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26 août 2025
LE PARQUET SUR LA PISTE DE SONKO
Pertes en vies humaines, dégâts sur le chantier du BRT, annonce de mise en chômage technique d’employés par Auchan… A doses homéopathiques, le pouvoir prépare l’opinion à une nouvelle information judiciaire contre l’opposant
Les éléments de langage d’un nouveau dossier judiciaire se mettent en place comme les pièces d’un puzzle. Après le secteur privé, le gouvernement communique de manière graduelle sur le lourd bilan des émeutes qui ont suivi la condamnation d’Ousmane Sonko à deux ans de prison dans l’affaire « Sweet beauté ». Pertes en vies humaines, dégâts sur le chantier du BRT, annonce de mise en chômage technique d’employés par Auchan… A doses homéopathiques, le pouvoir prépare l’opinion à une nouvelle information judiciaire contre l’opposant.
Dans le registre des « exceptions » légales, comme l’explique une source judiciaire, « il faut aussi voir une démarche d’opportunité pour l’administration de la justice ». Comment en effet expliquer, autrement que par la collection en cours de nouvelles charges, la situation paradoxale que vit actuellement Ousmane Sonko, condamné par contumace, « détenu libre chez lui » sous haute surveillance policière mais sans que le parquet, en charge de l’exécution des peines, n’ait cru utile de le faire conduire en prison ? Déjà que l’annonce de sa condamnation avait déclenché de violentes émeutes ayant fait au moins 23 morts à Dakar et Ziguinchor, il y a des risques politique et sécuritaire que le pouvoir savait hautement inflammables en cas d’emprisonnement du chef de l’opposition.
N’empêche, de sources concordantes, EnQuête a appris qu’instruits par leur hiérarchie, la police et la gendarmerie ont fini de « réunir les éléments de preuve pouvant assoir de nouvelles charges ». Premier élément : à la veille du verdict de l’affaire « Sweet beauté », Ousmane Sonko avait fait une déclaration publique appelant à « la désobéissance civile contre la justice », après avoir qualifié ses procès de « farces judiciaires ».
Le leader de Pastef et maire de Ziguinchor avait jusqu’à hier, soit quinze jours après le verdict de la chambre criminelle le condamnant à deux ans de prison ferme et à une amende de 600 000 FCFA pour corruption de jeunesse, pour se constituer prisonnier, ce que le code pénal a traduit par l’expression « acquiescer à la condamnation » (article 356 du Code de procédure pénale). Il n’en a rien fait et d’ailleurs, l’un de ses avocats avait très vite écarté cette éventualité, le jour même du premier dénouement judiciaire de l’affaire « Sweet beauté ». « Il est hors de question que Ousmane Sonko se constitue prisonnier », avait alors indiqué Me Bamba Cissé.
« Ousmane Sonko, le seul homme dans l’histoire à avoir été jugé par contumace, alors que tout le monde sait où il se trouve », a raillé hier nuit le journaliste Cheikh Yérim Seck sur le plateau de « Faram Facce », l’émission politique animée par Pape Ngagne Ndiaye sur le Télévision Futurs médias.
L’image de l’institution judiciaire
Prisonnier, l’opposant l’est dans les faits, depuis qu’il est contraint de rester à son domicile de la Cité Keur Gorgui, avec des membres de sa famille ; depuis la fin de son équipée routière partie de son fief de Ziguinchor et qui a pris fin vers Koungheul, le dimanche 28 mai, après son interpellation par la gendarmerie et son confinement à domicile.
Son accusatrice Adji Raby Sarr a décidé de faire appel du verdict de la chambre criminelle, ce qui ne saurait porter que sur son volet civil (le montant des dommages et intérêts). On comprend mieux maintenant pourquoi le parquet n’avait pas lui aussi interjeté appel : c’est qu’entre l’énoncé du verdict et le délai qui lui était imparti pour le faire, des événements plus graves sont venus se greffer à l’affaire avec une crise qui a culminé par des pillages hors normes, et des centaines d’interpellés qui s’entassent actuellement dans divers centres de détention.
Mardi dernier, le procureur de Dakar, Abdou Karim Diop avait annoncé l’ouverture d’une information judiciaire contre X. Il vise déjà des centaines d’interpellés, « pour des faits d’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, participation à un mouvement insurrectionnel, actions diverses causant des dommages aux personnes ou à leurs biens, actes et manœuvres de nature à compromettre la sécurité publique ». Il vise surtout…X.
Le bilan de ces émeutes est très lourd au plan financier, après les morts déplorés dont plusieurs par balles. Plusieurs organisations accusent les forces de l’ordre d’avoir fait usage de leurs armes létales, alors que des vidéos circulent en même temps sur les réseaux sociaux et montrant des hommes en civil portant des fusils d’assaut et des armes de poing.
Le chantier du Bus Rapid Transit, un projet novateur de transport urbain et qui doit créer 1000 emplois permanents après les 3000 lors des travaux de construction, a subi de lords dégâts lors des manifestations : dix-neuf stations sur vingt-trois ont été vandalisées, des systèmes de billettique détruits, ainsi que toute la signalisation le long du corridor. Au niveau des stations, il n’y a plus de vitrage. L’Ageroute et le Cetud sont en train de faire l’évaluation avec les huissiers commis à cet effet, pour donner exactement le coût des dommages subis.
Pour leur part, les organisations membres du Conseil national du patronat (CNP) sénégalais ont établi mardi dernier un bilan provisoire des dégâts et dommages à coût de dizaines de milliards de francs CFA. 14 établissements financiers (banques et points argent) ont été impactés, 31 agences touchées avec un préjudice estimé à 3 milliards FCFA. Auchan déplore le sac de sept magasins et pourrait envoyer 300 travailleurs en chômage technique. A qui la faute ?
