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16 juin 2025
DIGITALISATION DE LA SANTE, LE GOUVERNEMENT DECAISSE LES FONDS
Le gouvernement sénégalais a affecté 30 milliards de francs CFA au financement de la digitalisation de la santé, a indiqué le coordonnateur de la Cellule de la carte sanitaire et sociale, de la santé digitale et de l’observatoire de santé (CSSDOS)
Dakar, 22 juin (APS) – Le gouvernement sénégalais a affecté 30 milliards de francs CFA au financement de la digitalisation de la santé, a indiqué le coordonnateur de la Cellule de la carte sanitaire et sociale, de la santé digitale et de l’observatoire de santé (CSSDOS), Dr Ibrahima Khaliloulah Dia.
« Le gouvernement du Sénégal a érigé en priorité la santé digitale depuis plusieurs mois. Il a accepté de mettre un financement de 30 milliards sur la question », a-t-il informé.
Il a toutefois déclaré que ce montant « ne sera pas suffisant » pour financer la digitalisation de la santé à travers le pays. « Le Sénégal dispose de 1 500 postes de santé, de 110 centres de santé et de 40 hôpitaux. Vous vous imaginez comment mettre l’internet, des équipements, des tablettes. C’est beaucoup d’argent, c’est pourquoi ce financement n’est qu’un point de départ », a-t-il fait remarquer.
Il a précisé que le but poursuivi par les autorités sanitaires est de parvenir à une digitalisation de tout le système de santé. « Ce que nous recherchons, c’est de digitaliser tout le système de santé, c’est-à-dire qu’un poste de santé soit en mesure de consulter à travers un ordinateur, mettre les informations et que demain si le patient revient, le soignant puisse retrouver le dossier et le mettre à jour », a expliqué le Dr. Dia.
« Un patient peut avoir son dossier médical qui le suit, qui circule d’une manière sécurisée dans une base de données nationale et c’est une grande valeur ajoutée pour le patient, parce qu’il y aura des économies, des radios qu’il ne va pas reprendre », a-t-il fait valoir.
Il estime que beaucoup d’avantages peuvent être tirés de la mise en place de la télémédecine. « (…) Nous avons fait beaucoup d’efforts pour construire des postes de santé et des hôpitaux, mais nous savons que nous pouvons faire des gains si nous arrivons à faire de la télémédecine entre les centres de santé et les hôpitaux », a-t-il souligné.
S’il est mis en œuvre, le projet permettra d’avoir l’avis d’un médecin avant toute évacuation sur Dakar. « Nous voulons démarrer ce projet. Il s’agit d’équiper les centres de santé pour qu’un patient qu’on doit évacuer puisse déjà à distance avoir l’avis d’un médecin qui est à Dakar. On appréciera, par exemple, s’il a besoin d’être déplacé », a indiqué le coordonnateur de la CSSDOS.
La Cellule de la carte sanitaire et sociale, de la santé digitale et de l’observatoire de santé (CSSDOS), qui « existe depuis 2017, dispose « d’un plan stratégique validé par le gouvernement ».
Le Programme de digitalisation du système de santé (PDSS) entre dans le cadre du projet d’accélération de l’économie numérique du Sénégal (PAENS), financé par la Banque mondiale à hauteur de 150 millions de dollars, soit près de 90 milliards de francs CFA.
RÉFLEXIONS SUR LA CRISE DE L'ÉTAT DE DROIT AU SÉNÉGAL
EXCLUSIF SENEPLUS – Selon le juriste Sidy Alpha Ndiaye, le Sénégal n’est pas un État de droit. Il affirme que le Conseil constitutionnel a le devoir de confirmer ce que tous les Sénégalais ont compris : nul ne peut faire plus de deux mandats consécutifs
Récemment, le Professeur Sidy Alpha Ndiaye a été en conversation avec l’universitaire Felwine Sarr. Ensemble, ils ont discuté de la "crise de l’État de droit" au Sénégal. Ils ont également abordé des thèmes complexes tels que la notion d'État-nation, la refondation de la République sénégalaise, le processus de changement nécessaire et le rôle des langues dans ce processus. Voici les points importants de cette discussion tels que retranscrits par SenePlus.
Qu’est-ce qu’un État de Droit ?
Selon le Professeur Ndiaye, un État de droit signifie la soumission de l'État aux règles du jeu acceptées par les populations et le respect par l'État de ses engagements internationaux et communautaires. Ce n'est pas seulement une question d'existence d'institutions et de normes codifiées. L'État de droit implique également un sentiment d'acceptation et d'adhésion du peuple à l'égard des institutions et des normes, que celles-ci soient d'origine interne ou internationale.
Il précise que l'État de droit ne doit pas être simplement déclaratoire ou discursif, mais doit correspondre à la réalité. Il doit y avoir une correspondance sociologique entre les institutions et les populations.
Le Sénégal est-il un État de Droit ?
Selon le professeur Ndiaye, la réponse est non. Bien que le Sénégal possède un État de droit sur le plan technique, formel, normatif et institutionnel, il n'existe pas d'État de droit sur le plan des aspirations des populations. Les citoyens ne se sentent pas reconnus par les institutions, et il n'y a plus de contrat d'adhésion entre le peuple et l'État.
De la troisième candidature
Sur cette question, le professeur Ndiaye rappelle que la Constitution du Sénégal, adoptée en 2001 est très claire sur la limitation du mandat présidentiel à deux termes consécutifs. La question du mandat présidentiel a été tranchée depuis 2001 et ne devrait pas être un sujet de débat.
Il déclare que le débat actuel sur la possibilité pour le président de se présenter une troisième fois est un débat politicien et non juridique. En 2016, il y a eu une modification de la Constitution, mais celle-ci ne portait pas sur le nombre de mandats mais sur leur durée. Aucune solidarité normative n'existe entre la durée du mandat et le nombre de mandats.
Lien entre la durée du mandat et le nombre de mandats
Le professeur Ndiaye confirme qu'il n'y a aucun lien entre la durée du mandat et le nombre de mandats. Ce sont des conjectures à des fins politiciennes qui cherchent à lier ce qui n'est pas lié. Il argumente que si à chaque fois qu'on touche à la durée du mandat, le nombre de mandats change, alors il serait facile pour tout président de rester indéfiniment au pouvoir.
Le simple fait que cette question du troisième mandat soit agitée dans l'espace public, souligne le professeur Ndiaye, montre qu’on n’est définitivement pas dans un État de Droit au Sénégal.
En somme, le Professeur Sidy Alpha Ndiaye souligne les défis auxquels est confronté l'État de droit au Sénégal. Alors que le pays possède les structures institutionnelles et normatives nécessaires, il reste confronté à une crise de confiance entre le peuple et l'État. Un défi qui doit être résolu pour garantir la démocratie et l'État de droit.
