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25 mai 2025
CES RISQUES SANITAIRES LIÉS AUX GAZ LACRYMOGÈNES
Manque d’oxygène, étourdissement, yeux larmoyants… Au-delà de l’aspect économique, les manifestations de rue ont également des répercussions sanitaires. Confidences de manifestants.
Dimanche 4 février 2024, dans un quartier paisible de la commune de Yoff, bercé par la brise marine, le décor est sinistre, les rues sont balafrées. Au niveau du rond-point, des affrontements éclatent entre des manifestants et des Forces de défense et de sécurité (Fds).
Une fumée épaisse teint en noir le ciel. Moussa, jeune manifestant, suffoque à un rythme accéléré. Il tient sa poitrine avec les deux mains et bat en retraite dans une ruelle, lieu de refuge des manifestants toujours révoltés contre le report de l’élection présidentielle. Yeux larmoyants, le garçon de 19 ans réajuste sa cagoule pour repartir face aux assauts des grenades lacrymogènes. Il éternue avec frénésie et se bouche le nez avec un mouchoir à jeter.
« J’avais le nez qui chauffait, ma poitrine aussi. C’était irrespirable et je manquais d’oxygène. Je ne voyais plus, à un moment donné, tellement les gaz lacrymogènes étaient puissants », raconte Moussa que nous avons retrouvé aux Parcelles Assainies. S’il n’est pas allé à l’hôpital, il dit ignorer encore les effets de ces gaz sur son organisme.
Au Sénégal, il est mis souvent en exergue l’impact économique des manifestations. Et pourtant, les manifestants subissent les effets des munitions utilisées par les forces de l’ordre et les pneus brûlés sur la route. Pape Guèye, habitant de Grand Yoff, était de la révolte de juin 2023. Théâtre des opérations : la gare du Brt de Liberté 6. « J’étais là lors des manifestations de mars 2021, mais je dois avouer que les policiers ont augmenté la dose des gaz », témoigne-t-il avec un sentiment de héros. Dans ces moments d’affrontement, qui avaient poussé les policiers jusque dans leurs derniers retranchements, Pape y a laissé des plumes. « À un moment donné, c’est comme si mes neurones étaient atteints. J’étais étourdi malgré mon masque de protection », se remémore-t-il, voix tremblotante.
« À quelques minutes près, j’aurais pu rendre l’âme »
C’était aussi le cas le 2 juin 2023, où plusieurs quartiers de Dakar étaient transformés en un immense champ de ruines. En effet, la condamnation de l’opposant Ousmane Sonko à 2 ans de prison ferme avait suscité une colère noire chez beaucoup de jeunes. « Je mettais du beurre de karité sur mon visage. Et je me lavais la figure avec du vinaigre sans savoir qu’est-ce que cela pouvait faire comme effet sur ma santé. C’était nos moyens pour ne pas tomber face aux émanations des gaz lacrymogènes. Je mettais aussi des lunettes », confie-t-il.
Baye Fodé a subi, malgré lui, un lourd préjudice lors des manifestations du 4 février 2024. Le soulèvement des jeunes a éclaté devant le Centre de Santé Nabil Choukair. « J’ai été évacué. Je n’arrivais plus à respirer. On a dû me mettre un respirateur pour me permettre d’avoir de l’air. J’aurais pu rendre l’âme. Les lacrymogènes, c’est du sérieux », ironise-t-il.
Contacté, le Centre de gestion de la qualité de l’air de Dakar fait savoir qu’il n’a pas encore réalisé d’études sur l’impact des grenades lacrymogènes sur la qualité de l’air. Cependant, le Laboratoire de physique de l’atmosphère de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar dit avoir mené des études sur la question. Mais, les résultats ne sont pas encore disponibles.
« Ces gaz, régulièrement respirés, peuvent aboutir à des pathologies handicapantes », selon le pneumologue Moustapha Ndir
Pneumologue à la retraite, qui a fait toute sa carrière au Centre hospitalier national universitaire de Fann, Dr Moustapha Ndir analyse les effets des gaz lacrymogènes et des pneus brûlés sur la santé des manifestations.
Est-ce que l’utilisation de gaz lacrymogènes et de pneus brûlés lors des manifestations a des effets sur la santé ?
Il y a des effets certains sur la santé parce que nous respirons de l’oxygène. L’air que nous respirons a une certaine quantité d’oxygène, soit 21%, juste ce qu’il faut pour notre organisme. Le reste, c’est de l’azote et 1% de gaz rare. C’est l’air que nous utilisons pour notre corps. Toute autre forme de gaz ou de fumée que nous respirons est toxique. À fortiori, ces fumées de synthèse émanant des gaz lacrymogènes ou de pneus brûlés qui sont des gaz issus d’hydrocarbures transformés. Ces gaz inhalés posent des problèmes chez le sujet sain ou celui qui a une pathologie pulmonaire. Chez le sujet sain, ce sont des désagréments qui peuvent passer très vite. Les gaz lacrymogènes agressent la muqueuse conjonctivale de l’œil et les glandes qui secrètent beaucoup de larmes. Donc, c’est la conjonctive qui devient rouge. Cela peut créer une gêne. Certains asthmatiques ont des crises après une allergie de gaz. Ce sont des gaz irritants. Pour les pneus brûlés, c’est hautement toxique parce qu’il y a du caoutchouc et des éléments de synthèse issus des hydrocarbures.
Donc, les personnes atteintes de maladies respiratoires chroniques sont plus exposées ?
Elles sont plus exposées et doivent faire attention. Il faut qu’elles s’éloignent de ces zones quand il y a des manifestations. Il faut qu’ils se calfeutrent dans leurs chambres en attendant que ces gaz se dissipent. C’est bien de mettre le masque mais, le mieux, c’est de s’éloigner de ces zones pour échapper à ces émanations gazeuses. Chez le sujet qui a déjà une pathologie, si c’est l’asthme, ça peut l’exacerber. Cela peut aboutir à la réanimation. S’il n’a pas de chance, il peut passer de vie à trépas. Ces gaz, régulièrement respirés, peuvent aboutir à des pathologies handicapantes. Il peut aussi y avoir un problème économique, parce que la prise en charge est très chère. La fumée noire avec le monoxyde de carbone, le gaz carbonique, l’oxyde nitrique attaque aussi la couche d’ozone.
Est-ce qu’il y a une dégradation importante de la qualité de l’air ?