Mais reste le coût politique d’un emprisonnement du maire de Ziguinchor. Dans tous les cas, le statu quo ne saurait perdurer, au risque d’écorner encore l’image de l’institution judiciaire, alors que le gouvernement peine à sortir du tir de barrage qu’il subit de la part de la presse étrangère et des organisations de droits de l’Homme, suite à la diffusion d’images montrant des individus en civil armés opérant aux côtés de forces de l’ordre, lors de la répression des manifestations. La tension n’est pas près de retomber…
par Farid Bathily
LE SPORT COMME LEVIER DE SOFT POWER : LE NOUVEL AGENDA DE L'ARABIE SAOUDITE
La nation du golfe Arabique investit massivement pour attirer des icônes du football sur son territoire. Son intention sous-jacente est d'utiliser le sport comme moyen d'exercer une influence internationale
Le dimanche 4 juin 2023 a été marqué par l'annonce officielle du départ de l'attaquant vedette Karim Benzema du Real Madrid. Après 14 ans de loyauté au prestigieux club espagnol, le joueur français d'origine algérienne s'est engagé deux jours plus tard avec l'équipe saoudienne d'Al-Ittihad pour au moins deux saisons.
Ce transfert est l'un des plus notables de l'histoire du marché. Malgré ses 35 ans, Benzema, récipiendaire du Ballon d'or il y a six mois à peine, reste un attaquant de premier plan capable de se distinguer dans plusieurs grands championnats européens.
Le Real Madrid avait en effet l'intention de renouveler son contrat. Cependant, les arguments persuasifs de ses nouveaux employeurs ont pris le dessus. Al-Ittihad a offert à l'ex-international français un salaire annuel d'environ 200 millions d'euros, un niveau de rémunération qu'aucun club européen ne pouvait égaler.
Un essaim de stars
Les clubs saoudiens, quant à eux, n'ont aucun problème à débourser des sommes aussi astronomiques. Soutenus financièrement par l'État, ils participent à une course effrénée pour recruter les plus grandes stars du football mondial.
Ils ciblent principalement des joueurs dans la trentaine ayant une solide expérience au plus haut niveau et un palmarès qui enflamme les foules dans les stades. C'est dans ce contexte qu'Al-Nassr a signé le quintuple Ballon d'or Cristiano Ronaldo en janvier dernier pour un salaire annuel de 200 millions d'euros.
Des noms tels que N'Golo Kanté, champion du monde français, Riyad Mahrez, ancien Ballon d'or africain, et Luka Modric, vice-champion du monde croate en 2018, sont évoqués pour un transfert vers l'Arabie Saoudite. Lionel Messi, sextuple Ballon d'or, aurait pu suivre la même voie que Benzema s'il n'avait pas refusé une offre salariale de 400 millions d'euros par an d'Al Hilal pour finalement opter pour l'Inter Miami aux États-Unis.
Un outil de soft power
Officiellement, le régime saoudien, soutenu par une immense réserve pétrolière, vise à "créer des opportunités d'investissement, améliorer la santé publique et développer des infrastructures sportives" à travers cette stratégie agressive dans le football mondial.
Cependant, l'ambition du prince héritier Mohammed ben Salman dépasse largement cet objectif énoncé dans le plan "Vision 2030" du pays. Il s'agit pour la monarchie du Golfe, souvent critiquée pour son conservatisme et son bilan en matière de droits de l'homme, de s'ouvrir davantage à l'échelle internationale.
C'est la raison pour laquelle ses investissements englobent également la boxe, les courses automobiles et le golf. Cette stratégie rappelle celle mise en place par la Chine dans le football en 2016, mais qui a finalement échoué, en partie à cause de la crise du Covid.
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LE GOUVERNEMENT FACE À LA PRESSE
Le Premier ministre Amadou Ba et ses homologues Antoine Diome, Sidiki Kaba, Ismaïla Madior Fall et Abdou Karim Fofana évoquent l'actualité sociopolitique nationale
Amadou Ba s'exprime sur les récentes émeutes au Sénégal : Promesse de justice et appel au dialogue national. Le premier ministre Amadou Ba a tenu une conférence de presse à Dakar ce jeudi 15 juin 2023 pour évoquer les récentes émeutes au Sénégal. L'événement avait pour but d'informer l'opinion publique nationale et internationale sur ces événements tragiques et leur contexte. A ses côtés, ses homologues Antoine Diome, Sidiki Kaba, Ismaïla Madior Fall et Abdou Karim Fofana.
Amadou Ba a commencé par exprimer sa gratitude à tous ceux qui ont assisté à la conférence, soulignant l'importance de leur intérêt pour les affaires gouvernementales. Il a ensuite fait une déclaration sur les émeutes, qu'il a qualifiées de "moments tragiques", suite au verdict du procès pour viol et menace de mort contre Ousmane Sonko. Ces émeutes ont vu une destruction massive de biens publics et privés et ont entraîné des pertes de vies humaines.
Ba a présenté les condoléances du gouvernement aux familles qui ont perdu des êtres chers et a exprimé sa solidarité avec les blessés. Il a ajouté que des enquêtes ont été ouvertes pour déterminer les causes des décès et situer les responsabilités. Le Premier ministre a également souligné que ces émeutes ont un coût considérable et mettent en danger l'activité économique du pays, y compris les emplois et les entreprises locales.
Il a condamné fermement toutes les formes de violence, de vandalisme et de destruction, en précisant que ces actes ne font qu'aggraver les tensions et creuser des divisions au sein de la société sénégalaise. Il a dénoncé une entreprise d'isolement qui aurait commencé avec une cyberattaque et s'est manifestée par des tentatives de destruction et de sabotage d'infrastructures vitales pour le pays.
Le Premier ministre a également évoqué l'existence d’indices « graves et concordants" suggérant une stratégie de manipulation visant à commettre des infractions contre l'autorité de l'État et l'intégrité du territoire national. Il a mis en garde contre une érosion des principes de démocratie et de liberté sous l'effet de cette stratégie de manipulation.
Ba a affirmé que le gouvernement est déterminé à faire toute la lumière sur ces événements et à traduire en justice tous ceux qui ont commis des actes répréhensibles. Dans cette optique, des arrestations ont déjà été effectuées, tandis que des personnes fortement suspectées sont maintenues en détention pour les besoins de l'enquête.
Il a insisté sur le fait que le Sénégal est un pays fondé sur les principes de démocratie, de l'État de droit et du respect des droits de l'homme. Il a invité la société civile, les associations de droits de l'homme et la presse à travailler en collaboration avec les services compétents du gouvernement pour un traitement juste et équilibré de l'information basée sur des faits avérés.