Le débat sur la candidature de Macky Sall
Selon le Professeur Ndiaye, la controverse autour de la potentielle troisième candidature du président Macky Sall découle de la façon dont les hommes politiques sénégalais interagissent avec le pouvoir. Il soutient que cette question a déjà été résolue dans d'autres juridictions, soulignant qu'elle ne suscite des débats qu'en Afrique.
Il conteste également l'idée selon laquelle toutes les dispositions constitutionnelles devraient être interprétables. Selon lui, certains énoncés normatifs contiennent leur propre signification. Dans ce contexte, il met en avant l'article 27 de la Constitution sénégalaise qui stipule que personne ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs.
Absence d'une véritable délibération populaire
Le Professeur Ndiaye souligne également que la Constitution sénégalaise, comme beaucoup d'autres en Afrique, n'a pas été le résultat d'une véritable délibération populaire. Il croit que cela a conduit à un décalage entre les dispositions constitutionnelles et la réalité sociologique du pays. Il soutient qu'il est nécessaire de tirer l'inspiration, le socle idéologique et le fondement conceptuel des textes constitutionnels à partir des réalités africaines plutôt que de simplement copier les textes étrangers.
Le rôle du Conseil constitutionnel
Malgré les problèmes inhérents à la Constitution, le Professeur Ndiaye affirme que nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour la respecter et la faire respecter. Il souligne le rôle crucial du Conseil constitutionnel à cet égard.
Cependant, il critique le Conseil constitutionnel sénégalais, affirmant qu'il est dépassé et enfermé dans une technicité juridique excessive. Il soutient qu'il faut ouvrir le Conseil à une diversité de perspective, en y incluant des sociologues, des philosophes, des anthropologues, des économistes et des membres de la société civile.
Il estime également que le Conseil constitutionnel doit être ouvert à différentes formes de normativité, y compris la normativité sociale. Il cite l'exemple du Conseil constitutionnel béninois qui a saisi lui-même une question concernant une déclaration orale du président, la jugeant contraire à la Constitution.
Le Professeur Ndiaye soutient que pour résoudre la crise de l'État de droit au Sénégal, il est essentiel de reconstruire la confiance entre le peuple et l'État. Cela implique un respect rigoureux de la Constitution, une délibération populaire plus significative dans l'élaboration des textes constitutionnels et une plus grande ouverture et diversité au sein du Conseil constitutionnel.
La crise de l’État de Droit ou une crise de l’État Nation ?
La première question soulevée concernait le lien entre la crise de l'État de droit et celle de l'État-nation. Selon le professeur Ndiaye, le terme « État-nation » est une exportation occidentale qui ne tient pas compte de la réalité complexe des États africains en construction. En Afrique, il n'existe pas de peuple monolithique mais plutôt une mosaïque de peuples qui reconnaissent différentes formes d'allégeance. Cette multiplicité menace la notion d'État-nation et suggère l'existence d'États multinationaux.
La refondation de la République Sénégalaise
Interrogé sur la refondation de la République sénégalaise, le professeur Ndiaye a soutenu qu'un changement radical de paradigme est nécessaire. Selon lui, il faut abandonner le modèle occidental et chercher à créer des structures étatiques qui correspondent à la réalité sociologique de l'Afrique. Cela signifie repenser les institutions et les normes pour qu'elles reflètent la réalité de la vie sur le continent. Cette refondation nécessite un changement systémique, une rupture radicale avec certaines traditions et approches.
Le processus de changement
Quand on lui a demandé comment procéder à ces changements, le professeur Ndiaye a répondu qu'il n'y a pas de solution universelle. Il a toutefois souligné l'importance d'accepter certaines « ressources dogmatiques communes », comme les droits civils et politiques, qui sont respectés par toutes les nations « civilisées ». Selon lui, les États africains devraient faire de ces valeurs un élément fondamental du renouvellement du contrat social.
Le Consensus pour un Nouveau Contrat Social
Sur la question du consensus nécessaire pour refondre le contrat social sénégalais, le professeur Ndiaye a évoqué l'idée de « sacraliser la parole ». En d'autres termes, donner une importance primordiale à la parole dans le processus normatif et institutionnel. Il a également insisté sur le fait que l'État de droit devrait être plus qu'une simple proclamation ou affichage, mais qu'il devrait correspondre à la réalité.
Le rôle des Langues
Enfin, interrogé sur le rôle des langues dans ce processus, le professeur Ndiaye a suggéré que ce n'était pas une question pertinente dans le cas actuel du Sénégal. Il a plutôt soutenu que le problème actuel est une simple question de bonne foi, où la question du mandat présidentiel est bien comprise par le peuple, indépendamment de la langue utilisée
« Le problème aujourd'hui qui agite l'actualité politico-social au Sénégal ce n'est pas une question de langue, c’est juste une simple question de bonne foi. Tout le monde comprend et a compris, et j'espère que le Conseil constitutionnel, si l’on devait en arriver là, comprendra la même chose que ce que le peuple a compris : nul ne peut faire plus de deux mandats consécutifs. Cela veut dire clairement que Macky Sall ne peut pas se représenter en 2024 », a conclu Sidy Alpha Ndiaye.
La plateforme citoyenne appelle les citoyens sénégalais à s'habiller en blanc le 23 juin afin de signifier leur désapprobation aux les "tentatives de coup d'État constitutionnel du pouvoir de Macky Sall"
Le 22 juin 2023, un communiqué a été publié appelant les citoyens sénégalais à s'habiller en blanc le lendemain, le 23 juin, pour réclamer la paix. Cette initiative fait suite à l'annonce du président Macky Sall de faire une déclaration en vue de sa candidature à la prochaine élection présidentielle, considérée comme une tentative de coup d'État constitutionnel.
Le communiqué invite les Sénégalais à manifester leur attachement à la paix, à l'unité nationale, à la cohésion sociale et à l'harmonie ethnico-religieuse. Il dénonce également la violence répressive et les violations de la loi perpétrées par le gouvernement.
Le mouvement des forces vives de la Nation M23 avait déposé une demande de manifestation pour le 23 juin, mais le communiqué précise que l'appel à s'habiller en blanc ne peut être interdit par aucun préfet ou président.
Cette initiative vise à mobiliser les citoyens sénégalais pour faire face à la montée des périls et aux tentatives de coup d'État constitutionnel, et pour exprimer leur désir de vivre dans un pays pacifique et démocratique.
PAR Nioxor Tine
L’HÉRITAGE DU 23 JUIN
Le pouvoir s’est, de fait, placé dans l’illégalité. Le schéma du "faux dialogue national" s’apparente à "une société civile du Prince", sous le regard bienveillant d’une opposition de salon et de prétendus non-alignés
Avec la fin de son pseudo-dialogue-express, Macky Sall se rapproche de plus en plus de l’heure fatidique où il sera bien obligé de répondre à la question fatale, qui dans tous les cas de figure, va signer l’arrêt de mort de Benno Bokk Yakaar.
