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14 mai 2025
PENDA MBOW PLAIDE POUR UNE CULTURE D’ÉLITE AU SERVICE DU SOUTIEN POPULAIRE
Lors d’un talk à la Biennale de Dakar, l’historienne et ancienne ministre de la Culture a insisté sur l’importance du mécénat d’État et d’une vision systémique reposant sur la culture.
L’historienne et ancienne ministre de la Culture, professeur Penda Mbow, a appelé, vendredi, à “penser à développer une culture d’élite pour financer la culture populaire’’.
‘’Il faudra penser à développer une culture d’élite pour financer la culture populaire. Nous devons reconstituer cette élite à partir de la culture et d’un élitisme républicain assumé’’, a-t-elle déclaré.
L’universitaire sénégalaise intervenait lors d’un talk axé sur le thème : ‘’Leadership politique et politiques culturelles au Sénégal : de l’héritage de l’enfant de Diogoye [Basile Diogoye, père de Léopold Sedar Senghor] à l’avènement de Diomaye’’ organisé dans le cadre de la 15ème Biennale de l’art africain contemporain de Dakar (Dak’art) qui se poursuit jusqu’au 7 décembre prochain.
Selon elle, le Sénégal ‘’ne peut pas avoir une vision systémique, sans se référer ou mettre comme socle, la culture’’.
Elle a de ce fait invité à retourner vers le mécénat d’Etat, soulignant la prise de conscience du nouveau régime sur l’importance que revêt la culture et ce qu’elle peut représenter pour sa politique et sa vision systémique.
Selon elle, ‘’à mesure que nous avançons, les politiques culturelles dans ce pays redimensionnent la vision culturelle qu’avait Senghor’’, le premier président de la République du Sénégal.
Pour sa part, l’artiste peintre, Amadou Kane Sy dit ‘’Kan-Si’’, estime que le Sénégal n’a jusqu’à présent pas encore utilisé la culture pour se reconnecter avec son ‘’être profond’’, afin de mettre en place des projets en connexion avec les communautés.
‘’Il faudra qu’on arrive à reconnecter la biennale [Biennale de l’art africain contemporain de Dakar] et le Sénégal profond, et les préoccupations du Sénégal’’, suggère-t-il.
Kan-Si propose également la mise en place d’une vraie politique de décentralisation culturelle.
‘’Une seule mesure à prendre pour les politiques culturelles au Sénégal, serait de travailler sur les interactions entre les différents départements. Au-delà du découpage ministériel, une véritable politique d’intégration. Voilà la transversalité de la culture’’, a pour sa part prôné le professeur de littérature africaine, Ibrahima Wane, enseignant-chercheur à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD).
LE SCRUTIN DES LÉGISLATIVES ANTICIPÉES CRISTALLISE L’ATTENTION DE LA PRESSE QUOTIDIENNE
’’Après les discours, place aux urnes’’, titre en une le quotidien national Le Soleil, comme pour signaler la fin de la campagne électorale. Le journal informe au passage de la mise en place du dispositif électoral en vue d’un un bon déroulement du vote.
Dakar, 16 nov (APS) – Les quotidiens dakarois parvenus ce samedi à l’Agence de Presse sénégalaise (APS) ont mis l’accent sur le scrutin des législatives de ce dimanche 17 novembre, indiquant qu’après une campagne électorale âprement disputée, l’heure est venue pour les citoyens de se rendre aux urnes.
’’Après les discours, place aux urnes’’, titre en une le quotidien national Le Soleil, comme pour signaler la fin de la campagne électorale. Le journal informe au passage de la mise en place du dispositif électoral en vue d’un un bon déroulement du vote.
Il se fait en même temps l’écho des assurances du directeur général des élections, Biram Sène. ‘’Nous sommes fin prêts sur le plan de la logistique’’, déclare ce dernier dans un entretien accordé au Soleil.
Il assure qu’un dispositif est mis en place pour permettre aux citoyens impactés par les inondations liées à la crue du fleuve Sénégal et de la Falémé, son principal affluent, de pouvoir voter. ‘’Des pirogues ainsi que des véhicules seront mobilisés par les autorités administratives concernées toute la journée pour assurer la navette entre les lieux de recasement, les berges et les lieux de vote’’, signale M. Sène.
Les assurances pour un bon déroulement du vote sont relayées aussi par le Quotidien et Enquête. Les deux journaux rapportent les propos du ministre de l’Intérieur, Jean-Baptiste Tine, qui indique que ‘’toutes les conditions sont réunies’’ pour une bonne tenue du scrutin. ‘’Pour un scrutin calme, le général Tine montre le chemin’’, lance Enquête.
‘’La voix au peuple’’, titre le Quotidien. Il souligne que les électeurs vont pouvoir exprimer leur droit de vote ce dimanche pour choisir les 165 députés devant composer l’Assemblée nationale.
‘’Après une campagne électorale émaillée de violence, les nombreux appels à la sérénité et à la retenue devraient contribuer à faire régner un climat de paix pour un scrutin sans heurts’’, écrit le journal.
Le quotidien L’As met lui aussi en exergue les assurances du général Tine.
‘’Après les candidats, la voix aux citoyens’’, titre Vox Populi, relayant au passage les appels à la paix du Forum du justiciable et du Forum civil. Deux organisations qui invitent ‘’les Sénégalais à rejeter fermement toutes formes de violence le jour du scrutin et à s’abstenir de tout acte pouvant saper la paix et la cohésion sociale’’.
L’Observateur s’intéresse aux ‘’Je et enjeux d’un scrutin’’, évoquant ‘’une élection, deux scénarii et mille incidents’’. ‘’Un scrutin, de multiples enjeux’’, affiche pour sa part Libération, alors que l’Info parle des ‘’enjeux d’un scrutin’’.
‘’Elections législatives anticipées du 17 novembre : A vos cartes !’’, lance Sud Quotidien, indiquant que le triangle Dakar-Thiès-Diourbel est ‘’au centre des attentions’’ avec ses 3.468.924 électeurs.
Et de s’interroger : ‘’Qui va remporter la bataille de Dakar ? Le Fouta restera-t-il un titre foncier de Macky ?’’.