Enfin, Ba a rappelé l'importance du dialogue national proposé par le président Macky Sall, un espace de discussion entre les acteurs de la société civile, les partis politiques et les autres acteurs clés pour échanger des idées et proposer des solutions constructives face aux défis auxquels le pays est confronté. Il a réaffirmé l'engagement du gouvernement à rechercher la paix et la concorde nationale.
Le ministre de la Justice sénégalais, Ismaël Madior Fall, s'exprime sur le cas d'Ousmane Sonko et Adji Sarr
Le ministre de la Justice, Ismaël Madior Fall, a tenu à clarifier certains points concernant l'affaire judiciaire impliquant Ousmane Sonko et la jeune femme Adji Sarr. Il a tout d'abord rappelé que malgré les menaces et les intimidations, la justice a suivi son cours et l'État est resté debout. Il a salué le courage des juges qui ont pris une décision en conformité avec le droit.
Concernant la décision rendue le 1er juin, il a précisé que le jugement complet n'est pas encore disponible. Les juges ont prononcé le verdict et se donnent le temps de rédiger l'intégralité de la décision. Il a toutefois souligné que le jugement prononcé n'acquitte pas Ousmane Sonko de viol, mais disqualifie l'accusation de viol en corruption de la jeunesse, une infraction prévue par le code pénal du Sénégal.
Il a également précisé que ces chefs d'accusation, y compris la corruption de la jeunesse, étaient bien spécifiés dans l'ordonnance qui a saisi la chambre criminelle du tribunal de grande instance de Dakar.
Enfin, en ce qui concerne l'exécution de la décision de justice, le ministre Fall a expliqué que la décision doit d'abord être notifiée à Sonko. Une fois que la décision lui est notifiée, il a deux options : se constituer prisonnier ou être arrêté par le parquet qui a la charge d'exécuter la décision de justice. Il a ensuite 10 jours pour accepter ou contester la décision. S'il conteste, il peut être rejugé par la même juridiction.
Ismaël Madior Fall a donc insisté sur le fait que les procédures judiciaires étaient en cours et qu'il ne fallait pas se précipiter pour exécuter la décision, rappelant l'indépendance de la justice.
Le ministre de l'Intérieur Antoine Diome revient sur les violences des trois premiers jours du mois de juin
Le ministre de l'Intérieur, Antoine Diome, a apporté des précisions sur la situation concernant les manifestations publiques et les actes de violence qui en ont découlé. Il a rappelé que les fondements de ces troubles proviennent d'un différend privé entre deux citoyens sénégalais, qui a été politisé, menant à des protestations de masse.
M. Diome a insisté sur le fait que le Sénégal est un état de droit, où le gouvernement et les citoyens sont soumis aux lois. Il a déploré les actions de ceux qui choisissent d'ignorer ces lois en organisant des manifestations violentes et destructrices.
Il a condamné les attaques injustifiées contre des infrastructures essentielles et a exprimé ses préoccupations quant au fait que les divergences d'opinions politiques soient devenues prétexte à l'intimidation et à la violence, y compris à l'endroit de la presse.
Concernant les événements récents de juin 2023, M. Diome a critiqué l'organisation d'une "Caravane de la liberté" sans déclaration préalable, en violation de la loi. Il a déploré le décès survenu lors de cette manifestation et a souligné que le gouvernement ne peut pas permettre des rassemblements illégaux qui mettent en danger la vie des citoyens et leurs biens.
Le ministre a énuméré les quatre principes de maintien de l'ordre : légalité, nécessité, proportionnalité et réversibilité. Il a déclaré que le gouvernement doit agir conformément à ces principes, et que des restrictions peuvent être imposées pour maintenir l'ordre, mais ces restrictions sont réversibles et peuvent être levées si la situation s'améliore.
Il a conclu en disant que le gouvernement est prêt à prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger les citoyens et maintenir l'ordre public, y compris en limitant l'accès à certaines zones si nécessaire.
Le ministre de l'Intérieur a été questionné sur les manipulations sur les réseaux sociaux concernant la police. Il a reconnu que les réseaux sociaux peuvent être un outil puissant pour la diffusion de l'information, mais a également souligné que, mal utilisés, ils peuvent devenir un fléau de notre époque.
Il a fait référence à une vidéo controversée qui a été largement diffusée et a provoqué un débat public. Selon lui, en cas de controverse de ce genre, le rôle de l'État n'est pas d'être passif, mais d'ouvrir une enquête. Il a confirmé qu'une telle enquête a été lancée lors de sa récente visite avec le Premier ministre.
Le ministre a reconnu que l'enquête est essentielle pour déterminer la vérité, car sans elle, chaque partie présente sa propre version des faits. Bien qu'il ait connaissance du contenu de la vidéo en question et soit convaincu que la police a agi correctement, il reconnaît que son opinion peut être perçue comme partiale.
En conclusion, il a réaffirmé la nécessité d'une enquête impartiale pour déterminer la vérité et faire la lumière sur la situation, indépendamment des déclarations individuelles de chaque partie impliquée.
PAR Abdoul Aziz Diop
LA TRADUCTION DÉTRICOTE LES VÉRITÉS TOUTES FAITES
Si tout se passe comme prévu, l’homme fort de Kigali totalisera en 2034, 31 ans de pouvoir sans partage à la tête du Rwanda. Cela n’émeut évidemment l’intransigeant mandant sénégalais Boris Diop qui s’entend dire sans sourciller : « J’admire tant Kagame »
Le 13 juin dernier, le portail d'informations sur le Sénégal SenePlus.com publie la version en langue française de l’interview, en langue nationale wolof, que Boubacar Boris Diop a accordée au journal en ligne Lu Defu Waxu. Dans ce qu’il considère comme « la lecture globale des événements » survenus au Sénégal pendant les 72 premières heures du mois de juin 2023, l’écrivain insiste : « J’ai été gêné que depuis plus de deux ans, il ne soit question au Sénégal que d'une affaire de mœurs en lieu et place de sujets tels que l'éducation ou la santé des Sénégalais. »
Mais de tous les observateurs nationaux dont les écrits et les paroles figurent parmi les plus courus, l’invité de Pape Ali Diallo est celui qui a tenu en haleine les internautes sans discontinuer sur la période. Le nombre considérable de fois que Diop a prononcé et/ou écrit dans un texte le nom de la masseuse Adji Sarr pour disculper l’opposant Ousmane Sonko, accusé de « viol avec menaces de mort », montre qu’il ne se préoccupa du tout de l’éducation surveillée et de la santé psychologique de la jeune femme qui pouvait se passer de la charge implacable d’un juge d’instruction sans mandat.
