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23 juin 2025
par Ousseynou Nar Gueye
LES DÉMONS DU CHARLATANISME VU À LA TÉLÉ
Alors que des journalistes sont poursuivis pour propagation de fausses nouvelles, de nombreux charlatans sévissent impunément sur les chaînes de télévision et de radio sénégalaises. Un fléau dont les pouvoirs publics gagneraient à se saisir
Jeune Afrique |
Ousseynou Nar Gueye |
Publication 12/03/2023
Journaliste d’investigation et sniper anti-régime, le Sénégalais Pape Alé Niang bénéficie depuis deux mois d’une liberté provisoire. En décembre et janvier derniers, il était passé deux fois par la case prison pour plusieurs délits de presse présumés, dont la divulgation de fausses nouvelles. Cela nous permet de faire le parallèle avec d’autre fake news, bien plus criminelles, dont les télévisions, notamment privées, se rendent impunément coupables à longueur d’année au Sénégal.
Funestes farceurs
Il s’agit d’abord des réclames où un « tradipraticien » sorti de l’anonymat vient vanter les mérites de ses bouteilles de « médicaments ». Ces récipients recyclés sont emplis de décoctions à la couleur jamais très nette, où flottent encore des morceaux de racines ou des flocons d’un papier dissous sur lequel étaient écrites les prières censées nous guérir. Face caméra, ces marchands apothicaires se font fort de soigner toutes sortes de maladies. Passe encore.
D’autres thaumaturges font de la voyance en direct, sur des chaînes de télévision et de radio, prédisant force choses aux appelants et leur prescrivant les sacrifices rituels à faire pour s’attirer les bonnes grâces ou pour s’éviter un malheur. Cas plus grave : ces charlatans accueillis à la télévision, durant la coupure publicitaire entre deux tunnels de clips de chansons mbalakh, pour démontrer qu’ils peuvent multiplier les billets de banques grâce à un « portefeuille magique ». Démonstration réussie (sic) en direct à la télé.
Il ne se passe jamais trois mois sans qu’un scandale n’éclate à l’issue d’une plainte pour escroquerie impliquant ces charlatans en fausse-vraie monnaie : un citoyen lambda, qui a cru au portefeuille magique, s’en est finalement ouvert aux pandores quand la multiplication de l’argent n’advenait pas. Dans bien des cas, ces personnes escroquées ont remis au « faux marabout » de l’argent qui ne leur appartenait pas.
Mais plutôt des sommes qui leur étaient confiées, prêtées ou qu’ils avaient juste reçues d’un parent émigré avec pour mission de le donner à la famille de ce dernier ou de l’investir dans un quelconque achat. Pour justifier leur crédulité face à ces funestes farceurs supposés multiplier les billets de banques, les personnes abusées assurent qu’elles y ont cru car elles l’ont « vu de leurs propres yeux à la télé ». Cela est encore advenu en ce mois de janvier 2023.
Avec « Histoire de L’Harmattan », Denis Rolland brosse le portrait d’une maison d’édition pas comme les autres, et celui de ses fondateurs, qui n’a cessé de révéler les talents… Sans forcément en récolter le fruit
Jeune Afrique |
Mabrouck Rachedi |
Publication 12/03/2023
Quel est le point commun entre Wole Soyinka, Véronique Tadjo, Maryse Condé, Alain Mabanckou et même Laurent Gbagbo et Hocine Aït-Ahmed ? Ils ont tous – comme bien d’autres – été publiés chez L’Harmattan. Si la maison d’édition, qui a porté tellement de voix d’auteurs, d’intellectuels et de politiques africains, est bien connue des deux côtés de la Méditerranée, le parcours de ses fondateurs, Denis Pryen et Robert Ageneau, l’est beaucoup moins.
Les deux hommes à l’origine de ce qui deviendra une institution littéraire sont au cœur de l’ouvrage Histoire de L’Harmattan, de Denis Rolland, entre autres professeur des universités et directeur adjoint scientifique au CNRS. Comme son sous-titre, Genèse d’un éditeur au carrefour des cultures (1939-1980), ce livre passionnant se tient au carrefour des genres. La trajectoire singulière des deux anciens prêtres qui vont rompre leurs vœux et contester l’institution religieuse est romanesque à souhait. Les deux rebelles croisent l’Histoire d’un monde en mouvement, à Rome lors du concile Vatican II, en Algérie à la fin de la guerre d’indépendance, au Sénégal lors du Festival mondial des arts nègres de Dakar en 1966 et lors des manifestations étudiantes de 1967, en France lors de Mai 68, etc.
C’est dans ce maelström que naît en 1975 L’Harmattan, porté par le vent de la contestation des mouvements tiers-mondistes contre les colonisations, par la remise en cause des systèmes religieux, économique et politique, et par l’affirmation des populations jusque-là en périphérie de l’édition universitaire et littéraire.
Denis Rolland affiche son ambition : « Je ne veux pas que mon travail de presque trois ans soit considéré comme un ouvrage de mémoire, je suis historien, et j’ai œuvré pour que ce soit un livre d’Histoire. » Un ouvrage pour tous : « Il est accessible aux non-initiés. Quelqu’un qui n’aurait pas de culture historique particulière peut comprendre ces itinéraires qui donnent naissance à cette maison d’édition. Moi-même, je n’étais pas spécialiste de cette période. J’ai appris en écrivant ce livre et c’est ce regard de découverte que je souhaite transmettre. » Apprendre sur des hommes, sur une maison d’édition, sur les époques qu’ils traversent tout en captivant, c’est le triple pari réussi par Denis Rolland.
Jeune Afrique : C’est lors de la visite d’un père blanc qui projette des diapositives d’Afrique de l’Ouest que Denis Pryen, vers l’âge de 7 ans, dit qu’un jour il ira « s’occuper des petits africains ». Son regard est-il teinté de colonialisme ?
Complètement. Ça se passe en 1945-1946, en pleine colonisation, et ce premier contact est empreint sans ambiguïté du regard colonial des missionnaires.
FRANCE OU RUSSIE, POUR SORTIR D'UNE DÉPENDANCE POUR ENTRER DANS UNE AUTRE ?
Transition démocratique, influence de Wagner, militaires au pouvoir… L’ancien Premier ministre tchadien Albert Pahimi Padacké revient sur les tensions qui traversent la région
Jeune Afrique |
Jeanne Le Bihan |
Publication 12/03/2023
Lorsqu’il nous rejoint dans le lobby de son hôtel parisien, proche de l’effervescente gare Saint-Lazare, Albert Pahimi Padacké est un homme décontracté. L’ancien Premier ministre tchadien a troqué son habituel costume-cravate pour une chemise plus informelle, et sa fonction de chef du gouvernement contre celle de président du conseil de régulation de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep). Remplacé après un an et demi à la tête de la transition, une semaine avant les manifestations du 20 octobre – qui se sont soldées par la mort d’au moins une cinquantaine de personnes et l’arrestation de plusieurs centaines d’autres –, l’homme politique a consacré les premiers mois de sa nouvelle vie à l’écriture de son premier ouvrage, L’Afrique empoisonnée*. Fort de son expérience au pouvoir, Albert Pahimi Padacké y dresse un état des lieux sombre du continent africain et des crises qu’il traverse.
La genèse du livre remonte à plusieurs années, entre deux passages par la Primature. Dans les années 1990, sous la présidence d’Idriss Déby Itno, l’homme d’État s’est en effet vu confier plusieurs ministères, avant de diriger le gouvernement à partir de 2016. Le poste de Premier ministre, supprimé par la Constitution de 2018, est réinstauré par Mahamat Idriss Déby Itno, lorsque celui-ci s’installe à la présidence quelques jours après la mort de son père. Et c’est à Albert Pahimi Padacké que, le 2 mai 2021, le nouveau chef d’État tchadien choisit de confier à nouveau la Primature. Et quand il ne dirige pas un gouvernement ou un ministère, Albert Pahimi Padacké mène des missions d’observations électorales en République démocratique du Congo ou encore au Sénégal, sous l’égide de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) ou de l’Union africaine.
