PROMOTEURS ET ARCHITECTES S'AFFRONTENT SUR LA CORNICHE OUEST DE DAKAR
Des années de frénésie immobilière ont bétonné le front de mer de la capitale. Pour mettre fin au far west, les autorités cherchent une voie entre essor économique et protection du littoral

Vestige d’un autre temps, le phare des Mamelles – construit en 1864 sur l’une des deux collines volcaniques qui offrent à la capitale son unique relief – est désormais cerné. À ses pieds, face à l’Atlantique, un monstre de béton a pris ses quartiers à l’orée de la route des Almadies. Telle une verrue protubérante sur le visage de Miss Sénégal, le bâtiment flambant neuf doit héberger le nouveau siège de la Caisse des dépôts et consignations (CDC). À quelques centaines de mètres de là, une clinique privée s’est incrustée à flanc de falaise, en surplomb de la mosquée de la Divinité. Et un homme d’affaires influent prévoit de compléter le tableau avec la construction d’un nouvel hôtel. De quoi achever de défigurer ce panorama, autrefois idyllique.
Depuis longtemps, tel un cancer qui métastase, la frénésie immobilière a rongé la corniche Ouest de Dakar : hôtels, villas et bâtiments monumentaux défigurent le littoral, empêchant même les habitants d’accéder à la plage. Pour Moctar Ba, le président de la Plateforme pour l’environnement et la réappropriation du littoral (Perl), le projet d’aménagement de la corniche Ouest – annoncé par le gouvernement en juin 2020 – est une bien maigre consolation au regard des dommages déjà causés.
Impératifs économiques
Ces dernières années, toutefois, l’ancien expert-comptable a repris espoir. « Lors de la dernière campagne présidentielle, au début de 2019, nous avons adressé aux cinq candidats un Pacte politique pour sauver le littoral du Sénégal. Quelques mois plus tard, j’ai pu évoquer cette question lors du dialogue politique. »
Convié sur les plateaux de télévision à cette occasion, Moctar Ba incite alors les responsables politiques à sortir d’une longue léthargie. Des discussions fructueuses s’engagent avec Abdou Karim Fofana, alors ministre de l’Urbanisme, du Logement et de l’Hygiène publique. Celui-ci l’invite à présenter ses propositions devant les cadres de son ministère. Il publiera même une longue tribune dans laquelle il s’efforce de concilier les impératifs économiques et les préoccupations environnementales . « Des centres commerciaux de Copa Cabana aux hôtels de La Rochelle, en passant par les aménagements payants de la corniche d’Abu Dhabi, tous les pays disposant d’un atout littoral l’exploitent selon des ratios hôtels-accès public-plages de pêcheurs-aménagements… L’enjeu réside dans l’optimisation de cette exploitation », écrit-il.