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22 juin 2025
PLUS DE 250 COMBATTANTS DE DIAKAYE ET DE IRAPA DÉPOSENT LES ARMES
Acte 3 de l’accord de paix entre l’etat du Senegal et le Mfdc, Une étape à la fois décisive, historique et symbolique vient d’être franchie dans la recherche d’une paix définitive en Casamance.
Une étape à la fois décisive, historique et symbolique vient d’être franchie dans la recherche d’une paix définitive en Casamance. Il s’agit de la signature avant-hier, samedi 13 mai 2023, à Mongone dans la commune de Djinaky (Nord Bignona), de l’acte 3 de l’accord de paix entre l’Etat du Sénégal et le Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC), à travers les factions de Diakaye et l’Initiative pour la réunification des ailes politiques et armées du MFDC (IRAPA). Toutes les parties prenantes s’engagent à respecter la parole donnée. Les désormais ex-combattants ont officiellement déposé les armes et sollicité un accompagnement des pouvoirs publics et des partenaires. L’Etat rassure que ses efforts seront poursuivis et renforcés à leur côtés.
L ’onde de choc des sentiments de joie d’une paix retrouvée, mêlés de compassion en la mémoire des victimes du conflit armé en Casamance et le rêve d’un avenir prometteur, attestent de toute la symbolique que représentait cette cérémonie officielle de dépôt des armes. Plusieurs allocutions ont certes prononcées, mais pour une seule et unique visée : la synergie des efforts pour une paix durable.
Prenant la parole le premier, le maire de Djinaky a brièvement rappelé que sa commune a payé un lourd tribut de ce conflit armé en Casamance avec, ditil, son cortège de pertes en vies humaines, de blessés et mutilés de guerre, de populations déplacées et de réfugiées. Il s’y ajoute, déclare Alphousseyni Diémé, «le gel des activités économiques, retard dans les constructions d’infrastructures de base, élargissement de la pauvreté, recul de la scolarisation des enfants, problème d’état civil, entre autres».
L’édile de cette collectivité territoriale de l’intérieur du Fogny et de la Zone des Palmiers d’exprimer sa joie d’arriver à ces accords, après moult échecs. «Nous nous réjouissons des résultats probants ayant donné lieu à la signature de cet accord de paix sur les cendres des conclaves n’ayant point abouti à grand-chose comme ceux de Cacheu en mai 1991, de Banjul en décembre 1999, de Foundiougne en 2005, Ziguinchor, Saint-Egidio pour ne citer que ceux-là», a ainsi rappelé M. Diémé qui a exprimé sa satisfaction. Ce sont des dates qui avaient suscité un espoir incommensurable de voir la paix s’installer et qui, in extremis, ont vu «le résultat s’éloigner comme une colombe dans les cieux».
DES INVESTISSEMENTS ATTENDUS POUR SECURISER LE PROCESSUS DE PAIX
Si ces populations de la commune de Djinaky, qui obéissent aux ordres de la faction rebelle de Diakaye, acceptent volontiers de procéder au dépôt des armes suivi de la signature formelle des accords de paix, c’est qu’en retour, elles s’attendent aussi que l’Etat y engage des investissements structurants ainsi que le programme de réinsertion des ex-combattants ayant déposé les armes. A ce sujet, le maire de Djinaky a invité l’Etat du Sénégal à «prendre toutes les dispositions nécessaires pour un démarrage effectif du projet de construction etl’équipement du poste de santé deBitiBiti parle programme d’urgence de développement communautaire (PUDC) et sa dotation d’une ambulance», a relevé Alphousseyni Diémé, le maire.
Et de poursuivre, surles urgences sociales ardemment réclamées. Il s’agit, selon lui, du désenclavement de la Zone des Palmiers, de la boucle économiqueRN5de Ebinako-Kabiline (communes 1 et 2 RN5 (Kansala).