Ces mandats l’ont conduit à mener une réflexion sur la tenue des élections dans le continent, facteurs de paix ou de conflits selon la manière dont elles sont organisées. Ainsi que sur la prévention de ces conflits en amont, dont il tente également dans son essai de définir les mécanismes. Déjà trois fois candidat à l’élection présidentielle, l’ancien Premier ministre livre à Jeune Afrique son analyse de la politique africaine, et en particulier au Tchad, où il compte bien se présenter lors de la présidentielle qui se profile à l’horizon 2024.
Jeune Afrique : Dans votre ouvrage, vous faites, dès les premières pages, le constat suivant : « Sans paix, l’Afrique court au désastre ». Limitation des mandats, séparation des pouvoirs, élections transparentes… Quelles sont pour vous les solutions pour établir cette « paix » ?
Albert Pahimi Padacké : L’être humain, par nature, veut du changement. Tant que notre gouvernance ne permet pas d’organiser une alternance pacifique, les populations seront en quête de ce changement et leurs ambitions finiront par s’exprimer de manière violente. Plus que la limitation des mandats, c’est la limitation de la durée au pouvoir qui est donc importante, afin de donner aux peuples d’autres horizons. Il en est de même pour la transparence et l’absence de corruption durant les scrutins.
Réussir l’alternance, c’est créer les conditions de la redevabilité des dirigeants vis-à-vis de l’opinion. Et c’est lorsque l’on doit rendre des comptes que l’on est conduit à travailler dans l’intérêt de la population.
Au Tchad, certains préconisent une répartition du pouvoir selon des équilibres régionaux, appelant à plus de représentativité du Sud. L’opposant Succès Masra évoque, par exemple, la possibilité d’un « ticket » inclusif. Le Tchad doit-il évoluer vers une forme de fédération ?
Avec la colonisation, les populations se sont retrouvées agrégées à l’intérieur d’un territoire aux limites définies artificiellement. Les premiers dirigeants africains n’ont pas remis en cause le tracé des frontières, mais plutôt adopté le principe d’intangibilité hérité de la colonisation. Aussi, lorsque de nombreuses communautés vivent au sein d’un même État, comment faire pour que le mode de gouvernance ne soit pas une source de conflit ?
MOHAMED MBOUGAR SARR, PRIX GONCOURT ET PROFESSEUR À SCIENCES PO
L’auteur sénégalais, récompensé en 2021, donne des ateliers d’écriture au sein de la toute nouvelle Maison des arts et de la création, créée par la prestigieuse école de la rue Saint-Guillaume
Jeune Afrique |
Nicolas Michel |
Publication 12/03/2023
Ce 14 mars, l’institut d’études politiques de Paris (Sciences Po Paris) lancera officiellement sa Maison des arts et de la création, qui entend « soutenir et incarner la transformation pédagogique par les arts ».
Cette nouvelle structure proposera « des chaires d’artistes en résidence, des rencontres, des ateliers, des résidences d’écriture, des masterclass sur l’ensemble des campus, voire des formations intensives invitant des artistes de champs variés pour qu’ils présentent leur travail et partagent leur regard singulier sur le monde et la société, invitant ainsi à une autre vision de la réalité ».
Ateliers inter-niveaux
Depuis janvier dernier, le prix Goncourt de littérature 2021, le Sénégalais Mohamed Mbougar Sarr (Terre Ceinte, La plus secrète mémoire des hommes, De purs hommes) enseigne au sein de la chaire d’écrivain en résidence, créée en 2019 et qui fait désormais partie de la Maison des arts et de la création.
LE PREFET INTERDIT UN MEETING D’INVESTITURE DE… MACKY SALL
Après avoir interdit récemment un meeting de Ousmane Sonko, le préfet de Mbacké s’est opposé à la tenue d’une assemblée d’investiture du président Macky Sall pour la présidentielle de 2024.
Après avoir interdit récemment un meeting de Ousmane Sonko, le préfet de Mbacké s’est opposé à la tenue d’une assemblée d’investiture du président Macky Sall pour la présidentielle de 2024.
En effet, le responsable de l’Apr Serigne Mbacké Faye et ses camarades avaient déposé une demande sur la table du chef de l’exécutif département pour tenir un rassemblement sur la place publique.
Après avoir stratué, le préfet Amadoune Diop a déclaré irrecevable ladite demande pour défaut de procédure. L’ancien coordonnateur départemental la COJER locale, Serigne Mbaye Faye et ses collègues n’ont pas respecté le délai minimal de trois jours, selon le document lu par seneweb.
Pour rappel, ce meeting d’investiture du président Macky Sall pour la présidentielle de 2024 était prévu hier soir à Mbacké.
BAL 2023, L'AS DOUANES BATTUE D'ENTREE PAR ABIDJAN BASKET CLUB
L'équipe d’Abidjan basket club (ABC) a battu, samedi, par 76 a 70, celle de l'AS Douanes du Sénégal, au cours d'un match comptant pour la première journée de la Basketball Africa League (BAL), qui se déroule à Dakar jusqu'au 21 mars.
Dakar, 11 mars (APS) - L'équipe d’Abidjan basket club (ABC) a battu, samedi, par 76 a 70, celle de l'AS Douanes du Sénégal, au cours d'un match comptant pour la première journée de la Basketball Africa League (BAL), qui se déroule à Dakar jusqu'au 21 mars.
La BAL a démarré ce samedi à Diamniadio, à une trentaine de kilomètres de Dakar. Elle se poursuivra ensuite au Caire (Egypte) et à Kigali (Rwanda).
Douze clubs de basket-ball représentant chacun un pays africain prennent part à cette troisième saison de la BAL.
Il s'agit de Cape Town Tigers (Afrique du Sud), Ferroviario Da Beira (Mozambique), City Oilers (Ouganda), Seydou Legacy Athlétique Club (Guinée), Abidjan Basket Club (Côte d’Ivoire), Stade Malien (Mali), l'US Monastir (Tunisie), Rwanda Energy Group (Rwanda), Petro Luanda (Angola), Al Ahly (Égypte) et Kwara Falcons (Nigeria).
Les douaniers reviennent dans la BAL après une première participation en 2021.
La saison 2023 de la BAL va offrir un total de 38 matchs sur trois mois entre Dakar, le Caire et Kigali.
RÉSISTANCES FÉMININES MUSLMANES
Les formes de résistance développées dans le monde musulman aussi bien par des théologiens que par des femmes qui se sont appropriées les textes fondateurs de l’islam pour fournir des interprétations en faveur de leurs droits
Ce texte du Pr. Mohamed-Chérif Ferjani , Président du Haut-Conseil du Timbuktu Institute sur les présupposés et interprétations religieuses en défaveur des droits des femmes est la première partie d’une série de publications intitulée « Résistances féminines musulmanes et réponses doctrinales face aux extrémismes ». Cette série se poursuivra en évoquant les formes de résistance développées dans le monde musulman aussi bien par des théologiens que par des femmes qui se sont appropriées les textes fondateurs de l’islam pour fournir des interprétations en faveur de leurs droits et de l’amélioration de leur statut du XIXème siècle à nos jours.