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DAK’ART, LA BARBADE SE RECONNECTE À L’AFRIQUE
EXCLUSIF SENEPLUS - Chaque Biennale permet aux fils et filles d’Afrique dispersés dans les Amériques de revenir sur la terre-mère. Les Barbadiens ont fait le pas grâce à «Transatlantique 1».Nyzinga Onifa, la coordonnatrice du projet explique l’intérêt
Tous les deux ans depuis 1990, la Biennale de l’art africain contemporain de Dakar permet aux fils et aux filles d’Afrique dispersés à travers le globe, notamment dans les Amériques, du fait de la tragédie de l’esclave, de se retrouver sur leur terre d’origine. Qu’ils soient d’Amérique du Nord, d’Amérique Latine ou des Caraïbes, ils reviennent partager et se reconnecter à la terre mère d’Afrique. À cette 15e édition, une dizaine d'artistes barbadiens sont à Dakar grâce a ECEA*, une organisation qui a elaboré le projet d'exposition intitulée « Transatlantique 1 ». Nzinga Onifa, coordonnatrice du projet, nous explique dans cet entretien avec AfricaGlobe Tv.
Au Dak’art 2022, nous découvrions Yrneh Gabon, ce Jamaïcain dont les tests ADN ont prouvé qu’il est balante donc potentiellement originaire de la Casamance, la Gambie ou la Guinée Bissau, aire géographique où l’on trouve ce peuple ouest-africain. Pour cette 15e édition du Dak’art, une bonne délégation barbadienne, composée d’une dizaine « de talentueux artistes » est y est représentée avec l’exposition dénommé « Transatlantique One ». Un projet pensé et conçu trente ans plus tôt des après la deuxième édition du Dak’art et qui a connu des péripéties sans que l’initiatrice, la Barbadienne Nzinga Onifa, ne renonce.
Le désir de reconnexion de la Barbade à l’Afrique n’est pas récent. L’histoire remonte à 1993 lorsque Nzinga Onifa, la coordinatrice du projet « Economic and cultural exchange with Africa (ECEA) , y a séjourné une dizaine d’années à Dakar pour le compte des Nations Unies. Un séjour au cours duquel elle dit s’être rendu compte de ce qu’il y a trop peu d’information sur la Barbade. Mais aussi choquée de ce que manifestement des Africains ne posent pas de question sur ce que sont devenu ceux qui ont été déportés du continent quelques siècles auparavant.
En revanche, bien souvent, on lui demandait d’où vient-elle et où se trouve la Barbade qui pourtant n’est qu’ à environ à 5 heures de vol de Dakar bien avec une ligne directe. Même si l’on est dans les Caraïbes. Sur la persistance de ces questions, Nzinga Onifa, en quittant Dakar, s’est résolue à travailler pour créer un rapprochement entre l’Afrique et la Barbade à travers la culture. Elle à cet effet fait part aux différentes autorités sénégalaises et barbadiennes depuis ces années et donc forcément tous les régimes qui se sont succédé aussi bien à la tête du Sénégal que de la Barbade. Il a donc fallu un très long chemin et l’initiatrice n’a pas abandonné. Finalement, l’aboutissement a été cette année 2024.
Elle a réussi a emmené une dizaine d'artistes qui exposent au village des arts a Yoff. Seulement, il s’est passé un fait très regrettable au grand dam des artistes barbadiens. En effet, pour des raisons logistiques et administratives, leurs œuvres n’ont pas pu atterrir à Dakar pour démarrer la Biennale en bonne et due forme alors que ce 8 novembre, elles devraient être vues.
Dans la foulée, les autorités du village des arts ont essayé de trouver une solution qui ne satisfait personne. En effet, le village des arts a fait installer des écrans qui présentent les œuvres des artistes. Une situation absolument regrettable pour les artistes qui à l’unisson disent que ce dispositif technologique de rechange déforme et dévalorisent leur travail à tout point de vue parce qu’elle ne rend nullement compte de la réalité de leur art.
Tout de même, ils reconnaissent au village des arts d’avoir essayé d’apporter cette solution, ils n’en veulent ni n’accusent leurs interlocuteurs du Sénégal qui n’en sont pour rien dans ce couac d’ordre administratif. Mais ils sont émus d’être revenus à la Maison, grâce à la Biennale. La délégation souhaite que Transatlantique 1 ne soit qu’un point de départ et que l’on verra Transatlantique 2, 3, 4 et jusqu’ à l’infini. Nzinga Onifa qui est maître d’ouvrage du projet dans cette entrevue espère que les œuvre atterriront à Dakar avant la fin de la biennale.
La coordinatrice de Transatlantique Nzinga Onifa estime qu’il y a tellement de choses que les fils et filles d'Afrique dispersés de par le monde peuvent partager avec l'Afrique en termes de business, de culture, d'éducation de science et de technologie. Son souhait est que cette reconnexion avec l'Afrique puisse s’approfondir et qu’il y ait beaucoup d’échanges culturels notamment entre étudiants sénégalais et barbadiens : que les jeunes barbadiens viennent au Sénégal étudier l’art et que les étudiants sénégalais puissent, de leur côté, se rendre à la Barbade pour se nourrir de la richesse culturelle de cette île caribéenne. « Nous avons à apprendre les uns des autres entre frères et sœurs d’Afrique », estime Nzinga Onifa.
Pour sûr, la volonté de reconnexion est réelle. D’ailleurs, Nzinga Onifa qui est aussi artiste designer, n’a pas toujours porté son présent nom qui est typiquement africain. Elle portait à la naissance un nom de colon dont elle a décidé de se débarrasser pour porter un nom authentiquement africain. Cette volonté de reconnexion parfois est freine par l’image qu’est vendu de l’Afrique par les médias du Nord.
En effet, la propagande des médias occidentaux qui semble entretenir un désir compulsif de montrer des images négatives sur l’Afrique, a réussi à inoculer une certaine réticence et une méfiance des Africains de la diaspora vis-à-vis de l’Afrique. Les Barbadiens y ont aussi été victimes de cela. Ainsi, longtemps, certains voient l’Afrique à travers les guerres, les maladies, les cataclysmes, etc. qui leur sont présentés par les télévisions du Nord.
