DIASPORA BOND, UN ABUS DE LANGAGE QUI TROMPE L’OPINION
Les documents officiels de l’Appel Public à l’Épargne, consultés auprès de l’arrangeur principal, n’en font d’ailleurs aucune mention. Ce qui a été lancé hier n’est ni plus ni moins qu’un APE classique, ouvert à tous les investisseurs potentiels.

On nous a annoncé en grande pompe, que le 18 septembre 2025, sera lancé le premier « Diaspora Bond » du Sénégal. En réalité, il n’en est rien. Parler de Diaspora Bond dans le cas d’espèce est un abus de langage manifeste. Les documents officiels de l’Appel Public à l’Épargne, consultés auprès de l’arrangeur principal, n’en font d’ailleurs aucune mention. Ce qui a été lancé hier n’est ni plus ni moins qu’un APE classique, ouvert à tous les investisseurs potentiels, y compris bien sûr ceux de la diaspora.
Or, la différence est de taille. Un véritable Diaspora Bond, comme l’ont fait l’Inde, Israël ou le Nigeria, est une émission spécifiquement conçue et réservée à la diaspora, avec des conditions adaptées et parfois des incitations particulières. Ici, rien de tel : les Sénégalais de l’extérieur n’auront ni traitement préférentiel, ni émission dédiée. Ils pourront souscrire, comme n’importe quel investisseur. Pire, les documents précisent que seuls les citoyens résidant au Sénégal bénéficieront d’exonérations fiscales.
Cette confusion n’est pas innocente. Elle entretient un débat trompeur, où l’on fait croire à la diaspora qu’un instrument financier lui est destiné, alors qu’elle n’a droit à aucune considération particulière. C’est une manipulation politique, un emballage patriotique plaqué sur une opération financière tout à fait ordinaire.
Mais à force de jouer avec les mots, on prend le risque de miner la confiance. Les Sénégalais de l’extérieur, dont les transferts représentent chaque année plus de 2 200 milliards de FCFA, méritent mieux qu’un slogan. Ils méritent de la transparence, de la rigueur et des instruments adaptés à leurs réalités. Tromper leur attente ne fera que nourrir la défiance et décrédibiliser l’État sur les marchés financiers comme auprès de ses propres citoyens.
Il est temps d’appeler les choses par leur nom. Le Sénégal a lancé un Appel Public à l’Épargne classique, ouvert à tous. Mais il n’a pas lancé de Diaspora Bond. Et persister à dire le contraire, c’est prendre le risque de transformer une opération technique de financement en nouvelle fracture politique et sociale.