En même temps, deux ans durant, Boubacar Boris Diop garda le silence sur tout ce qui se rapporte au péché originel du présumé agresseur qui ne se gêna pas de mentir devant les caméras du monde entier, soutenant ne s’être jamais rendu au salon de massage Sweet Beauté avant de se rétracter en invoquant un mal de dos insupportable qui le força de quitter son domicile en plein couvre-feu pour s’installer là où on l’attendait. Mentir pour se protéger contre une accusation a toujours existé comme mentir sans motif, connu ou non, n’a jamais existé.
Là s’arrête pour notre part tout ce que nous savons de la sale affaire qui nous ne empêcha pas de partager notre modeste contribution au débat politique et de rédiger notre dernier essai d’information et d’analyse sur la démocratie sénégalaise en proie aux pulsions putschistes de nouveaux débatteurs et au terrorisme extraordinaire qui éclate dès que Sonko et les siens ont fini de souffler sur les braises du terrorisme ordinaire des réseaux sociaux sur fond d’appel au soulèvement et au combat de rue.
Pas un mot, bien sûr, sur tout cela dans l’entretien mentionné plus haut mais dont la lecture et le commentaire choisi d’un internaute anonyme permettent de réintroduire la traduction dans le champ politique pour en discuter sérieusement dans un souci d'apaisement durable par le truchement d’un vrai débat d’idées. Programme contre programme à moins d’un an du scrutin du 25 février 2024.
De la traduction
« Merci, écrit Imhotep - un pseudo bien sûr dont il pouvait se passer -, les traducteurs qui ont fait un formidable travail. C'est à peine croyable ce que nos langues peuvent donner en sens, en style et en tonalité quand le talent des traducteurs rencontre l'intelligence de l'auteur. » La traduction de l’interview saluée par l’internaute est celle d’Ousseynou Beye et Ndèye Codou Fall, qui par leurs talents, ajoutés à celui de l’interprète, relance le débat sur les langues auquel Boubacar Boris Diop convia le philosophe Souleymane Bachir Diagne en septembre 2019. À la suite d’un premier échange épistolaire entre les deux intellectuels initié par Boris, Bachir répond à l’envoyeur qui consacra toute son énergie ou presque à démontrer dans une deuxième salve, à l’attention du penseur imperturbable, qu’il - Boris naturellement - écrit et parle l’anglais.
Trois langues déjà (le wolof, le français et l’anglais) dont le brillantissime auteur de Langue à langue (Albin Michel, Paris, 2022) soutient l’égale dignité grâce notamment à « l’hospitalité de la traduction ». De la traduction Souleymane Bachir Diagne dit qu’elle « contribue à la tâche de réaliser l’humanité, et même mieux : elle s’y identifie ». C’est ce qui, bien avant Bachir, a fait dire à l’écrivain kenyan de langue kikuyu et anglaise que « la traduction est la langue des langues ». Quid des traducteurs ? Diagne considère que « le travail du traducteur suppose que le locuteur et moi-même partageons la même logique et, ultimement, la même humanité ». Si, s’exprimant en anglais comme il sait bien le faire, le locuteur Boubacar Boris Diop partage la même humanité que l’intellectuel arabophone, le rayonnement de la langue arabe au Sénégal ne devrait pas être perçu par le wolofophile Boris comme une « arabisation du Sénégal », prélude à un salafisme soft, mais comme, à la suite de Diagne, une raison supplémentaire de « transformer notre dispersion en langues en notre rencontre en traductions ».
En faisant nôtre l’humanité plusieurs fois sourcée des textes traduits, nous refusons de répondre au texte bâclé - vite fait quoi pour faire sensation - du multirécidiviste Boris, du récidiviste Felwine et du novice Mbougar qui s’invite, lui, au peloton d’exécution de la nuance et de l’humilité scientifique que confère la nécessaire conquête de faits têtus sur les présupposés hautement réducteurs. Et pour dire quoi ? Dans le but ultime d’envelopper la traduction d’une couche qui pénètre dans celles qui existent déjà pour donner naissance à la traduction fusionnelle ou à la fusion tout court qui fait que le produit fini devient la résultante de plusieurs souffles translatés. Une translation d’autant plus prégnante que les bribes ouolof, diola et pular, à titre d’exemple, transmutent pour n’être qu’une seule dans le rendu du traducteur talentueux décidé d’informer fidèlement un public chinois ou saoudien. Cette fusion est par excellence la conquête la plus considérable d’un collectif multilingue. Nous la considérons alors comme le stade suprême de la traduction. Tant pis pour Boris si Bachir, en quête d’universel, touche le vaste monde africain content de l’entendre dire qu’« il est important que le travail de traduction philosophique en Afrique se poursuive aujourd’hui dans les langues du continent ».
C’est que depuis deux ans, l’auteur, avec deux autres amis, de « Négrophobie » (les arènes, 2005), parle une langue politique « en noir et blanc sans nuances de gris » qui voue au chômage les traducteurs quand elle ne les envoie pas purement et simplement à la retraite anticipée, ne concédant aucune seconde de respiration au président Sall là où l’admirable homologue rwandais est assuré de se taper dix autres années après vingt-et-un ans de règne sans merci.