Ces accords d’une paix retrouvée aiguisent l’appétit des populations de cette contrée du Nord de Bignona de disposer d’un Schéma directeur d’aménagement urbain (SDAU), du Plan d’urbanisme de détails (PUD) et de Plans de lotissements pour les zones d’extension prioritaires, afin de lutter contre les spéculations foncières, tout en préservant les activités économiques comme l’agriculture, la pêche, l’élevage et le tourisme.
Le maire deDjinaky sollicite, dans le même temps, l’extension du réseau d’adduction d’eau, pour assouvir la forte demande sociale.
Et enfin, Alphousseyni Diémé déclare exprimer toute sa gratitude, en son nom propre ainsi qu’au nom de ses collègues de Diouloulou, de Kataba 1 et de Kafountine, l’ensemble des acteurs qui ont œuvré pour donner corps à ces accords de paix. «Je prie Dieu pour que cette présente cérémonie marque le départ d’une série d’événements similaires consacrant l’aboutissement d’un dialogue fécond entre des frères qui auront finalement accepté de semer la graine de la paix», conclut-il sur cette belle note d’espoir.
RESPECT ET SACRALITE DE LA PAROLE DONNEE, DIAKAYE ET IRAPA JURENT LA MAIN SUR LE CŒUR!
En déclarant solennellement et au nom de tous les combattants de la faction rebelle de Diakaye, le commandant de cette Zone des Palmiers a juré, la main sur le cœur, avoir définitivement tourné le dos aux visées indépendantistes, mais sollicite, à juste raison, une prise en charge en vue de leur réinsertion sociale et économique. «Je jure mourir atrocement si je dois retourner en forêt pour combattre à nouveau. Mes compagnons de guerre et moi avons définitivement déposé les armes à compter de ce jour. J’ai passé plus de trente ans dans la forêt et sans vie de famille aucune. Ma femme m’a abandonné», témoigne Fatoma Coly, le commandant de Diakaye. Et le désormais ex-chef de guerre d’interpellerles pouvoirs publics : «Nous sommes plus de 250 combattants à avoir déposé les armes. Nous sollicitons l’accompagnement de l’Etat du Sénégal sous forme de programmes de réinsertion car après plusieurs décennies dans la forêt, il nous faut une reconversion dans la vie civile. Aussi, voudrions-nous disposer d’infrastructures de désenclavement et de promotion économique pour avoir des créneaux porteurs de revenus», dit-il. De son côté, Lamine Coly, le coordonnateur de IRAPA (Initiative pour la réunification des ailes politiques et armées du Mouvement des forces démocratiques de Casamance), mise en place par Diakaye dans le cadre de sa dynamique de paix dira : «c’est une œuvre conjointe de Diakaye et de IRAPA de déposer les armes
Ils n’ont jamais été vaincus mais se sont souciés de pauvres populations victimes pour déposer les armes. Nous invitons l’Etat à renforcer les investissements dans ce secteur de Diakaye que sont les arrondissements de Kataba 1, Sindian et de Tendouck. Je salue leur courage et je demande à tout bon fils de la Casamance d’encourager ce processus de paix. Tout le monde et ensemble, cultivons la paix. Vous avez entendu nos mamans chanter en disant enfin voilà la paix. C’est historique et c’est la paix des braves», a notamment fait observer Lamine Coly, le coordonnateur de IRAPA.