Le 13 septembre dernier, Mahsa Amini, 22 ans est arrêtée par la police des mœurs à Téhéran pour "port du voile inapproprié". Trois jours après, la jeune femme décède des suites des traitements infligés par la police. Sa fin tragique est à l’origine d’un mouvement de colère parti le 17 septembre, du Kurdistan iranien, pour s’étendre rapidement à Téhéran et à d'autres régions. Défiant l’ordre des Mollahs, des centaines de femmes se filment en train de se couper les cheveux, de brûler leurs voiles. Les symboles du régime sont attaqués. La protestation tourne à une contestation du régime et de son chef suprême, Ali Khamenei. Ainsi, les femmes iraniennes, premières victimes des conceptions rétrogrades de l’islam politique depuis l’avènement de la République islamique en 1979, sont aujourd’hui à la pointe du combat contre l’ordre de mollahs. Elles donnent l’exemple à toutes les femmes des sociétés musulmanes et du monde en lutte contre les discriminations que leur réserve l’ordre patriarcal dont les islamistes et les fondamentalistes et intégristes de toutes les religions sont les plus fervents défenseurs. Les Iraniennes renouent par ce soulèvement avec les combats de générations de femmes qui, par diverses voies, ont essayé de briser les chaînes de la servitude que les sociétés musulmanes, comme la plupart– pour ne pas dire l’ensemble – des sociétés humaines réservent à la femme au nom de sa soi-disant infériorité naturelle par rapport à l’homme.
En effet, les préjugés relatifs à la nature essentiellement différente de la femme et de l’homme, au nom desquels on défend les discriminations à l’égard de la moitié de l’espèce humaine, ont partout trouvé, dans les différentes religions, sans exception, des arguments de nature à en faire des normes sacrées et intangibles. Les fondamentalismes religieux continuent partout à défendre les conceptions à la base de ces préjugés prônés de nos jours par toutes les expressions de la révolution conservatrice.
Malgré les progrès réalisés sur la voie de l’émancipation des femmes partout dans le monde grâce aux combats des femmes et au soutien des hommes convaincus de la nécessité des méfaits de l’injustice et de la discrimination pour l’ensemble de la société, la plupart des sociétés musulmanes font partie des sociétés qui résistent à la reconnaissance de l’égalité entre les hommes et les femmes. Le développement des mouvements islamistes intégristes, en réaction à des modernisations chaotiques qui n’ont pas tenu leurs promesses, a même généré des involutions qui se sont traduites par une remise en cause, non seulement des droits récemment acquis, mais aussi de certains droits garantis par les systèmes traditionnels. En effet, le développement de différentes expressions de l’islam politique – le mouvement des Frères musulmans et ses ramifications dans divers pays, le Parti de la libération islamique, les prolongements de Jamaat-e-Islami en Inde et au Pakistan, le Hizbollah et les mouvements islamistes se réclamant du chiisme, la nébuleuse des groupes salafistes et jihadistes plus ou moins affiliés au wahhabisme, à Al-Qâ‘ida, aux Talibans ou à DAECH, etc. – a eu pour effet la remise en cause de certains droits arrachés par les femmes musulmanes, à la faveur des réformes entreprises depuis le xixe s. et dans les années 1950.
L’avènement des « Républiques Islamiques », en Iran et au Soudan, a donné à cette régression un caractère spectaculaire et dramatique avant que les Talibans – portés au pouvoir en Afghanistan par la principale puissance du « Monde Libre » – ne prennent, dans le même sens, des mesures inédites allant jusqu’à priver les femmes de soins médicaux sous prétexte de respecter « les règles de la loi islamique » destinées à « préserver la dignité féminine du péché » que représenterait le fait qu’elles soient examinées et soignées par des médecins hommes.
A l’instar de tous les adversaires de l’émancipation des femmes, les islamistes mobilisent des conceptions traditionnelles sacralisées au nom de la religion et présentées comme étant, sinon la charia de l’islam, du moins un «droit musulman » qui en procède et qui l’incarne.
Contre cet état des choses, de grandes figures féminines ont réclamé, à l’instar de Houda Cha‘raoui, depuis le début du XXIe s siècle, l’émancipation féminine. Dans certains pays, les origines du combat pour l’amélioration du statut et de la condition des femmes remontent au xixe s. Ce combat est mené au nom de références universelles : les principes de liberté et d’égalité prônés par la déclaration universelle des droits humains, les conventions et textes internationaux relatifs à la lutte contre toutes les formes de discriminations entre les femmes et les hommes. Il est aussi mené au nom des normes religieuses interprétées dans une perspective opposée aux conceptions patriarcales et misogynes des adversaires de la cause féminine.
Ainsi, l’islam et sa charia sont invoqués, d’un côté, par les islamistes et les milieux conservateurs pour justifier les discriminations et les atteintes aux droits des femmes, et de l’autre, par des mouvements de femmes qui s’en réclament, pour revendiquer l’égalité des sexes et la fin de l’asservissement de la « moitié» de l’humanité.
Il est difficile de revenir ici à la discussion des arguments développés par les islamistes et leurs adversaires favorables à l’égalité entre les femmes et les hommes[1], ou de présenter une analyse exhaustive de la situation des femmes dans les différents pays musulmans. Outre la difficulté de satisfaire une telle ambition dans un cadre aussi limité, d’autres travaux ont été consacrés à ce sujet [2]. C’est pourquoi on se limitera à montrer comment les normes religieuses de l’islam se trouvent utilisées par les un(e)s et par les autres pour justifier les conceptions relatives aux principales questions qui sont au cœur du débat au sujet de la question féminine.
Conceptions et arguments islamistes contre les droits des femmes
À la base de toutes les discriminations encore défendues par les islamistes et les conservateurs au nom de l’islam, nous trouvons le refus de l’égalité entre les hommes et les femmes. Ce refus est justifié par un verset coranique qui stipule : « Les hommes leur [c’est-à-dire aux femmes] sont supérieurs d’un degré »(2/228). Donnant à ce verset la portée d’une loi universelle, Y. Qaradhâwî, dans son ouvrage Le licite et l’illicite en islam, résume les justifications traditionnelles de ce postulat en précisant : « L’homme est le seigneur de la maison et le maître de la famille d’après sa constitution, ses prédispositions naturelles, sa position dans la vie, la dot qu’il a versée à son épouse et l’entretien de la famille qui est à sa charge » [3]. S. Qutb défendant une conception de la justice fondée sur le refus de l’égalité, affirmait : « Entre les sexes, l’égalité de la femme avec l’homme est totale du point de vue de [l’appartenance à] l’espèce [humaine] et des droits humains. La distinction n’est instituée qu’au regard des considérations relatives aux possibilités, à l’expérience et à la responsabilité [de l’homme et de la femme] ; ce qui n'affecte pas le statut humain des deux sexes. Là où il y a égalité de possibilités [naturelles], d'expérience et de responsabilité, ils sont égaux. Là où ils diffèrent en quoi que ce soit, l’inégalité doit être en conséquence ». [4]Hassan Al‑Banna ne disait pas autre chose : « La différence entre l’homme et la femme dans les droits est la conséquence des différences naturelles des rôles attribués à chacun des deux sexes ; elle est nécessaire pour protéger leurs droits respectifs » [5]. Ces arguments se retrouvent dans le discours de certains « modernistes » comme Abbâs Mahmûd Al‑‘Aqqâd, invoquant les mêmes références religieuses et les mêmes arguments quant aux différences naturelles entre l’homme et la femme. [6] Dans les débats récents au sujet de la réforme du code de la famille (la mudawwana), au Maroc, le Ministre des affaires islamiques, Abdelkébir Mdaghri, opposé à la réforme, dit : « L’islam n’a pas établi l’égalité absolue entre les hommes et les femmes au sens que donne l’Occident à l’égalité. Et celui qui dit le contraire commet un mensonge envers Dieu ». [7] L’un des dirigeants du mouvement Al‑‘adl wa’l‑’ihsân (Justice et Bienfaisance) de Absalam Yassine affirme : « l’égalité totale entre les époux telle qu’elle est dans le projet des féministes est totalement inacceptable. Elle n’est possible que si la charia est éliminée et que l’État déclare ouvertement sa laïcité ». [8]
C’est au nom de cette inégalité fondamentale que les adversaires de l’égalité des sexes justifient toutes les autres discriminations.
