisait 3 jours de voyage, mais maintenant on passe 5 jours en route», pour le trajet Dakar Cotonou, explique d’emblée le voyagiste.