UNE VIE DÉDIÉE AUX RELATIONS INTERNATIONALES
Célébration de la naissance de cheikh Ibrahima NIASS

Les fidèles musulmans célèbrent aujourd’hui, à Taiba niasséne, l’anniversaire de la naissance de Cheikh Al Islam El hadji Ibrahima Niasse né en1898, Baye Niasse, comme l’appellent ses disciples, était une grande figure de l’Islam. Mais ce qui est moins connu de lui, c’est que le détenteur de la Fayda (effusion spirituelle) de Cheikh Ahmad Tidiane a voyagé partout dans le monde pour répandre la bonne parole. Il entretenait également de bonnes relations avec de nombreux chefs d’Etat comme Gamal Abdel NASSER d’Egypte, Dr Kwamé Nkrumah du Ghana ou encore Tito de la République fédérative de la Yougoslavie.
On reproche souvent aux maîtres soufis d’être des personnes qui ne s’occupent pas des affaires de la cité. C’est tout le contraire de la vie de Baye Niasse, faite de voyages dont la plupart sont compilés dans ses fameux «Rikhlaas» (carnets de voyages) et de rencontres avec les géants politiques de ce monde. De La Mecque, où il s’est rendu plus de 20 fois, au Nigéria, en passant par le Liban, la Chine, la France et Londres où il a rendu l’âme, le fils de Mame Abdoulaye Niasse et Sokhna Astou Dianka était toute sa vie durant au rendez-vous du donner et du recevoir. Né en 1898, Baye Niasse, comme il le Disait lui même dans ces écrits et pendant les Gamous, n’a eu qu’un seul maître en matière d’enseignement de l’Islam. C’est son père Mame Abdoulaye Niasse qui était à l’époque l’un des plus grands érudits de la Sénégambie. Après le décès de son père en 1922 (à l'âge de 76 ans), il n'étudia plus chez aucun maître. Et pourtant la totalité des savants qu'il a croisés, durant ses longs et riches périples ont confirmé l'excellence et la vastitude de son savoir plus qu'encyclopédique. Il commença l'exégèse du Coran avec une maîtrise et une originalité stupéfiantes. Baye Niasse possédait de très belles et nobles qualités, toutes marquées du sceau de la complétude. Lesquelles suscitaient l'attirance de tous ceux qui le connurent. Il entretenait des relations avec des personnes de nationalités différentes. Il ne prodiguait que les meilleures paroles et était d'une grande générosité. Il était véridique et son cœur pur était rempli de crainte pieuse.
Au-delà de sa dimension spirituelle reconnue par toute la communauté musulmane, Baye Niasse était presqu e «un diplomate de carrière». En effet, ses périples dans le monde l’ont amené à côtoyer les grands hommes politiques de la période de la guerre froide. Eux avec leurs habits d’hommes de pouvoir, et lui drapé de son intention de répandre les vertus universelles de l’Islam à la lumière des enseignements de son guide Cheikh Ahmad Tidiane.