Bien évidemment ! Il y a une dégradation de la qualité de l’air qui est surveillée par le Centre de suivi écologique qui a des capteurs un peu partout dans la ville de Dakar. Ce serait bien de voir ce que cela donne après ces manifestations. Il s’agit de voir si dans certaines zones, il y a un problème de qualité de l’air.
CLASSEMENT FIFA, LE SÉNÉGAL GAGNE 3 PLACES ET DEVIENT 17E MONDIAL
Désormais, le Sénégal est juste derrière l’Allemagne et devant le Japon. Sur le continent, le Sénégal reste 2e derrière le Maroc, qui garde également sa place de leader.
Le Sénégal est désormais la 17e sélection mondiale. Malgré l’élimination prématurée des joueurs d’Aliou Cissé en Côte d’Ivoire, le Sénégal a gagné 3 places dans le classement général pour se retrouver de la 20e à 17e place. Désormais, le Sénégal est juste derrière l’Allemagne et devant le Japon. Sur le continent, le Sénégal reste 2e derrière le Maroc, qui garde également sa place de leader.
En Afrique, le chamboulement a été opéré par le Nigeria. Les Super Eagles sont désormais 3e, passant devant l’Egypte, l’Algérie et la Tunisie. La Côte d’Ivoire, 8e en Afrique avant la CAN, est désormais 5e après son sacre. Sur le classement général, des pays africains ont fait des bonds considérables comme le Nigeria, qui a gagné 24 places, la Côte d’Ivoire 10, la Guinée Equatoriale 9, le Cap-Vert 8 et l’Angola, qui a gagné 24 places !
LE SYSTÈME DES NATIONS UNIES VA MOBILISER 488 MILLIARDS FCFA EN FAVEUR DU SÉNÉGAL
Le système des Nations unies va mobiliser “près de 488 milliards de francs CFA” pour le financement du plan de développement du Sénégal sur la période 2024-2028, a annoncé sa coordinatrice résidente, jeudi, à Dakar.
Dakar, 15 fév (APS) – Le système des Nations unies va mobiliser “près de 488 milliards de francs CFA” pour le financement du plan de développement du Sénégal sur la période 2024-2028, a annoncé sa coordinatrice résidente, jeudi, à Dakar.
“Près de 488 milliards de FCFA seront mobilisés pour le financement du plan de développement du Sénégal sur la période 2024-2028”, a déclaré Aminata Maïga, lors de la signature du plan-cadre des Nations unies pour l’assistance au développement (PNUAD) au profit du Sénégal (2024-2028).
Mme Maïga a fait part de la détermination du système des Nations unies de travailler “à renforcer la coopération avec le gouvernement et le peuple du Sénégal, les partenaires au développement, la société civile dans un esprit de partenariat basé sur [l’engagement] commun de ne laisser personne de côté”.
Elle précise que les Nations unies “s’engagent à travailler avec le gouvernement autour des trois priorités majeures”, dont la transformation structurelle de l’économie sénégalaise en vue d’assurer la durabilité et l’inclusivité de la croissance économique.
Le coordonnatrice résidente du système des Nations unies a aussi cité “le développement du capital humain, le renforcement de la protection sociale”, en vue “d’assurer le développement durable”.
Elle a de même évoqué “la consolidation de la bonne gouvernance et le renforcement de l’efficacité des institutions et la cohésion sociale”.
La réforme des Nations unies, note Aminata Maïga, “a recommandé que la présence des Nations unies dans un pays soit alignée sur les défis et les priorités de développement”.
“Ces priorités intègrent les défis de développement émergent tels que la cohésion sociale, les chocs climatiques et économiques qui pourraient contrarier l’accélération des progrès vers l’atteinte des ODD […]”, a indiqué Aminata Maïga.
A l’en croire, la coopération avec les nations unies devrait “apporter des solutions innovantes à la mise en œuvre des réformes institutionnelles structurelles et sectorielles visant l’accélération de la transformation structurelle de l’économie”.
Cette coopération est également de nature à soutenir “les efforts du gouvernement dans la mise en place des systèmes résilients pour assurer l’accès équitable et inclusif aux services sociaux de base et à la protection sociale, et la consolidation de la démocratie ainsi que la cohésion sociale”.
Selon Mme Maïga, sur cette base, “près d’une vingtaine d’’agences [ont été choisies] pour travailler au Sénégal avec une forte présence de bureaux régionaux, faisant du Sénégal un hub régional des Nations unies en Afrique”.
Pour Doudou Ka, le ministre sénégalais en charge de l’Économie, du Plan et de la Coopération, ce plan-cadre d’assistance au développement du système des Nations unies “représente pour le Sénégal un cadre de planification stratégique et de programmation des ressources allouées pour la période considérée”, à savoir 2024-2028.
Il “consacre la contribution attendue du système des Nations unies à la mise en œuvre de notre référentiel actualisé en matière de politique économique et sociale, à savoir le PAP 3 du Plan Sénégal émergent (PSE)”, a-t-il conclu.
TOUSSAINT MANGA ET PAPE ABDOULAYE TOURE LIBRES
Le processus d’apaisement et de réconciliation, annoncé par le président Macky Sall est-il à présent en cours ? En tout cas, deux des prisonniers dits «politiques», viennent d’être libérés.
iGFM - (Dakar) Toussaint Manga et Pape Abdoulaye Touré sont libres, après plusieurs mois de détention.
Le processus d’apaisement et de réconciliation, annoncé par le président Macky Sall est-il à présent en cours ? En tout cas, deux des prisonniers dits «politiques», viennent d’être libérés. Toussaint Manga et Pape Abdoulaye Touré sont libres. Ils ont obtenu une liberté provisoire. L’information vient d’être rendue publique par leur avocat.
Toussaint Manga, l’ex membre du parti démocratique sénégalais (Pds), était poursuivi pour appel à l'insurrection et actes ou manœuvres de nature à compromettre la sécurité publique. Pape Abdoulaye Touré aussi est poursuivi pour des actes ou manœuvres susceptibles de compromettre la sécurité publique, la participation à un mouvement insurrectionnel et diverses actions.
LA MÉDIATION S'ACTIVE POUR APAISER LA CRISE
Pierre Goudiaby Atepa estime qu'un scrutin fin mai serait "raisonnable", bien loin du 15 décembre. L'architecte affirme avoir multiplié les rencontres avec Sonko, qui aurait posé comme préalable à tout dialogue "des gages"
Brice Folarinwa de SenePlus |
Publication 15/02/2024
Dix jours après l'annonce du président sénégalais Macky Sall de reporter la présidentielle prévue le 24 février, le mécontentement reste palpable au sein de la société civile. Si le chef de l'État n'a pour l'instant fait aucun signe d'un éventuel retour en arrière, certaines personnalités tentent de jouer les médiateurs pour apaiser les tensions.