P’têt ben qu’oui p’têt ben que non : une réponse de normand aux lourdes conséquences !
C’est un secret de polichinelle que plusieurs composantes de la coalition présidentielle, y compris au sein de l’APR, sont plus que réticentes à l’idée de remettre en cause la limitation des mandats et seraient plutôt favorables à une candidature portée par un autre membre de Benno Bokk Yakaar.
Si le président décidait de postuler à une troisième candidature, cela pourrait les pousser vers la sortie, ce qui affaiblirait politiquement une majorité, qui va très probablement être confrontée à l’embrasement du pays.
Il se peut, que contre toute attente, Macky Sall choisisse de décliner la troisième candidature controversée, c’est-à-dire, d’écouter la voix de la raison en décidant de se conformer à la Constitution et de respecter sa parole. Dans ce cas aussi, les risques sont réels d’assister à une implosion de sa coalition devenue acéphale et qui serait plongée dans la tourmente, se traduisant par une multiplicité de candidatures.
Une crise politique sans précédent
L’indécision du président Macky Sall sur la troisième candidature est loin d’être fortuite. En dehors de l’impact délétère que cette question peut avoir sur la majorité présidentielle, il y va surtout de la survie du système de prédation néocolonial.
Un des plus grands mérites de la nouvelle génération d’hommes politiques, particulièrement d’Ousmane Sonko, c’est cette volonté proclamée de rompre avec cette dépendance vis-à-vis des pays impérialistes, la France en premier lieu, qui perdure malgré les deux alternances de 2000 et 2012. Elles ont, en effet, montré leurs limites pour ce qui est de la résolution des enjeux fondamentaux, auxquels notre peuple fait face.
C’est précisément cette volonté de plus en plus affirmée des jeunesses africaines et particulièrement celle sénégalaise, de s’émanciper du carcan néocolonial qui se heurte à une agressivité inédite de la classe politique traditionnelle, qui s’est retrouvée au dialogue officiel, en ordre de bataille contre le spectre du patriotisme, qu’on cherche à éradiquer du champ politique.
Cela entre dans le cadre d’une stratégie longuement mûrie de reconfigurer notre modèle démocratique qui n’arrive plus à contenir les coups de boutoir des forces œuvrant pour une véritable souveraineté nationale et l’approfondissement de la démocratie.
C’est en raison de l’importance de ces enjeux, que notre pays est en train de traverser l’une des crises politiques les plus graves de son histoire. Elle est d’autant plus préoccupante, que le régime apériste semble adopter une attitude extrémiste, qui risque de compromettre une issue heureuse en termes de stabilité et de paix sociale.
Le troisième mandat : un saut dans l’inconnu
Cette crise pourrait également, si elle n’est pas maitrisée, provoquer une ingouvernabilité durable, dont les prémisses sont déjà perceptibles ou déclencher un putsch militaire.
Sans jouer aux oiseaux de mauvais augure, certains observateurs pensent, que même une guerre civile, telle que celle ayant eu lieu au Congo-Brazzaville, entre juin et octobre 1997, n’est plus à écarter. En tout cas, les mêmes ingrédients se retrouvent, comme les préjugés ethniques cultivés et/ou instrumentalisés surtout par certains grands responsables de la Coalition présidentielle ou résultant de la crise économique (hostilité croissante envers les ressortissants de pays frères/frontaliers), mais également l’utilisation de nervis ou de milices privées et les nouvelles ressources pétrolières et gazières…
Il n’est pas trop tard pour arrêter l’engrenage fatal
Il y a douze ans, le 23 juin 2011, un soulèvement populaire, dont Macky Sall faisait partie des sponsors, avait donné un coup d’arrêt à une tentative de tripatouillage constitutionnel et constitué le point de départ du processus ayant mené à la deuxième alternance de 2012. Il n’avait fallu, au président Wade, que quelques heures pour prendre acte de son erreur et la rectifier.
Cela devrait inspirer le pouvoir actuel qui, depuis plusieurs années, fait montre d’un entêtement suicidaire à vouloir, coûte que coûte, se maintenir au pouvoir, en briguant un troisième mandat illégal et illégitime.
Avec le recul, on peut aussi établir une compulsion obsessionnelle du président Sall à vouloir liquider ses concurrents les plus représentatifs, scénario qui a servi aux présidentielles de 2019 et que le régime est en train de vouloir rééditer avec les condamnations arbitraires, dont Ousmane Sonko fait l’objet et qui ont pour finalité de le rendre inéligible.
Au vu de l’effroyable coût humain, qui fait, d’ores et déjà l’objet de procédures judiciaires au niveau des juridictions internationales, le pouvoir actuel s’est, de fait, placé dans l’illégalité. Il serait, dès lors, naïf de douter, un seul instant, qu’il acceptera de perdre des élections organisées par un ministre de l’Intérieur issu de ses rangs. Il ne resterait plus aux hommes du pouvoir que la fuite en avant, dans une spirale répressive, pour échapper aux poursuites judiciaires, qui leur pendent dorénavant au nez.
Comment alors qualifier les délibérations du faux dialogue national, qui auraient entériné le scénario de validation de l’impossible candidature à un troisième mandat de l’actuel président de l’APR, par le Conseil constitutionnel ?
Ce schéma aurait la faveur de ce qui s’apparente, de plus en plus à "une société civile du Prince", sous le regard bienveillant d’une opposition de salon et de prétendus non-alignés. Le hic est que le Conseil constitutionnel est présidé par un magistrat, proche de la mouvance présidentielle, connu pour ses démêlés avec l’OFNAC et le rôle décisif qu’il aurait joué dans l’éviction judiciaire des rivaux du candidat de la coalition présidentielle en 2019.
Le mutisme sur le sort peu enviable fait au président du Pastef, sous prétexte d’un esprit républicain, qui occulte l’instrumentalisation de la Justice, dont les régimes socialiste et libéral s’étaient également rendus coupables, dans le passé, prouve amplement, que le pseudo-dialogue a été le prétexte pour mobiliser le ban et l’arrière-ban des hommes du système pour barrer la route au candidat antisystème.
Il n’est pas trop tard pour exorciser les démons, qui planent au-dessus de notre nation connue pour sa tolérance et son hospitalité, en s’inspirant de l’esprit de dépassement du 23 juin 2011 et de la charte du F24. Il suffit de renoncer à ces projets chimériques de troisième mandat, de libérer tous les détenus politiques, y compris le président du Pastef, et de permettre la participation de tous les citoyens remplissant les conditions à des élections présidentielles transparentes et inclusives.
L'impact des violences sur l'environnement des affaires.