Adoration de Kagamé, détestation de Macky
Le 29 octobre 2015, le Parlement rwandais adopte à l’unanimité la réforme constitutionnelle qui annule la limitation à deux des mandats présidentiels d’une durée de 7 ans, permettant ainsi au président sortant Paul Kagame de briguer un troisième mandat de 7 ans en 2017 après avoir été élu pour la même durée en 2003 et réélu en 2010. En 2024, après 21 ans passés à la tête de son pays, M. Kagame peut briguer deux autres mandats de 5 ans chacun en vertu de l’article 172 de la Constitution correspondant à celle de 2003 révisée. Si tout se passe comme prévu, l’homme fort de Kigali totalisera, en 2034, 31 ans de pouvoir sans partage à la tête du Rwanda. Rien de tout cela n’émeut évidemment l’intransigeant mandant sénégalais Boris Diop qui s’entend dire sans sourciller : « J’admire tant Paul Kagame ». Bien sûr, aucun spécialiste sénégalais du droit public ne se risquerait à trouver de « pédantes arguties » - l’expression est empruntée à l’infatigable ricaneur Boris - pour expliquer le tour de passe-passe rwandais. L’inconditionnel de M. Kagame n’en veut même pas dès lors que l’adoration du président rwandais signifie juste la détestation compulsive de son homologue sénégalais.
Dans Le Savant et le Politique (1919), l’Allemand Max Weber (1864-1920) nous gratifie de ce qui suit : « Dans les sciences, l'intuition du dilettante peut avoir une portée parfaitement identique à celle du spécialiste, et même parfois plus grande. Nous devons d'ailleurs beaucoup de nos meilleures hypothèses et connaissances à des dilettantes. Les intuitions scientifiques que nous pouvons avoir dépendent donc de facteurs et de “dons” qui nous sont cachés. »
Selon Jules Lemaître (1853-1914) de l’Académie française (1895), « Être dilettante, c'est savoir sortir de soi, non peut-être pour servir ses frères humains, mais pour agrandir et varier sa propre vie, pour avoir, au bout du compte, délicieusement pitié des autres, et non, en tout cas, pour leur nuire. »
Le spécialiste et le dilettante ne font plus qu’un lorsque la traduction permet à tous les deux de détricoter les vérités toutes faites.
Abdoul Aziz Diop est membre du Secrétariat exécutif national de l’Alliance pour la République (APR) et Conseiller spécial à la présidence de la République.
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POURQUOI SONKO N'A PAS ENCORE ÉTÉ ARRÊTÉ
Prenant part à une conférence de presse du gouvernement présidée par le Premier ministre Amadou Ba, Ismaïla Madior Fall a indiqué jeudi que l’arrestation du maire de Ziguinchor doit suivre une procédure en trois temps
Condamné, le 1er juin dernier, à deux ans de prison ferme, par la Chambre criminelle de Dakar qui l’a jugé par contumace, le leader de Pastef, Ousmane Sonko, est toujours chez lui. Beaucoup se demandent pourquoi la décision n’est pas exécutée. Mais cette situation exceptionnelle s’explique, selon le ministre de la Justice, par le fait que le jugement « n’est pas encore disponible ».
Prenant part à une conférence de presse du gouvernement présidée par le Premier ministre Amadou Ba, Ismaïla Madior Fall a indiqué jeudi que l’arrestation du maire de Ziguinchor doit suivre une procédure en trois temps. « Il faut d’abord que la décision soit disponible et la rédaction est toujours en cours. Après cela, la décision lui sera notifiée », explique le ministre.
Après la notification, Ismaïla Madior Fall informe que le leader de Pastef « peut se constituer prisonnier ». Dans ce cas, la décision de contumace tombe. Ousmane Sonko aura alors « 10 jours pour acquiescer ou contester » la décision. S’il conteste, le maire de Ziguinchor « peut être rejugé par la même juridiction voire la même constitution », poursuit le ministre.
La deuxième situation est que le Parquet prenne l’engagement d’exécuter la décision judiciaire.
Le Garde des Sceaux a, par ailleurs, tenu à préciser que dans l’affaire opposant Ousmane Sonko à Adji Sarr, “il n’y a pas eu d’acquittement de viol, mais une disqualification des faits en délit de corruption de la jeunesse.”
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LE PRÉJUDICE SUBIT PAR LA NATION EST INESTIMABLE
Le Premier ministre, Amadou Ba informe que des enquêtes sont ouvertes, pour déterminer les causes des décès et situer les responsabilités, suite aux manifestations violentes intervenues, après le verdict dans l’affaire Sonko-Adji Sarr
Le Premier ministre, Amadou Ba informe que des enquêtes sont ouvertes, pour déterminer les causes des décès et situer les responsabilités, suite aux manifestations violentes intervenues, après le verdict dans l’affaire qui opposait le leader du parti Pastef, Ousmane Sonko et une masseuse nommée Adji Sarr.
Le Premier ministre, Amadou Ba, prenait part, ce 15 juin, à une conférence de presse conjointe, avec d’autres ministres du gouvernement. Il informe entre autres, de l’ouverture d’enquêtes, pour déterminer les causes des décès et situer les responsabilités, suite aux dernières manifestations enregistrées au Sénégal. «Les violences notées, les destructions de biens publics et privés ont des répercussions négatives et un coût considérable, qui mettent en péril les emplois, les entreprises locales, tout comme les partenaires de pays amis et l’activité économique en général », a-t-il dit.
Selon le chef du gouvernement, le préjudice économique, financier, émotionnel subi par la nation est inestimable. «Il existe plusieurs éléments factuels qui suggèrent des indices graves et concordants de l’existence d’une stratégie de manipulation, visant à commettre des infractions, contre l’autorité de l’État et l’intégrité du territoire national », a-t-il dit.
Poursuivant son propos, M. Ba relève qu’en effet, «de façon graduellement préméditée et pour brouiller les repères informationnels, sont supprimées ou discréditées dans certains médias et dans les réseaux sociaux, les informations pouvant créer un système de référence authentique, et permettre la comparaison et l’expression du sens critique».
Amadou Ba est d’avis que toutes les questions de sécurité publique ne peuvent être débattues, sur la place publique. Si chacun est libre de se faire son opinion, sur toute question, il n’en demeure pas moins que beaucoup de données échappent à celles et ceux qui s’épanchent sur les réseaux sociaux, en réfléchissant à la place des citoyens, pour les manipuler au lieu de les informer», affirme-t-il.