C'est le cas de Pierre Goudiaby Atepa, influent architecte et président du Club des investisseurs du Sénégal. Dans une interview accordée à RFI ce 15 février, ce dernier a confirmé avoir été mandaté par Macky Sall pour rencontrer Ousmane Sonko, principal opposant emprisonné, et favoriser le dialogue. "Mandater est peut-être un mot trop fort, mais il m'a demandé de faire tout ce que je pouvais faire pour que les Sénégalais puissent se parler entre eux, y compris monsieur Sonko", a-t-il déclaré.
L'objectif affirmé est double : obtenir un "apaisement réel de la situation" et "trouver des solutions, qui devraient passer par des dates raisonnables pour tenir des élections". Pierre Goudiaby Atepa estime qu'un scrutin fin mai serait "raisonnable", bien loin de la date du 15 décembre avancée par Macky Sall.
Concernant Ousmane Sonko, emprisonné, l'architecte affirme avoir multiplié les rencontres avec lui. "Le président souhaite un climat apaisé, il souhaite, éventuellement, que tout le monde puisse être candidat, y compris vous", lui aurait-il rapporté. L'opposant aurait posé comme préalable à tout dialogue "des gages" comme "la libération des prisonniers politiques".
Pierre Goudiaby Atepa laisse entendre qu'une libération d'Ousmane Sonko "n'est pas un problème" pour Macky Sall. Le président serait également favorable à la libération d'"un millier" de détenus d'ici quelques jours. Preuve selon l'intermédiaire "qu'il faut du temps" pour apaiser les tensions.
Interrogé sur ceux qui demandent le respect du calendrier électoral initial ou d'une décision du Conseil constitutionnel, Pierre Goudiaby Atepa estime qu'un "petit glissage" au mois de mai est une option envisageable "pour avoir la paix et des élections inclusives". Il appelle les acteurs politiques à "mettre un peu d'eau dans leur bissap" et à ne "pas s'accrocher" à des dates intenables, dans un contexte où "des gens voudraient profiter de l'instabilité" au Sénégal.
Cet entretien révèle les coulisses des tractations en cours, sous l'égide de Macky Sall, pour tenter de sortir de la crise politique qui secoue le pays suite au report controversé de la présidentielle. Le chef de l'État semble privilégier la voie du dialogue et de la médiation.
LE BARREAU DU SÉNÉGAL SE PRONONCE
Le Barreau du Sénégal qui appelle à la retenue et à l'apaisement, demande aux autorités à écouter la jeunesse et à traiter son appel. Celle-ci exige que les responsabilités soient situées afin que les auteurs d'abus ou de forfaits soient sanctionnés.
Le barreau du Sénégal a donné, ce jeudi, sa position sur la situation qui prévaut actuellement au Sénégal et liée au report de la présidentielle.
Le Conseil de l’Ordre des avocats du Sénégal aussi a tenu à donner son opinion sur l’actualité du pays. Actualité marquée par le report de la présidentielle. Dans son communiqué de presse parcouru par iGFM, le Barreau a souligné l’évolution «préoccupante de la situation politique et institutionnelle qui prévaut dans notre pays suite aux décisions prises par les plus hautes institutions de la République».
Et ces décisions sont au nombre de quatre : la liste définitive des candidats à la présidentielle arrêtée par le Conseil Constitutionnel ; la mise en place d'une commission d'enquête parlementaire sur d'éventuels faits de corruption de membres du Conseil Constitutionnel ; l'abrogation par le Président de la République du décret portant convocation du corps électoral et la décision de l'Assemblée Nationale de fixer la date des élections au 15 décembre 2024.
Le Barreau du Sénégal, dans son communiqué de presse, relève que les faits imputés, au même titre que les décisions prises, sont graves et porteurs d'incertitudes pour le Sénégal. Pis, ils mettent «en péril la stabilité du pays, la paix sociale et le respect des institutions garantes de notre démocratie et de la République», indique le conseil.
Ainsi, Me Ibrahima Ndiéguène et ses camarades proscrivent toute atteinte à l'ordre constitutionnel qui viole les principes démocratiques et installer le pays dans un cycle de violence et d'insécurité majeures. Puis, ils condamnent vigoureusement toute violence dans l'espace social et «déplorent les dégâts matériels ainsi que les pertes en vies humaines et présente ses condoléances aux familles endeuillées.»
Le Barreau du Sénégal qui appelle à la retenue et à l'apaisement, demande aux autorités à écouter la jeunesse et à traiter son appel. Celle-ci exige que les responsabilités soient situées afin que les auteurs d'abus ou de forfaits soient sanctionnés et les victimes dédommagées.»
Quant aux marches interdites ou réprimées, le barreau souligne que la liberté de manifester, garantie par la Constitution ainsi que l'exigence du maintien de l'ordre, «ne doivent absolument pas justifier ou légitimer la violence».
LES JEUNES DÉTERMINÉS À VOTER MALGRÉ LE REPORT DE LA PRÉSIDENTIELLE
La déception reste vive chez les jeunes Sénégalais qui rêvaient de voter pour la première fois le 25 février. Le report du scrutin a attisé leur impatience démocratique
Brice Folarinwa de SenePlus |
Publication 15/02/2024
Reportée au 15 décembre, l'élection présidentielle prévue initialement le 25 février reste une grande déception pour de nombreux jeunes impatients de prendre part à leur devoir civique. À l'image de Mohamed Al Amine Touré, marchand ambulant de 23 ans rencontré sur le marché populaire de Colobane à Dakar par un journaliste de l'AFP. "Le 25 février était un rendez-vous important pour nous, le Sénégal est une démocratie et jamais une élection présidentielle n’a été reportée auparavant", déplore-t-il, en référence aux présidences successives de Léopold Sédar Senghor, Abdou Diouf et Abdoulaye Wade.
Comme Mohamed Al Amine Touré, nombre de jeunes Sénégalais faisaient partie des primo-votants devant se rendre aux urnes pour la première fois, conformément à leur droit de citoyen. Or, ils représentent plus de la moitié de la population, particulièrement touchée par les problématiques socio-économiques, à l'instar du chômage des jeunes qui atteint 19% selon l'Agence Nationale de la Statistique. Pris en étau entre ces difficultés et l'envolée du coût de la vie, "une majorité de la jeunesse était acquise à la cause d'Ousmane Sonko, en qui elle plaçait toutes ses espérances de changement", rapporte l'AFP.