LE K(A)RIM PARFAIT
Dernier point important du dialogue politique, le procès en révision de Karim Wade a été arraché hier par ses partisans. Il reste à savoir si cette révision interviendra avant ou après la prochaine présidentielle
Dernier point important du dialogue politique, le procès en révision de Karim Wade a été arraché hier par ses partisans. Il reste à savoir si cette révision interviendra avant ou après la prochaine présidentielle, car il semble qu’elle ne conditionne pas la participation de l’ancien «ministre du ciel et de la terre» à l’élection à venir, qui est déjà actée. Une victoire qui sonne aussi comme le constat de l’échec d’une histoire qui avait tenu le pays en haleine durant de longs mois.
Le dialogue politique aura été fructueux pour ceux des protagonistes qui y ont pris part. Si la question de l’éligibilité de Khalifa Sall a été réglée avant-hier, celle de son compagnon de malheur, Karim Meïssa Wade, a pu trouver solution hier, grâce à la détermination des représentants du Parti démocratique sénégalais au dialogue. Ainsi, la commission politique du dialogue national a acté la décision de réviser le procès de l’ancien super ministre de Abdoulaye Wade, détenteur en son temps de 5 portefeuilles ministériels. Sa formation politique n’a pas voulu se contenter de l’éligibilité de Karim Wade pour la prochaine élection présidentielle, obtenue avec la modification des articles L28 et L29 du Code électoral, qui introduisent dorénavant la notion de grâce ou d’amnistie, qui intervient après que les condamnés aient pu purger la totalité de la peine qui leur a été fixée.
Le PDS, avec l’appui du groupe de la Société civile, a pu imposer que le procès de Karim Wade pour enrichissement illicite soit révisé par la Crei ou par une autre juridiction habilitée. La question sera de savoir à quel moment ladite révision va pouvoir entrer en compte, si l’on sait qu’il ne reste que 8 mois avant la présidentielle de février 2024. Et que Karim Wade a le souci de prendre part à cette joute électorale. Sans doute fait-il le pari qu’il sera le chef de l’Etat qui va superviser la révision de son procès en réhabilitation.
Par ailleurs, quelle que soit l’issue de cette décision, il faudra noter d’autre part le gâchis qu’aura représenté cette affaire dite de la «Traque des biens mal acquis». Les nombreux protagonistes que sont Aminata Mimi Touré, Abdoul Mbaye, Antoine Félix Diome, Alioune Ndao devraient se sentir gênés aux entournures par cette décision. Le pays a perdu des millions dans la recherche de preuves de l’enrichissement illicite de Karim Wade et de ses «complices» dont le plus célèbre est Bibo Bourgi, des commissions rogatoires ont été envoyées jusque dans les Iles Vierges Britanniques, des endroits que le commun des Sénégalais ne connaissait pas… pour nous démontrer que Karim Wade aurait planqué des milliards dans des paradis fiscaux. Et aujourd’hui, après avoir condamné une personne, privé de ses droits un citoyen, et exilé une personne loin des siens, on nous promet de faire table rase du passé. Inédit !
PLAINTE EN FRANCE ET DEMANDE D'ENQUÊTE À LA CPI CONTRE MACKY SALL
Ces procédures pour "crimes contre l'humanité", dont l'AFP a eu connaissance, visent également le ministre de l'Intérieur sénégalais Antoine Diome, le général Moussa Fall, commandant de la gendarmerie sénégalaise, "ainsi que 112 autres individus"
Une plainte a été déposée en France et une demande d'enquête soumise à la Cour pénale internationale (CPI) à La Haye contre le président sénégalais Macky Sall pour "crimes contre l'humanité", a annoncé mercredi à l'AFP un avocat français de l'opposant sénégalais Ousmane Sonko.
M. Sall doit participer jeudi et vendredi à un sommet organisé à Paris pour un nouveau pacte financier mondial. Ces procédures pour "crimes contre l'humanité", dont l'AFP a eu connaissance, visent également le ministre de l'Intérieur sénégalais Antoine Diome, le général Moussa Fall, commandant de la gendarmerie sénégalaise, "ainsi que 112 autres individus", et concernent la période allant "de mars 2021 à juin 2023". Elles ont été déposées par l'avocat français Juan Branco, l'un des avocats de M. Sonko, dont la condamnation le 1er juin à deux ans de prison ferme dans une affaire de moeurs a déclenché les pires troubles qu'ait connu le Sénégal depuis des années.
Les heurts ont causé au moins 16 morts selon les autorités, 23 selon l'ONG Amnesty International et 30 selon l'opposition. Macky Sall, élu en 2012 et réélu en 2019, entretient le flou sur sa volonté de briguer un troisième mandat en 2024. L'hypothèse d'une candidature rencontre une forte opposition au nom du respect de la Constitution. En mars 2021, des troubles - déjà autour de la personne de M. Sonko - avait fait au moins 12 morts au Sénégal. La plainte en France a été déposée devant le pôle crimes contre l'humanité du tribunal judiciaire de Paris.
Selon les procédures engagées, ces "crimes contre l'humanité" ont été "commis dans le cadre d'une attaque généralisée et systématique de la population civile". Macky Sall et Antoine Diome ont "ordonné et supervisé la commission" de ces crimes "contre des manifestants désarmés depuis le mois de mars 2021", affirment les requêtes, évoquant "des meurtres, tortures et disparitions forcées". M. Branco affirme avoir établi "le meurtre de 50 personnes" entre mars 2021 et juin 2023. Une conférence de presse par l'avocat français est organisée jeudi à Paris pour présenter les procédures engagées.
Toute personne ou groupe peut déposer une demande d'enquête auprès du procureur de la CPI. La juridiction décide ensuite si elle ouvre une enquête ou pas. En France, une plainte avec constitution de partie civile permet la désignation quasi-automatique d'un juge d'instruction, qui doit ensuite lancer une enquête et se prononcer sur l'existence ou non de charges pesant sur les personnes visées par la procédure.
Dans ce type de démarches, la désignation d'un juge, si elle est acceptée, prend souvent des mois, et d'éventuelles mises en causes n'interviennent que très rarement dans la foulée.
LE DÉFAUT CONGÉNITAL DES ÉVÉNEMENTS DE JUIN EST LEUR SOURCE SÉDITIEUSE
L'essayiste et chroniqueur Hamidou Anne donne sa lecture des récents troubles onsécutifs au verdict judiciaire dans l'affaire Sonko-Adji Sarr - ENTRETIEN
Hamidou Anne est essayiste et chroniqueur. Ancien élève de l’ENA de France, il est l’auteur de « Panser l’Afrique qui vient ». Dans cet entretien accordé à Seneweb, il fait sa lecture des troubles tragiques qui se sont déroulés au Sénégal au début du mois de juin.
Manifestations, révolte populaire, émeutes, insurrection…Avec le recul, comment qualifieriez-vous ce qui s’est passé au Sénégal, les 1, 2 et 3 juin ?
