LES RÉSEAUX SOCIAUX ET LES PLATEFORMES NUMÉRIQUES, LES RACINES DU MAL
« L’écosystème des fausses informations au Sénégal : une vue d’ensemble ». Tel est l’intitulé du rapport du centre pour la démocratie et le développement qui s’est particulièrement appesanti sur le niveau de désinformation dans le pays.

Le centre pour la démocratie et le développement a initié une série d'études sur l'écosystème de la désinformation dans l'espace Cedeao. En ce qui concerne le Sénégal, le problème a été circonscrit dans un rapport avec une identification des principaux acteurs intervenant dans la diffusion et l’amplification des fausses informations. L’étude révèle que les réseaux sociaux et les plateformes numériques incarnent aujourd’hui l’axe du mal.
« L’écosystème des fausses informations au Sénégal : une vue d’ensemble ». Tel est l’intitulé du rapport du centre pour la démocratie et le développement qui s’est particulièrement appesanti sur le niveau de désinformation dans le pays. Selon l’étude, le phénomène est aujourd'hui accentué et vulgarisé avec l'avènement des réseaux sociaux et autres plateformes numériques. Elle renseigne que le Sénégal compte 3,9 millionsd'usagersdes réseaux sociaux, dont 3,2 millions sur Facebook. Tout en étant des plateformes qui publient le contenu créé par les utilisateurs, note-t-on, les réseaux sociaux sont également des relais et des amplificateurs des informations qui circulent dans les médias classiques et les sites web. «Tous les sujets d'actualité y sont partagés et commentés par les internautes, avec un fort risque de faire une interprétation erronée des faits relatés par les médias. Certains prennent des extraits vidéos ou audio des programmes télés ou radios qu'ils partagent sur les plateformes de messagerie comme WhatsApp, souvent en sortantles faits de leur contexte, menant ainsi à la création de fausses informations», révèle l’enquête.
Poursuivant, elle renseigne que les médias classiques ne se contentent pas seulement de publier leur contenu sur les réseaux sociaux mais qu’ils considèrent également ces derniers comme des sources d'information. Ainsi, note-t-on, beaucoup de débats sur les réseaux sociaux se retrouvent dans les médias traditionnels sous forme d'articles, donnant souvent lieu à un manque de vérification des faits supposés. «De ce fait, les fausses informations peuvent suivre un cycle continu, en partant d'une rumeur qui démarre par le bouche-à-oreille avant d'arriver surWhatsApp où elle est partagée d'utilisateur à utilisateur pour atterrir sur un réseau social comme Facebook ou Twitter, et par la suite finir dans certains médias traditionnels», relève le rapport. Sur le banc des accusés, le rapport cite les sites web qui ont de plus en plus tendance à être à la remorque des réseaux sociaux en se focalisant davantage sur les sujets sensationnels, dans une course effrénée aux clics. «Les sites les plus visités sont ceux qui ont misé sur l'information sensationnelle avec moins d'accent sur la rigueur journalistique. Cela comprend les sites tels que sanslimitesn.com, galsen221.com ; sunubuzzsn.com ; metrodakar.com ou encore senego.com. Pour ces sites, le futile passe avantl'utile, comme l'avoue un des rédacteurs en chef de l'un d'eux», lit-on dans le document dont «L’As» détient une copie.
LES HOMMES POLITIQUES SUR LE BANC DES ACCUSÉS
Toujours parmi les plateformes digitales qui diffusent le plus des fausses informations, on peut relever YouTube. «Un cas particulier où cela tourne vers la diffusion de fausses informations concerne Xalaat TV dont le travail comprend la ‘’ré-information’’. Les médias de ré-information sont des supports qui entendent révéler ‘’la vraie vérité’’ tout en dénonçant ceux qui, selon eux, trahiraient les exigences professionnelles et éthiques du journalisme : les médias ‘’mainstream’’», relève le rapport qui ajoute que les animateurs de la chaîne Xalaat TV qui compte 715 000 abonnés sur YouTube, diffusent en wolof en reprenant des sujets dans les médias, mais en les analysant, commentant et réinterprétant à leur guise.
En outre, l’enquête a fait état de l’accaparement des médias par les hommes politiques avec comme conséquence de passer de la logique de presse d'information à une logique de presse d'opinion. L'enjeu, dit-elle, ce n'est plus d'informer pour l'intérêt général, mais on informe pour répondre à des causes précises. Ainsi, l’exemple de l’élection présidentielle de 2019 au Sénégal a été cité avec un foisonnement des fausses informations pour déstabiliser le contexte politique. Cependant, relativise-t-on, il n'existe aucune étude définitive permettant d'évaluer l'impact qu'elles auraient pu avoir sur l'issue du scrutin. Les cas de désinformation notés lors de ce rendez-vous électoral illustrent que le phénomène a fini de s'installer dans le débat public.
RECOMMANDATIONS
En définitive, le Centre pour la Démocratie et le Développement a formulé une série de recommandations afin de juguler ce fléau. Ainsi, il a été préconisé de renforcer les organes de régulation et d'autorégulation des médias existants en les dotant de moyens suffisants pour effectuer convenablement leur travail. Non sans estimer que les compétences des organes de régulation doivent notamment être élargies aux médias numériques qui, jusque-là, ne font l'objet d'aucune régulation. Il a été également recommandé d’adopter une loi sur l'accès à l'information publique dans la mesure où les entraves à l'accès à l'information publique sont souvent l'origine des supputations et autres rumeurs concernant les affaires publiques.
Toujours dans les recommandations, il a été préconisé de promouvoir l'éducation aux médias, à l'information et au numérique, de soutenir le développement de médias indépendants de qualité ; de soutenir et renforcer les initiatives citoyennes de lutte contre les fausses informations ; de mettre en place une agence étatique de lutte contre la désinformation ; et de lancer des campagnes de sensibilisation contre les fausses informations.