Le report de l'élection et l'extension controversée du mandat de Macky Sall ont enflammé la crise politique au Sénégal. Vendredi dernier, des affrontements ont éclaté sur le marché de Colobane entre manifestants et forces de l'ordre, faisant trois morts. Sur place, tous les jeunes interrogés réclamaient de pouvoir exercer leur droit de vote. Pourtant, certains comme Serigne Faye, 23 ans, plaident désormais pour "l'arrivée des militaires au pouvoir" dans l'espoir d'apporter "stabilité". Un scénario que refuse catégoriquement son camarade Ameth, craignant des répercussions sur le processus démocratique à l'image des pays voisins secoués par des coups d'État récents. Malgré la tension ambiante, la majorité des jeunes espèrent encore la tenue d'élections libres et transparentes d'ici fin mars.
Par Cheikh Yérim Seck
LES CLES POUR COMPRENDRE CE QUI SE PASSE AU SENEGAL
A la stupéfaction générale, dans une adresse à la nation prononcée le 3 février, le président du Sénégal, Macky Sall, a abrogé le décret convoquant le corps électoral pour le scrutin présidentiel qui devait se dérouler le 25 février, a une date ultérieur.
A la stupéfaction générale, dans une adresse à la nation prononcée le 3 février 2024, le président du Sénégal, Macky Sall, a abrogé le décret convoquant le corps électoral pour le scrutin présidentiel qui devait se dérouler le 25 février, reportant de facto sine die la présidentielle. Pour entériner cette décision inédite dans l’histoire de la démocratie sénégalaise, l’Assemblée nationale a voté, au forceps, dans une hémicycle débarrassée manu militari des députés de l’opposition radicale, un projet de loi constitutionnelle fixant la nouvelle date de l’élection au 15 décembre 2024. Ce qui a ajouté à l’escalade et entraîné des manifestations de rue ayant occasionné la mort de trois manifestants, dont un étudiant. Qu’est-ce qui a conduit Macky Sall à ce saut dans l’inconnu, lui qui avait pourtant engrangé tant de sympathie après son discours historique du 3 juillet 2023 dans lequel il avait déclaré renoncer à briguer une troisième candidature à la magistrature suprême par égard pour la Constitution et pour la tradition démocratique sénégalaise ?
Dans son adresse à la nation, il a évoqué une crise institutionnelle qui augurait d’une crise post-électorale s’il n’arrêtait pas le processus. Les couacs se sont en effet multipliés. Quarante-un candidats à la candidature, dont les dossiers ont été rejetés par le Conseil constitutionnel, se sont regroupés dans un Collectif et ont sollicité le président de la République à l’effet de faire réparer « l’injustice » qu’ils estiment avoir subie. En cause, la méthode d’examen par la haute juridiction des parrainages exigés pour être éligible à la candidature. Dans le flot de contestations, Aly Ngouille Ndiaye, un ancien ministre de l’Intérieur, qui sait donc de quoi il parle pour avoir organisé plusieurs élections, a soulevé un sérieux grief : « Il y’a plus de 900 000 électeurs inscrits qui ne figurent pas sur le fichier à partir duquel le Conseil constitutionnel a travaillé pour apprécier la validité des parrainages. » C’est trivial, il n’y a pas d’élection crédible sans un fichier électoral fiable.
Sur les vingt-un candidats qui ont franchi le filtre du parrainage, Karim Wade, fils de l’ex-président Abdoulaye Wade, candidat du Parti démocratique sénégalais (PDS, au pouvoir de 2000 à 2012), a été recalé pour ne pas être exclusivement de nationalité sénégalaise. Alors que le PDS protestait en exhibant la déclaration de renonciation à la nationalité française de son candidat, une copie du passeport français de Rose Wardini, une candidate admise à concourir, a été publiée dans la presse, discréditant encore un peu plus le travail du Conseil constitutionnel.
Pour ne rien arranger, le groupe parlementaire Wallu, porte-étendard du PDS à l’Assemblée nationale, a suscité la création d’une commission d’enquête parlementaire pour faire la lumière sur des soupçons de corruption passive touchant deux membres du Conseil, de conflit d’intérêts, de collusion dangereuse… Macky Sall, à qui certains de ses adversaires prêtaient quelque regret suite à sa renonciation à briguer sa propre succession, ne pouvait trouver un contexte plus favorable pour documenter un arrêt du processus électoral. Ce qu’il a fait, en assortissant la mesure d’un appel à un large dialogue pour corriger ces graves dysfonctionnements afin de créer les conditions d’une élection qui ne souffrira pas de contestations. Pareille posture, en théorie républicaine, a été vite qualifiée de politicienne voire partisane par l’opposition qui y a vu une parade pour enrayer la défaite annoncée du candidat du pouvoir face à la vague d’adhésions en faveur de Bassirou Diomaye Faye, celui de Pastef, parti d’opposition radicale.
« Le facteur Pastef dans la complexité de l’équation politique»
Le métabolisme de la vie politique sénégalaise a été bouleversé par l’irruption brutale dans l’arène d’un haut fonctionnaire de l’administration des Impôts et domaines reconverti en hussard de la République. A coups de déballages tous azimuts, y compris sur des dossiers dont il a connu en tant que fonctionnaire, de livres à scandale et de fracassantes conférences de presse, Ousmane Sonko est passé de syndicaliste anonyme des Impôts à député élu au plus fort reste, puis à candidat classé 3e à la présidentielle, pour se retrouver porte-étendard de la coalition de l’opposition qui a ôté la majorité parlementaire au pouvoir de Macky Sall. Sous la bannière de Pastef (acronyme de Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité), Sonko a introduit dans un champ politique feutré et raffiné des méthodes aussi inédites que brutales (émeutes, casses, incendies volontaires, destructions de biens publics et privés, invectives contre les adversaires, insultes contre les autorités religieuses et coutumières, campagnes de diabolisation et d’intoxication sur internet…). Cette stratégie du bord du gouffre a atteint son paroxysme en mars 2021, lorsque le pays a manqué de peu de basculer après trois jours d’émeutes et de destructions perpétrés par des jeunes déchaînés par la convocation de Sonko sous une accusation de viol.