Ainsi, la tutelle des hommes sur les femmes est encore justifiée au nom de ce verset coranique : « les hommes ont tutelle sur les femmes en raison de la distinction établie entre eux et du fait de ce qu’ils dépensent de leurs biens. » (4/34) S. Qutb, que ne contredisent ni Y. Qaradhâwî, ni les théologiens ou juristes attachés à la mise sous tutelle perpétuelle des femmes, précise à ce sujet : « la raison (…) en est la capacité [naturelle] et l’expérience en ce qui concerne la charge de tutelle. L’homme, en raison de sa disponibilité du point de vue des responsabilités maternelles, a plus de temps pour affronter les problèmes sociaux auxquels il se prépare avec toutes ses facultés intellectuelles (…). En outre, les charges maternelles développent chez la femme le côté affectif et réactionnel autant que se développent chez l'homme la spéculation et la réflexion. Le droit de tutelle revient [à celui-ci] en raison de ses capacités et de l’expérience qu’il a de cette fonction. Il a en outre la charge d’entretenir [la famille], or l’aspect financier est fortement lié à la question de tutelle. La tutelle est donc un droit d'obligation qui revient, en vérité, à une égalité de droits et d'obligations (…) » [9]
Ce droit de tutelle s’accompagne, dans cette conception, de l’obligation d’obéissance pour la femme vis-à-vis de son tuteur, et du droit de correction qui revient à l’homme à l’encontre de la femme jugée rebelle. Y. Qaradhâwî dit à ce propos : « Pour toutes ces raisons, la femme ne doit pas désobéir à son mari, ni se rebeller contre son autorité provoquant ainsi la détérioration de leur association, l’agitation dans leur maison ou son naufrage du moment qu’elle n’a plus de capitaine » [10].
Il ajoute « Quand le mari voit chez sa femme des signes de fierté ou d’insubordination, il lui appartient d’essayer d’arranger la situation avec tous les moyens possibles en commençant par la bonne parole, le discours convainquant et les sages conseils. Si cette méthode ne donne aucun résultat, il doit l’aborder au lit, dans le but de réveiller en elle l’instinct féminin et l’amener ainsi à lui obéir pour que les relations deviennent sereines. (…) Si cela s’avère inutile, il essaie de la corriger avec la main tout en évitant de la frapper durement et en épargnant son visage. Ce remède est efficace avec certaines femmes, dans des circonstances particulières et dans une mesure déterminée. Cela ne veut pas dire qu’on la frappe avec un fouet ou un morceau de bois » [11].Y. Qaradhâwî conclut : « Si tout cela ne donne aucun résultat et si l’on craint l’aggravation de leur désaccord, c’est alors que la société islamique et les gens connus pour leur sagesse et leur bonté doivent intervenir pour les réconcilier (...). C’est après l’échec de toutes ces tentatives de réconciliations qu’il est permis au mari de recourir à une solution ultime codifiée par l’Islam, afin de répondre à l’appel de la réalité et aux exigences de la nécessité et afin de résoudre des problèmes auxquels seul le divorce à l’amiable peut mettre fin. Telle est la seule justification du divorce ». [12] Passons sur la contradiction entre la notion de « divorce à l’amiable » et le fait de considérer que c’est « au mari de recourir » à cette « solution ultime. » C’est une manière d’éviter de parler de la « répudiation » et de faire l’amalgame – très courant dans les textes juridiques des pays musulmans – entre cette pratique arbitraire considérée comme un droit exclusif du mari, et le divorce accordé par le juge à la demande de l’épouse ou par les deux conjoints. Cette confusion est confortée par la désignation des deux formes de rupture du lien conjugal par le terme talâq qui veut, précisément, dire « rupture » sans prise en compte de la manière dont le lien conjugal est rompu.
Là-aussi, S. Qutb ne dit pas autre chose en justifiant à sa manière le droit pour le mari de « corriger » son épouse en ces termes : « lorsqu’il s’avère que toutes les autres méthodes de correction sont restées inefficaces, c’est que le mari se trouve devant un cas de rébellion violente qui nécessite l’utilisation d’un procédé violent : les coups, non pas dans l’intention de nuire mais de corriger… Et ce droit (de corriger sa femme rebelle) dont l’homme a le privilège, c’est Dieu qui le lui a accordé » [13]. Le comble, c’est la reprise de ce type de justifications par des femmes qui ont intégré le discours islamo-machiste. Ainsi, à l’encontre de la législation tunisienne qui donne droit à la femme de poursuivre son conjoint qui porte atteinte à son intégrité physique en la frappant, l’islamiste tunisienne Warda Râbih nous dit : « la rébellion (nuchûz) est un cas pathologique qui se présente chez la femme de deux façons :
– la première est celle où elle prend plaisir à être le partenaire dominé, et à recevoir des coups et des châtiments, c’est ce qu’on appelle en psychologie « masochisme » ;
– la deuxième est celle où elle prend plaisir à faire du mal à l’autre, ou à le dominer (…), c'est ce qui s'appelle « sadisme ». Pour W. Râbih, la solution dans les deux cas est celle que le Coran prescrit, à savoir le châtiment et la force pour la ramener au droit chemin. Elle conclut que : « la psychologie moderne est venue confirmer et vérifier la valeur et l’efficacité de ces châtiments administrés par les maris, confirmation scientifique qui (…) donne à la recommandation religieuse un caractère de miracle… » [14]
Ceux qui revendiquent « ce droit de l’homme » sur son épouse s’appuient sur un verset coranique érigé en règle intangible qui n’admet aucune forme de relativisation, aucune possibilité de contextualisation. Ce verset stipule : « Les femmes dont vous craignez l’insubordination, sermonnez-les, éloignez-vous d’elles dans le lit, frappez-les. Si elles vous obéissent, ne cherchez plus à leur nuire injustement. »(4/34)
Le même type d’argumentation est mobilisé pour justifier l’équivalence entre le témoignage d’un homme et celui de deux femmes sur la base de la même technique de lecture d’un verset coranique stipulant : « S’il n’y a pas deux témoins hommes, alors un homme et deux femmes... » (2/28 S. Qutb y voit là une exigence de sa conception de la justice sociale en islam [15] en disant : « la femme, en raison de la nature des fonctions maternelles voit se développer chez elle le côté affectif et réactionnel autant que se développent chez l'homme la spéculation et la réflexion (…) la question, ici, est une question de considération pratique dans la vie, et non une question (…) d’inégalité ». [16]
De la même façon, la discrimination en matière d’héritage est érigée en règle intangible, y compris en Tunisie, sur la base du verset coranique suivant : « Au mâle, l’équivalent de ce qui revient (en héritage) à deux femelles. » (4/176). S. Qutb résume les arguments de tous ceux qui continuent à défendre cette discrimination en disant : « Favoriser l’homme en lui accordant le double de ce dont hérite une femme est une justice trouvant sa justification dans la responsabilité qui revient à l’homme dans la vie. Il épouse une femme dont il a la charge ainsi que celle de leurs enfants. C'est à lui que revient la charge de constituer un foyer, et à lui seul revient la responsabilité des compensations et des contraventions. Il a donc le droit d’hériter comme deux femmes pour cette seule raison (…). La question est, ici, une question d’inégalité de responsabilité nécessitant une inégalité au niveau de l’héritage ». [17]
