LA PROPOSITION DU KENYA D'INTERVENIR EN HAÏTI SUSCITE DES DOUTES
Les interventions étrangères en Haïti au XXe siècle ont laissé des cicatrices indélébiles. Les missions des Nations Unies de 2004 à 2017 ont été entachées d'allégations d'abus sexuels et d'une épidémie de choléra causée par une négligence

Face à l'escalade de la violence des gangs en Haïti, le Kenya a proposé de diriger une force policière internationale pour combattre ce fléau. Cependant, cette offre est accueillie avec scepticisme par de nombreux Haïtiens, échaudés par les conséquences désastreuses des interventions étrangères passées.
Des décennies auparavant, les forces étrangères en Haïti étaient associées à des abus sexuels et à une épidémie de choléra dévastatrice. Florence Casimir, enseignante en école primaire, reconnaît que bien que ces interventions aient nui à Haïti, elles ne peuvent être comparées à la brutalité des gangs actuels qui kidnappent des élèves et demandent des rançons exorbitantes. Pour elle, le peuple haïtien, bien que réticent, n'a guère d'autres options.
L'intérêt du Kenya à intervenir survient dans un contexte tendu. Récemment, la police kényane a été critiquée pour sa répression violente des manifestants à Nairobi. De plus, alors que les États-Unis louent l'initiative kényane en Haïti, ils ont ouvertement mis en garde les policiers kényans contre des abus violents. Malgré cela, 1 000 de ces policiers pourraient se rendre en Haïti.
Le Premier Ministre haïtien, Ariel Henry, avait précédemment sollicité une intervention armée internationale pour lutter contre ces gangs. Cependant, les tentatives pour établir une telle force ont rencontré de nombreux obstacles, notamment en raison des controverses entourant les missions de maintien de la paix passées. La situation s'est tellement détériorée que des groupes armés contrôlent aujourd'hui près de 80 % de la capitale haïtienne.
Les États-Unis envisagent de présenter une résolution à l'ONU pour autoriser cette mission policière dirigée par le Kenya. Cependant, contrairement aux missions précédentes, ce ne serait pas une force de l'ONU.
Les interventions étrangères en Haïti au XXe siècle ont laissé des cicatrices indélébiles. Les missions des Nations Unies de 2004 à 2017 ont été entachées d'allégations d'abus sexuels et d'une épidémie de choléra causée par une négligence.
Valdo Cenè, un vendeur de gaz, exprime le sentiment de nombreux Haïtiens : "L'introduction de forces internationales pourrait signifier la répétition de notre histoire."
Des groupes de surveillance des droits de l'homme mettent également en garde contre le risque d'exportation des abus policiers du Kenya. La police kényane a été accusée de nombreuses exactions, notamment de meurtres.
Louis-Henri Mars, dirigeant d'une organisation haïtienne de maintien de la paix, souligne l'importance d'une telle intervention pour stabiliser Haïti, mais espère qu'elle ne sera que temporaire. Pour lui, Haïti doit se doter d'une force de police stable et fiable, tout en offrant des voies de justice réparatrice.
D'autres, comme Jerthro Antoine, attendent impatiemment l'intervention kényane. Évoquant la situation déplorable de son pays, il déclare : "Le peuple haïtien en a besoin, nous avons besoin de revivre."
L'avenir dira si cette intervention sera la solution tant attendue ou si elle ne fera que reproduire les erreurs du passé.