CÔTE D'IVOIRE, LA GLAÇANTE RECONSTITUTION D'UN VIOL À LA TÉLÉVISION
La polémique enfle après qu’un violeur « repenti » a détaillé sa manière d’agresser ses victimes sur une chaîne ivoirienne. Internautes et organisations de défense des droits des femmes exigent des sanctions

Yves de Mbella est un animateur habitué des polémiques. En recevant, le lundi 30 août, un homme présenté comme un « ancien violeur » pour parler de ses crimes, il avait réuni tous les ingrédients pour en provoquer une nouvelle. Et, sans surprise, des extraits de l’édition de l’émission La Télé d’ici vacances, diffusée sur la NCI, ont largement été relayés sur la Toile, et n’ont pas manqué de susciter une vague d’indignation. Et il y avait matière.
« Voilà une go, par exemple, signale l’animateur en désignant un mannequin installé sur un podium. Tu attaques par devant ou par derrière ? Montre nous comment tu fais. » L’invité monte sur l’estrade et détaille méticuleusement comment il procède pour étrangler sa victime, lui toucher les parties intimes, la faire tomber, l’immobiliser et la violer. Le tout sous quelques rires à peine étouffés et des relances de Yves de Mbella, glaçantes : « Tu agis seul ou avec quelqu’un ? Comment les choisis-tu ? Minces ou avec des fesses ? »…
Les « conseils » effarants du violeur
La séquence continue. L’animateur demande à son invité quels conseils il peut donner aux femmes afin d’éviter un viol. « La femme doit éviter d’être saoule. Très souvent, lorsqu’elles sont ivres, elles ne se contrôlent plus. L’homme peut en profiter. Évitez de marcher seules tard dans la nuit. Il est difficile de violer dans la journée. Si vous sortez tard, soyez toujours avec quelqu’un », répond l’homme, le plus calmement du monde.
Tonnerre d’applaudissements du public et des autres invités…
Mais en dehors du studio, les réactions n’ont pas tardé. Et sur les réseaux sociaux, c’est un torrent de condamnations outrées qui n’a, depuis, cessé de se déverser. « J’ai été choquée et peinée en tant que survivante de viol, confie Désirée Deneo, militante féministe et secrétaire générale de la Ligue ivoirienne des droits des femmes. Les violences faites aux femmes sont habituellement banalisées. Mais pas autant et pas à la télévision. Cela va au-delà de la culture du viol. On a touché le fond. »
En plus de la démonstration d’un viol à la télévision et de la culpabilisation des victimes, une question de l’animateur a retenu l’attention. « Les femmes prennent-elles quand même du plaisir lorsqu’elles sont violées ? » a-t-il osé demander à son invité. Et ce dernier de répondre… par l’affirmative.
« Aller au-delà de l’indignation »
Dans la foulée, Désirée Deneo a initié une pétition qui a déjà récolté près de 36 000 signatures. « Au-delà de notre association, nous sommes membres d’un collectif qui lutte pour les droits des femmes. Ensemble nous allons joindre la pétition à des courriers que nous adresserons à la Haute Autorité de la communication et de l’audiovisuel [Haca], au ministère de la Communication et à celui des Droits de la femme. En plus, une plainte sera déposée pour atteinte à la pudeur car l’émission a été diffusée à une heure où des enfants regardent aussi la télé. Exposer un public qui n’est pas sensibilisé aux questions de culture du viol à de telles images est dangereux », détaille la militante. Déposer une plainte et saisir les autorités permet « d’aller au-delà de l’indignation » sur les réseaux sociaux, insiste-t-elle.