ENTRE ESPOIR ET DECEPTION
Nouvelle convention collective nationale des medias (ccnm)

Le secteur des médias s’est doté d’une nouvelle Convention collective nationale. Elle a été signée avant-hier, lundi 26 novembre, par les parties prenantes notamment le ministère du Travail, le Syndicat des professionnels de l’information et de la communication du Sénégal (Synpics) et le Conseil des éditeurs de presse du Sénégal (Cdeps), en présence du ministre de la Communication, Abdoulaye Bibi Baldé. Ce texte qui compte 69 articles déclinés à travers 9 titres et 4 annexes suscite espoir. Même si, du point de vue des émoluments, certains ne cachent pas leur déception. Pourvu que son application, par les patrons de presse, soit effective dans environ un an, délai de rigueur pour son entrée en vigueur.
DIATOU CISSE, JOURNALISTE, SUR LES SALAIRES DANS LA NOUVELLE CONVENTION COLLECTIVE : «Je dois dire honnêtement que je suis un peu déçue»
«Je dois me féliciter de la signature de cette Convention. Je voudrais également féliciter l’équipe des négociateurs qui a été conduite par le vétéran Abdou Aziz Bathily, Khalil (Ibrahima Khaliloulah Ndiaye, Secrétaire général du Synpics, ndlr) et tous les membres du bureau. Même si je dois dire honnêtement que je suis un peu déçue.» C’est Mme Diatou Cissé, journaliste et ancien Secrétaire général du Synpics qui apprécie ainsi la nouvelle Convention collective nationale dont le secteur des médias vient de se doter.
Interrogée par la Rfm, hier mardi, elle appelle plutôt à aller vers des Conventions-maisons, pour permettre aux professionnels des médias de mieux vivre de leur métier. «(…) Je suis un peu déçue parce que tout le monde sais que les salaires dans la Convention en vigueur, la Convention de 1991, sont quand même très en deçà du minima qui puisse permettre au professionnel des médias de vivre décemment de son métier. Mais, quoi qu’il en soit, c’est une augmentation de 10%. Il faut s’en contenter et peut-être s’orienter résolument vers des accords d’établissement qui puissent permettre au journaliste de gagner…»
Tout soulignant qu’«il y a effectivement un pas entre la signature d’une Convention et son application effective», Diatou Cissé note que l’augmentation de 50% cette fois de toutes les primes est indemnités, «est substantielle. Ça permet de retomber sur ses pieds et je renouvelle mes félicitations à l’équipe de Khalil et au doyen Bathily.»
Par rapport au statut des pigistes qui sont toujours maintenus dans la précarité au sein des rédactions et la crainte que les patrons de presse n’en abusent, Mme Cissé renvoie au texte. «Le statut du pigiste est défini. «Vous ne pouvez pas avoir quelqu’un qui a des astreintes horaires d’un journaliste dument recruté, qui va en reportage tous les jours, qui produit des reportages tous les jours et vous décidez qu’il est pigiste. Je suis désolé, il n’est pas pigiste, c’est un abus.»
Et d’ajouter: «je pense qu’il y a un travail syndical à faire. Comme je dis, le statut du pigiste est clairement défini dans la Convention collective et il revient d’abord à chaque journaliste d’apprécier, par rapport à ce qu’il fait dans l’entreprise de presse, s’il est pigiste ou finalement s’il est un journaliste qui participe régulièrement à la production journalistique. Et, dans ce cas, il est en droit d’avoir un contrat, que ce soit un CDD (Contrat à durée déterminée, ndlr) ou un CDI (Contrat à durée indéterminée, ndlr) en tant que journaliste, selon les salaires prévus par la Convention collective.»