Pastef, objet politique non identifié, a, telle une météorite, bousculé la hiérarchie des forces, secoué les positions sur l’échiquier politique, rallié jeunes désoeuvrés, laissés pour compte économiques et autres damnés de la terre par un discours populiste, démagogique mais efficace. Au bout de deux années où leurs incitations à la violence, leurs appels à l’insurrection et leurs nombreuses défiances envers les institutions ont installé le pays dans le désordre sécuritaire, économique et social, Ousmane Sonko et son second, Bassirou Diomaye Faye, ont fini par être arrêtés et emprisonnés. Condamné définitif pour corruption de la jeunesse, après la requalification du viol qui lui était reproché, donc inéligible, Sonko a dû se résoudre à soutenir la candidature de Faye à la présidentielle qui devait se tenir. L’acceptation de cette candidature est d’ailleurs l’une des curiosités du travail tant décrié du Conseil constitutionnel. Pastef ayant été dissous en juillet 2023 pour actes de terrorisme, destructions de biens publics et privés, financement occulte par des fonds d’organisations salafistes…, aucun de ses membres ne pouvait, en effet, conserver le droit de concourir dans la moindre élection. C’est donc dans ce climat de suspicions, mais aussi de couacs répétés, sur fond d’une longue tension politique, que l’élection a été reportée. D’autant que la goutte d’eau de l’élimination de Karim Wade a fait déborder le vase.
« L’injustice du rejet de la candidature de Karim Wade »
A l’encontre de Karim Wade, l’injustice est systématique, systémique. Depuis la défaite de son père à la présidentielle de 2012, le fils d’Abdoulaye Wade va de tracasseries en brimades. Poursuivi pour enrichissement illicite par le régime de Macky Sall, il s’est vu infliger une lourde peine de 5 ans de détention par la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei). En dépit du rejet, par le Groupe de travail des Nations-Unies sur la détention arbitraire, de cette décision rendue par une juridiction d’exception au mépris de son droit à la défense et du double degré de juridiction, il a été incarcéré 3 longues années et demie. Le jour même de sa libération, ce 23 juin 2016, il a été manu militari mis dans un avion, contraint à un long exil au Qatar. A la veille de l’élection présidentielle de 2019, désigné candidat par le PDS, il a été empêché de revenir au pays pour prendre part au scrutin, menacé par le régime d’arrestation dès sa descente d’avion pour cause de contrainte par corps.
Pour éviter d’être à nouveau écarté, Karim Wade a, dès le 26 octobre 2023, pris la précaution de faire une déclaration de renonciation à la nationalité française auprès de l’ambassade de France à Doha. Enorme déchirement identitaire chez cet homme né d’un Sénégalais et d’une Française ! En dépit de ce sacrifice, il a subi un nouveau rejet de sa candidature. Une telle injustice, rendue évidente par l’admission de Rose Wardini – elle, réellement française –, a poussé le groupe parlementaire Wallu du PDS à initier une commission d’enquête parlementaire visant deux membres du Conseil constitutionnel pour corruption passive et conflit d’intérêts. Puis à déposer un projet de loi portant report de la présidentielle, pour donner à la commission le temps d’exécuter sa mission. Le projet, voté, a fixé le scrutin à la date du 15 décembre 2024.
Une curiosité, toutefois, dans cette procédure : la création de la commission d’enquête et le report de l’élection ont été adoptés grâce au vote des députés de la majorité présidentielle alors que les magistrats sont soupçonnés d’avoir été corrompus par… le candidat de cette majorité, le Premier ministre, Amadou Ba.
« Le problème Amadou Ba au sein de la majorité présidentielle »
Dans mon livre « Macky Sall face à l’Histoire/ Passage sous scanner d’un pouvoir africain », paru en janvier 2023, figure, à la page 207, un chapitre 19 titré « Le problème Amadou Ba ». L’intitulé est prémonitoire au regard des événements actuels. Cet inspecteur des impôts, directeur des Impôts au moment de la chute d’Abdoulaye Wade, a été promu ministre des Finances, puis ministre des Affaires étrangères par Macky Sall, avant d’être brutalement éjecté du gouvernement, soupçonné de manœuvres peu catholiques pour être calife à la place du calife.
Après deux années de traversée du désert, au cours desquelles tous le fuyaient comme la peste pour ne pas être suspects de connivence avec lui, il a été nommé Premier ministre par défaut dans un contexte où il était loin d’être le premier choix du chef. Avant d’être, à la faveur d’un intense lobbying qu’il a su orchestrer, désigné comme candidat de la coalition au pouvoir suite à la renonciation de Macky Sall à briguer une troisième candidature en 2024. L’adoubement de l’homme le plus calomnié dans les cercles du pouvoir, le plus soupçonné de déloyauté, le plus combattu… a aiguisé les couteaux, creusé les tranchées, déclenché une levée de boucliers… Sont-ce ses qualités, réelles, qui dérangent ? Des cadres de la mouvance présidentielle comme l’ex-Premier ministre, Mahammad Boun Abdallah Dionne, l’ancien ministre de l’Intérieur, Aly Ngouille Ndiaye, et l’ex-directeur directeur des domaines, Mame Boye Diao, sont ouvertement entrés en dissidence et ont déclaré leur candidature. Des proches de Macky Sall comme le président du Conseil économique, social et environnemental (Cese), Abdoulaye Daouda Diallo, le ministre du Tourisme, Mame Mbaye Niang, son homologue de l’Industrie, Moustapha Diop… ont alterné attaques publiques et coups en coulisses contre le candidat. Le cercle le plus intime du président a fini par se laisser persuader qu’Amadou Ba n’a pas l’étoffe pour gagner et que, s’il arrivait par miracle à l’emporter, il ne resterait pas loyal à la famille présidentielle. Pareille perception a dû peser sur la balance.
Toutefois, avant et après l’annonce du report, Macky Sall a donné des gages à son Premier ministre, lui a renouvelé sa confiance, l’a maintenu à son poste à la primature et à sa position de candidat. Conscient, sans nul doute, qu’un divorce d’avec Amadou Ba et ses proches, dans ce contexte de guerre frontale contre l’opposition et la société civile, scellerait la perte du pouvoir. Qu’adviendra-t-il entre ces deux hommes, qui ne s’aiment pas et ne se font pas mutuellement confiance, si la conjoncture politique actuelle change ?