La coordinatrice du projet, Nzinga Onifa se réjouit qu’aujourd’hui avec l’avènement d’Internet, de plus en plus d’Afro-descendants, commencent à découvrir véritablement l’Afrique et de fait, ces stéréotypes sur le continent, commencent à tomber. Par conséquent, ils se montrent de plus en plus enthousiastes à se reconnecter à leur terre d’origine. Ce qui ouvre davantage des perspectives de reconnexion. Mais une question que s’est très souvent posée Nzinga c’est pourquoi les Africains ne posent pas de questions sur ce que sont devenus les Africains déportés dans les Amériques ? C’est peut-être le moment que tous se la posent.
* ECECA est une organisation florissante qui se consacre à la défense et à la promotion de la culture, de l'éducation, des affaires, de la santé et du bien-être en tant que rouages essentiels du développement sociétal et de la camaraderie internationale entre l'Afrique, la Barbade et le reste des Caraïbes.
PAPE THIAW RENFORCE SA POSITION SUR LE BANC DES LIONS
Le bilan de 3 matchs disputés, un bilan de six buts marqués, 3 « clean sheet » et une qualification avant l’heure pour la prochaine Can au Maroc, le sélectionneur intérimaire a réussi à marquer des points et à démontrer sa capacité à continuer à diriger
Ce 14 novembre à Bamako, lors du choc contre le Burkina Faso, Pape Thiaw a confirmé sur ses capacités et son potentiel. Le bilan de 3 matchs disputés, un bilan de six buts marqués, 3 « clean sheet » et une qualification avant l’heure pour la prochaine Coupe d’Afrique des Nations au Maroc, le sélectionneur intérimaire a réussi à marquer des points et a démontrer sa capacité à continuer à diriger la sélection sénégalaise. Pour l’heure il a, dans une large mesure, gagné la confiance des supporters et de nombreux observateurs dont Mamadou Niang. Consultant de Canal+. L’ancien international estime qu’il dispose les qualités nécessaires pour continuer à être à la tête de la sélection du Sénégal.
En un tour de la fin des éliminatoires de la CAN « 2025 », Pape Thiaw peut bien se prévaloir d’un bilan satisfaisant. Après sa qualification du Sénégal et la première du groupe L, assurée à la faveur de la victoire contre le Burkina Faso (0-1) ce jeudi 14 novembre à Bamako, le sélectionneur intérimaire a encore confirmé et marqué de précieux points dans la perspective de l’officialisation sur le banc des Lions. En plus de la qualification à la CAN 2025 au Maroc, le coach intérimaire a pu engranger 3 succès en 3 matchs devant respectivement le Malawi à deux reprises et le Burkina Faso. Après avoir réussi son baptême du feu, le 11 octobre 2024, au Stade Abdoulaye Wade de Diamniadio, conclu par deux probants succès contre le Malawi (4-0, 1-0), l’équipe nationale du Sénégal a soigné ses statistiques avec 6 buts marqués et 3 « clean sheet ». Une performance largement saluée par les supporters et les observateurs qui, dans une large mesure, apprécient le travail du technicien aussi bien sur ses options techniques et tactiques que sur le retour de la confiance dans le groupe.
Autant de points qui attestent, selon eux, des capacités du coach intérimaire à remplir la tâche et à poursuivre son bail à la tête de l’équipe du Sénégal.
MAMADOU NIANG : « PAPE THIAW A LES QUALITES NECESSAIRES POUR ETRE A LA TETE DE LA SELECTION »
L’ancien international sénégalais consultant sur Canal+, Mamadou Niang est pour sa part tout convaincu. Dans son analyse sur le plateau de Canal+, il a estimé que le contenu proposé lors des matchs contre le Malawi et ensuite contre le Etalons prouve que Pape Thiaw montre qu’il a les qualités nécessaires pour être à la tête de cette sélection. « Il ne faut pas minimiser les victoires. Le Malawi, par exemple, est une équipe difficile à jouer, assez coriace. C’était son baptême avec le Sénégal, et il a dû gérer une énorme pression. Pourtant, il a su obtenir un résultat positif. Aujourd’hui encore, face au Burkina Faso, bien que cette équipe se soit procurée les meilleures occasions, le contenu du match était intéressant. On ne s’est pas ennuyé. On a vu un Sénégal qui a essayé de contourner une équipe burkinabé très solide », indique-t-il sur Canal+ avant d’ajouter : « C’est un bilan positif pour lui, et cela montre qu’il a les qualités nécessaires pour être à la tête de cette sélection ».
A VOS CARTES !
7 371 890 millions d’électeurs inscrits dans le fichier sont appelés aux urnes le 17 novembre prochain dans le cadre des législatives anticipées. Ils devront choisir 165 députés qui constitueront la 15e législature.
7 371 890 millions d’électeurs inscrits dans le fichier sont appelés aux urnes le 17 novembre prochain dans le cadre des législatives anticipées. Ils devront choisir 165 députés qui constitueront la 15e législature. Après 21 jours de campagne électorale, va-t-on assister à une situation de «remontada» de l’opposition ou plutôt la confirmation de la large victoire obtenue par le nouveau pouvoir lors de la dernière présidentielle ?
Après 21 jours d’une campagne électorale émaillée de quelques scènes de violences, à Dakar, à Koungheul et à Saint-Louis, ce sera au tour des citoyens de s’exprimer en choisissant ceux qui les représenteront dans l’hémicycle. L’histoire politique retiendra que pour la première fois, des élections législatives anticipées sont organisées au Sénégal. Cette législature sera la 15ème depuis l’indépendance. L’enjeu de ces élections, convoquées par le président de la République dans la foulée de sa décision de dissoudre l’Assemblée nationale le 12 septembre se trouve dans le triangle formé par les régions de Dakar, de Thiès et de Diourbel.
En effet, les 3 468 924 inscrits sur le fichier électoral de ces trois régions constituent près de la moitié des 7 371 890 suffragants répertoriés sur le fichier électoral. Ce trio régional se distingue également par son quota important de sièges au scrutin majoritaire. Sur les 112 sièges en jeu des 46 départements sur le territoire national et les 08 départements de la diaspora, 37 députés viendront de ces trois régions. La liste qui parviendra à obtenir le plus grand nombre de voix dans ce triangle, prend une sérieuse option non seulement dans la course pour le contrôle des 53 sièges sur la liste nationale (proportionnelle) mais aussi pour le contrôle de la future Assemblée nationale.