D’ailleurs, explique-t-elle, «les émoluments du pigiste sont revus à la hausse dans cette nouvelle Convention, en tout cas selon la version que je maitrisais.» Non sans rappeler que «le statut de pigiste est inhérent au métier de journaliste. Vous allez dans tous les pays du monde, vous avez des gens qui font du journalisme en dilettantisme, qui viennent faire des articles… en intermittence et qui partent, qui ont envi de faire une production intellectuelle journalistique et qui sont payés au papier ou la ligne, si on prend l’exemple du Sénégal. Ce n’est pas ça le problème. Le problème, c’est d’informer. Il revient également au Synpics, à l’Inspection du travail, eux, d’informer davantage les populations sur la position du pigiste», insiste Diatou Cissé.
OUSSEYNOU DIENG, DIRECTEUR DE LA COMMUNICATION AU MINISTERE DE LA COMMUNICATION : «Le Fonds de développement des entreprises de presse, un moyen pour faire respecter la Convention»
Le gouvernement a les moyens de faire respecter la Convention collective nationale des médias nouvellement adoptée par les parties prenantes, notamment à travers le Fonds de développement des entreprises de presse. Ousseynou Dieng, le directeur de la Communication au ministère de la Communication, des Télécommunications, des Postes et de l’Economie numérique, en est convaincu.
«Il est vrai qu’ils ont signé la Convention, ils se sont donnés à peu près un an pour son application. Et durant cette année là nous veillerons à ce que les décrets d’application du Code (de la presse) soient validés et finalisés. Et parmi ces décrets, il y a par exemple des instruments qui permettent de contribuer davantage à un meilleur développement des entreprises de presse: je parle par exemple du Fonds de développement des entreprises de presse qui permettra de soutenir financièrement les entreprises de presse qui respectent les règles. Et, parmi ces règles, bien entendu, il y a le respect de la Convention collective», dit-il.
M. Dieng, interpellé hier mardi par la Rfm, note: «aujourd’hui, quand on fait l’état des lieux, c’est vrai nous passons vers une nouvelle Convention, mais il faut aussi se rappeler que ce n’est pas toutes les entreprises qui respectent la réglementation dans ce sens. Et là, la balle est renvoyée vraiment vers toutes les parties et voir comment garantir que l’entreprise de presse soit viable. Nous, en tout cas au niveau du ministère, nous allons accompagner, finaliser et accélérer tous les textes qui sont aujourd’hui au niveau de la Primature. A notre niveau, nous avons finalisé, le texte est sorti du ministère, ça y est au niveau du comité de textes de la Primature. Et nous espérons, au plus tard en début d’année 2019, que les textes soient applicables, que l’entreprise retrouve désormais un cadre plus viable pour son épanouissement et son développement.»
Tout cela suppose un assainissement du secteur des médias. Mais en attendant, la signature de cette Convention est salutaire, souligne-t-il. «Mais ce que je voulais dire par rapport à la signature de cette Convention, c’est qu’elle arrive à harmoniser quand même l’entreprise en tant que média; c’est-à-dire avant vous aviez la Convention pratiquement pour les journalistes et techniciens alors qu’aujourd’hui on est dans une dynamique de cohérence pour garantir un ensemble, pour permettre à l’entreprise dans tous ses compartiments, que ce soit des journalistes ou ailleurs, qu’ils puissent trouver un cadre. Il est évident que, depuis 1991, ça fait longtemps, on aurait voulu avoir un niveau beaucoup plus élevé de rémunération. Mais, il faut quand même saluer le fait qu’il y a une amélioration par rapport au personnel des médias. Et ça aussi c’est salutaire. Et, au même moment d’ailleurs, il y a des entreprises publiques ou privées qui ce sont dotées d’un accord d’établissement plus avantageux». Il s’agit de ce que l’on appelle des Conventions-maisons.
Toutefois, précise M. Dieng, le ministère de la Communication se réjouit d’avoir assisté à la signature de la Convention entre le patronat de presse et Synpics. «Comme le ministre l’a dit hier (avant-hier, ndlr) nous nous veillons à créer un cadre quand même favorable à l’épanouissement des entreprises de presse c’est-à-dire à garantir non seulement la liberté de presse mais à garantir aux entreprises d’être économiquement viables», conclut-il.