Pour l’heure, Macky Sall continue de subir le problème Amadou Ba, maintient une unité de façade de son camp, appelle celui d’en face à un dialogue pour surmonter la crise…
« Le dialogue, moindre mal pour sortir de la crise »
Si le cycle actuel de manifestations et répressions perdure, le Sénégal risque de basculer dans une spirale meurtrière ou de connaître, pour la première fois de son histoire, une rupture de l’ordre démocratique. Dans une récente interview accordée à Associated Press, Macky Sall a prévenu que, si la classe politique n’arrive pas à s’entendre, « d’autres forces organisées » risquent de faire irruption dans le champ politique. Dans un communiqué conjoint en date du 12 février, Abdou Diouf et Abdoulaye Wade qui dirigèrent successivement le pays de 1981 à 2000 et de 2000 à 2012, ont appelé les jeunes au calme, la société civile à la responsabilité, l’opposition et le pouvoir à « un dialogue constructif et franc » pour aboutir, le 15 décembre 2024, à une élection présidentielle inclusive et incontestable.
D’ores et déjà, la coalition au pouvoir, les dissidents de la mouvance présidentielle (Mahammad Boun Abdallah Dionne, Aly Ngouille Ndiaye…), le PDS d’Abdoulaye et Karim Wade, le candidat et ex-Premier ministre Idrissa Seck, le candidat et ancien ministre de l’Intérieur, Aly Ngouille Ndiaye… ont déclaré leur volonté de prendre part au dialogue. Certains ne devraient pas tarder à les rejoindre autour de la table. Nombre d’autres candidats, pas prêts pour une élection le 25 février, cherchent à mettre les formes pour aller à la discussion sans perdre la face.
Alors que l’on craignait que la chaise de l’opposition radicale amenée par Pastef reste vide, Pierre Goudiaby Atépa, un célèbre architecte proche d’Ousmane Sonko, et Alioune Tine, une figure de la société civile autoproclamée médiateur dans les crises successives, ont révélé que Macky Sall et Sonko ont entamé des négociations secrètes dans le but d’aboutir à une décrispation du climat politique. Tine est allé plus loin, indiquant même que, en guise de signe d’apaisement, « Sonko va sortir de prison au cours des prochains jours » à la faveur d’une loi d’amnistie. Laquelle a été effectivement déposée sur la table de l’Assemblée nationale. Après cette sortie médiatique, la sonkosphère a multiplié les démentis, objectant que son leader, porte-étendard de l’anti-système, chantre de la rupture d’avec la politique classique, n’est pas homme à « négocier » comme les politiciens traditionnels. Comme pour couper court à ces dénégations, Karim Wade a jeté un pavé dans la mare, dans ce tweet du 13 février : « Je viens d’apprendre qu’Ousmane Sonko est en négociation avec le président Macky Sall en vue de sa prochaine libération et de celle des personnes emprisonnées avec lui. »
Si Sonko devra éclairer aux yeux de ses partisans les péripéties de sa prochaine libération, l’Etat du Sénégal doit, de son côté, élucider les circonstances dans lesquelles trois manifestants ont perdu la vie. Il a également l’obligation de sanctionner les éléments des forces de sécurité qui ont levé la main sur deux femmes. Leurs écarts ont été captés dans des vidéos devenues virales qui ont fortement choqué l’opinion. Plus jamais ça ! Même le chien ne supporte pas de voir un homme frapper une femme.
MACKY SALL RECULE SUR LE PROJET D'AMNISTIE
Entre pressions internes et externes, le président a finalement dû abandonner. Ses plus proches collaborateurs s'y étaient fermement opposés, prévenant le chef de l'État des conséquences politiques négatives d'une telle décision
Il n’y aura pas de loi d’amnistie des crimes liés aux manifestations de mars 2021 jusqu’à février 2024. Les sorties de Alioune Tine et Pierre Goudiaby Atepa, entre autres pressions, ont eu une conséquence négative sur la perception de la situation par la majorité des soutiens du chef de l’Etat. Le projet de loi, qui devait être présenté hier en Conseil des ministres, a été rangé aux oubliettes. Le président de la République Macky Sall a été obligé de laisser tomber.
«Sonko va être libéré dans les prochains jours.» Si Alioune Tine d’Afrikajom avait basé ses propos sur le projet de loi d’amnistie qui devait être présenté hier en Conseil des ministres avant d’atterrir à l’Assemblée nationale, il devrait revenir sur ses propos. Le projet est mort-né ! En effet, les réactions en public comme en privé, des membres de la majorité, ont eu raison de la volonté du président de la République. Macky Sall a été contraint d’abandonner l’idée. Le chef de la Coalition Benno bokk yaakaar a été convaincu par les membres de son camp, de «l’erreur» qu’il allait commettre.
Il faut rappeler, comme Le Quotidien l’avait dit auparavant, que le projet était passé le mercredi de la semaine dernière en Conseil des ministres. Mais plusieurs membres du gouvernement ne l’ont pas approuvé, et y ont même opposé un niet ferme. Le chef de l’Etat s’est accordé une semaine de réflexion, avec la secrète volonté de pouvoir surmonter les réticences de son camp. Mais la publication de l’information par Le Quotidien du lundi 12 février dernier, ainsi que la bronca qu’elle a soulevée à travers le pays, a achevé de montrer à Macky Sall la difficile haie qu’il allait devoir franchir en persistant dans son projet.
Des collaborateurs parmi les plus proches lui ont fait connaître leur nette opposition à l’idée d’amnistier certains crimes. Et au cas où il se serait obstiné, des ministres s’étaient même faits à l’idée de mettre leur démission en balance pour lui faire changer d’avis. Ayant subodoré tout cela, le Président Macky Sall n’a même pas évoqué le projet en Conseil des ministres d’hier.
Il semble aussi que les dernières sorties de Pierre Goudiaby Atepa et Alioune Tine, annonçant respectivement la volonté de concertation des deux parties et la sortie de prison de Ousmane Sonko, n’ont pas été du goût de certains membres de Benno bokk yaakaar. Qui n’ont pas compris que l’on puisse «sacrifier ceux qui ont été au front contre Ousmane Sonko, en plus de conforter les défenseurs de la thèse des détenus politiques». Moustapha Diakhaté fait partie de ceux qui étaient les plus virulents contre le projet. Il est monté au créneau pour le faire savoir. «Si le Président Macky continue, je vais m’y opposer farouchement», avait il déclaré.
