Les vastes chantiers annoncés, avec tambours et trompettes, à hauteur de 400 milliards de FCFA, dans la région de Sédhiou, peinent à voir le jour. Neuf mois après la prise de ces engagements du gouvernement du Sénégal, aucune évolution significative n’est constatée sur le terrain. De là à nourrir les craintes d’une désuétude de ces projets, avec les nouvelles promesses faites dans les régions qui abritent ces derniers jours ces mêmes instances gouvernementales décentralisées.
Le Conseil des ministres décentralisé à Sédhiou, le 1er mars dernier, avait stabilisé la réalisation de 18 axes majeurs, avec un accent particulier sur le désenclavement de la région. Ainsi a été décidée la construction du pont de Témento, déjà baptisé Balla Moussa Daffé, la boucle du Boudié, l’aménagement de la voirie communale de Bounkiling, Goudomp, Marsassoum et Sédhiou, ainsi que la route Saré Alkaly-Ndiamacouta. Au sujet de la mobilité toujours, les travaux d’élargissement et de construction de l’aéroport de Diendé bougent, à pas de caméléon.
Parmi les décisions majeures figure aussi la construction d’une sphère administrative dont la pose de la première pierre a été faite dans l’arrière cours de la préfecture. Mais depuis, pas l’ombre d’une brique sur le site. L’inquiétude commence déjà à gagner les esprits, avec d’autres Conseils des ministres décentralisés tenus ailleurs et sans que les engagements pris à Sédhiou ne connaissent un début de mise en œuvre.
Outre ces engagements, les populations de la région de Sédhiou sollicitent l’implantation des unités de transformation des fruits et autres produits de cru et créer une chaine de valeur à même de réduire les trappes de pauvreté et les vagues de migration irrégulière. Ici, les attentes sont nombreuses et la demande pressante pour abréger le calvaire des populations d’une région qui dispose d’un fort potentiel naturel mais dont l’inexploitation l’installe au rang de collectivité la plus pauvre, tel un homme affamé assis sur un tas de blé.
QUAND LA POLITIQUE DOMINE L’ECONOMIE !
Depuis plusieurs semaines déjà le gouvernement sénégalais est en «tournées économiques», qualifiée de précampagne par ses détracteurs
Depuis plusieurs semaines déjà le gouvernement sénégalais est en «tournées économiques», qualifiée de précampagne par ses détracteurs. Pendant ce temps, les vrais enjeux de développement tels que l’éducation nationale et l’enseignement supérieur, l’économie de rente, entre autres, sont occultés au profit de nouveaux engagements en programmes à coût de milliards de francs CFA.
Lancées en 2014 par le président de la République, Macky Sall, dans le Nord du pays (Saint-Louis), les tournées économiques se veulent une opportunité d’apprécier les réalisations d’infrastructures et d’équipements socioéconomiques de base à travers les projets et programmes de développement communautaires et d’équité sociale et territoriale (PUDC, PUMA et PROMOVILLES), s’appuyant sur l’électrification rurale, l’hydraulique, les équipements de santé et scolaires, entre autres. C’est aussi l’occasion pour le chef de l’Etat de faire nourrir l’espoir d’un avenir plus radieux à ces populations en les promettant davantage d’avantages.
De 2014 à nos jours, et à plusieurs reprises, le président Macky Sall est allé rencontrer ces mêmes populations pour entretenir les «mêmes promesses» notamment lors des Conseils présidentiels suivis de Conseils des ministres décentralisés/délocalisés dans les capitales régionales, des tournées économiques souvent au relent de campagnes électorales. Dans toutes ces localités, des investissements à coût de milliards ont été annoncés. Et dans bien des cas, ces engagements politiques ont donné des résultats qui tapent à l’œil dans les différentes localités du pays, singulièrement à Dakar où on note des réalisations comme les autoponts, le Train express régional (Ter), le Bus rapid transit (Brt), l’autoroute Ila Touba... Du Nord au Sud, en passant par le Centre, l’Est et l’Ouest du pays, des infrastructures ont été réalisées ou en cours de réalisation. Mais, aujourd’hui, toutes ces réalisations semblent ne pas suffire pour emballer les populations, au point que le président de la République en personne soit amené à faire une «précampagne déguisée» sous le sceau de «Tournées économiques». Tout ceci, en renfort à son candidat et non moins Premier ministre, afin qu’il puisse prendre une large avance sur ses potentiels concurrents (adversaires) en lice pour la présidentielle de février 2024.
En tournée économique, depuis le 28 octobre dernier, dans la région de Thiès, puis dans le Nord, le Premier ministre, Amadou Ba, peut compter sur le renfort de son mentor (le président Macky Sall) qui s’est engagé à descendre sur le terrain pour lui. A Kédougou, où a démarré ce périple qui le conduira dans plusieurs régions, le chef de l’Etat s’est félicité du travail fait sous son magistère. Il a, à nouveau, promis à cette région un programme de 600 milliards de francs CFA, pour les trois prochaines années (2024- 2026).
