VIDEOCOMMENT LA FRANCE FORME SECRÈTEMENT LES "ESCADRONS DE LA MORT" DE DOUMBOUYA
Malgré les menaces de prison, le journaliste Thomas Dietrich révèle des dizaines de documents prouvant la présence continue de militaires français en Guinée. Une enquête qui dévoile l'envers du décor de la politique française en Afrique de l'Ouest

Dans une nouvelle enquête choc de sa "Chronique de Françafrique", le journaliste français Thomas Dietrich révèle des preuves accablantes de la présence militaire française en Guinée, malgré les démentis catégoriques des autorités guinéennes. Une investigation qui lui vaut des menaces de prison de la part du ministère français des armées.
"Le ministère français des armées m'a menacé de 5 ans de prison pour violation du secret de la défense nationale", déclare Thomas Dietrich en ouverture de son enquête. Malgré les risques - il encourt jusqu'à 5 ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende pour "compromission du secret de la défense nationale" - le journaliste a choisi de divulguer des dizaines de documents prouvant la présence secrète de soldats français en Guinée.
Depuis le coup d'État de septembre 2021 mené par le colonel Mamadi Doumbouya, ancien caporal-chef de la Légion étrangère française, la Guinée est devenue stratégique pour Paris. "À mesure que la France se fait mettre à la porte des autres pays de la région, la Guinée, c'est presque devenu une anomalie en Afrique de l'Ouest. La France part de partout, sauf en Guinée où elle revient", analyse Dietrich.
Cette proximité s'est traduite par une multiplication des contrats accordés aux entreprises françaises depuis l'arrivée au pouvoir de Doumbouya.
L'enquête de Thomas Dietrich, publiée initialement sur le média Afrique 21, s'appuie sur des dizaines de demandes de visas guinéens de courtoisie accordées à des militaires français. Ces documents prouvent, selon le journaliste, "un véritable système où l'armée française chaperone l'armée guinéenne".
Les preuves révèlent notamment :
- Trois instructeurs français en mission du 17 janvier au 14 février 2024 pour "livrer une formation au profit du groupement des forces spéciales"
- Une dizaine de militaires en provenance du Tchad déployés le 1er décembre 2023 pour soutenir ces mêmes forces spéciales
- Un détachement franco-tchadien et sénégalais séjournant du 27 avril au 30 juin 2024 pour former le bataillon autonome des troupes aéroportées
Formation des "escadrons de la mort"
Particulièrement troublant, ces formations bénéficient aux troupes d'élite accusées de graves violations des droits humains. "Les mêmes troupes d'élite qui kidnappent des opposants et répriment des manifestations et qui sont devenues des sortes d'escadrons de la mort", dénonce Dietrich, établissant un parallèle avec l'encadrement par l'armée française des "futurs génocidaires Hutu de 1994 au Rwanda".
L'enquête révèle également que la France ne fournit pas seulement des formateurs, mais aussi du matériel militaire. Un officier français, le capitaine Patrick N., a coordonné en mai 2024 la livraison secrète de 15 véhicules blindés légers Mastech au port de Conakry, acheminés par le navire militaire français MN Calao et remis au groupement des forces spéciales.
Ces véhicules "pourraient servir à réprimer des manifestations au moment des élections présidentielles", s'inquiète le journaliste, qui note que l'officier responsable a été décoré de la Légion d'honneur deux mois après cette opération.
Face aux révélations initiales de Dietrich, les autorités guinéennes avaient organisé une conférence de presse solennelle pour démentir : "Il n'existe nulle part sur le territoire guinéen depuis 1958 jusqu'en 2024 une seule portion de notre territoire où il y a un soldat étranger", avait déclaré le secrétaire général de la présidence.
Cependant, sous la pression du Mali voisin, mécontent de voir des soldats français près de sa frontière, Doumbouya a finalement déplacé les militaires français de l'est du pays vers le littoral, notamment vers la base des forces spéciales de Foria et les écoles militaires de Manea.
Une justification humanitaire contestée
Contacté par Thomas Dietrich, le ministère français des armées justifie sa présence par des "actions de partenariat" visant à répondre aux "enjeux communs de sécurité" et évoque une aide humanitaire lors d'un incendie à Conakry en décembre 2023.
"C'est un peu comme un braqueur de banque qui se ferait attraper et qui répondrait 'Oui, mais j'ai aidé une vieille dame à traverser en sortant de la banque'", ironise le journaliste, estimant qu'aucune action humanitaire ne peut justifier le soutien à un régime accusé de crimes.
L'enquête se conclut sur un constat dramatique : "Depuis 2025, les Guinéens sont de nouveau les premiers demandeurs d'asile originaires d'Afrique en France", une situation que Dietrich attribue à la répression du régime Doumbouya soutenu par Paris.
"Par la faute de Doumbouya, par la faute de la France qui soutient cette junte corrompue et sanguinaire, nous jetons des milliers de Guinéens sur les routes de l'exil", conclut Thomas Dietrich, qui attend désormais d'éventuelles poursuites judiciaires tout en assumant pleinement son travail d'investigation.