FOCUS SUR LES REINES DE LA DÉBROUILLE DE DIAOBÉ
Au marché central de Diaobé, dans le département de Vélingara, région de Kolda, de braves femmes excellent dans le commerce de produits locaux pour sortir leur fratrie de la pauvreté et de la misère

« On ne naît pas pauvre, on le devient ». Fatoumata Barry porte en bandoulière cette formule lapidaire érigée en devise et qui guide ses frêles pas depuis son enfance. Orpheline ayant grandi dans les ruelles abruptes et crasseuses de Diaobé, dans le département de Vélingara, région de Kolda, cette vendeuse d’huile de palme a forcé le destin et écrit sa propre histoire. L’histoire d’une dame née dans la pauvreté, mais qui ne s’est pas prêtée au fatalisme béat. Fatoumata s’est construit et construit l’avenir de ses 4 enfants nés d’un mariage polygame. « Je me lève tôt le matin, tous les jours, pour venir vendre au marché central de Diaobé. Je vends de l’huile de palme, des oranges et d’autres fruits », informe-t-elle.
Touche-à-tout, Fatoumata s’active dans tout ce qui peut rapporter de l’argent. « On achète le fût d’huile de palme à 150 000 FCfa et revend le litre à 800 FCfa. On ne se plaint pas trop, puisqu’on ne tend pas la main. Et malgré la conjoncture, on fait des bénéfices et de petites économies », ajoute-t-elle. Ses économies lui permettent de faire face aux dépenses familiales et de gérer quelques petits besoins de sa maman installée au village dans le département de Vélingara.
Fatoumata Barry fait partie de ces centaines de femmes du marché central de Diaobé qui vivent de leur sueur. Issues de familles souvent démunies et défavorisées, ces reines de la débrouille ne veulent guère se résigner à vivre dans la pauvreté et la misère. Elles façonnent leur destin pour sortir leur famille de la galère.
« Mon mari est fauché, je pourvois aux besoins de ma famille »
La vie n’a pas fait de cadeau à Aïssatou Bâ, porte-voix des femmes commerçantes du marché central de Diaobé. Cette vendeuse de fruits a connu un passé douloureux. Orpheline de père, dès le bas-âge, il a fallu qu’elle se batte jour et nuit pour relever la tête afin de voir le bout du tunnel. « J’ai connu beaucoup de souffrances dans la vie. Mais aujourd’hui, je rends grâce à Dieu, car je ne tends pas la main et je vis dignement. Mon métier me permet de pourvoir à mes besoins et à ceux de mes enfants, de ma famille. Chaque soir, je rentre à la maison avec un peu d’argent en poche pour gérer les dépenses quotidiennes, d’autant plus que mon mari est fauché », renseigne-t-elle, le souffle haleté.
Femme dégourdie au toucher délicat, mère Oumou Sow tient un étal de « diabéré » (une variété de patates douces sauvages très courue dans la zone) près d’une boucherie accrochée au marché central de Diaobé. La quinquagénaire n’a plus ses jambes de 20 ans, mais elle travaille comme une forcenée. Elle ne veut guère dépendre de quelqu’un. Pour elle, c’est dans la bravoure que femmes et hommes se distinguent. « J’encourage les femmes à aimer le travail décent et à ne point dépendre d’un homme. Il faut qu’elles nouent bien leur pagne et travaillent dignement. C’est le seul moyen pour elles de se faire respecter et d’avoir de la considération dans la société », conseille-t-elle.
Au marché central de Diaobé, les femmes l’ont bien compris. En groupe ou en solo, elles ont fait du travail décent un sacerdoce. À l’instar de Mariama Baldé, une jeune femme mariée et mère de plusieurs enfants, elle gère son stand de fortune aux abords de la route nationale qui sépare le marché de Diaobé en deux parties. Taille moyenne, physique efflanqué, fourrée dans un Wax multicolore, Mariama porte sur ses épaules toute la (sur)vie de sa fratrie. C’est grâce à son négoce, à la vente de patates douces, d’oranges et de pâtes d’arachides qu’elle a (re)donné la dignité à sa famille. Cette débrouillarde de semaine n’envie pas ses camarades et hausse désormais la tête devant ses détracteurs. « On ne se prostitue pas et ne vole pas. On vit et fait vivre grâce à notre travail, le commerce. Ce n’est pas facile, car parfois les choses marchent au ralenti et on ne décroche pas de clients. Mais, on garde toujours espoir ». Une lueur apaisant le cœur que les championnes de la débrouille du marché central de Diaobé chantonnent tous les jours en chœur.