C’est une question intéressante car dans la confusion on perd le sens des mots ainsi que leur signification. Le bruit médiatique, le vacarme des réseaux sociaux, les interprétations et les manipulations tendent non pas à éclairer mais à davantage perdre celui qui essaye de suivre et de comprendre ce qui nous arrive. Nous avons vu une vague de violence financée et organisée en 2023 par un camp mais dont les ressorts sont lointains, les causes profondes et les mécanismes destructeurs. Il y a eu, depuis des années, un cheminement ayant conduit à cette explosion qui a généré des pillages, des casses, des agressions, des viols et des morts. Les causes directes ont trait à la condamnation d’un homme politique dont la défense de rupture depuis le début de cette affaire privée est la négation de toute possibilité de jugement et le choix de se soustraire à une action judiciaire. Nous nous souvenons du « mortal combat », de l’appel aux jeunes à donner leur vie pour qu’il puisse échapper à la Justice.
Il faut rappeler les déclarations d’Ousmane Sonko et d’un de ses bruyants soutiens de la société civile, qui prédisaient la guerre civile en cas de tenue d’un procès. Il faut aussi revenir aux appels à l’insurrection, à la sédition et au coup d’État contre un régime légalement installé. Il faut citer le communiqué du parti Pastef, le 1er juin, qui pour la première fois, et de manière officielle, appelait l’armée à renverser un président élu au suffrage universel.
L’État a laissé faire par tactique politicienne. Le fait de laisser prospérer les discours séditieux de M. Sonko a permis l’inoculation dans la conscience de nombreux Sénégalais d’un imaginaire putschiste dont le sommet a été atteint au début du mois de juin.
Mais qui était dans la rue ?
Évidemment, des Sénégalais sont sortis consécutivement à deux années de radicalisation par un homme qui a quitté les habits d’un leadership rationnel pour se vêtir du manteau de gourou, de cette figure messianique propre à tous les totalitarismes.
Mais où étaient les cadres de Pastef, les membres de Yewwi Askan Wi, les gens de Y’en a marre et de Frapp France-Dégage, les acteurs du F24 ? Il est curieux d’avoir trois jours de manifestation politique et de n’identifier aucun leader connu. Qui était donc dans la rue ? Elle a été laissée à des bandes organisées qui ont agi comme une sorte d’avant-garde derrière laquelle suivaient des manifestants contre ce qu’ils considèrent comme une injustice mais surtout des bandits, des pillards, des badauds et même des enfants.
Quelles étaient les cibles ? Une station de production d’eau, des centrales électriques, des banques, des magasins, des gares du TER, des arrêts du BRT, des bus, un data center, l’université et des symboles de l’activité économique et de la vie politique. Ce qui s’est passé relevait d’une volonté de paralyser notre pays dont les auteurs, même s’ils ont des complices étrangers, sont avant tout des Sénégalais. Et c’est cela qui m’interpelle le plus : que la nation ait produit des citoyens qui font le choix de rompre avec notre modèle démocratique pour emprunter la voie de la sédition, de la jacquerie et du coup d’État.
Les émeutes du mois de juin 2023 sont dans la filiation de celles de mars 2021 avec cette fois moins de soutien populaire mais toujours le même cortège de drames. La nouveauté cette fois est le volet insurrectionnel assumé avec le recours à des forces organisées dont des éléments issus d’un mouvement irrédentiste qui depuis 1982 tente par les armes d’amputer le Sénégal de sa partie méridionale. Les liens entre un parti légalement constitué et un mouvement séparatiste sont établis et réitérés depuis deux années sans qu’aucune mesure forte ne soit visible. Cela renvoie le gouvernement à sa responsabilité de maintenir l’ordre public et la cohésion sociale et de faire respecter les lois selon lesquelles les partis ont obligation à demeurer dans le cadre républicain sous peine de disparaître. Un des socles de la société politique, c’est la garantie de la compétition électorale dans la paix et la défense de l’unité nationale.
“Free Sénégal”. Ce slogan a été repris comme une traînée de poudre sur les réseaux sociaux, notamment, comme ce fut le cas lors des événements de mars 2021. De quoi le Sénégal a-t-il besoin d’être libéré ?
Je connais relativement bien les mouvements d’adhésion aux slogans derrière des hashtags pour savoir qu’ils ne naissent pas ex nihilo. Il y a toujours un effet de capillarité dans la façon de structurer et de rendre viral un mot afin qu’il symbolise une cause. C’est un besoin naturel de nommer, de fédérer et d’offrir un espace où affluent les colères, les espoirs et les manipulations diverses. « Free Sénégal » n’est pas un bloc homogène, c’est une nébuleuse aux préoccupations et revendications disparates, entre politiciens, activistes et simples citoyens. Chacun vient y verser ses préoccupations dans une forme de corbeille commune pour faire alliage en temps de crise. Lors des printemps arabes, le mot Dégage avait été capté par les manifestants pour traduire leur soif de démocratie devant des régimes autoritaires. « Free Sénégal » est un slogan né en mars 2021 sur Twitter, qui a été repris en masse cette année. Il dit beaucoup d’une jeunesse qui malgré les alternances politiques ne voit fondamentalement pas son présent changer, et son avenir demeure flou. Les réalisations en matières économique et sociale du régime sont palpables mais il ne parvient pas à fournir un horizon et à propulser un imaginaire qui reconfigure chez les jeunes une dignité et une lisibilité sur l’avenir. Cette problématique touche toutes les démocraties, et fait le lit du populisme et de la démagogie ; et il revient aux démocrates et aux progressistes de trouver des solutions face à cette crise civilisationnelle.
Mais en attendant, je ne me permettrai pas de juger les auteurs du cri « Free Sénégal » dans leur globalité. Certains sont des jeunes Sénégalais, d’ici et des diasporas, parmi eux des gens inconnus des radars sociaux et qui ont besoin de changement et l’expriment par ce formidable outil qu’est internet. Mais je sais aussi qu’ils peuvent se tromper de solution ou être pris dans la spirale d’une violence dont ils ne saisissent ni sources ni les implications. Ils peuvent aussi être infiltrés par des porteurs de causes rétrogrades dont la volonté est de creuser le fossé entre ceux qui gouvernent et ceux qui sont gouvernés afin de, par la conflictualité, provoquer le renversement d’un ordre pour aller vers le chaos.
Justement on a vu des personnalités hors du Sénégal reprendre en chœur ce slogan. Qu’en pensez-vous ?
En effet, j’ai vu des figures dont le corpus de valeurs est opposé à la paix, à la démocratie et au progrès joindre leur aura aux revendications des jeunes Sénégalais. Ils ont mis à contribution leur grande surface médiatique pour promouvoir le chaos ; c’est le cas de Kémi Séba, de Nathalie Yamb, de Tariq Ramadan, qui sont des populistes, des démagogues au projet totalitaire. Ces trois personnes, toutes de nationalité européenne, se moquent clairement des souffrances et des espoirs des jeunes Sénégalais mais, par opportunisme et dans la ligne de leur agenda, sont venus ajouter leur voix au discours de « Free Sénégal ».