Là où les islamistes ne s’encombrent pas de la norme coranique – qu’ils érigent en règle intangible pour d’autres questions – c’est au sujet de la discrimination concernant le mariage avec un(e) non-musulman(e). Les recommandations coraniques à ce sujet ne font pas de différence entre les sexes. « N’épousez pas les associatrices (muchrikât) tant qu’elles n’auront pas cru. Une esclave croyante vaut mieux qu’une associatrice (muchrika), même si celle-ci vous plaît. Ne donnez pas vos femmes aux associateurs tant qu’ils n’auront pas cru. Un esclave croyant vaut mieux qu’un associateur, même si celui-ci vous plaît. » (2/201)
Cependant, pour justifier le mariage du musulman avec la non-musulmane, parmi les gens du Livre, on invoque, en l’isolant de son contexte historique et textuel, ce verset donné en réponse à une question posée au prophète par ses compagnons : « Aujourd’hui, (Y. Qaradhâwî n’est pas le seul à oublier cette précision contextuelle) vous sont licites les bonnes choses et la nourriture de ceux qui ont reçu le Livre, comme votre nourriture est licite pour eux ; de même, [vous sont licites] les femmes chastes parmi les croyantes et les femmes chastes parmi celles qui ont reçu le Livre avant vous, à condition que vous leur apportiez leurs dots en hommes chastes et non débauchés ou amateurs de maîtresses (...) » (5/5) Pour interdire ce droit aux femmes, on invoque le verset précédent concernant le mariage avec les associateurs, et non les gens du Livre, en oubliant qu’il concerne les hommes et les femmes. Y. Qaradhâwî nous donne à cet égard un exemple édifiant sur cette démarche tordue : « Il est interdit à la musulmane d’épouser un non-musulman, qu’il soit ou non des gens du Livre. Cela ne peut en aucune façon lui être permis et nous citons les paroles de Dieu à ce sujet : “Ne donnez pas vos femmes en mariage à des associateurs tant qu’ils n’auront pas cru” (2/221). Dieu a dit au sujet des croyants qui s’étaient exilés à Médine : “Si vous savez qu’elles sont croyantes, ne les renvoyez pas alors aux autres mécréants. Elles ne leur sont pas permises (comme épouses), et ils ne leur sont pas permis” (60/10). Aucun texte n’est venu libérer les gens du Livre de cette sentence. » [18] Nous remarquons que le premier fragment de verset n’est qu’une partie du verset concernant le mariage des hommes et des femmes, avec un(e) adepte de l’associationnisme sans la moindre mention des gens du Livre. De même, le deuxième fragment de verset parle de « mécréants » sans la moindre référence aux gens du Livre. Cela n’empêche pas Y. Qaradhâwî – et il est loin d’être le seul dans ce cas – d’affirmer de façon catégorique, qu’il s’agit là d’une interdiction formelle pour la musulmane d’épouser un non-musulman qu’il soit ou non des gens du Livre ! Il n’apporte même pas un hadîth, ou une tradition consacrée allant dans le sens de son affirmation. Toute son argumentation repose sur les préjugés relatifs au statut de l’homme et de la femme, d’un côté, et à la tolérance de l’islam et l’intolérance des autres religions, d’autre part. Ainsi, dit-il sans l’ombre d’une preuve : « l’Islam a uniquement permis au musulman d’épouser une juive ou une chrétienne, mais il n’a jamais permis à la musulmane d’épouser un juif ou un chrétien, car l’homme est le maître de la maison. C’est lui qui veille aux intérêts de la femme et qui en est responsable. L’islam a assuré pour l’épouse juive ou chrétienne, à l’ombre de son mari musulman, sa liberté de conscience et a protégé sa législation et ses directives, ses droits et sa responsabilité. Par contre, une autre religion, telle que la religion chrétienne ou juive, n’assure aucune liberté de conscience à la femme de croyance différente et ne lui préserve pas ses droits. Comment l’islam peut-il livrer à l’aventure l’avenir de ses filles et se jeter entre les mains de gens qui n’ont aucun respect et aucun scrupule pour leur religion ? » [19]
Qaradhâwî, et les musulmans qui partagent ses conceptions xénophobes, reproduisent, par ce genre de discours, à l’égard des autres religions, ce qu’ils dénoncent dans les discours qui stigmatisent l’islam en le réduisant aux aspects les plus négatifs dans les sociétés qui s’en réclament. En effet, ce qui est affirmé ici à propos des religions chrétienne et juive ne peut se justifier qu’en les réduisant au même type de lecture que font de l’islam Qaradhâwî, S. Qutb et les adeptes de leur archaïsme.
En rapport avec cette question du mariage, l’une des discriminations auxquelles s’attachent la plupart des islamistes et tous les conservateurs, concerne la polygamie. Ce « droit de l’homme » d’après eux, ne saurait être aboli car il serait reconnu comme un droit intangible par le Coran. Il invoque à ce sujet un fragment de verset stipulant : « Épousez, selon ce qui vous agrée, une, deux, trois ou quatre femmes (...) » (4/3) Ils omettent de prendre en compte la suite du verset qui précise : « (...) si vous craignez de ne pas être équitable, n’en épousez qu’une seule. »(4/3)Quand on leur rappelle cette condition – qu’un autre verset déclare irréalisable en stipulant : « vous ne saurez être équitable entre les femmes même si vous vous efforcez de l’être » (4/135) – les réponses varient selon les situations, les rapports de forces, l’évolution des mentalités et des mœurs, etc.
A suivre
[1]. J’ai déjà réfuté ces thèses dans Le politique et le religieux dans le champ islamique, Paris, Fayard, 2005, Islamisme, laïcité et droits de l’Homme, L’Harmattan, 1991, Les voies de l’islam : approche laïque des faits islamiques, op. cit., ainsi que dans les chapitres précédents de ce travail et dans plusieurs articles (concernant le statut du politique et du juridique en islam et ses incidences sur la question de la laïcité et des droits humains), parus dans différentes revues : ce texte reprend en les actualisant les idées développées dans ces travaux au sujet des droits des femmes aux yeux de leurs défenseurs et des islamistes ;
[2]. Je pense notamment aux travaux de F. Mernissi (Sexe, idéologie, islam, Tierce, 1975, Le harem politique, Albin Michel, 1987, La peur-modernité, chez le même éditeur, 1992), de Nawâl Sa‘dâwî (Nawal Saadoui) (Les femmes de l’islam, La Brèche, 1980, La face cachée d’Eve, Éditions des femmes, 1982), ainsi qu’à d’autres travaux.
[3]. Y. Qaradhâwî, Le licite et l’illicite en islam, Al‑Qalam, Paris, 1995, (3e éd.), p. 207.
[4]. S. Qutb, Al‑’adâla al‑’ijtimâ’iyyafîal‑’islâm (La justice sociale en islam), Dâr al‑churûq, Beyrouth, 1983, p. 47.
[5]. H. Al‑Banna, Al‑mar’a al‑muslima (La femme musulmane), Dâr al‑jîl, Beyrouth, 1371, p. 7.
[6]. Voir son livre Al‑mar’a fî’l‑qur’ân (La femme dans le Coran), Al‑maktaba al‑‘açriyya, Beyrouth, s.d.
[7]. A. Mdaghri, Al‑mar’abayna ’ahkâm al‑fiqhwa’l‑da‘wa ’ilâ al‑taghyîr (La femme entre les normes du fiqh et l’appel au changement), Muhammadiya, Maroc, 1999, p. 146.