La conférence de presse a enregistré la présence du ministre de l’Intérieur, Antoine Felix Diome, le ministre de la Justice, Ismaïla Madior Fall, le ministre des Forces Armées, Sidiki Kaba et le ministre Abdou Karim Fofana, porte-parole du gouvernement.
BATH ELU PRESIDENT DE METROPOLIS
Le député-maire de la Ville de Dakar, Barthélémy Dias, est le nouveau président de Metropolis. Il a été élu lors du 14e congrès mondial de Métropolis qui a débuté depuis le 12 juin et ce jusqu’au 15, à Bruxelles.
Le député-maire de la Ville de Dakar, Barthélémy Dias, est le nouveau président de Metropolis. Il a été élu lors du 14e congrès mondial de Métropolis qui a débuté depuis le 12 juin et ce jusqu’au 15, à Bruxelles.
Barthélémy Dias devient ainsi le premier Africain à diriger la plus grande association des gouvernements des grandes villes et métropoles du monde.
AUCHAN ENVOIE AU CHOMAGE
La filiale sénégalaise d’Auchan a commencé à mettre une partie de son personnel au chômage technique sans salaire après la fermeture de plusieurs magasins, attaqués lors des troubles qui ont secoué le pays début juin, a-t-on appris mercredi
La filiale sénégalaise d’Auchan a commencé à mettre une partie de son personnel au chômage technique sans salaire après la fermeture de plusieurs magasins, attaqués lors des troubles qui ont secoué le pays début juin, a-t-on appris mercredi auprès du groupe de distribution français. Auchan Sénégal a indiqué dans un communiqué daté de mardi que 300 de ses 2300 collaborateurs risquaient d’être mis au chômage technique en raison des dégâts subis par certains de ses magasins et d’une «situation d’arrêt collectif et momentané de travail». Un porte-parole du groupe joint par téléphone mercredi a confirmé à l’AFP que la mesure avait commencé à s’appliquer. «Dans la mesure où on empêche les collaborateurs sénégalais de travailler en les privant de leur outil de travail, on n’a pas d’autre choix que de les mettre au chômage technique», a-t-il déclaré.
Le Sénégal a connu entre le 1er et le 3 juin ses pires troubles depuis des années à la suite de la condamnation de l’opposant Ousmane Sonko, à deux ans de prison ferme dans une affaire de mœurs. Cette condamnation le rend en l’état actuel inéligible pour la présidentielle de 2024. «Sept magasins ont été attaqués et pillés, laissant les équipes desdits magasins sans lieu ni outil de travail», rapporte Auchan Sénégal dans son communiqué. Il y rappelle que 19 magasins avaient été saccagés et pillés en mars 2021, lors d’un précédent épisode de troubles déjà déclenchés par la situation d’Ousmane Sonko.
La mesure reste en vigueur «jusqu’à nouvel ordre»
Contrairement à 2021, le groupe ne sera pas en mesure de continuer à verser leur salaire aux employés mis au chômage technique, a dit le porte-parole. La mesure reste en vigueur «jusqu’à nouvel ordre», dit Auchan Sénégal. La filiale souligne son rôle économique local, revendiquant d’employer 2300 collaborateurs sénégalais, de faire travailler 600 fournisseurs et plus d’un millier de prestataires sénégalais, et d’avoir versé 23 milliards de francs CFA (35 millions d’euros) d’impôts, droits et taxes à l’Etat sénégalais en 2022. Les heurts de début juin ont causé au moins 16 morts selon les autorités sénégalaises, 23 selon l’ONG Amnesty International et 26 selon l’opposition. Auchan Sénégal présente «ses vives et sincères condoléances» et dit espérer que les évènements «trouveront au plus vite une résolution définitive». De nombreux locaux sous enseigne française (Auchan, Total, Eiffage…) ont servi d’exutoires à la colère exprimée en 2021 et 2023.
MACKY ANNONCE A KIEV ETEN RUSSIE
Le président de la République, Macky Sall est attendu à Kiev (Ukraine) et à Saint-Pétersbourg (Russie) avec cinq autres de ses homologues africains. Le Président Sall a quitté Dakar ce jeudi et va faire une escale en Pologne.
Le président de la République, Macky Sall est attendu à Kiev (Ukraine) et à Saint-Pétersbourg (Russie) avec cinq autres de ses homologues africains. Le Président Sall a quitté Dakar ce jeudi et va faire une escale en Pologne.
Ce déplacement s’inscrit dans le cadre d’une mission de médiation visant à mettre fin au conflit entre la Russie et l’Ukraine, renseigne la Présidence sénégalaise. Les chefs d’Etat de l’Ouganda, de l’Égypte, de l’Afrique du Sud, du Congo-Brazzaville et de la Zambie sont également attendus.
PAR Chérif Diop
ET SI ON LEVAIT LE POUCE ?
Nous croyons manipuler nos téléphones alors que c’est eux qui nous manipulent. Cet envahissement numérique détricote les fondements des sociétés et des traditions
Disons-le d’emblée, vouloir réguler ou contrôler la résonance des réseaux sociaux, c’est vouloir arrêter la mer avec ses bras ou vider l’océan avec une petite cuillère. C’est un projet aussi saugrenu que ridicule. Toutefois, l’inaction face à ce tsunami digital, cette déferlante de haine et d’Infox, c’est manquer à un devoir régalien. Durant l’acmé des récentes manifestations radicales, l'État du Sénégal a pris la décision lapidaire de couper l’accès aux réseaux sociaux (Facebook, Twitter, Whatsapp, Tik Tok, Youtube, etc). Une mesure inédite prise pour des raisons de sécurité, selon les autorités sénégalaises.
Cinq jours durant, la majeure partie des sénégalais n’ont pas eu accès à ces réseaux même si certains ont contourné la restriction avec les VPN. A travers cette mesure, le gouvernement sénégalais a voulu tuer dans l’œuf la capacité de nuisance incommensurable des réseaux en de pareilles circonstances. L’état du Sénégal est allé plus loin en coupant la connexion 4G avant de la rétablir. Les cris d’orfraies sous le prisme économique n’ont pas manqué. Ces décisions ont semble-t-il permis d’apaiser la situation. Cependant, elles ont sidéré une partie de l’opinion. Certains y ont vu un énième acte contre la liberté d’expression au Sénégal voire un geste antidémocratique.