Ces manifestations ne traduisent-elles pas également une certaine colère sociale ?
J’ai vu peu de colère dans ces mouvements récents. J’ai surtout remarqué de l’énervement qui est peu porteur de désir de rupture et de transformation vers un mieux-être et un mieux-vivre. La colère est politique, elle a permis de charrier partout des avancées révolutionnaires pour le mouvement social et notamment pour le camp progressiste. C’est le cas notamment du 23 juin 2011 au Sénégal, du mouvement des indignés du 15-M en Espagne, d’Occupy Wall Street, des revendications sociales en Amérique latine, du mouvement contre la réforme des retraites en France. La colère draine des initiatives pour la sacralisation des services publics comme la santé et l’école et pour l’accès équitable aux biens communs comme l’eau potable par exemple. Mais ici, j’ai surtout vu de l’énervement dont la fille est l’agitation vaine et sans lendemain, et dans le fond rien ne change. Il use et disperse l’énergie de ceux qui luttent mais ne produit aucun changement politique dans le temps long. Le défaut congénital des événements de juin 2023 est leur source séditieuse. Un homme politique condamné, soucieux non pas de l’histoire mais de sa soif du pouvoir, a appelé au coup d’État. L’autre défaut est que ce mouvement, même si sa lame de fond dépasse le cadre partisan, n’a pas bénéficié d’une incarnation. La preuve, en trois jours, le calme est revenu car il n’y avait aucun soubassement politique mais l’expression d’une insurrection que les organisateurs et les auteurs n’avaient pas les moyens de conduire jusqu’au bout. Aussi, parce qu’ils n’ont pas obtenu l’adhésion populaire d’un peuple qui a choisi de sanctionner ses dirigeants par le suffrage universel.
En outre, il n’y avait aucun leader identifiable dans la rue, mais celle-ci a été laissée à des bandes armées et des casseurs qui ont semé la terreur en banlieue dakaroise et dans certaines villes à l’intérieur du pays afin de paralyser la vie politique, économique et sociale. L’État se devait de réagir, et il a réagi. Il y a eu des bavures, des comportements inacceptables d’une infime minorité de forces de l’ordre. Manifestement des individus armés par le parti au pouvoir ont agressé physiquement des gens. Des enquêtes doivent être menées et les responsabilités situées sur les morts. Elles seules pourront donner la vérité des faits et trancher entre les manipulations de chaque camp.
Internet restreint, signal d’une Tv coupée, arrestations d’hommes de médias et militants, usage d’armes à feu par les forces de l’ordre, nervis, manifestations interdites…Le Sénégal est-il devenu une dictature ?
Récemment, l’écrivain algérien Kamel Daoud fustigeait à juste titre l’usage facile du mot dictature. Il y a des discours outranciers qui n’ont qu’une seule vertu : ridiculiser ceux qui, le plus sérieusement du monde, les tiennent. Le Sénégal est une démocratie dont les standards sont loin de ce qu’est une dictature. Certains mettent à nu leur ignorance, d’autres ne rechignent devant aucun mensonge pour salir notre pays. Pour être factuel, dans une dictature, il n’y pas d’élections crédibles. Dans une dictature, l’opposition n’a pas plus de députés que le pouvoir. Dans une dictature, la plus grande ville du pays ne saurait échapper au pouvoir douze ans durant. Pour rappel, la coalition du président Sall a perdu Dakar de 100 000 voix aux Locales de 2022. Dans une dictature, un citoyen ne saurait faire condamner un État devant les tribunaux. Dans une dictature, les cadres d’un des principaux partis d’opposition ne peuvent tenir des discours outrageants et outranciers sur le chef de l’État et son gouvernement et le lendemain aller tranquillement occuper leur fauteuil de directeur ou de haut-cadre dans l’administration.
Ma conception de la politique est aux antipodes de ces qualificatifs empreints d’un manque de rigueur que l’on entendait sous Senghor, sous Diouf, sous Wade et désormais sous Sall. Et les mêmes ou leurs épigones diront du prochain président qu’il est un dictateur à la moindre occasion. La société politique ne saurait être un concours d’outrances et d’excès verbaux en tous genres. De la pratique politique dépend des millions de vies humaines. Ayant fait le choix d’une société ouverte, nous confions notre destin à des hommes et des femmes pour conduire à nos destinées, des municipalités à la fonction suprême de président de la République. Hier, l’APR accusait Wade d’être un dictateur. J’ai retrouvé dans mes archives une phrase du pondéré Cheikh Tidiane Gadio qui appelait en février 2012 à l’installation d’un Conseil national de transition. Mon ami Babacar Diop, maire de Thiès, invitait à l’instauration d’un gouvernement parallèle en 2019. L’APR entre 2008 et 2012 a plusieurs fois traité le président Wade de dictateur alors que ce dernier avait perdu la capitale en 2009 et allait céder son fauteuil en mars 2012 avec un faible score de 35%. Habib Sy, l’actuel président de la conférence des leaders de Yewwi Askan Wi, était l’un des plus proches collaborateurs de Wade quand ce dernier était traité de dictateur. Il est resté avec Wade jusqu’au bout. Aujourd’hui le même Habib Sy est le chef de file de ceux qui, dans l’opposition, crient à la dictature. Ces abus langagiers masquent mal une chose : l’impossibilité de nos hommes politiques à articuler un discours sérieux sur le plan économique, une orientation sociale et un projet à long terme pour renforcer la démocratie et préserver la république désormais plus que jamais menacée par divers courants. Bientôt, nous aurons droit au sempiternel débat sur le fichier électoral, la neutralité du ministre de l’Intérieur et le retrait des cartes. La vie politique sénégalaise est parfois d’un ennui affligeant. Ce pays, qui vote depuis près de deux siècles, qui a formé des milliers d’élites africaines, qui a vu naître et agir Léopold Senghor, Lamine Gueye, Mamadou Dia, Cheikh Anta Diop mérite mieux que ces circonvolutions et ses enfantillages. Sachons être à la hauteur de notre grande histoire et de notre belle trajectoire. Le Sénégal a longtemps été le phare démocratique de l’Afrique. Il nous faut réinvestir ce riche passé afin d’en tirer les ressources pour bâtir à nouveau un printemps politique qui rompt avec le cycle actuel d’abaissement national et d’affaissement de toutes les digues éthiques.
Une tribune sur ces évènements co-signée par Felwine Sarr, Boubacar Boris Diop, Mohamed Mbougar Sarr, avec qui vous avez, avec d’autres, écrit l’ouvrage “Politisez-vous”, a eu un grand retentissement médiatique. Auriez-vous signé ce texte et partagez-vous leur diagnostic ?
