EN GUINÉE, LA CHUTE D'ALPHA CONDÉ, TRAHI PAR SES PROPRES CERBÈRES
Le despote a été renversé. La junte, dirigée par un ex-légionnaire de l’armée française, que Condé avait recruté pour ses forces spéciales, a promis des lendemains qui chantent au peuple guinéen, partagé entre soulagement et crainte d’une dérive sanglante

S’il ne s’était pas accroché au pouvoir, Alpha Condé aurait pu rester dans l’histoire de la Guinée comme son premier président élu démocratiquement. C’était en décembre 2010, à l’issue d’une transition militaire violente et rocambolesque et d’un processus électoral chaotique. Il succédait alors à deux despotes qui avaient régné d’une main de fer jusqu’à leur mort, Ahmed Sékou Touré et Lansana Conté, et à un capitaine putschiste incontrôlable, Moussa Dadis Camara.
Mais, finalement, on se souviendra de Condé comme du premier président guinéen déposé par un coup d’État militaire. Et ne restera de lui, peut-être, que cette incroyable image d’un chef d’État déchu, nonchalamment assis sur un canapé, une jambe repliée, le regard éteint, vêtu d’un jean et d’une chemise, débraillé, pieds nus, entouré de quatre soldats armés aux visages juvéniles.
Condé, qui avait emprunté le chemin de ses prédécesseurs ces dernières années en réprimant toutes les voix discordantes, surtout depuis qu’il avait fait modifier la Constitution en mars 2020 afin de pouvoir briguer un troisième mandat, est tombé comme un fruit trop mûr. Il y a bien eu quelques échanges de tirs au petit matin, dimanche 5 septembre, aux abords du palais présidentiel.
Mais la résistance de sa garde rapprochée a fait long feu – alors que les premières informations ne faisaient pas état de victimes, il semble que plusieurs soldats ont été tués durant l’assaut. Très vite, les putschistes ont pris le contrôle du palais Sékhoutouréya. En début d’après-midi, les Guinéens découvraient leur visage – du moins pour ceux qui n’étaient pas masqués – à la télévision, en même temps que l’identité du nouvel « homme fort » du pays : le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya, commandant du Groupement des forces spéciales.
Condamnations internationales
Rappelant un scénario maintes fois répété ces dernières décennies en Afrique de l’Ouest, le chef de la junte est apparu entouré de ses hommes devant les caméras de la RTG, la chaîne publique. Lui assis, un drapeau guinéen sur les épaules, un béret rouge sur le crâne. Eux debout, le regard menaçant, armes à la main. Il a lu son texte sans trop regarder l’objectif.
Et il a promis, en français, des lendemains qui chantent : « Nous allons écrire une nouvelle Constitution ensemble, a-t-il déclaré. La personnalisation de la vie politique est terminée. Nous allons mettre en place un système qui n’exclut personne. Il est temps de créer une Constitution adaptée à nos réalités. Après 62 ans, il est temps de nous réveiller. »