LA VERITE DES CHIFFRES
Production et exportation de l’anacarde en Gambie, au Sénégal et en Guinée-Bissau

Le tableau publié sur le site www.nkalo.com, faisant le bilan du marché de l’anacarde en 2018, montre que le commerce clandestin de noix de cajou entre la Guinée-Bissau, le Sénégal et la Gambie est en plein essor.
Le rapport révèle dans chaque pays les quantités de noix exportées et les stocks disponibles. Il révèle également les quantités fournies aux usines locales et les échanges locaux informels ainsi que les gros écarts. Il apparait que ces chiffres sont le plus souvent aux antipodes des productions nationales déclarées dans chacun de ces pays. Pour la Gambie, par exemple, à mi-août, on était à 20.000 tonnes d’exportation, 250 tonnes fournies aux usines locales, 1750 tonnes de stocks disponibles et 15.000 tonnes en échanges locaux informels qui visiblement cachent une bonne partie des quantités fraudées. Si on fait le calcul, on se retrouve avec un total de 37.000 tonnes soit un surplus de 30.000 tonnes comparées aux 7000 tonnes déclarées comme étant la production nationale.
Pour le Sénégal, à mi-aout on était à 32.000 tonnes d’exportations, 500 tonnes fournies aux usines locales, 7.500 tonnes de stocks disponibles et 5.000 tonnes enregistrées dans les échanges locaux informels. Si on fait le calcul, on se retrouve avec 45.000 tonnes soit un surplus de 10.000 tonnes par rapport à la production nationale déclarée qui est de 35.000 tonnes. Cependant, la Guinée-Bissau s’est retrouvée avec 25.000 tonnes de moins perdues à cause des échanges locaux informels. Autrement dit, 25.000 tonnes perdues dans le marché noir.
LA GAMBIE, TOUJOURS TRIBUTAIRE DU CAJOU VENANT DE SENEGAL
A Jimpex, en Gambie, entre Serrekunda et Banjul, les Indiens y ont établi leurs entrepôts. En cette matinée du 13 octobre 2018, un exportateur indien du nom de Manish Mehta nous ouvre les portes de son entrepôt où 50 tonnes attendent d’être exportées. Sa compagnie «Interagro » est présente à Ziguinchor, Kaolack, Dakar, Banjul et Bissau. Et pour ce qui concerne la Gambie, Manish Mehta exporte chaque année entre 4.000 et 6.000 tonnes environ. «La qualité est bonne ici, bien meilleure que celle de la Casamance où les noix sont petites. Mais, la quantité fait défaut», indique-t-il.
Si l’exportateur indien tient à respecter les règles établies par le gouvernement sénégalais, ce n’est pas le cas pour le vieux Dembo Diédhiou. Intrépide, ce Gambien, originaire de Tionk Essyl continue de tenir son business en Casamance entre Diouloulou, Karantaba, Bandjikaki, Kabadio… Il gagne entre 4 et 5 millions par campagne et connaît très bien les circuits clandestins de distribution. Il traite avec les producteurs de la zone. «Jusque-là, mon argent est entre les mains de certains d’entre eux. Je leur prête de l’argent en période de soudure. Ainsi en période de campagne, ils me remboursent en noix. Je leur donne aussi du riz, du sucre de l’huile, et même des barbelés pour clôturer leurs champs.
La fermeture des frontières est venue compliquer la situation », dit-il avant de jurer que personne ne l’empêchera d’acheter du cajou en Casamance et de le ramener en Gambie. «Partout, ce sont des sentiers et des pistes. On ne peut pas empêcher les gens d’acheter le produit. Personne ne m’a jamais arrêté et ils ne m’arrêteront jamais. Ils ne me verront même pas. Pour arrêter quelqu’un, il faut d’abord le voir. J’étais président de l’Union des transporteurs de la région de l’Ouest. Il y a beaucoup de routes connexes et clandestines. Cette année, j’ai fait entrer en Gambie plus de 70 tonnes de cajou. J’achète par exemple 4 tonnes que j’écoule. Je n’entrepose pas les noix. Je vends au fur et à mesure». Trouvé dans son magasin à Birkama, cet ancien émigré qui a vécu longtemps en Europe et aux Etats-Unis, est rentré au pays pour se consacrer au commerce l’anacarde depuis 1992. «J’ai eu même à me ravitailler en noix dans les champs de Yahya Jammeh à Kanilai. Il y avait un militaire qui vendait pour lui en période de campagne. Il avait un grand champ à Kanilai etje faisais des affaires avec eux.»