LA BIBLIOTHEQUE DE VERSON S’«APPROPRIE» LES ARCHIVES DE SENGHOR POUR LES SAUVER DE L’USURE
Normandie : considérant le Sénégal comme «mauvais» archiviste

Un pays qui néglige ses archives est un pays sans mémoire. Et le Sénégal en est un ! Considérant sans doute notre pays comme un « mauvais » élève en matière d’archivage, Mme Colette Senghor a fait don des archives personnelles de feu Léopold Sédar Senghor à la bibliothèque de Verson (Normandie). Un budget de 180.000 euros/an soit 117 millions cfa a été voté par la municipalité de cette ville pour dépoussiérer, revaloriser, protéger et gérer ce riche patrimoine culturel du premier président du Sénégal indépendant, Léopold Sédar Senghor, et de son épouse née Colette Hubert. Un geste de sauvetage que « Le Témoin » apprécie à sa juste valeur !
Avec ses quelque 4.000 habitants, Verson est une petite commune française située en région Normandie. C’est dans cette paisible bourgade que le président Léopold Sédar Senghor, en compagnie de son épouse normande Mme Colette Hubert, s’était définitivement retiré à son départ du pouvoir, en 1981 jusqu’à sa mort en décembre 2001. Il y a de cela 17 ans ! Premier président de la République du Sénégal, homme politique, poète, écrivain et membre de l’Académie française, Léopold Sédar Senghor avait gardé dans sa propriété familiale de Normandie ses archives personnelles d’une exceptionnelle richesse. Dans presque tous les compartiments de la résidence, on trouvait des cartons renfermant des milliers de correspondances, d’écrits, de photos, de livres et de documents. Ainsi que des vêtements et objets d’art personnels. Ne pouvant plus s’en occuper personnellement, la veuve Colette Senghor avait déploré le fait que toutes ces archives aient été conservées dans de mauvaises conditions. Un ex-employé du personnel domestique sénégalais de Normandie nous souffle que sous le poids de l’âge, Mme Senghor n’a plus les capacités physiques d’entretenir les archives de feu Léopold Sédar Senghor .« La preuve, les documents et les objets commencent à s’abîmer au cours du temps » se désole notre compatriote avant de nous renvoyer à un numéro du journal « Actu/Normandie » où Mme Colette Senghor sollicitait en 2015 le maire de Verson pour lui léguer le riche patrimoine culturel que constituent les archives de son défunt mari afin de le sauver de l’usure. Morceaux choisis : « Et si je vous donnais mon patrimoine ?». Une question qui aurait été posée par Mme Senghor, elle-même, au maire de la ville de Verson, Michel Marie. Une proposition que le maire avait acceptée comme une évidence : « Quand Mme Senghor manifeste l’intention de léguer ses archives, on ne peut logiquement qu’être d’accord !» expliquait l’édile à ses élus locaux. En acceptant cette demande, le premier magistrat de la petite commune de Verson avait fait voter un budget de 180.000 euros/an soit 117 millions cfa visant à aménager un espace « Senghor » dans la bibliothèque communale. Un espace ayant pour but de revaloriser, protéger et gérer ce riche patrimoine culturel des Senghor pour l’éternité. D’ailleurs, lors du premier jour d’assemblée plénière de la Région-Basse Normandie, lit-on dans Actu/Normandie, les élus locaux ont adopté à l’unanimité un plan de « mesures d’urgence » pour dépoussiérer et protéger ces archives personnelles appartenant à Léopold Sédar Senghor qui fut citoyen d’honneur de la région de Normandie.
«Le jour où j’ai ouvert les caisses d’archives…»
Selon le maire de Verson, le jour où il a ouvert les caisses d’archives, il est tombé sur des photos inédites et exceptionnelles où le président Senghor pose avec des personnages planétaires tels que Gandhi, Kennedy, la Reine d’Angleterre etc « Je dirais qu’au total, il y avait 50 m3 de caisses… Vraiment Senghor était un homme qui a traversé les siècles ! Il y a aussi des correspondances avec Aimé Césaire, par exemple. Hélas, beaucoup d’entre elles étaient attaquées par les « poissons d’argent »,cet insecte qui détruit le papier notamment » déplorait le maire de la commune au lendemain de la réception des archives. Après avoir constaté le mauvais état de ces documents, le maire avait souhaité s’entourer de différents partenaires pour préserver l’intégrité du patrimoine et sa mise en valeur. Pour y parvenir, il a solliciter l’État et la Région Normandie pour nouer une convention de partenariat avec différents acteurs comme le Conseil départemental du Calvados, la Communauté de Caen la Mer, l’Université, l’Établissement public de coopération culturelle, La Fabrique de patrimoines etc. Inutile de vous que cette convention collective a été signée et adoptée à l’unanimité en octobre 2015. Néanmoins, le maire de Verson a tenu à préciser que le patrimoine n’est pas la propriété des partenaires, mais appartient à Madame veuve Colette Senghor. « Les travaux qui seront menés dans le cadre de cette convention nécessitent le plus scrupuleux respect de ce patrimoine et une information très régulière de Mme Senghor ou de ses représentants habilités sur les opérations engagées » avait insisté la municipalité de Verson à l’endroit du grand public.
Au Sénégal des «rats» d’archives !
Le Sénégal est-il un pays de mauvais conservateurs au point de pousser Mme Colette Senghor à léguer les archives de son défunt époux à la bibliothèque de Verson ? La question semble avoir trouvé sa réponse lors des obsèques nationales de Jules François Bocandé. Lorsque cette icône de l’équipe nationale de football avait tiré sa révérence, ni la Rts encore moins la direction des archives nationales du Sénégal n’était en mesure de faire passer la moindre archive sonore et audiovisuelle sur le défunt François Bocandé. Pire, le fameux match historique et qualificatif Sénégal Zimbabwe en 1985 livré par Bocandé et ses trois buts, n’était pas gardé dans les « archives » de la Rts. Pour sauver la face ou l’écran, il a fallu se démêler auprès vers l’Institut National de Audiovisuel (Ina) pour y avoir quelques extraits de Bocandé. Les images des finales de la Coupe du Sénégal de football des années 70 et 80 jouées dans le mythique stade Demba Diop et souvent présidées par le président Senghor, n’en parlons pas ! Tout a disparu…. Mais comment une institution aussi prestigieuse et stratégique que la Rts, créée 1973 et dépositaire de la mémoire du Sénégal, peut-elle souffrir ne pas disposer d’archives des grands moments de l’histoire de notre pays ? Renseignements pris, on nous explique que la quasi-totalité des cassettes ou films contenant des archives audiovisuelles de l’ex- Office de Radiodiffusion Télévision du Sénégal (Orts) ont été volontairement effacées ou dans le pire des cas, dérobées par des agents irresponsables. Et d’autres archives ont été également détruites ou arrosées par les pluies lors du grand déménagement de la Rts vers le Triangle Sud. Ainsi se sont effondrés plusieurs pans de notre patrimoine culturel ! En tout cas, Mme Colette Senghor ne savait pas si bien choisir en léguant ses archives aux « toubabs » de la région Normandie. Là, nous sommes convaincus qu’il y aura moins de rats et de « rats » d’archives… Le « musée Léopold Sédar Senghor » abrité par les « dents de la mer », la résidence de l’ancien président située sur la Corniche, se contentera donc de ses maigrichonnes collections car n’ayant pas été jugée digne d’abrier les précieuses archives personnelles du premier président du Sénégal indépendant ! Ah, les Nègres et les archives…