Par la même occasion, lors du Conseil présidentiel territorialisé, il a fait savoir qu’entre 2014 et 2023, «le volume des investissements réalisés par l’Etat dans la région s’élève à 228 milliards 835 millions 708 mille 343 francs CFA. Ce qui correspond à un niveau d’exécution de 222,9% par rapport aux engagements initiaux». Pour s’en convaincre, il dit ceci : «En 2014, précisément le 16 avril, lors de la tenue du Conseil des ministres délocalisé, le coût des besoins en projets exprimés et présenté au Conseil, s’élevait à 192 milliards 820 millions 061 mille 315 francs CFA. A l’époque, le gouvernement s’était engagé à réaliser un ensemble de projets d’un montant de 109 milliards 600 millions de francs CFA, soit 56, 8% des besoins de la région répartis selon les trois axes du PSE»
Dans les jours à venir, le chef de l’Etat effectuera la même tournée économique dans les régions de Kaffrine, Kaolack et Fatick. Là aussi, des promesses à coût de milliards ne manqueront certainement pas. Tous ces déplacements coûtent lourdement au contribuable sénégalais. Du carburant, des hôtels, la restauration, la mobilisation de l’administration, tout ceci sur le dos des Sénégalais et pèse lourd sur l’économie nationale qui en berne. Les vrais enjeux sont occultés, au profit de la politique. Si cette dynamique dénommée tournée économique se poursuit jusqu’à l’ouverture de la campagne présidentielle, il n’est pas sans craindre de voir l’économie en pâtir.
UN TEMPLE DU SAVOIR DÉSORGANISÉ
Des armes blanches au désordre politique, l'impuissance face à la montée de la violence ébranle le prestige de l'université Cheikh Anta Diop de Dakar
Depuis quelques années, la violence est devenue endémique dans les universités sénégalaises. Entre batailles rangées entre groupes d’étudiants et saccages des biens publics, le désordre règne en maître dans les temples du savoir. Et visiblement affectée par les violences, l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD) qui a toujours été un creuset de savoir pour beaucoup d’intellectuels africains, est en train de perdre de son superbe.
En juin dernier, l’emprisonnement du leader de l’ex parti Pastef, Ousmane Sonko à deux ans de prison ferme pour «corruption de la jeunesse» dans l’affaire «Sweat Beauté» avait secoué le Sénégal avec de violentes manifestations un peu partout dans le pays. Et les universités sénégalaises n’ont pas échappé à la furie des manifestants.
De Dakar, en passant par Thiès, Ziguinchor et Saint-Louis, les stigmates étaient visibles dans les établissements publics d’enseignement supérieur. Ce qui a dû perturber les enseignements pendant quelques mois. A l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, les enseignements continuent de se dérouler à distance depuis lors. Malgré la multiplication des appels à la réouverture du temple du savoir, notamment du Syndicat autonome de l’enseignement supérieur (SAES) et des étudiants, le Conseil académique de l’université maintient toujours la poursuite des cours à distanciel. Une situation qui continue de faire débat au Sénégal.
Cependant, il faut dire que depuis quelques années, la violence est devenue endémique dans les universités sénégalaises, surtout à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Entre saccages, bagarres à relents communautaires ou confrériques ou pour le contrôle des amicales, l’insécurité règne dans le temple du savoir. Véhicules calcinés, bâtiments saccagés, l’UCAD était devenue méconnaissable, au lendemain des évènements de juin dernier. Pour beaucoup de personnes, même si l’UCAD a toujours été un lieu de contestation politique, jamais elle n’a connu cette ampleur.
Ce qui a fini d’indigner plus d’un. L’UCAD qui faisait la fierté de toute une Nation, ce qui faisait de Dakar un creuset du savoir pour avoir formé beaucoup d’intellectuels africains notamment des présidents de la République, des très hauts cadres de l’armée, de très grands fonctionnaires internationaux, est en train de perdre de son superbe. On se rappelle également du concert de casseroles qui avait été le théâtre d’affrontements entre étudiants de la coalition Yewwi-Wallu et ceux du pouvoir. Des armes blanches brandies lors de ces affrontements avaient occasionné des blessés. Sans oublier, les heurts qui ont suivi la visite du leader de l’ex parti Pastef, Ousmane Sonko au campus universitaire de Dakar. Il y a aussi quelque temps, suite à la descente des hommes chargés de la sécurité du campus social de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, des armes, barres de fer, des couteaux avaient été découverts dans les chambres des étudiants.
Quid des affrontements entre les associations « Ndefleng » et « Kekendo » qui ont occasionné la mort de Ismaïla Gaoussou Diémé. Sur ce, le Conseil de discipline de l’Université Cheikh Anta Diop avait sanctionné des étudiants en les excluant de l’université.
Présidant le Conseil présidentiel sur l’insertion et l’emploi des jeunes, le Chef de l’Etat, Macky Sall avait dénoncé les scènes de violence qui se passent à l’université. «L’université, c’est un centre de savoir, ce n’est pas un centre pour des gladiateurs sinon on va aller à l’arène. Il n’est pas normal et nous allons mettre un terme au désordre qu’il y a à l’université où des non-étudiants qui ne sont pas inscrits, qui ne sont pas dans la communauté universitaire, puissent rester dans le campus et y perpétrer de la violence», avait déclaré Macky Sall. A ce mal qui gangrène les universités sénégalaises, il faut aussi ajouter la fuite de cerveaux. D’éminents professeurs servent maintenant à l’étranger. En effet, malgré la montée d’un cran de la violence en son sein, l’UCAD continue à s’illustrer en Afrique. Elle est à nouveau sortie première en Afrique francophone du classement Edurank2023, pour la deuxième fois cette année.