L’ETAT DU SENEGAL ET SES PARTENAIRES RASSURENT
A cette cérémonie historique et officielle de dépôt des armes et de signature de l’acte 3 (acte III) des accords de paix à Mongone, étaient présents l’Amiral Papa Farba Sarr, le coordonnateur du Comité Ad-hoc et le gouverneur de la région de Ziguinchor, au nom de l’Etat du Sénégal. Le premier cité a déclaré que «cette cérémonie est historique et symbolique de la volonté de paix définitive en Casamance de la part du chef de l’Etat le président Mack Sall, des combattants de Diakaye et des populations qui aspirent à la paix des esprits et des cœurs et de tous les autres acteurs qui ont travaillé dans cette voie noble ainsi que la facilitation de HD qui travaille pour le compte de l’union européenne ici représentée par son Ambassadeur Jean Marc Pisani», a dit l’Amiral Sarr. Il ajoute, en citant le chef de l’Etat, «le président Macky Sall a dit, je cite : «pour faire la guerre il faut être courageux ; mais pour faire la paix, il faut être plus courageux». Nous devons être animés ensemble, pour consolider la paix y compris par des actions de développement à la base et dans la perspective d’une solution définitive de cette crise qui a longtemps duré». Et l’Amiral Papa Farba Sarr de conclure que «la paix est une construction de tous les jours. Sans la paix il ne saurait y avoir de développement et inversement sans le développement nous ne pouvons pas avoir la paix».
Pour sa part, le gouverneur de la région de Ziguinchor rappelle que «ceux qui ont déposé les armes aujourd’hui, vont devoir reprendre leur place dans la vie civile et réintégrer la communauté. Pour ce faire, quel que soient les souffrances ou les dommages subis, j’invite chacun et chacune au pardon et à la réconciliation. A apprendre à oublier et à regarder devant soi pour asseoir une paix sociale durable», a-t-il fortement recommandé. Et le chef de l’exécutif régional de Ziguinchor, Guédji Diouf, de rassurer : «l’Etat sera à vos côtés et conformément à la vision et aux orientations de son excellence le président Macky Sall, les efforts jusqu’ici consentis seront poursuivis et renforcer pour le développement de la zone de Diakaye et de toute la région de Ziguinchor».
LA COSCPAC, PIVOT DES NEGOCIATIONS DE LA SOUS-REGION
Enfin et au nom de tous les acteurs de la société civile, Henry Ndecky, le coordonnateur de la COSCPAC, en sa qualité de facilitateur, a apporté des témoignages, non sans écraser quelques larmes charriées par les dures épreuves vécues et la complexité des négociations ayant ainsi abouti avec succès. Cette organisation intégratrice a pesé très lourd dans la balance de cette signature des accords de paix. La COSCPAC regroupe plus de 200 structures de la société civile dont celles de la Gambie et de la Guinée-Bissau. Sans en être son trophée de guerre à elle, mais cette signature de paix à l’actif de la COSCPAC et de ses partenaires d’accompagnement lui confère une lettre de noblesse désormais imprimée dans les sables du temps. Les femmes du bois sacré, les gardiens des religions traditionnelles et des musulmans, des jeunes et de bien d’autres représentations ont rehaussé cette cérémonie de leur présence, en pleine forêt du Diakaye.
PAR L'ÉDITORIALISTE DE SENEPLUS, ADA POUYE
L’ETHIQUE DE LA PAROLE
EXCLUSIF SENEPLUS - Au moment où le tempo politique est rythmé par le sens de la parole publique dans nos mœurs politiques, source de toutes les tensions en cours sur le devenir de notre démocratie du verbe.
Au moment où le tempo politique est rythmé par le sens de la parole publique dans nos mœurs politiques, source de toutes les tensions en cours sur le devenir de notre démocratie du verbe. Les mots se bousculent souvent a notre insu pour laisser place a un verbiage creux qui se traduit une amoralité des mots dans un contexte singulier en Afrique.
La parole stabilise et déstabilise. Elle construit et déconstruit. Elle agrège et désagrège. Cependant, en dépit de sa propension à osciller entre le souhaitable et le détestable,elle reste.
La maxime de l’antiquité «Verba volant, scripta manent » (Les paroles s'envolent, les écrits restent) qui consacrait le primat de l’écrit sur la parole, est aujourd’hui plus qu’hier contredite.