[8]. M. Al‑Bachiri, Munâqachatu al‑matâlib al‑nisâ’yya al‑hâdifa ’ilâtqghyîrmudawwanat al-’ahwâl al-chakhçiyya (Critique des revendications féminines visant la modification du Code du statut personnel), Université Hassan II, 1994, p. 693.
[9]. S. Qutb, op. cit., p. 48.
[10]. Y. Qaradâwî, op. cit., p. 207.
[11]. Ibid.
[12]. Ibid., p. 208.
[13]. S. Qutb : ChubuhâtHawla al‑’islam (Calomnies au sujet de l’islam), (13e éd.), Beyrouth, Dârash‑shûrûq, 1980, p. 136-137.
[14]. W. Rabih in Al Ma‘rifa n° 10, 1er octobre 1978, p. 25.
[15]. C’est la traduction du titre de son livre dont sont tirées les citations relatives à cette question.
[16]. S. Qutb, op. cit., p. 48.
[17]. Ibid.
[18]. Y. Qaradhâwî, op. cit., p. 189.
[19]. Ibid., p. 189-190.
par Ndèye Fatima Ndiaye
DES SOLUTIONS POUR L'AMÉLIORATION DES CONDITIONS DE LA FEMME
Tour d'horizon des sujets abordés par Ousmane Sonko dans son livre Solutions au sujet des femmes
Dans cet article, je compte faire le tour de sujets abordés par le PROS dans son livre Solutions, et qui concernent les femmes. Je ferai alors une analyse des solutions que propose Ousmane Sonko pour un Sénégal plus égalitaire.
Les femmes constituent la couche la plus vulnérable des sociétés humaines. Le 5 mars 2023, à l’ouverture des deux semaines de débats de la Commission de la condition de la femme à New York, Antonio Guterres, Secrétaire général des Nations unies déclarait qu’il faudrait encore plus de trois siècles pour éradiquer les inégalités de genres dans le monde. Force est de constater que les inégalités hommes-femmes se creusent davantage à l’échelle planétaire, lorsque survient une catastrophe humaine (guerres, conflits armés) ou encore naturelle (séisme, pandémie).
Quand vient le temps d’élire un nouveau président de la République au Sénégal, le pays tout entier se prononce sur les choses qui ne vont pas bien. On trouve, entre autres, des plaintes sur l’économie, le chômage des jeunes, les problèmes dans les hôpitaux, les migrations clandestines, etc. Mais très peu de personnes s’intéressent aux droits des femmes, et à leur évolution. D’ailleurs, il suffit de jeter un coup d’œil à la photo du Conseil des ministres de l’actuel gouvernement du Sénégal pour se rendre compte que les femmes sont sous-représentées (seulement 25%), contre 49% (19 femmes ministres sur 39) au Canada. Mais la réalité est bien pire en ce qui a trait aux réalités socioculturelles et intrafamiliales. Les violences faites aux femmes et aux filles sont une réalité bien perverse au Sénégal. On la retrouve dans toutes les sphères de la vie quotidienne des femmes. Elles sont d’ordre physique, mais aussi économique et psychique.
Depuis la petite enfance, les filles sont privées d’école pour aider à la maison. Si elles sont scolarisées, elles sont plus à risque d’abandonner à cause d’un mariage précoce ou d’une grossesse. Les filles au village sont les plus vulnérables sur ce plan. La pauvreté des parents les pousse à abandonner l’école avant leur seizième année. Selon le rapport de l’Unicef de 2016, près de 14 % des filles âgées de moins de quinze ans subissent encore l’excision et 31,5 % des femmes ont été mariées avant leur dix-huitième anniversaire.
Quand elles réussissent à poursuivre leurs études jusqu’à l’université, elles ont quand même moins de chance sur le marché du travail. Elles se butent au sexisme et au patriarcat endémique de la société sénégalaise. Leurs compétences ne sont guère mieux ciblées que leurs charmes pour l’octroi d’un emploi. Elles doivent se soumettre au diktat des hommes qui occupent les fonctions les plus honorables dans la quasi-totalité des entreprises dans lesquelles elles convoitent un poste. Et c’est en ce moment-là que l’écart se creuse davantage entre leurs possibilités d’autonomie et celles de leurs concitoyens masculins. Mais pas seulement. Dans le ménage, l’autorité du mari et de la belle-famille, les responsabilités familiales très genrées au Sénégal pèsent lourdement sur leur carrière.
Sur la sphère politique, on peut également noter les disparités qui existent entre les hommes sénégalais et les femmes sénégalaises, notamment une certaine invisibilité de celles-ci. Il suffit de voir les invités des plateaux télé les vendredis soir pour s’en apercevoir. La plupart du temps , elles ne figurent sur aucun débat télévisé. Et pourtant, dans l’ombre des partis politiques sénégalais, il y a des femmes. Elles sont certes sous représentées – à cause entre autres du poids des responsabilités familiales et de l’autorité maritale citées plus haut – mais il y en a des brillantes. Des femmes engagées qui s’affairent lorsque vient le temps de collecter des signatures pour les parrainages, ou encore d’accompagner les élus de leurs partis. La Loi Wade N°2010-11 sur la parité n’a pas bien résolu les problèmes des inégalités en politique. Les femmes les mieux instruites et compétentes ne sont pas toujours celles qui figurent sur les listes électorales. Elles cèdent souvent la parole aux plus loquaces à l’hémicycle de la Place Soweto. Elles y sont aussi utilisées pour de petites guéguerres politiciennes, à l’occasion, ou n’y sont que parce qu’elles font un mauvais buzz sur les réseaux sociaux. L’on se souvient facilement de la guerre des chaises et des coups de poing entre élus, tout récemment.
Sur le plan religieux, les femmes doivent se contenter de jouir de droits primaires datant du 7e siècle, surtout en ce qui a trait à l’héritage. Sans aucune étude coranique sérieuse, certains se prévalent de droits islamiques dont ils ne connaissent même pas les fondements.
Que propose le Président Ousmane Sonko pour les femmes et leurs droits dans Solutions (2018)
Au chapitre X qui s’intitule « Protéger les Sénégalais et réduire les inégalités », le PROS souligne l’urgence d’agir pour contrer la pauvreté des femmes sénégalaises, qui sont deux fois plus touchées par le chômage (40% contre 18% chez les hommes) « du fait des inégalités de chance ». Il propose des mesures inclusives visant notamment à maintenir les filles à l’école, principalement dans les zones rurales, ainsi que le droit d’accès des femmes à la propriété foncière. Sonko, O, (2018) Solutions, p.180. Le PROS tient bien au maintien des enfants à l’école, avec sa proposition « de légiférer pour la scolarisation intégrale et la définition d’un seuil minimal » de fréquentation scolaire obligatoire. Par ce même biais, il compte réduire le décrochage scolaire des filles. Sonko, O, (2018) Solutions, chap. Égaliser les chances par l’éducation. p.168.
Le PROS exprime sa sensibilité quant aux précarités financière et sociale que vivent les travailleurs et travailleuses domestiques. Ce secteur qui comprend le ménage, la garde d’enfant, le linge, etc. emploie pour la plupart des femmes. Il compte remédier à ces précarités en améliorant leur rémunération et par l’encadrement de leurs conditions de travail journalier, pour leur garantir une meilleure protection sociale. Sonko, O, (2018) Solutions, Solidarité et protection sociale, p.176.