Outre ces localités, l’enjeu de ces législatives anticipées du 17 novembre se jouera dans les départements de Keur Massar, de Rufisque, de Ziguinchor, de Dakar et de Guédiawaye, de Tivaouane, de Saint-Louis , de Kaolack, de Matam, de Fatick, de Diourbel et de Tambacounda. En effet, nonobstant le faible quota de sièges qui leur est attribué (02 sièges maximum), ces localités peuvent jouer un rôle non négligeable au décompte final des postes de députés obtenus par les coalitions ou partis en lice pour ces joutes anticipées. Chaque coalition va jouer son va-tout pour essayer de remporter les élections dans ces localités dont la plupart ont été remportées par la coalition « Diomaye Président » lors de la dernière présentielle du 24 mars dernier.
Scrutin à grand enjeu pour le nouveau pouvoir en quête de majorité parlementaire pour décliner sans entraves son Projet dit « Vision Sénégal 2050 », l’élection de demain, dimanche 17 novembre, soulève moult interrogations chez les Sénégalais, surtout les observateurs de la scène politique. La principale interrogation est de savoir si la nouvelle opposition (ancien pouvoir), défaite à la présidentielle de mars 2024, retrouvera des couleurs face à la déferlante Pastef et alliés sortie victorieuse des dernières élections, avec 54% des suffrages valablement exprimés. Même si les élections (présidentielles et législatives) ne sont pas du même type, force est de reconnaître que l’idée de revanche et/ou de confirmation de la victoire ne manque pas de titiller les acteurs des deux camps. Comme le Sénégalais lambda qui se demande qui remportera la bataille de Dakar ou si le Fouta restera encore le «titre foncier» de Macky, au cours de ces législatives anticipées.
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JAKAARLO BI DU 15 NOVEMBRE 2024 AVEC PAPE ABDOULAYE DER
Ousmane Sonko est l’invité de Moustapha, ADN et Issa dans Entretien Spécial
Par Boubacar CAMARA
ANATOMIE D’UNE RÉÉLECTION : SPECTRES DES ÉTATS-UNIS
En écrivant ce texte je n’ai cessé de penser à la déclaration de Matthew Miller porte-parole du département d’État des États-Unis le 03 juin 2023 sincèrement « préoccupés et attristés » par les coups portés à la démocratie sénégalaise.
En écrivant ce texte je n’ai cessé de penser à la déclaration de Matthew Miller porte-parole du département d’État des États-Unis le 03 juin 2023 sincèrement « préoccupés et attristés » par les coups portés à la démocratie sénégalaise. On ne peut, au pire des cas, que rendre sa sollicitude inquiète à l’Ami, le moment venu.
Le sentiment qui saisit le monde au matin du 06/11/2024 est un mélange mystérieux de honte, de culpabilité, d’incrédulité et d’angoisse de l’ordre de celui qu’éprouva Paul Valéry devant la fragilité de la civilisation industrielle de son époque. De prime abord une œuvre comme Rhinocéros de Eugène Ionesco peut sembler excessive : Qu’est-ce que cette histoire fantastique d’hommes paisibles vaquant sagement à leurs occupations quotidiennes, se distrayant, par des routines, d’on ne sait quelle sourde et innommable angoisse et qui se transforment subitement en brutes épaisses ? Qu’est-ce, aussi, que cette affaire improbable, relatée par Kafka, d’un Gregor Samsa qui se métamorphose sans crier gare, un beau matin, en un monstrueux insecte ? Cela semble invraisemblable jusqu’à ce qu’il y ait la stupeur de ce matin du 06/11/2024, jusqu’à ce qu’il y ait ce quelque chose d’aussi fantastique, d’aussi « incalculable » (Derrida) aux ÉtatsUnis. Quelque chose liée à on ne sait à quoi : À la haine des autres qui envahiraient comme des zombies (Stéphen King) ? Au mépris profond de la femme ? À la haine de l’intelligence jugée trop sophistiquée ? Au triomphe des instincts et des besoins primaires ? Cet événement, se dit-on, a lieu aux États-Unis, dans la belle Amérique, dans l’hospitalière Amérique !!! En Afrique, coutumière du fait, dit-on, ça passe. Mais au pays d’Abraham Lincoln, au berceau de la démocratie moderne !? Quelque chose donc de politiquement imprévisible mais, après coup, c’était un événement structuralement inéluctable.
En ces tristes matins historiques une Nation prend soudain conscience qu’une forme de vie a failli. Forme de vie qui a émergé lentement, sûrement et douloureusement, forme de vie exceptionnelle (Norbert Elias), efficace, malgré tout, et dont l’humanité est fière dans la mesure où elle a su fixer des limites éthiques à tout pouvoir politique. Cette nation prend soudain conscience, sans avoir vu venir, que quelque chose d’extrêmement grave s’est produit ou, à tout le moins, est en train de se produire. Lorsque le processus démocratique réputé le plus robuste produit une aberration, trahit l’irrationalité des acteurs politiques, c’est l’idée même de démocratie, la confiance qui fonde la démocratie, le contrat fiduciaire qui la constitue qui s’écroule libérant un sentiment d’insécurité sans nom. Lorsque qu’un vote est le symptôme d’un processus auto-immune (Derrida) c’est la politique telle qu’on l’entend, telle qu’elle nous met en accord, malgré tout, telle qu’elle crée des liens lorsque son concept est réalisé, qui est menacée. Du coup c’est notre être (fondamentalement politique) qui est exposé au vertige du vide, de l’arbitraire du loup (« si ce n’est pas toi c’est un des tiens »), qui est exposé au vertige de l’irrationnel, de la violence épaisse, de la haine, de l’impuissance de l’appareil judiciaire, de l’injustice, de l’abstraction, de l’insécurité politique radicale. Cette « Cité de la peur » fait penser à l’atmosphère de l’Oran de Camus soumis aux caprices d’une peste qui suspend le cours normal de la vie et sape, comme toute bonne épidémie, les fondements même du vivre. Elle fait penser à l’univers oppressant de Hannah Arendt, à la déréliction des royaumes et administrations de Franz Kafka. Elle fait craindre le règne terrifiant de l’imprévisible roi-enfant Joffrey Baratheon dans les saisons 1, 2, 3, et 4 de Games of thrones. Elle annonce la fin prématurée de toute politique du care : de tout souci de l’humain.