N’en déplaise aux dépositaires des dogmes des sciences juridiques. La parole ne s’envole pas. Elle s’est toujours inscrite dans le marbre des consciences individuelles et collectives. Qui plus est, la science et la technique permettent désormais de la capturer, de l’authentifier, de l’imputer à une personne, de la restituer sans l’altérer et de l’archiver.
Du reste, dans sa réalité, la parole estinsubmersible. En plus d’être un attribut de l’humain, elle préfigure et modélise l’imaginaire des croyances. « Au commencement était le Verbe ».
La démocratisation des moyens de diffusion du verbe par les progrès fulgurants des sciences et techniques, avec pour corollaire, entre autres, la colonisation de l’espace public par la parole, réactualise-le« Ce que parler veut dire » bourdieusien (Pierre Bourdieu, 1982).
Le titre du livre de Bourdieu est ici beaucoup plus un introductif. Car, au-delà des paradigmes de l’économie convoqués par Bourdieu au sujet de la parole (capital linguistique), la société sénégalaise confère une valeur non marchande à cette dernière. Elle a constitué depuis la nuit des temps, son propre « ce que parler veut dire ».
En effet, même si c’est loin d’être une exclusivité sénégalaise, il existe dans notre patrimoine linguistique une doctrine de la parole. « Ku wax fèèñ » (qui parle se dévoile), « gόr ca waxxjaa » (une personne digne se reconnaît par le respect de sa parole), « law la ma lamiñ », (il faut se prémunir de la parole).« waxwaxèètbaaxul » (ce n’est bon de se dédire), « jafur di wax » (avoir la langue déliée sous l’emprise d’un phénomènede transe quelconque, d’un fait ou à la suite d’un état surnaturel ou second) « As Gorbuum du ko yeew , kaddoommookoyyeew » la corde ne lie pas une personne, c’est sa parole qui l’engage) etc.
Les répliques sismiques des fins de mandat présidentiels et le festival du verbe auquel se livrent les retourneurs de veste qu’endurent le peuple du Sénégal, ont un identifiant : l’intrusion dans le champ politiquede l’alliance contre-nature du binôme - dire et se dédire -.
Le binôme – dire et se dédire – porté par des pseudo-intellectuels et des politiciens en session de rattrapage, en panne sèche de bon sens et de grilles de lecture de la déferlante populaire qui s’amplifie et se radicalise, est recouvert par les louangeurs et les auxiliaires du président, d’un vernis sans éclat.
La rhétorique de l’apeurement est inaudible par un peuple exsangue, saturé d’arrogance par ses propres serviteurs, ruiné par des politiciens riches comme Crésus,abreuvé de slogans d’intimidation et médusé par la nuit noire qui aveugle ses juges.
La jeunesse qui a inondé la place de la Nation le 12 mai 2023, a bien retenu les mots de Cheikh Anta Diop :
« Les événements ne s’accomplissent pas par la force des choses mais parce qu’il existe des hommes qui agissent ».
L’existence d’une ceinture de feu autour duSénégal,l’indexation de soi-disant « aventuriers » et l’invocation de prétendues circonstances particulières pour justifier le – dire et se dédire – n’y feront rien. Ignorer qu’il y a une éthique de la parole qui structure la vie sociale depuis des lustres, c’est en subir les conséquences.La preuve en a déjà été administrée.
Déroger à l’éthique de la parole, pour et par le pouvoir, est à la fois indéfendable et affligeant. Aujourd’hui,la ligne de démarcation est allègrement franchie.En plus des dossiers des présumés profiteurs de l’argent public, les valeurs sont aussi mises « sous le coude ». Encore une fois, on fait fi des lois. Encore une fois, on se moque du peuple. Encore une fois, on se moque de la démocratie. En retour, le monde entier se gausse sous cape de nos balivernes.
Les vieux démons du « pouvoirisme » outrancier, des politiciens tripatouilleurs et obèses assis sur une marée de misère,doivent, et pour de bon, être momifiées et scénarisés au Musée historique du Sénégal à Gorée.Il faut comprendre le défi.