La décision était-elle opportune ? Tout porte à le croire. Est-ce qu’elle était nécessaire ? Tout porte à le croire également devant l’enjeu de la préservation de la stabilité de notre pays. Cette stabilité que toute l’Afrique nous envie, chaque sénégalais a le devoir et l’obligation de participer à sa consolidation car elle vaut tous les sacrifices. Je dis bien tous les sacrifices. Aujourd’hui, les plus grands oracles de l’innovation le confessent. Internet est l’une des rares créations de l’homme qu’il ne comprend pas tout à fait. C’est la plus grande expérience d’anarchie de l’histoire. A la fois source de bienfaits considérables et de maux potentiellement terrifiants, dont nous commençons à peine à mesurer les effets.
Dans ce charivari digital que nous vivons, l'État ne peut pas mettre un gendarme derrière chaque Sénégalais, mais il est du devoir des gouvernants de protéger les citoyens du danger d’où qu’il vienne : terre, air, mer, sous mer et aujourd’hui numérique. Cependant, force est de reconnaître que ces décisions ne peuvent pas être répétées à chaque début de manifestation. C’est la raison pour laquelle, nous devons poser le débat, engager la réflexion sur l’usage de l’internet, des réseaux sociaux en particulier. Se faisant, l’objectif est de susciter le débat public sur l’intoxication numérique sans jugement moral ni parti pris politique, mais en se posant modestement des questions qui s’imposent à mon humble avis : Comment cette frénésie digitale a-t-elle révolutionné nos existences ? Sommes-nous vraiment accros au numérique ? Quels sont les dangers de l’addiction digitale ? Quelles angoisses enfouies en nous viennent révéler l’hyper connexion ? Comment ne pas devenir esclave de ces pratiques plus ou moins addictives ? Quel est l’impact réel des réseaux sociaux sur la société ? C’est toutes ces problématiques qui nous intéressent ici.
Détricotage du tissu social, menace sur le vivre-ensemble
Le génie de ces sociétés réside dans l’art de nous accoutumer voire de rendre indispensable ce dont nous n’avons pas besoin. De mon point de vue, les réseaux sociaux incitent fortement au fast-thinking, le prêt à penser et à publier tout aussi néfaste à la prise de décision que le fast-food l’est pour la santé. À n’en point douter, Facebook, Twitter, Tik Tok et tutti quanti sont des canaux de relais révolutionnaires.
Dans le même temps, les réseaux sociaux disloquent les sociétés, déstabilisent les institutions, désacralisent les lieux de cultes, leurrent les jeunes. De surcroît, les réseaux sont également un redoutable tue-l’amour. Les réseaux ont la magie de nous enfermer dans un monde irréel. Le réseau social n'a pas d’émotion, ça n’a que des émoticônes. Par définition, un icône est un signe qui ressemble à ce qu’il définit, un signe qui est dans un rapport de ressemblance avec la réalité. Les émoticônes chercheraient donc à ressembler ou à suppléer les émotions. Sauf qu’un icône n’est pas une personne, un émoticône ne pourra donc jamais remplacer un individu, l’émotion est produite par l’homme et non pas par la machine. Ce qui est de l’humain restera de l’humain, ce qui est de la machine restera de la machine.
La viralité n’est pas la vérité
Au Sénégal, environ 4 millions de personnes sont connectés sur les réseaux sociaux. Un chiffre très important qui fait que la tendance est de croire que les mirages vus sur internet priment sur le réel. Le piège c’est de croire sans sourciller tout ce qui se dit sur les réseaux du fait de l’accessibilité trompeuse. En réalité, la désinformation ne fait qu'exploiter des préjugés.
Facebook et Twitter sont devenus des tours de contrôle de l’information ou tout le monde peut affirmer tout et n’importe quoi sans aucune preuve. Dans le réseau de Mark Zuckerberg les suppositions sont devenues des évidences.
Les réseaux sociaux ne concurrencent plus les médias traditionnels après les avoir décrédibilisés, ils les ringardises. Des informations totalement erronées sont acceptées sans ciller parce qu’elles confirment une opinion qu’on a déjà. En 2017, une équipe de chercheurs affiliée à l’American press institute a découvert dans une étude que sur les réseaux, l’identité de la personne qui partage un contenu et la nature du lien qui nous relie à elle importe plus que la fiabilité de sa source.
A partir de ce moment, chaque publication ou chaque live de n’importe qui peut être défini comme une source d’information. Devons-nous rester inerte devant l’abrutissement général sur Tik Tok ? Comment lutter contre le narcissisme ambiant sur Snapchat et ses filtres déroutants ?
Il est curieux de savoir que certains concepteurs et développeurs de ces réseaux sociaux les ont restreints à leurs propres enfants. En 2017, un ancien cadre de Facebook a tenu cette déclaration déconcertante : « je me sens tellement coupable d’avoir contribué au développement d’un outil qui déchire le tissu social ».
Chamath Palihapitiya n’est personne d’autre que l’ancien vice-président chargé de la croissance des audiences de Facebook devenu Meta. Son job était de faire en sorte qu’il y ait toujours plus d’inscrits sur la plateforme. Dans son mea-culpa, il annoncé avoir interdit à ses enfants de toucher à « cette merde » selon ses mots en nommant Facebook. Les aveux de cet homme que Facebook a rendu riche ont poussé la société de Mark Zuckerberg à se fendre d’un communiqué. L’entreprise américaine explique que « Quand Chamath était chez Facebook, nous avions pour objectif de bâtir de nouvelles expériences social media et de faire grandir Facebook à travers le monde. Facebook était alors une entreprise très différente, et en grandissant, nous avons réalisé à quel point nos responsabilités avaient grandi également. Nous avons beaucoup travaillé et étudié avec des experts et des universitaires pour comprendre les effets de notre service sur le bien-être, et nous nous en servons pour agir sur le développement de notre produit »
Il se trouve que les propos de Mr Palihapitiya font échos à ceux d’un autre cadre et pas des moindres de Facebook, Sean Parker ancien président de l’entreprise.