Lorsqu’elle est abasourdie, sidérée par de tels événements, la Raison, à travers les hommes au matin du 06/11/2024, perd en général la voix ayant honte de la prendre pour tenter d’expliquer l’inexplicable. Ces situations sont des « épreuves »-limites (Boltanski & Thévenot). Arrivé à un certain degré de contradiction, ses protagonistes disqualifiés, mouillés jusqu’au cou, au moins par un silence coupable, une telle impasse ne peut être résolue qu’à laisser les choses reconfigurer la donne politique. Ces matins sont donc faussement calmes : ils sont comme des orages qui couvent. Déchiffrant dans sa conférence du 7 mars 1854 au Tabernacle de New York (« La loi sur les esclaves fugitifs »), l’acte posé par M. Webster durcissant les lois contre les esclaves fugitifs et renforçant du coup la politique esclavagiste, Ralph Waldo Emerson (1803-1882) pose un diagnostic effrayant : « La façon dont le pays a été amené à donner son consentement à cela , et la défection désastreuse (au cri lamentable qu’il fallait préserver l’union) des hommes de lettres, des universités, des hommes instruits et même de quelques prédicateurs de la religion, -- fut le passage le plus sombre de cette histoire. Cela montra, que notre prospérité nous avait fait du tort et que le crime ne pouvait plus nous scandaliser. Cela montra que l’ancienne religion et l’instinct de ce qui est juste s’étaient effacés jusqu’à disparaître complètement ; qu’alors que nous estimions être une nation hautement cultivée, nos ventres avaient pris le dessus sur nos cerveaux, et que les principes de la culture et du progrès n’avaient pas d’existence. » (in CAVELL, 1993, p. 535).
Mais le symptôme du 06/11/20224 est plus grave, plus terrifiant, dépassant de simples questions de survie, menaçant les choses les plus essentielles, sonnant peut-être le glas de conquêtes ayant fondé la démocratie à une époque trop inquiétante où l’humanité tout court est à la croisée des chemins. Époque trop exposée pour les puissances de destruction et d’humiliation en jeu, pour les souffrances qu’elle peut générer, pour les forces maléfiques en cause. Époque où l’exigence de responsabilité historiale est plus que jamais d’actualité. Les deux guerres mondiales se sont soldées par des millions de morts (18,6 pour la 1e et 50 à 85 pour la seconde), une autre guerre pourrait se solder par l’extinction de l’humanité et au « mieux » par une quantité inimaginable de souffrances inutiles. Qu’autant de forces de destruction puissent être entre les mains de quelques individus qui ne se fixent aucune limite et qui sont produits et maintenus par la démocratie a de quoi effrayer. Oui la situation est différente de celle de 1854. Ce qui se joue ici ce ne sont pas des problèmes matériels, c’est quelque chose de plus profond, qui, peut-être, touche au fondement de l’humain. Le mal en question engendre des événements de l’ordre de la métamorphose, de la catastrophe, de la bifurcation anthropologique parce que proportionnel à la « disruption » (STIEGLER : 2016) qui fournit des méthodes de dé-struction « dévastatrices » (Michel Déguy).
Force est de constater que la qualité du débat politique s’est transformée. On n’a cure de « l’impératif de la justification » (BOLTANSKI & THEVENOT, 2022, p. 36 et sq) et non plus, par conséquent, du souci de l’accord et de l’ajustement des libertés (p. 58). S’affaiblit dangereusement le souci de rationalité des arguments qui soumet tout propos politique au crible du Logos. Les pires approximations et contradictions qui ont des conséquences terribles dans la vie des gens au quotidien n’indignent quasiment plus. Ce n’est pas au fond grave qu’une personne qui prétend diriger quelque chose d’aussi sérieux qu’une Cité, fût-il le plus petit, ne puisse soutenir un débat cohérent n’alerte pas. Ce n’est pas important que ses mœurs, sa réputation (son ethos) ne soient pas bonnes. Ce ne sont pas les pathè, les passions rhétoriques, qui par leurs noblesses, leurs humanités posent des limites démocratiques qui sont convoqués mais les passions les plus noires, les plus archaïques. Tout ce que la grammaire politique traditionnelle excluait, tout ce qu’il y a de plus sombre dans le discours devient force argumentative, signe d’élection.
Que certains discours puissent fonctionner dans les États-Unis d’aujourd’hui est un symptôme inédit dans l’histoire du monde. C’est que ces « discours » ubuesques, qui ne sont pas allergiques à l’incohérence, à l’excessif, au grotesque et au grossier, opèrent sur fond de fascination pour des puissances archaïques, violentes, obscures bref rhinocériques. On s’identifie inconsciemment (car il est des choses qu’au plus profond de la perversion on ne saurait revendiquer) à l’autre de la liberté que la démocratie contient tant bien que mal malgré la faiblesse du mode de calcul de la majorité qui misait jusqu’ici heureusement sur la foi en la raison chez les hommes.
Le matin du 06/11/2024 est le terme d’un silencieux effondrement stupéfait dont l’origine visible peut être daté, avec Jacques Derrida et Jürgen Habermas, dans le calendrier, un certain 11 septembre 2001. En un certain sens, ce matin n’est qu’imprévisible dans la mesure où on en ignore uniquement la forme et le moment (en termes aristotéliciens le où ? le comment (la cause formelle) ? le quand (la circonstance de Michel Déguy) ?) Mais cette suite (comme au cinéma) du 11 septembre était justement pensable. C’est pourquoi nous la pensons à partir d’une origine invisible. Avant la démocratie, dans l’émergence même de la démocratie, dans la configuration conflictuelle de la démocratie il y a toujours eu un 11 septembre avant la lettre. La énième crise que nous vivons était programmée « dans le « nouage » même de la démocratie, dans « le système politique occidental [qui] résulte du nouage de deux éléments hétérogènes, qui se légitiment et se donnent mutuellement consistance : une rationalité politico-juridique et une rationalité économico-gouvernementale, une « forme de constitution » et une « forme de gouvernement » » (Agamben, 2009, p. 12). Cette crise, sauf qu’elle est particulièrement inquiétante, surprenant les mécanismes immunitaires d’une démocratie aussi robuste, est récurrente dans le concept des États-Unis qui, nous le rappelle Ralph Waldo Emerson, est le nom de l’Utopie d’une terre pensée comme le lieu d’une hospitalité inconditionnelle : fédération, terre-refuge… À ce titre, ce lieu de rêve secrète et contient difficilement et donc ingénieusement son autre, ses démons, ses spectres grâce à la « fiction [américaine] destinée à dissimuler le fait que le centre de la machine est vide, qu’il n’y a entre les deux rationalités, aucune articulation possible. Et que c’est de leur désarticulation qu’il s’agit justement de faire émerger cet ingouvernable, qui est à la fois la source et le point de fuite de toute politique » (Agamben, 2009, p. 12).