Le Pr Ousmane Sonko a démontré par moult occasions sa volonté d’aider les femmes sénégalaises à atteindre l’autonomie financière. L’on se souviendra de l’aide qu’il octroyait aux femmes transformatrices de la Casamance, quand il était député. En parcourant le livre Solutions, j’ai pu constater son désir d’aider à atteindre le pouvoir d’agir qui leur fait défaut, depuis 1960. Elles sont certes actives économiquement, mais le manque d’éducation ou encore l’absence d’autonomie effective les freinent dans l’exploitation de leur plein potentiel économique. Et c’est dans les paramètres socioculturels et politiques qu’il faudra corriger le tir pour leur permettre un devenir meilleur, dans le Sénégal nouveau dont toutes et tous rêvent.
Il y a encore tout à faire pour réduire les inégalités hommes-femmes au Sénégal. La liste des problématiques entourant les femmes est longue. Rien que la révision du Code de la famille, pourrait et devrait faire l’objet de débats à l’Assemblée nationale. Les questions sur l’encadrement de la polygamie – car oui, cette pratique est bel et bien balisée par le texte coranique- , l’abandon du domicile familial par le mari, ou encore l’avortement médicalisé en cas de viol ou d’inceste, devraient y être abordées, et sujettes à des projets de loi infaillibles.
Il est alors temps pour les Sénégalaises de questionner les futurs dirigeants sur les programmes les concernant, et sur les avancées en droits qu’elles ambitionnent dans le nouveau Sénégal en téléchargement.
Alors, ma chère petite sœur, arrête donc de me souhaiter bonne fête les 8 mars de chaque année, parce que la femme sénégalaise n’a encore rien à fêter !
VIDEO
LES LIONCEAUX CHAMPIONS D'AFRIQUE
L’équipe nationale des moins de 20 ans est championne d’Afrique de la catégorie en remportant la finale qui l’opposait à la Gambie sur un score de deux buts à zéro ce samedi. Le Sénégal remporte ainsi dans l’espace de 13 mois quatre compétitions de la CAF
L’équipe nationale du Sénégal des moins de 20 ans est championne d’Afrique de la catégorie en remportant la finale qui l’opposait à la Gambie sur un score de deux buts à zéro.
Le Sénégal a mis le pied sur le ballon dès le coup d’envoi du match en affichant clairement ses ambitions : marquer le plutôt possible, et faire douter leurs adversaires gambiens.
Souleymane Faye très remuant en ce début de match, va ouvrir de la tête à la 7e mn, le score pour le Sénégal. Le joueur de Talavera en troisième division espagnole, a repris un coup franc d’Amadou Diop et infligé à la Gambie son premier but de la compétition.
Menés, les Gambiens sont obligés de sortir de leur base pour tenter d’égaliser. Un sursaut d’orgueil qui a connu des séquences de jeu intéressantes sans déboucher sur des actions de but concrètes.
Le Sénégal a fait face aux assauts grâce à sa solide défense mise en place par Malick Daf pour annihiler les offensives des Young Scorpions.
Souleymane Faye qui est resté sur sa dynamique de début de match a raté de justesse, un doublé, à la 29e mn. Surpris par une frappe de l'excellent Lamine Camara repoussée par le portier de la Gambie. Faye n’a pas pu reprendre le ballon à sa guise.
Même si la Gambie a dominé en fin de première mi-temps, dans un temps faible sénégalais, les Young Scorpions n’ont nullement inquiété, les Lionceaux.
Meilleur sénégalais du match, Souleymane Faye se mue, cette-fois ci, en passeur décisif sur le deuxième but signé Mamadou Lamine Camara à la 56e mn après un double coup de casque dans la surface adverse.
Les hommes de Malick Daf vont poursuivre sur leur lancée et tenter d’alourdir le score. A plusieurs reprises, le Sénégal a manqué d’inscrire le troisième but.
Les Lionceaux remportent ainsi leur premier sacre de la catégorie après quatre finales d’affilée perdues en 2015, 2017 et 2019.
Les poulains de Malick Daf ont imité leurs ainés de l’équipe A championne d’Afrique en 2022 en terre camerounaise.
Le Sénégal a aussi remporté le Championnat d’Afrique des Nations en Algérie en 2023. Il est aussi champion d’Afrique en Beach Soccer.
Le Sénégal remporte ainsi dans l’espace de treize mois quatre compétitions de la Confédération africaine de football (CAF)
LES FEMMES DE NDER, RESISTANTES SENEGALAISES A LA TRAITE NEGRIERE ARABO-MUSULMANE.
Durant treize siècles, les pays du Maghreb et de la péninsule arabique ont pratiqué la traite négrière faisant plus de dix-sept millions de victimes en Afrique subsaharienne
En novembre 2017, le monde a découvert avec horreur et stupéfaction les images d’un marché d’esclaves noirs en Libye. Les conséquences d’une guerre, la déstabilisation d’un état et la responsabilité des nations occidentales dans ce chaos ont été invoqués comme arguments pour tenter de comprendre l’horreur de la situation. Bien qu’on ne peut écarter ces éléments, on ne peut mettre de côté le facteur historique qui sous-tend cet évènement tragique. En effet, un marché d’esclaves dans cette partie du monde n’est pas un hasard.
Durant treize siècles, les pays du Maghreb et de la péninsule arabique ont pratiqué la traite négrière faisant plus de dix-sept millions de victimes en Afrique subsaharienne. Cette histoire méconnue est à l’origine de la négrophobie existante dans les pays arabes et maghrébins. En effet, les Noirs y sont victimes d’un racisme structurel et systémique. Pour preuve, le traitement réservé aux migrants subsahariens dans les pays maghrébins et arabes démontrent la présence forte d”un racisme anti-Noirs très marqué. A ce sujet, je vous conseille de lire l’ouvrage de Tahar Ben Jalloun intitulé « le mariage de plaisir » qui traite de la question du racisme à travers l’union d’un homme marocain et d’une femme sénégalaise. Même si j’ai quelques réserves quand à certains éléments du livre, il dépeint assez justement la condition des Noirs dans cette partie de l’Afrique.
Afin d’en savoir plus sur cet épisode tragique de l’histoire du continent, j’ai commencé à lire il y a quelques semaines « Le génocide voilé » de Tidiane N’diaye. D’ailleurs, je vous en parlais dans cet article et de l’importance de connaître cet épisode tragique qui est un pan important de notre histoire. Cet ouvrage très complet et bien écrit détaille avec précision l’horreur de cette traite et les conséquences désastreuses sur les populations africaines. En lisant ce livre, on apprend que les marchés aux esclaves florissaient dans les villes arabes et nord africaines. Dans ceux-ci, les femmes avaient plus de valeur en raison de leur aptitudes aux travaux domestiques et traditionnels.
Elles étaient également les esclaves sexuels de leurs bourreaux qui abusaient d’elles afin de les briser moralement et psychologiquement afin qu’elles soient dans un état de dépendance et de soumission envers leurs maîtres. Cependant, durant cette période les femmes africaines firent également preuve de résistance et de bravoure à l’instar des femmes de Nder dont j’ai choisi de vous parler. La résistance des femmes de Nder est un épisode tragique et marquant de la lutte contre la traite négrière arabo musulmane au Sénégal. « Talataay Nder » (« le mardi de Nder » en Wolof) comme son nom l’indique a eu lieu un mardi du mois de novembre 1819 dans le village de Nder, capitale jadis du royaume du Waalo. Face à l’assaut des négriers Maures, les femmes décidèrent de sacrifier leurs vies plutôt que d’être réduites en esclavage.