On peut imaginer que ce revirement ne va certainement pas plaire aux «Patriotes». Eux qui, sans l’avouer publiquement, voyaient d’un bon œil la sortie prochaine de Ousmane Sonko. En effet, avec cette tension provoquée par le report de la Présidentielle, avoir Ousmane Sonko libre de ses mouvements aurait eu pour eux un avantage considérable. Le maire de Ziguinchor va devoir trouver d’autres moyens pour sortir de prison, à défaut de purger sa peine.
L’abandon de ce projet de loi d’amnistie aura forcément des conséquences sur le dialogue souhaité par Macky Sall. En effet, alors qu’officiellement les «Patriotes» sont contre l’idée, comment les convaincre de rejoindre la table des concertations sans certaines concessions ? C’est l’équation que devra résoudre son instigateur. Et ceux qui espéraient s’ouvrir les portes du Palais à l’occasion de cette nouvelle tension, devront continuer à chercher d’autres os à ronger.
Par Ibou FALL
DIOUF-WADE, COMBIEN DE COMBINES ?
Sénégal : cardiaques, émigrez ! Alors que la République tremble dans ses fondements depuis que le chef de l’Etat en exercice, Macky Sall, nous annonce le report de l’élection, ne voilà-t-il pas que deux revenants, surgis des limbes de l’histoire politique
Sénégal : cardiaques, émigrez ! Alors que la République tremble dans ses fondements depuis que le chef de l’Etat en exercice, Macky Sall, de son ton le plus solennel, arborant sa mine la plus grave, nous annonce le report de l’élection, ne voilà-t-il pas que deux revenants, surgis des limbes de l’histoire politique récente, nous rappellent à leur bon souvenir….
Dans un courrier cosigné, les deux anciens présidents de la République, Abdou Diouf et Abdoulaye Wade, nous appellent, en chœur, à garder notre sang-froid, faire preuve de bonne éducation, de retenue, d’esprit républicain, de patriotisme. Ils s’adressent à nous autres, Sénégalais ordinaires, dont la plupart sont de cette jeunesse qualifiée de malsaine par l’un, et que l’autre a éduquée à affronter les Forces de l’ordre, leur apprenant comment renvoyer les lacrymogènes aux policiers quand elle ne fait pas exploser des voitures pour obtenir sa libération.
Une énième «sénégalaiserie» de ces duettistes dont le sordide compagnonnage, qui date de bien longtemps, prend racine en des occasions sans doute que l’histoire ne révèlera jamais.
Certes, le pays est au plus mal
A l’international, nos amis du monde occidental, qui font du Sénégal le premier de la classe démocratique sous les tropiques, froncent les sourcils
Le département d’Etat américain, cette vierge éternelle effarouchée, s’indigne des violations flagrantes des principes de bonne démocratie. Au pays de la peine de mort, du port d’arme institutionnalisé, où un Nègre prend une balle perdue s’il fouille trop brusquement ses poches, ça ne tolère pas qu’un pays aussi pauvre que le nôtre puisse s’offrir l’audace d’enfreindre sa Constitution avec autant de désinvolture.
Quant à l’Union européenne, qui ne comprend déjà pas qu’un pays civilisé s’offusque que des homosexuels se promènent sur les boulevards bras dessus, bras dessous en échangeant des baisers à pleines bouches, elle se scandalise que ces sauvages se permettent en plus de rater un rendez-vous électoral.
Que dire de l’indignation de la Cedeao… Ses pays membres ont déjà du mal à gober les Sénégalais qu’ils regardent comme des intrus : un authentique pays africain a dans son pedigree au moins deux coups d’Etat sanglants et un putsch sympa, pour le principe, sans trop de gaspillage d’hémoglobine. Juste des foules en liesse, des soldats sur les chars et des chants martiaux qui surexcitent les midinettes.
Le Sénégal, qui est non pas un pays africain mais juste situé en Afrique, tarde à sauter le pas. C’est agaçant. Allez, quoi : du nerf ! Y’aurait pas un sergent obtus chez nous, genre Dadis Camara, aux intonations vernaculaires et au vocabulaire chiche, qui se dévouerait pour authentifier notre nègre attitude ?
Macky Sall, avouons-le, est dans la bonne direction, puisqu’il ouvre la voie à l’aventure. Ça ne suffit pas. Il devrait sauter le pas et répondre à l’appel de l’abîme avec plus de courage s’il veut mériter sa place dans la liste interminable des chefs d’Etat africains dont on évoque les hauts faits en écrasant des larmes sur nos bajoues.
Ce n’est pas sénégalais certes, mais très ouest-africain. Une vraie révolution, avec des insurgés grognant et hurlant, une foule délirante qui brûle tout sur son passage et, au final, un quarteron de gradés qui prend ses aises au palais de la République après en avoir délogé l’occupant.
La première mesure que ces malappris prendraient, après avoir suspendu la Constitution, c’est de mettre un terme au gaspillage républicain dont les astronomiques pensions de retraites présidentielles ainsi que les frais d’entretien qui vont avec.
De quoi réveiller le tonus de retraités grabataires qui pensent jusque-là couler des jours peinards à l’abri du besoin, tandis que leurs enfants et petits-enfants vivraient sur un grand train, conformément au standing familial. Suivez mon regard…
Saperlipopette, s’exclamerait-on dans un autre monde.
Et donc, ces bons messieurs, Diouf et Wade, de leurs plus belles plumes, qui voient de loin venir le temps des vaches maigres si la République bascule dans la révolution de palais, se fendent d’un appel à la raison, après avoir fait régner leur déraison trente-deux années durant.
On rembobine ?
Au début des années soixante-dix, alors que Senghor tient la barque d’une main de fer dans un gant de velours, il tourne autour de lui un troupeau de jeunes ambitieux dont les rêves de gloire n’excèdent pas la gloire de prendre la place du Blanc.
Abdou Diouf, sorti de l’Enfom, où l’on vous enseigne l’art de mater du Nègre en obéissant au Blanc, est un premier de la classe.
Deux mètres, mais pas un poil plus ras que l’autre. Il sait se plier en quatre, rentrer le cou et raser les murs au besoin. Quand on lui demande de poser aux côtés du Président plutôt court sur pattes, il recule de deux pas pour que le contraste des tailles ne fasse pas de l’ombre au Président.
La courtisanerie est un art.
Ça rassure l’autocrate républicain que le bicéphalisme avec Mamadou Dia échaude depuis les «événements de 1962».
Dans ces années-là, les finances publiques sont choses trop sérieuses pour être confiées à la négraille. André Peytavin, médecin vétérinaire, militant progressiste qui préfère la nationalité sénégalaise à celle de la France au moment des indépendances, est le premier ministre des Finances.