Pour l’expérience américaine la tâche proprement démocratique, répondant au type de défi que pose la disruption contemporaine, consiste à penser rigoureusement et méthodiquement l’inconscient impérialiste qui opère secrètement. Sous cet inconscient on visera parmi d’autres possibles : 1) le moment patriarcal, 2) le moment conquête-croisade, 3) le moment traite négrière, et 4) le moment croisades. Dans l’imaginaire qui naît de cette archive on peut facilement percevoir le jeu des oppositions homme/femme, Cow Boy/Indien, chrétien/musulman et maître/esclave. Toute la tâche d’une politique américaine répondant au concept des États-Unisest de déconstruire ces hiérarchies archaïques. Cette tâche est toujours rejouée dans les débats politiques et lors des élections.
Or depuis le 11 septembre, qui est un événement affectant la crédibilité et l’efficacité du discours politique tout court (donc un événement méta-discursif), la parole politique occidentale vit une crise extrême. Elle s’est comme vidée de sa substance justificative et rhétorique qui la définit. Certes l’assiette discursive du politicien contemporain est étroite laissant peu de place à une révolution. On comprend que, de bonne foi, les programmes, en ces temps de « récession », se résument à des promesses impossibles à tenir. Certes les chefs d’États occidentaux sont dans des situations dramatiques, tiraillés qu’ils sont entre des injonctions contradictoires venues de gauche et de droite. Certes on leur demande de réussir la mission impossible consistant à concilier deux grandeurs contraires. Il demeure que la parole politique démocratique exige de ce courage propre à la solitude des hommes d’État dont parle Ralph Wado Emerson pour réaliser son essence. Essence qui veut que cette parole, adossée au courage, au sens élevé de la responsabilité infinie, soit organisée, structurée par un souci de rationalité, un impératif de justification, un souci de l’humain et du non-humain, du prochain, le sens de l’objectivité, de la vérité, de la complexité, de la justice et de la lucidité. Essence qui veut que l’épreuve par excellence de la démocratie, notamment de la magnifique expérience américaine, c’est l’épreuve de l’hospitalité inconditionnelle.
Ces valeurs qui ont enrichi le concept de démocratie avec les leçons tirées de la 2de Guerre Mondiale ont permis d’installer la prudence (à travers les principes de précaution et de responsabilité) au centre de l’agir politique.
La corruption de la démocratie était maintenue à la marge mais elle s’est propagée dans tous les secteurs. On devait s’attendre à ce que la légèreté avec laquelle on traitait des affaires concernant les minorités finissent par se généraliser, par devenir (ces raisonnements expéditifs, ces raccourcis simplistes, ces synecdoques (si ce n’est pas toi c’est un des tiens) faciles) le langage de presque toute une nation. Un peuple inquiétant, métamorphosé, surgi de nulle part. Dans les comportements grégaires rappelant des scènes de Walking dead on pressent de la fureur et du mystère.
Il ne faut pas jouer avec le feu. Il ne faut pas jouer avec les principes sacrés de la démocratie. Il ne faut pas prendre à la légère ces arguments (peur, haine, égocentrisme, nationalisme, xénophobie…) qui ont été difficilement emprisonnés dans une boîte de Pandore après la 2de Guerre mondiale.
Cette légèreté politique et éthique dans l’événement discursif produit par le 11 septembre a dénaturé le discours politique, en a sapé les ressorts fiduciaires. Cet événement a libéré la terreur. D’où la stupeur dans un silence terrifié en ce matin de 06 novembre 2024.
Heureusement que « Là où croît le péril, croît aussi ce qui sauve » (Hölderlin). Le moins que l’on puisse, c’est qu’avec cette énième crise la configuration du Smonde est complètement bouleversée. Les cartes sont redistribuées. Les conditions subtiles d’une rupture radicale de l’équilibre du monde sont créées. À l’Afrique d’en profiter pour davantage grandir, faire entendre sa voix, affirmer sa personnalité, cultiver la confiance en soi, enrichir le monde de son sens de l’humain et du spirituel. Elle doit pouvoir adapter le concept d’hospitalité inconditionnelle dans sa forme africaine voire proposer son idée du politique.
AGAMBEN (G.) et al., Démocratie dans quel état,, La Fabrique, 2009
BOLTANSKI (L.) & THEÉVENOT (L.), De la justification, Gallimard, 2022
CAVELL (S.), Qu’est-ce que la philosophie américaine ? De Wittgenstein à Emerson, Gallimard, 1993
CHAR (R.), Fureur et mystère, Gallimard, 1948
DERRIDA (J.), De l’hospitalité (avec Anne Dufourmantelle), Calman-Lévy, 1997
DERRIDA (J.), Le « concept » du 11 septembre. Dialogue à New York avec Jürgen Habermas, Galilée, 2004
HABERMAS (J.), Théorie de l’agir communicationnel, Fayard, 1987
KING (S.), Anatomie de l’horreur, Albin Michel, 2018
STIEGLER (B.), Dans la disruption. Comment ne pas devenir fou, Les liens qui libèrent, 2016 VALERY (P.), « La crise de l’esprit » in NRF, n 71, 1919.
par Babacar Mbow
LE SÉNÉGAL ET LA RESTITUTION
EXCLUSIF SENEPLUS - Quand Bachir Diagne cite Amadou Makhtar Mbow pour suggérer une acceptation de l'exil des œuvres africaines, il fait un tour de passe-passe intellectuel troublant. Car la position de Mbow sur la question n'a jamais été équivoque
Il y a des esprits parmi les esprits ! Des esprits tellement sophistiqués qu'ils peuvent reconfigurer la pensée radicale en une pensée conformiste.