Averties de la menace sur leur village, les femmes de Nder se munirent de coupe-coupe, de lances, de gourdins et de fusils, elles se battirent face à leurs adversaires avec énergie et force. Servantes, paysannes, aristocrates, jeunes et vieilles, elles s’unirent pour se défendre sans relâche face à leurs ennemis. Les récits des griots affirment que les femmes de Nder tuèrent ce jour là plus de trois cents Maures. Néanmoins, devant cette défaite, le chef des Maures ne s’avoua pas vaincu. Avec ses troupes, ils revinrent plus tard afin d’achever leur première attaque. Conscientes qu’elles étaient à bout de forces, et qu’elles ne pourraient réitérer leur exploit face à une seconde attaque, les femmes se découragèrent, ne sachant quoi faire.
C’est à ce moment là que Mbarka Dia, meneuse de femmes du village s’écria, ces mots entreront dans la postérité, symbolisant ainsi le courage et la bravoure d’un peuple face l’ignominie : « Femmes de Nder ! Dignes filles du Walo ! Redressez-vous et renouez vos pagnes ! Préparons-nous à mourir ! Femmes de Nder, devons-nous toujours reculer devant les envahisseurs ? Nos hommes sont loin, ils n’entendent pas nos cris. Nos enfants sont en sûreté. Allah le tout puissant saura les préserver. Mais nous, pauvres femmes, que pouvons-nous contre ces ennemis sans pitié qui ne tarderont pas à reprendre l’attaque ? Où pourrions-nous nous cacher sans qu’ils nous découvrent ? Nous serons capturées comme le furent nos mères et nos grands-mères avant nous. Nous serons traînées de l’autre côté du fleuve et vendues comme esclaves. Est-ce là un sort digne de nous ? » Les autres femmes restèrent silencieuses.
A cela, Mbarka Dia renchérit : « Répondez ! Mais répondez donc au lieu de rester là à gémir ! Qu’avez-vous donc dans les veines ? Du sang ou de l’eau de marigot ? Préférez-vous qu’on dise plus tard à nos petits enfants et à leur descendance : Vos grands-mères ont quitté le village comme captives ? Ou bien : Vos aïeules ont été braves jusqu’à la mort ! Oui mes sœurs. Nous devons mourir en femmes libres, et non vivre en esclaves. Que celles qui sont d’accord me suivent dans la grande case du conseil des Sages. Nous y entrerons toutes et nous y mettrons le feu… C’est la fumée de nos cendres qui accueillera nos ennemis. Debout mes sœurs ! Puisqu’il n’y a d’autre issue, mourrons en dignes femmes du Walo ! »
A l’intérieur de la case principale où elle s’étaient entassées, les femmes s’entrelacèrent et se mirent à chanter des chants, des berceuses pour se donner du courage. A l’extérieur de la case, Mbarka Dia enflamma une torche et sans même un tremblement, la lança contre l’une des façades de branchages. Petit à petit, les chants laissèrent la place aux quintes de toux. A ce moment, une jeune femme enceinte, guidée par son instinct de survie poussa violemment la porte de la case et en sortit. Celles qui vivaient encore ne bougèrent pas. Quelques-unes eurent le temps de murmurer ces quelques mots : « Qu’on la laisse. Elle témoignera de notre histoire et le dira à nos enfants qui le raconteront à leurs fils pour la postérité. »
Lorsque les hommes revinrent au village, ils découvrirent que leurs femmes, mères et soeurs avaient péri sauf une. A partir de ce jour, un rite « Talataay Nder » fut instauré pour honorer la mémoire des résistantes de Nder. Chaque année, un mardi du mois de novembre, aucune activité n’avait lieu durant la journée. Pendant de longues heures, les habitants du villages restaient enfermés dans leurs habitations pour prier et rendre hommage aux sacrifices des héroïnes de Nder.
Je dois vous avouer qu’en écrivant ces lignes, je suis assez émue. Émue par l’abnégation et le sacrifice de ces femmes qui ont choisi de mourir libres plutôt que de vivre en tant qu’esclaves. Face à la monstruosité de l’esclavage, ces femmes ont choisi de ne pas se soumettre , de lutter et de résister au péril de leur vie. Cela force le respect. Il faut savoir que ce type d’acte était très courant durant la traite occidentale également. De nombreux captifs africains refusèrent la servitude et décidèrent d’en finir avec leur vie plutôt que d’être des esclaves. Pour exemple, « Igbo landing » est le nom donné au lieu où s’est déroulé en 1803 aux abords de l’île de St.Simons en Géorgie aux États-Unis le suicide de masse de captifs de l’ethnie igbo du Nigeria.
Je ne peux m’empêcher de faire un parallèle avec l’ouvrage « Tout s’effondre » de Chinua Achebe qui traite de la colonisation. Dans ce livre, le protagoniste Okonkwo commet le geste ultime face à la brutalité de la colonisation britannique. Son geste est celui d’un homme qui ne peut supporter l’effondrement de son monde et l’extrême brutalité de ce nouveau monde qui lui est imposé.
De nos jours, de nombreuses personnes considèrent le suicide comme étant un acte de lâcheté. Condamné par les religions du Livre, le suicide est considéré par beaucoup comme étant le péché ultime. Compte tenu des contextes esclavagistes et colonialistes de l’époque, le suicide était un moyen d’échapper à une condition de servitude faite de supplices et de violences. Le suicide n’était donc pas un acte de lâcheté mais un acte d’héroïsme selon moi car il fallut beaucoup de courage aux femmes de Nder et à tous les captifs et esclaves africains pour mettre fin à leur vie souvent de manière brutale. Face à l’extrême violence de l’esclavage et de la colonisation, mettre fin à sa vie ne devenait parfois que la seule alternative pour ceux dont la perspective d’être esclave était insupportable.
Pour ceux qui me lisent depuis un moment déjà, vous avez sans doute remarqué que j’aime beaucoup l’histoire. Je pense que la connaissance de l’histoire est importante pour comprendre le présent et pour mieux se projeter dans l’avenir. C’est également un outil important dans la construction de soi et dans la manière dont on se perçoit, particulièrement lorsqu’on est afrodescendant.e. C’est pour cela qu’il a été important pour moi de présenter des parcours de figures historiques féminines noires dans la série d’articles « BlackHerStoryMonth » ou d’interviewer l’auteure Sylvia Serbin dont j’admire et je respecte le travail pour faire connaître les figures féminines importantes de l’histoire de l’Afrique et des diasporas noires.
En ce mois de mars où on célèbre le Mois de l’histoire des femmes, j’ai voulu partager avec vous l’histoire des femmes de Nder pour rendre hommage à ces vaillantes résistantes et combattantes qui ont sacrifié leurs vies au nom de la liberté. Elles représentent, à travers leurs luttes et leur résistance, la fierté d’un peuple et d’un continent. En tant que femme noire, afroféministe et fille de l’Afrique, je porte en moi la mémoire de mes aïeules et de mes aînées qui ont consenti de nombreux sacrifices, qui ont mené tant de combats et de luttes pour permettre à notre génération de se tenir debout et libre. Je mets mes pas dans ceux des femmes de Nder et de toutes celles qui ont combattu l’adversité, la servitude et l’injustice pour que je puisse être la femme que je suis aujourd’hui. Envers elles, je ressens de la fierté, du respect, de la reconnaissance et de la gratitude pour avoir tracé le chemin pour nous. Les luttes et les combats que je mène s’inscrivent dans la continuité de ceux menés par ces femmes qui ont démontré par leur bravoure et leur pugnacité qu’il était indispensable et nécessaire de résister à l’oppression.
Les histoires, les accomplissements et l’héritage de ces femmes doivent nous guider chaque jour telle une boussole sur le chemin de la liberté. N’oublions pas leurs paroles, que j’ai retranscrites plus haut, témoignons de leur histoire et faisons en sorte que leur sacrifice rentre à jamais dans la postérité et qu’il soit connu de nos filles et de nos petites filles qui, je l’espère, porteront en elles la mémoire de ces femmes d’exception.