«LA BCEAO NE SOUTIENT PAS LE DEVELOPPEMENT DE NOS PAYS»
Mamadou Mbaye, ingénieur financier, parlant du gap de financement de nos économies et des moyens d’y remédier

Les banques centrales en Afrique, notamment la Bceao dans la zone Uemoa, ne soutiennent pas le développement économique de nos Etats. C’est la forte conviction de l’ingénieur financier Mamadou Mbaye. Ce dernier estime qu’un pays comme le Sénégal souffre d’un gap de financement. Entre autres pointées du doigt, « les banques centrales qui ont un rôle prépondérant à jouer. On a tendance à les oublier. Elles doivent soutenir le développement plutôt que le contraindre » estime-t-il.
L’économie sénégalaise est handicapée par un gap de financement et 2000 à 5000 milliards d’investissement global par an sont nécessaires pour atteindre un objectif de croissance de 7 % à l’horizon 2025, puis 10 % par an jusqu’en 2030 à l’exemple des USA qui investissent 22 % de leur PNB, de Singapour 27 % ou de la Chine 45 %. Cette théorisation a été faite par l’ingénieur financier Mamadou Mbaye lors d’une rencontre avec des journalistes économiques. L’auteur des propos est par ailleurs directeur exécutif du FONSIS, chargé de Levée de Fonds, Energie et Mines.
A l’en croire, pour combler ce gap de financement, il est nécessaire d’initier des projets via un fonds d’investissements stratégiques qui apporte des ressources en pré-développement et noue des partenariats de co-investissement avec le secteur privé, « rôle moteur de l’investissement capital ». Cela inclut des investissements dans les domaines des infrastructures, de l’énergie, du transport, de la distribution d’eau, du traitement des déchets, de l’industrie, des ressources naturelles… etc. Il doit s’agir pour l’essentiel des projets « green field » à structurer, financer et réaliser souligne l’ingénieur financier. Mais attention, prévient Mamadou Mbaye, « du fait des contraintes budgétaires de l’Etat, ces montants ne peuvent pas venir des comptes publics mais des investisseurs privés bancaires et institutionnels. Ceci ne s’est pas encore concrétisé dans les faits à cause du profil de risque de ce type d’investissement, de la situation en termes de rating (notation, Ndlr) de nos économies et de la situation de liquidité des banques commerciales. Utiliser l’argent public pour améliorer les conditions de mobilisation de l’investissement privé est une approche appelée « Blended Finance » qui cherche à utiliser les fonds publics pour attirer l’argent privé ».
L’ingénieur financier n’a pas manqué dans cette situation de dénoncer le comportement de la Bceao au sein de la zone Uemoa. Il explique que « la croissance soutenue, au-delà de 6% ces cinq dernières années, politique fiscale conservatrice avec un rating S/P B+ qui est l’un des meilleurs de la zone. Les économies de la zone Uemoa développent les secteurs privés nationaux à l’exemple des économies développées. L’Afrique intéresse les investisseurs internationaux. Malheureusement, la Bceao maintient une politique de liquidités restrictive, efficace pour limiter l’inflation mais qui va à l’encontre du trend du « quantitative easing » observé pour les grandes économies depuis 2008. Or, le système bancaire local est en manque de liquidités. Les règles de refinancement demeurent restrictives. Beaucoup de banques sont sous pression, contraintes de miser sur une gestion de trésorerie à court terme. Or, les banques centrales ont un rôle prépondérant à jouer. On a tendance à les oublier. Elles doivent soutenir le développement plutôt que le contraindre » estime Mamadou Mbaye
Trois leviers pour combler le gap de financement de nos économies
Mamadou Mbaye préconise un système de financement à trois parties pour combler le gap de financement. Il s’agit d’abord d’initier le projet avec le secteur privé via un fonds d’investissements stratégiques comme le FONSIS qui apporte des ressources en pré développement et noue des partenariats de co-investissement avec le secteur privé, rôle moteur de l’investissement en capital (IC). Ensuite, de mobiliser le financement pour assurer la construction avec des garanties potentielles. Les banques commerciales sont les meilleurs agents économiques pour prendre le risque de construction. Enfin, le financement des projets opérationnels dé-risqués : Fonds de dette long terme à investir par les investisseurs institutionnels non bancaires (assureurs, caisses de retraite, investisseurs de long terme).