Ces esprits, dans leur rayonnement, leur éclat, peuvent nous amener à adopter l’ivrai pour le vrai, et le fallacieux pour le substantiel. Cependant, nul ne collera cette épithèque au Professeur Bachir Diagne, Hasbounallah ! Cependant !
Les récentes déclarations du Professeur Diagne citant Amadou Makhtar Mbow : « Ces peuples [les peuples africains] savent bien que la destination de l’art est universelle […] Ils sont conscients que cet art qui parle de leur histoire, de leur vérité, ne s’adresse pas seulement à eux […], qu’ils se réjouissent que d’autres hommes et d’autres femmes ailleurs aient pu étudier et admirer l’œuvre de leurs ancêtres… », dans « Objets africains « mutants »et la question de la restitution », Musée d’Ethnographie de Genève, 3 mai 2024 (https://www.meg.ch/en/expositions/remembering). Hic ! Et, « … à la fin des années 1970, [Mbow] a lancé un fervent plaidoyer en faveur de la restitution du patrimoine des anciennes colonies, tout en reconnaissant que ce patrimoine avait pris racine dans sa terre d’emprunt. » Restitutions d’œuvres : « Les objets d’Afrique sont chez eux au Louvre », 13/10/2024 (http ://www.la-croix.com/culture/restitutions-d-œuvres-les-objets-venus-d’Afrique-sont-chez-eux-au-Louvre-20241013). Ces déclarations appellent une clarification pour restituer Mbow dans le discours de la restitution.
Dans les déclarations ci-dessus, « l'esprit non sophistiqué » peut percevoir Mbow comme un accommodant aux positions suprématistes occidentales sur la restitution. Il y a donc lieu de clarifier les choses, surtout après la conférence inaugurale de Mbow au département des Études de l’Afrique du Nouveau Monde de l’Université internationale de la Floride de Miami en 2015, qui est peut-être sa dernière déclaration publique sur le sujet. Mbow est venu à Miami accompagné de sa fille, la Dr. Marie Amie Mbow. Par ces moyens, nous nous éloignons de toute controverse ou querelle pour restituer Mbow dans les débats.
La Dr. Joan Cartwright de l’Université Southeastern de Nova, lors des questions et réponses qui ont suivi la conférence de Mbow, demanda : « Il y a eu des cas où vous avez semblé atténuer votre demande de restitution des objets africains volés. Pouvez-vous clarifier votre position pour la Diaspora africaine » ?
La réponse de Mbow, qui reflétait exactement sa déclaration de 1989 à la résidence du Professeur John Henry Clark à Harlem, New York, visite organisée par Seydina Senghor, est claire et précise : « Le retour des objets africains est fondamental pour que l’Afrique se reconnecte à son passé dans la construction de son avenir. » Mbow a réitéré ce message de reconnexion pendant la semaine de son séjour à Miami aux flux de visiteurs haïtiens et afro-américains dans mon arrière-cour.
Là encore, l’esprit sophistiqué a des manières de sublimer les faits pour servir les intérêts d’un agenda. Loin de moi l’idée de coller cette caractéristique au Professseur Diagne. Mais comment les jeunes intellectuels doivent-ils comprendre ses prédilections à brouiller la clarté de ces intellectuels noirs ? Prédilections qui semblent émerger de « l’antre des alchimistes », à travers lequel nous sommes désormais appelés à faire abstraction des pensées et des pratiques intellectuelles radicales noires ?
L’émergence de discours qui semblent reterritorialiser l’Afrique dans les entrailles de la suprématie occidentale devient un fardeau très lourd à porter. Ainsi, dans un article sur SenePlus paru le 7 mai 2024, Amadou Lamine Sall appelle à la privatisation de la Biennale de Dakar à travers une « Fondation Art Mécénat International ».
Sall cite Jean Loup Pivin : « … La survie de la Biennale ne viendra que dans son externalisation vers une structure tierce […] avec un État qui [doit] cesser de faire semblant de savoir le faire… » Le Sénégal ne capitalise pas sur cet engouement formidable, mais, au contraire, le détruit. Sa gestion étatique remet en cause sa crédibilité et interdit toute autre forme de financement. » Mon Dieu ! Jean Loup Pivin est désormais le bwana en matière de souveraineté culturelle africaine que la biennale de Dakar est appelée à incarner. On en a la nausée !
J’ai entendu exactement les mêmes arguments de la part d’autres Sénégalais à la Foire 154 de Marrakech, au Maroc, l’année dernière. Que des Sénégalais puissent s'asseoir autour d'une table avec des Français engagés dans la démolition de la République, et que tout ce qu'ils puissent dire, soit « Ça fait mal, mais c'est la vérité », était si méprisable que nous avons décidé de ne plus rejoindre leur soi-disant « groupe multiculturel » à Marrakech.
Le paradoxe est que lorsque le gouvernement néocolonial de Macky Sall tuait et mutilait la jeunesse sénégalaise, lorsque la dissidence était réprimée par l'emprisonnement, et que la corruption rampante gangrenait à la fois l'État et les organismes sociaux, ces « voix de leur maître » étaient silencieuses, incapables de comprendre la possibilité d'une « Afrotopia ».
Replaçons Mbow dans son contexte discursif afin que l’on ne méprenne pas la carte pour le territoire. Les formations raciales sont un phénomène esthétique et les pratiques esthétiques sont des structures racialisées. « Les Africains se réjouissent que d’autres hommes et femmes étudient et admirent l’œuvre de leur ancêtre ?» Ainsi, tenter de séparer l’esthétique de la politique revient à méconnaître les conditions mutuelles qui soutiennent les pratiques de représentation. La vivacité et l’esthétique de l’être est l’esthétique comme forme de vie, l’esthétique comme schéma pour considérer la vivacité du phénomène et le phénomène de vivacité, la qualité de la lumière par laquelle nous scrutons nos vies. En alliant l’esthétique à la vivacité, comme dans « culture et développement » le thème de la lecture inaugurale de 2015, Mbow nous invitait à nous tourner vers les capacités d’animation évidentes dans l’objet d’art pour un appel à une politique antiraciste qui va au-delà de la dialectique réactive et des stratégies de représentation des tenants d’une universalité occidentale vers autre chose, expérimentant la durée, la sensation, la résonance et l’affect – un engagement envers la sensibilité africaine. Aucun peuple ne peut se réjouir qu’un autre lui dérobe ses potentialités.