En toute transparence et au nom de la vérité, je dois préciser que Felwine et Mbougar sont des amis proches. J’ai énormément d’affection pour leur personne et un respect et une admiration pour leur travail. Ils ne m’ont pas invité à signer leur tribune et j’avoue qu’en l’état je n’y aurais apposé ma signature. Une amie malienne me confiait récemment son admiration pour le Sénégal qui, en même temps qu’il subissait des émeutes d’une rare violence, voyait ses intellectuels se disputer par tribunes interposées. Ceci m’a conforté sur la magie de ce pays et son caractère spécial. Revenant à la tribune, si on m’avait proposé de la signer, j’aurais suggéré d’y rajouter les appels à l’insurrection, au saccage de maisons de presse et au meurtre du Chef de l’État à Keur Massar de M. Sonko. J’y aurais rajouté ses insultes aux magistrats, aux généraux, au Barreau des avocats et à l’armée accusée tantôt d’être une bande de mercenaires à la solde de la France, tantôt de, je cite « faire partie du complot » quand elle bombarde des bases rebelles dans le Sud. J’y aurais rajouté les accusations d’ethnicisme contre le Doyen des juges, les appels aux jeunes à mourir pour espérer le paradis dans ce qu’il qualifie de djihad, et au putsch pour disait-il « en finir avec Macky Sall en une journée ». J’y aurais rajouté le fait de dire aux femmes de ce pays que si leurs enfants meurent elles n’ont qu’à enfanter à nouveau. J’y rajouterais son propos consistant à dire que Macky Sall n'aime pas les Diolas, à qualifier les Mancagnes de « filière » au sein de laquelle Macky Sall recrute des comploteurs et son commentaire à l’encontre de Mme Adji Sarr, 21 ans : « Même si je devais violer quelqu’un, je ne violerais pas cette femme qui ressemble à une guenon atteinte d’AVC ». Et j’aurais enfin évoqué le saccage de l’Ucad par les milices de M. Sonko. Le même qui a publiquement accusé une unité d’élite de la police de tentative d’assassinat sans jamais apporter la moindre preuve. Bref j’aurais suggéré, à la suite des alertes concernant le régime actuel, d’alerter aussi sur les atteintes aux institutions, le mépris pour les femmes, l’aversion pour les bibliothèques, le recours à une rhétorique du conflit ethnique et du martyr religieux, à un imaginaire putschiste aussi et à ce dont tout cela renseigne à propos du fameux projet de M. Sonko.
Hormis ceci, je me réjouis que des intellectuels sénégalais puissent donner leur avis sur la marche de leur pays, étaler leur désaccord sur ce qu’ils considèrent comme des tares de notre démocratie et critiquer le régime en place sans craindre des représailles physiques ou des menaces sur leur liberté. Ce n’est pas le cas partout, notamment au Rwanda et dans d’autres pays où publier une tribune peut vous conduire en prison ou à la morgue.
Dans un texte que vous avez publié dans Le Quotidien intitulé “Le Sénégal vaincra”, vous affichez un certain optimisme. Vous écrivez : “Le Sénégal, depuis l’indépendance, n’a jamais été vaincu. Le Sénégal vaincra à nouveau ses agresseurs d’aujourd’hui”. Quelle est la source de cette espérance ?
Je suis un croyant et j’ai fait mienne cette belle phrase de Bernanos : « La prière est à la fin des fins la seule révolte qui se tienne debout ». Je prie et je sais que des prières sont formulées chaque jour ici et ailleurs pour que ce pays survive, que notre nation ne se délite pas. Nous sommes un rempart contre l’avancée de l’obscurantisme promu par le totalitarisme islamiste qui a infiltré notre voisinage et y provoque des milliers de morts. Mais je suis aussi un patriote et un républicain soucieux de l’analyse des questions politiques en me méfiant du carcan du présent. Je tiens toujours à réinvestir l’histoire pour plonger les problématiques actuelles dans leur profondeur historique afin d’en tirer des leçons pour l’avenir. Les fils de l’histoire ne se coupent jamais, disait un grand homme d’État. Et je sais que notre pays s’est extirpé des liens de la colonisation grâce à l’intelligence de ses élites politiques, sociales et religieuses. La colonisation nous avait vaincus. Nos rois ont été vaincus ; Lat Dior est tombé à Dékheulé ; Maba n’a pas survécu à la bataille de Somb ; Aline Sitoé a été déportée à Tombouctou. L’université de Pire a été incendiée. Tous les souverains ont été déposés, tués ou fait captifs. Que nous restaient-ils ? La nuit noire du colonialisme avait étalé son voile sur la terre du Sénégal. Les chefs religieux et coutumiers, les élites politiques ont fait le choix de l’affrontement latéral jusqu’en 1960 contrairement à d’autres pays qui avaient pris les armes et depuis gisent sur le sol de l’instabilité et du chaos résiduel. Le pays a survécu au parti unique, aux violences de 1963, de 1968 et celles ayant débouché sur l’état d’urgence de 1988. Nous avons assisté à l’assassinat d’un juge constitutionnel en 1993, au meurtre de policiers en 1994 dans des circonstances sordides. Les troubles de 2012 avaient poussé des gens à demander le report du scrutin, les événements de mars 2021 sont frais dans nos mémoires. Sur le plan économique, nous avons survécu aux ajustements structurels, à la dévaluation, aux émeutes de l’électricité. Je n’oublie pas que depuis 1982 des frères égarés cherchent par les armes à diviser le Sénégal. Le pays tient toujours et il tiendra grâce à l’organisation de l’État, aux fonctionnaires dévoués et compétents, à l’armée républicaine et surtout au consensus de tous les démocrates et républicains sur le choix de la démocratie comme outil de conquête du pouvoir dans notre société politique.
Peut-être que je me trompe, je n’ai aucun mal à reconnaître que je m’étais trompé sur les événements de mars 2021, que je n’avais pas vu venir et dont j’ai compris plus tard, par des informations collectées et croisées auprès de différentes sources, les ressorts et les acteurs réels. Aussi, j’ai peur ; j’ai l’impression que nous sommes dans un moment d’incertitude, un entre-deux et que le précipice nous tend les bras. Nous sommes en crise, au sens gramscien, dont il faut vite sortir en faisant advenir ce neuf qui frappe à la porte et dont il faut permettre l’entrée et le déploiement afin de changer de modèle et d’articuler un nouveau récit républicain, social et écologique. Je pense pour ma part que le socialisme républicain qui allie intransigeance sur la république, sérieux économique et projection écologique peut constituer un horizon émancipateur.
Vous êtes critique à l’égard de M. Sonko et son projet. Récemment j’entendais Déthié Fall dire que “Sonko représente un espoir pour la jeunesse” et qu’à ce titre l’écarter de la présidentielle serait trahir cette promesse qu’il incarne pour cette catégorie de la population. La présidentielle ne risque-t-elle pas d’être tronquée si elle se déroule sans lui ?
