URGENCE CLIMATIQUE ET EXPLOITATION DU PETROLE ET DU GAZ AU SENEGAL
Des acteurs de la société civile proposent de construire un compromis dynamique

Comment exploiter les ressources fossiles du Sénégal tout en prenant en compte l’urgence climatique ? Huit organisations de la société civile sénégalaise ont posé le débat en interpellant les autorités publiques à intégrer ce paramètre dans le déploiement de leur politique. Elles proposent d’ailleurs d’arrêter un plan de sortie des énergies fossiles.
«Exploiter le pétrole et le gaz en pleine période d’urgence climatique». Le Sénégal est appelé à relever ce défi et à l’intégrer dans son système de gouvernance. Mais il faudrait auparavant que les autorités publiques aient cette volonté ou qu’elles soient poussées à prendre en compte cet état de fait. Quoi qu’il en soit, huit organisations sénégalaises ont pris leur bâton de pèlerin afin que les raisons économiques ne prévalent pas sur la nécessité de préserver l’environnement. Il s’agit de LEGS-Africa, Action pour la Justice Environnementale (AJE), Femmes, Enfance, Environnement (FEE) ; Green Senegal, Lead Senegal, Alliance des Acteurs et Métiers des Energies au Sénégal (AMES), et Lumières, Synergie et Développement (LSD).
Selon eux, la problématique des changements climatiques appelle à une conscience renouvelée sur notre modèle économique. En marge des conclaves de Glasgow, ces organisations citoyennes et écologiques sénégalaises se mobilisent autour de l’urgence climatique pour alerter l’opinion publique, les pouvoirs publics et l’ensemble des acteurs sur les enjeux contemporains. Elles rappellent à l’Etat du Séné- gal l’ampleur des engagements antérieurs et la mesure de ses engagements postérieurs face à l’urgence de la limitation des taux d’émissions de gaz à effet de serre, dans un contexte où l’Etat du Sénégal s’engage à dé- marrer à partir de 2023 une production importante de gaz et de pétrole. Ces acteurs de la société civile disent être fortement préoccupés par l’emballement climatique de la planète et son cortège de conséquences en Afrique en général et au Sénégal en particulier. Ils disent être également préoccupés par les impacts négatifs observés montrant une tendance à la baisse de la pluviométrie, une hausse des températures moyennes, une élévation du niveau de la mer, des perturbations sur la disponibilité des espaces cultivables, des ressources hydrauliques et halieutiques. Non sans pointer du doigt la vulnérabilité des écosystèmes au Sénégal, nécessitant un recours à des actions précises d’atténuation et d’adaptation face aux perspectives climatiques futures, afin d’en maîtriser les impacts potentiels, notamment en termes socio-économiques. Elles disent également relever la fréquence des événements extrêmes (vagues de chaleur, pluies hors saison, perte de terres cultivables) affectant principalement les zones situées au nord et à l’est du Sénégal (Diéry, Sénégal oriental Linguère, etc.)
NIVEAU D’EMISSIONS GLOBALES DE CO2 AU SENEGAL
Par ailleurs, toujours dans leur déclaration parvenue à «L’AS», Legs Africa et Cie estiment que depuis 2010, les émissions globales au Sénégal s’établissaient à 16 752 Gg de C02 équivalent et celles qui connaîtraient une progression régulière, pour atteindre 37 761 Gg, d’ici 2030 si aucune action n’est faite. Et que pendant ce temps, notent-elles, le Sénégal est toujours résolu à poursuivre l’exploitation du pé- trole et du gaz à travers au moins deux Décisions Finales d’Investissements (DFI) signées, avec une projection de début de production en 2023. Même si le président de la Ré- publique du Sénégal soutient que le gaz sera utilisé comme une énergie propre, pour en faire un levier de la transition énergétique, cela n’empêche pas, selon ces organisations, de mettre en œuvre une Stratégie claire et concertée, des politiques et outils juridiques permettant de réduire considérablement les émissions carbones. Elles prônent de mieux encadrer la gouvernance environnementale des projets pétroliers, à travers des études d’impact environnementales et sociales régulières, une gestion inclusive des Plans des Gestions environnementale et sociale (PGES) des exploitations en cours, et une réévaluation des impacts et des externalités négatives des projets pétroliers et gaziers avant l’octroi de nouvelles Décisions Finales d’Investissement.
«ARRETER UN PLAN DE SORTIE DES ENERGIES FOSSILES»
Legs Africa et Cie, disent être conscientes de l’importance des besoins en énergie pour atteindre les objectifs du Plan Sénégal Emergent et le poids de la dépendance à ces énergies importées, dans la balance de paiement du Sénégal. Pour autant, elles estiment que l’empreinte écologique des énergies fossiles, du fait que les combustibles fossiles sont la principale cause de l’urgence climatique. «Charbon, pétrole et gaz sont responsables de près de 80 % de toutes les émissions de dioxyde de carbone depuis le début de la révolution industrielle », lit-on dans leur note parvenue à la rédaction. A les en croire, l’option d’une croissance économique essentiellement basée sur l’exploitation intensive des combustibles fossiles s’avère désuète et en déphasage avec le contexte d’urgence climatique. Ces organisations citoyennes et écologiques appellent ainsi les autorités à privilégier les solutions alternatives et à encourager les porteurs de projets pétroliers en cours, à adopter des techniques visant à réduire les émissions de CO2 à défaut de les éradiquer. Elles les incitent également à orienter une partie importante des revenus pétroliers escomptés vers le financement de la transition énergétique. Non sans mettre en place un protocole exigeant d’encadrement des émissions de GES dans le cadre des nouveaux projets pétroliers en cours d’exploration. En définitive, elles pensent qu’il faut arrêter un plan de sortie des énergies fossiles en raison de leur absence de durabilité, et accentuer la promotion des énergies renouvelables à travers leur prise en charge correcte dans les différents budgets sectoriels et la planification locale.