GAMAL ABDEL NASSER : LE CHANTRE DU PANARABISME
Gamal Abdel Nasser est un homme d'État égyptien. Il fut le second président de la République d'Égypte, de 1956 à mort. À la tête de l'Égypte, il mena une politique socialiste et panarabe appelée nassérisme. Ainsi, la neutralité de l'Égypte Durant la guerre froide causa des tensions avec les puissances occidentales qui refusèrent de financer la construction de barrage d'Assouan. Nasser répliqua en nationalisant la compagnie du canal de Suez en 1956. Le Royaume-Uni, la France et Israël organisèrent une offensive pour reprendre le contrôle du canal, mais furent contraints de se replier sous la pression conjointe des États-Unis et de l'Union soviétique. Cet incident accrut considérablement la popularité de Nasser, notamment avec son fameux discours à Al Ahzar où il promettait de ne jamais fuir devant ces offensives. C’est dans ce contexte, souligne le Pr Baye Mar, conférencier et spécialiste des relations internationales, que Cheikh Ibrahima Niasse avait commencé à avoir de la sympathie pour le Président Nasser. «Ce qui va accélérer la rencontre entre Cheikh Al Islam et le Président Nasser, c’est la venue d’un célèbre journaliste égyptien de l’époque, appelé Jamil Arif, au Sénégal pour faire un reportage à Medina Baye sur Baye Niasse», déclare l’islamologue. Poursuivant son récit, il soutient: «De retour en Egypte, il écrivit dans son journal dénommé Al Moussawa qu’il a vu un guide de l’Islam qui a beaucoup de disciples en Afrique de l’Ouest, et c’est quelqu’un qui est contre le colonialisme. C’est à partir de cette époque aussi que Baye Niasse est entré dans le cœur des Egyptiens». C’est en lisant cet article du journaliste égyptien sur Cheikh Ibrahima Niasse, explique Pr Mar, que le Président Nasser a invité le Cheikh en Egypte. Baye Niasse accepta l’invitation. «C’est lors de ce séjour aussi que Baye Niasse a dirigé la prière dans la grande mosquée d’Al Ahzar. Une chose inédite pour quelqu’un qui n’a pas fait ses humanités dans cette prestigieuse université, fondée en 970, et qui a formé plusieurs grands savants de l’Islam. Nasser dira plus tard qu’il était convaincu d’avoir rencontré l’homme qui diffuserait sa pensée, sa vision panarabe et anticoloniale Afrique subsaharienne», renseignait Oustaz Barham Diop qui était du voyage.
Au nom de cette relation d’amitié, le Président égyptien avait offert de nombreuses bourses à des étudiants sénégalais.
KWAMEH Nkrumah : LE PANAFRICANISTE
Un autre grand défenseur de l’Afrique a eu à commercer avec Cheikh Ibrahima Niasse. Il s’agit de Kwamé Nkrumah, indépendantiste et panafricaniste, qui a dirigé le Ghana indépendant en tant que Premier ministre de 1957 à 1960, puis en tant que Président de 1960 à 1966. Evoquant les relations de Baye Niasse avec ce panafricain convaincu, le Pr Barham Diop rapporte: «Baye Niasse était de passage à Accra et Kwamé Nkrumah vint le voir nuitamment, alors que le Cheikh était en train de recevoir une effusion spirituelle, et il lui a demandé ses vœux ; et il a répondu qu’il veut libérer la Gold Coast du joug anglais et la développer». De l’avis du Pr Diop, Baye Niasse lui a demandé de respecter la foi des musulmans ghanéens avant de prier pour lui. Le 12 juin 1949, avec le soutien de l'organisation de la jeunesse de l'UGCC, Nkrumah annonce, devant 60000 personnes, la fondation d'un nouveau parti, la Convention People's Party (CPP). Souhaitant l'indépendance, Nkrumah appelle au boycott et à la désobéissance civile, ce qui lui vaut d'être arrêté par les autorités britanniques en 1950 et condamné à trois ans de prison. En dépit de son incarcération, Nkrumah profite d'une faille juridique pour être candidat à Accra central et y obtient 95 % des voix. Il est finalement libéré et désigné pour constituer un gouvernement. En 1961, c’est-à-dire 4 ans après l’indépendance du Ghana, il invite officiellement Baye Niasse. Par ailleurs, il avait aussi des relations avec le général Tito de la Yougoslavie etle roi Fayçal d’Arabie Saoudite. Son engagement lui a valu d’être élu, en 1960, membre du Conseil supérieur de l'Organisation du Bien-être islamique au Caire, puis membre de l'Académie de Recherches de l'Université d'Al-Azhar de la communauté des érudits en islamologie, et du Conseil islamique supérieur de l'Algérie.
Ce digne fils du Saloum était aussi vice-président du Congrès mondial islamique et membre de la Conférence générale de l'Académie de recherches islamiques sise au Caire. Il participe à la conférence tenue à Accra sur le thème : «Le monde sans bombe atomique». Des rencontres qui montrent à suffisance qu’il n’était pas simplement un soufi, un guide, mais aussi un panafricaniste convaincu.