D’abord, le problème se trouve même dans votre question. Cela fait plus d’un an que M. Déthié Fall a fondé son parti et, de ce que j’observe, il passe plus de temps à parler de M. Sonko qu’à parler de son programme. Le leader de Pastef incarne quelque chose dans le corps social, ce serait absurde de le nier. Il a un positionnement politique que je ne partage pas et dont la contestation fonde mon engagement politique et personnel, car ce qu’il propose est dangereux pour notre pays. C’est un homme politique fondamentalement antirépublicain dont les velléités putschistes ne cessent de croître. Il est à l’intersection de trois courants pernicieux, le conservatisme moral, le séparatisme et l’islamisme. Ici, je voudrais faire remarquer cette manière qu’ont ses soutiens de faire profil bas quand un média international parmi les plus crédibles évoque le financement de son mouvement par les Frères musulmans. Ces trois mamelles donc, sécrètent un populisme dont la manifestation donne à voir une posture fondée sur l’injure, l’outrance, l’outrage et la démagogie. Je vous avais dit lors de notre dernière entrevue que le projet du Pastef est dangereux pour la cohésion sociale et l’unité nationale et pour la laïcité à laquelle je tiens plus que tout car elle constitue un impératif pour la garantie du vivre-ensemble. Je vous disais aussi que le projet de M. Sonko était dangereux pour les Sénégalais les plus pauvres dont je me soucie du sort pour des raisons d’abord personnelles ensuite par ma sensibilité politique. Il ne propose aux jeunes, précaires, désœuvrés ou déscolarisés que deux issus : la mort rapide en servant de bouclier humain autour de lui, c’est déjà le cas en 2021 et en 2023 ; et si par malheur il arrivait au pouvoir, il leur proposera la mort du fait de son projet ouvertement fasciste qui prône le repli sur soi, le conflit ethnique et religieux, l’outrance et la désinvolture économique. Pour toutes ces raisons et pour d’autres que j’ai toujours déclinées, je ne souhaite pas qu’il arrive au pouvoir. Même si je ne lui dénie nullement le droit de participer à une élection dans le respect des lois et règlements de notre pays. Il était déjà candidat en 2019 et j’avais trouvé son score inquiétant dans une République comme le Sénégal. Pour en revenir à Déthié Fall, il faut lui rappeler que nous sommes 17 millions de Sénégalais et qu’il n’y a pas d’indispensabilité. C’est même profondément réducteur de croire qu’une seule personne est crédible pour la fonction de président de la République dans une démocratie où la pluralité des opinions est garantie par la Constitution.
Si M. Sonko est empêché du fait de condamnations diverses pour des affaires privées, son parti, qui se prévaut d’être la première force politique du pays, peut désigner un autre candidat ou bien M. Fall lui-même peut être un recours pour Pastef à la présidentielle.
NOUS NOUS MAINTIENDRONS AU POUVOIR AVEC LA VOLONTÉ DU PEUPLE SÉNÉGALAIS
Accueilli en grande pompe par des militants à Paris mercredi, le chef de l’Etat a déclaré : «Ce que je peux vous promettre, c’est que grâce à notre travail, nous nous maintiendrons au pouvoir avec la volonté du peuple sénégalais»
Le président Macky Sall balise la voie en perspective de la présidentielle de 2024. Accueilli en grande pompe par des militants à Paris, hier mercredi, le chef de l’Etat a déclaré : «Ce que je peux vous promettre, c’est que grâce à notre travail, nous nous maintiendrons au pouvoir avec la volonté du peuple sénégalais». Il appelle ses partisans à l’unité et à rester mobiliser «pour faciliter cet objectif politique...» Convaincu que «tout le reste sera une question de stratégies et de tactique politique».
Alors que le débat sur sa possibilité de participer à la prochaine élection présidentielle continue de faire rage au Sénégal, le président de la République, Macky Sall, semble lancer des signaux d’une troisième candidature ou du moins la victoire de sa coalition en 2024. Accueilli dans une liesse populaire hier, mercredi 21 juin, à Paris, il se projette déjà vers la
présidentielle de 2024. «Ce que je peux vous promettre, c’est que grâce à notre travail, nous nous maintiendrons au pouvoir avec la volonté du peuple sénégalais», a déclaré Macky Sall, devant ses militants.
Et pour une victoire de l’élection présidentielle, il a appelé ses partisans à se mobiliser. «Pour faciliter cet objectif politique, il nous faut avoir l’unité en notre sein. Il faut l’unité, il faut la mobilisation, il faut de la générosité entre responsables, entre militants. Tout le reste sera une question de stratégies et de tactique politique», a laissé entendre Macky Sall.
En effet, les conclusions du dialogue national, lancé le 31 mai dernier, sont attendues «avant le 25 juin», selon un communiqué. Et le chef de l’Etat se prononcera à partir de dimanche prochain, 25 juin, selon des informations à ‘lisue d’un Conseil des ministres qu’il a présdié il y a quelque jours. «Restez mobilisés ! De toutes les façons, je m’adresserai au pays dans pas longtemps. Donc, nous aurons à faire, beaucoup à faire après cette déclaration, pour aller vers la marche du progrès, vers la victoire de 2024», a fait savoir Macky Sall.
CAN U23, L’AFFICHE MAROC-GUINEE EN MATCH D’OUVERTURE
La Coupe d’Afrique des nations des moins de 23 ans démarre, samedi, avec le match d’ouverture devant opposer, le Maroc, pays hôte, à la Guinée, a annoncé la Confédération africaine de football (CAF), dans un communiqué publié, mercredi.
Dakar, 21 juin (APS) – La Coupe d’Afrique des nations des moins de 23 ans démarre, samedi, avec le match d’ouverture devant opposer, le Maroc, pays hôte, à la Guinée, a annoncé la Confédération africaine de football (CAF), dans un communiqué publié, mercredi.
La rencontre se tiendra à Rabat au stade Prince Moulay Abdellah.
La CAN U23 est une compétition de football créé par la CAF. Elle se tient tous les quatre ans et est qualificative pour les Jeux olympiques pour les trois premières équipes
La première édition s’est tenue en 2011 au Maroc. Le Gabon était vainqueur de la compétition.
Le Sénégal a accueilli l’édition de 2015. Le Nigéria était sacré sur les terres sénégalaises.
l’Égypte a gagné, chez elle,la dernière édition en 2019.
Le Maroc abrite pour la deuxième fois la compétition à laquelle huit équipes participent.
Les groupes se constituent comme suit :
Groupe A : Maroc, Ghana, Congo, Guinée
Groupe B : Égypte, Mali, Gabon, Niger
Le Sénégal a été éliminé par le Mali lors du dernier tour des éliminatoires de la CAN. Les Lionceaux s’étaient imposés, 3-1, à Dakar, avant de perdre, 3-0, à Bamako au Mali.