D’après ce magnat des nouvelles technologies au début des années 2000 que Facebook a rendu riche lui aussi ,« Facebook est créé pour profiter de la vulnérabilité de l’homme ».
Ces références sur Meta sont symptomatiques de la capacité de nuisance des réseaux « sociaux ». Globalement ces sociétés adoptent la même stratégie d’accaparement de l’indépendance intellectuelle pour des raisons mercantiles.
Le groupe Meta est pionnier dans ce domaine, mais la démarche est la même chez les autres. Capter l’attention et vous garder le plus longtemps possible. Tout est fait pour que vous ayez une petite dose de dopamine appelée l’hormone du bonheur. Cette molécule du plaisir qui nous procure un sentiment de satisfaction en récompense à certaines actions. Cette substance qui facilite la prise de décision est à la base des addictions, les plus grands spécialistes l’ont reconnu. Les réseaux sociaux fonctionnent sur la sécrétion de dopamine à chaque like ou commentaire. Un mécanisme qui détruit dans le long terme le fonctionnement de la société.
Aujourd’hui, aller sur un réseau social n’est plus intentionnel mais instinctif. Nous scrollons sans objectif précis, sans savoir ce que nous recherchons. Comme un besoin de satisfaire une curiosité innommable, imaginaire.
Dualité entre l’intention et l’instinctif
Censés nous ouvrir les yeux sur le monde, les réseaux sociaux nous enferment dans une bulle de filtre. Ils nous mettent des œillères, plus rien ne compte à part ce que nous observons constamment. Ne rien faire, c’est accepter de vivre dans un monde ou disparaît tout humanisme. Nos choix ne sont plus guidés par l’esprit mais par les algorithmes. D’acteurs de nos vies, nous devenons spectateurs, d’indépendants, nous devenons des dépendants intellectuels. Jadis libres de nos choix, nous plongeons dans un suivisme digital.
Sans le savoir nous sommes programmés au rythme de nos « j’aime et partage ». À force de visionner, d’aimer et de partager un sujet, l’algorithme nous en propose davantage. Cette dangereuse ritournelle nous enferme dans un univers construit à partir de nos préférences affichées. Une règle dite règle d’inférence se construit à partir de ce qui est observé de nos penchants. Une opération insidieuse de déduction qui ne reflète nullement la réalité sur nos réelles orientations. Car, Liker ou partager ne veut pas dire adhérer, on peut partager par répugnance ou par solidarité comme on peut liker par dégoût. L’objectif de ce processus est de profiler les êtres humains. Malheureusement, tous les géants du net procèdent de la même façon. En fonction de nos choix, ils créent des profils de base de données à la merci du marketing digital.
La question est de savoir, comment faisait-on avant ? Étions nous tous des ignorants avant l’avènement du tout numérique? Étions nous malheureux avant la création de Facebook en 2004 (seulement) ?. Les plus grands érudits de l’humanité ont vécu sans les réseaux sociaux. Idem que les meilleurs innovateurs de notre époque, à l’image du regretté fondateur de la marque Apple. Steve Jobs n’utilisait pas les réseaux sociaux. En plus d’être des freins à la créativité, les médias sociaux sont des usines de fabrication de malheur. Leur coté intrusif détruit l’inviolabilité du privé, le téléphone portable nous accompagne partout au quotidien. Les données renseignent que le taux de pénétration du mobile est estimé à 119,2%. Des chiffres qui ne cessent de croître. Quel que soit le lieu ou le moment, il est de plus en plus difficile de résister au son d'une notification. Et c’est à partir de ce moment, que les réseaux sociaux nous privent de notre indépendance intellectuelle. Nous perdons un temps fou sur nos téléphones sans se rendre compte de la charge mentale que l’on s’inflige.
Nous croyons manipuler nos téléphones alors que c’est eux qui nous manipulent.
Cet envahissement numérique détricote les fondements des sociétés et des traditions. Il n’y a plus de frontière entre la vie publique et la vie privée. Les chroniques de l’indécence sont légion sur la toile. La vulgarité, le « matuvisme » , le mensonge et la délation sont érigés en mode. Cette supercherie généralisée envoie de mauvais signaux à la jeune génération. À ce propos, il est intéressant d’observer que beaucoup d'individus célèbres via le canal des réseaux sociaux se sont vite retrouvés dans les abîmes du néant. Les exemples sont légions mais le cas Samba Ka mérite que l’on s’y attarde. Ce jeune berger issu du nord-ouest est le parfait exemple. Surnommé le Tik Tokeur aux 20 vidéos par jour, Samba Ka a attiré l’attention des internautes avec ses vidéos « hilarantes » au point d’être invité à Dakar. Il fut l’attraction une semaine durant, tristement exposé partout, d’une façon indécente, en public comme en privé. Tout le Sénégal ou presque s’est fendu la poire avec ses vidéos jusqu’à la lassitude. Et puis, plus rien. Malheureusement, sa dernière apparition dans le débat public était moins drôle hélas car n’ayant pas bien vécu ce retour à l’anonymat. Était-il préparé à cette subite exposition?
Tout le monde n’est pas à l’aise avec la célébrité et tout le monde n’est pas destiné à être sous le feu des projecteurs. Le regretté Thione Seck a chanté « Siw Dou Diami Borom ».
Si la télé rend fou, les réseaux sociaux écervèlent. La recherche du buzz permanent pousse le bouchon jusqu’à la désacralisation des lieux de cultes. Comble de l’absurdité, souvenez-vous de cette scène surréaliste à la capitale du mouridisme. Une comédienne a improvisé un snap sur le toit de la mosquée. Une vidéo enregistrée du haut du minaret de la mosquée de Touba. Elle se confond en excuse devant le tollé général, mais le mal est fait. Cette désacralisation du culte parasite les cérémonies religieuses du fait de l’empressement qu’ont les pèlerins à s’afficher sur les réseaux sociaux.
Honnêtement, il est difficile aujourd’hui au Sénégal de différencier cérémonie cultuelle et cérémonie culturelle.
À l’heure ou le succès se mesure à ce qui se cumule en ligne, lever le pouce c’est ralentir le rythme effréné de connexion à internet et sur les réseaux sociaux en particulier pour se reconnecter sur soi-même et sur ses proches.