Il décède sans crier gare en 1964.
Un court intermède fera de Daniel Cabou, son successeur, un juriste et économiste, également un pur produit de l’Enfom.
Tout ça, c’est avant que Jean Collin n’y atterrisse.
Pause pipi.
Il y reste jusqu’en 1971. Malgré les coups de boutoir de jeunes ambitieux qui réclament sa tête et veulent sa place avec pour principal argument que leur couleur de peau.
Quand il faut choisir, quelques têtes émergent.
Un premier de la classe, sorti de l’Enfom, qui a eu le malheur d’être le directeur de Cabinet de Mamadou Dia, Babacar Bâ, sort du lot. Un surdoué qui, en 1948, décroche le bac à dix-huit ans, pendant que ses contemporains le décrochaient à vingt-deux ou même trente
Rien à voir avec les carrières poussives des autres prétendants, dont un certain Abdoulaye Wade.
Babacar Bâ a ce petit quelque chose, le panache, peutêtre, que la noblesse vous impose malgré vous. Sa mission : créer une bourgeoisie nationale qui reprendra notre économie des mains du colonisateur. Le vendredi, quand Babacar Bâ sort du cimetière de Soumbédioune aux aurores, il s’astreint à des audiences que le Peuple des Sénégalais en urgence lui réclame. Sa légende anime le monde des affaires et il devient un mythe dans le bassin arachidier.
C’est sans doute à ce moment-là qu’entrent Abdou Diouf, Premier ministre sans envergure, et Abdoulaye Wade, juriste, économiste, avocat, qui se voit ministre des Finances après avoir déployé tant d’efforts pour que l’économie et les finances soient confiées à un Nègre bon teint.
Senghor lui préfère Babacar Bâ
Abdou Diouf et Wade ne nous diront jamais à quel point ils ont été complices. La création d’un «parti de contribution» travailliste, le Pds, pour appuyer les progressistes de l’Ups, surtout au plan économique, tombe pile-poil. Quand Wade rencontre Senghor à Mogadiscio pour avoir l’autorisation de créer son parti, il a la bénédiction du Premier ministre.
Ça tombe bien, le monde entier attend la création d’un parti d’opposition civilisé en Afrique…
Le hasard faisant bien les choses, c’est dans le fief de Babacar Bâ, le bassin arachidier, avec aux manettes Ahmed Khalifa Niasse, que le premier congrès du Pds se tient.
En ces temps-là, le bourrage des urnes est la norme. Quand Senghor le veut, les urnes affichent 100% des votes. Quand Wade et son Pds arrivent, ô miracle, ils décrochent de quoi former un groupe parlementaire à l’Assemblée, avec dix-huit députés.
Fara Ndiaye, le numéro deux du Pds, est un familier de Diouf, depuis la fin des années cinquante. Ils crèchent alors dans la même résidence universitaire en France. Cerise sur le gâteau, le beau-frère de Fara Ndiaye est un condisciple de Diouf. Ça aide, n’est-ce pas…
Ils se parlent la nuit, en bons Africains, comme dirait un éditorialiste français pince-sans-rire. C’est Diouf lui-même qui le dit dans son autobiographie.
Pour financer le Pds, un cabinet de consultance est mis sur pied, codirigé par Fara Ndiaye et Habib Diagne, que l’on dit proche de Abdou Diouf. Des lettres de recommandation du gouvernement sénégalais leur ouvriront des marchés auprès de certains Etats africains.
Il n’y a pas que gagner de l’argent en politique, il faut aussi savoir nuire à ses adversaires…
Pendant que Abdoulaye Wade dénonce le scandale économique qu’est l’Oncad, le moteur de l’économie dans le bassin arachidier, fief de Babacar Bâ, Abdou Diouf démolit le mécanisme de financement de la bourgeoisie locale en fermant le fameux «Compte K2» de la Bnds qui donne à Babacar Bâ plus de pouvoir que de raison.
Moustapha Niasse, Djibo Kâ, qui ceinturent Senghor sous la coupe de Jean Collin, se dévoueront pour provoquer le court-circuit entre le Président et son ministre des Finances… Même le cousin, Serigne Ndiaye Bouna, s’en mêlera en créant le fameux «scandale des voitures japonaises», prétextant que Babacar Bâ, ministre des Finances, protègerait les multinationales françaises en interdisant l’importation des voitures japonaises.
Un «scandale» révélé par le seul journal privé de l’époque, Le Politicien…
Tous ces braves concitoyens feront tant et si bien que le chouchou de Senghor tombera en disgrâce. Il est d’abord déplacé aux Affaires étrangères avant qu’un incident ne le raye de la liste des membres du gouvernement. Avec les compliments de Jean Collin et Abdou Diouf.
La voie est libre.
Lorsque Diouf remplace Senghor, Collin est aux premières loges certes, mais Wade ne doute pas qu’il a sa part du butin qui l’attend. Diouf n’est pas une bête politique et il pense n’en faire qu’une bouchée aux premières élections qui viennent.
En 1983, ô surprise, c’est Diouf qui gagne… C’est alors que le gentil parti d’opposition issu du «parti de contribution» opère sa mue. Le style change. L’extrémisme de Wade que la conquête du pouvoir obsède depuis que c’est Diouf qui occupe le Palais, effraie ses lieutenants qui le quittent les uns après les autres.
En 1988, lorsque le Pds donne l’assaut, c’est une armée de sans-culottes que complète un trio de poseurs de bombes.
L’Etat, alors, c’est Jean Collin.
Il faudra s’en débarrasser, en 1990, pour enfin que Diouf et Wade se retrouvent en tête-à-tête, face à face. Pour qu’il puisse y avoir le «Code électoral consensuel» piloté par Kéba Mbaye, puis le «gouvernement de majorité élargie» où nos larrons se croiront en foire…
De leurs mamours, qui confinent à la vulgaire partie de jeu de dames, on retiendra en plus la faillite de l’éducation et la citoyenneté, une année scolaire «blanche», un juge constitutionnel assassiné, plusieurs couvre-feux, le plus grand naufrage maritime de l’humanité, une culture du reniement et de la compromission, du vandalisme politique, une conception du bien public qui se contente de garder le pouvoir ou le conquérir juste pour jouir de ses privilèges.
Entretemps, comprenez trente-deux-années de magistère si on additionne les années de gloire de nos duettistes, la «jeunesse malsaine» a fait des petits qui sont devenus des pilleurs et des assassins.