Que la jeunesse sénégalaise sache que l’efficacité d’un peuple oppressé dans le combat intellectuel, soit en tant que diffuseur ou en tant que récepteur dans les systèmes influencés par cette hiérarchie épistémologique, dépend de sa compréhension de l’obsolescence de toute contestation de la nature de la vérité au profit de la contestation du contrôle de la vérité. Parce qu’en fin de compte, « nul autre que nous-mêmes ne pourra libérer notre esprit ». Laissons Mbow transiter vers les ancêtres ! Les morts sont muets.
Babacar Mbow est Directeur exécutif du Consortium des Études Africana de la Floride, Miami.
Par Babacar P. Mbaye
LE MONUMENT DE REIMS, L'HISTOIRE OUBLIEE DES TIRAILLEURS SENEGALAIS
Quand Reims célèbre la mémoire des Tirailleurs, c'est toute une histoire d'héroïsme et de liens humains qui ressurgit. De la défense de 1918 aux mariages mixtes pendant l'occupation nazie, la ville a tissé une relation unique avec ces soldats africains
A partir du 19 novembre à la gare de Reims, et ce pour un mois, les Chemins de fer français vont organiser une exposition sur l’engagement des soldats africains pour la France. Ceci dans le cadre notamment des commémorations des festivités de la Libération et du 80ème anniversaire du massacre de Thiaroye.
Le choix de la ville de mettre à l’honneur les Tirailleurs sénégalais ayant combattu pour la France a une grande importance mémorielle. Car en 1918, les bataillons de Tirailleurs sénégalais ont défendu et sauvé la ville de l’offensive allemande. Ce souvenir marque encore les habitants de cette ville de l’Est du pays. Pour leur rendre hommage, les Rémois se sont donc cotisés pour financer ensemble un monument « Aux héros de l’armée noire », inauguré sous l’ovation générale en 1924. La même année, une réplique du monument est érigée à Bamako, symbole du lien qui unit la France aux tirailleurs ayant combattu au péril de leur vie au cours des grandes guerres.
En 1940, la tragédie reprend ses droits. Les nazis occupent la France, détruisent et imposent aux prisonniers africains un traitement d’une rare cruauté, avant de les orienter dans les travaux des usines de la ville où ils se sont mêlés aux habitants créant ainsi des liens entre Africains et Rémois.
Soutenues par un souvenir commun, ces interactions de plus en plus fréquentes avec la population rémoise ont finalement favorisé la restauration de liens anciens. Dans une logique de cohésion et de partage, Rémois et tirailleurs se sont ainsi engagés dans une relation renouvelée, à la faveur d’un apprentissage du français, de la lecture et de l’écriture, la population rémoise aidant aussi ces soldats à se nourrir et s’habiller. Bien des mariages ont ainsi fleuri dans cette période étrange où tous s’unirent dans le désespoir commun de l’occupation. C’est au détour de tels événements que les Tirailleurs sénégalais ont si profondément entremêlé leur histoire à celle des habitants de l’ancienne métropole. Une fois n’est pas coutume, quelques années plus tard les soldats sénégalais contribuaient à nouveau à la libération de la France, en investissant cette fois-ci leur bravoure dans le débarquement de juin 1944 dont le Sénégal, par une délégation dirigée par le ministre Biram Diop, est allé célébrer le 80ème anniversaire en Provence. Mais au même moment, une nouvelle déchirure se formait encore dans le secret des villes anciennement occupées. Les ex-prisonniers africains ayant noué des liens jusqu’à matrimoniaux avec la population française, se voyaient ouvrir la possibilité de retrouver leur pays. D’ailleurs, à ce sujet, Amadou Mahtar Mbow, décédé récemment, racontait que la gendarmerie française est venue lui demander de rentrer au Sénégal après la Guerre. Il avait répondu : « Donc pour faire la guerre, je suis le bienvenu en France, mais après je dois rentrer chez moi. Je ne vais nulle part, je reste en France pour reprendre mes études ! »
Mais certains n’ont pas eu son cran et sont repartis dans leurs pays respectifs. Des Français se sont ainsi mobilisés pour que leur départ ne soit pas synonyme d’oubli. C’est dans cadre qu’un travail mémoriel est mis en œuvre par des associations, des institutions et des personnalités. Ce travail mémoriel a vocation à rendre hommage aux Tirailleurs sénégalais, à honorer leur mémoire et à souligner leur courage pendant leurs combats au nom d’une cause qui leur est parfois inconnue au fond.
En octobre 1963, un nouveau monument est inauguré à Reims pour honorer la résistance de la ville. Une plaque y figure et témoigne de la reconnaissance rémoise envers les Tirailleurs sénégalais. Acteurs d’une partie l’histoire, il s’agit de perpétuer le souvenir de ces anciens combattants dans la mémoire collective loin des anathèmes, des raccourcis faciles et des jugements a postériori toujours périlleux.
A l’approche du centenaire de la Première Guerre mondiale, en 2014, l’idée de restituer le monument initial et de raviver le souvenir de cette histoire a émergé de nouveau dans la capitale de la Champagne. Le 6 novembre 2018, dans le cadre des célébrations du centenaire de l'Armistice de 1918, le président français Emmanuel Macron et feu Ibrahim Boubacar Keïta ont présidé la cérémonie d'inauguration de ce monument qui trône désormais au cœur de la ville, rappelant l barbarie de la guerre mais honorant la mémoire de cette armée africaine qui a risqué sa vie pour une nation étrangère et permettant sa libération du joug du nazisme. Ce monument aux héros, reconstruit sur le modèle du monument de Bamako, symbolise la mémoire des Tirailleurs sénégalais. Récemment une experte de cette question soulignait que le monument était l’emblème d’une reconnaissance sans borne, pour des soldats à qui il était demandé de se battre sur un sol étranger, contre un ennemi inconnu. Le 19 novembre prochain, c’est donc un retour sur toute cette histoire chargée d’émotion qu’organise la ville de Reims, via la mobilisation de nombreuses archives photos et témoignages de tirailleurs, prêtés par l’Office nationale des combattants et victimes de guerre. Point d’orgue de la journée, une séquence de projection du film Tirailleurs dans lequel notre compatriote Omar Sy est l’acteur principal, est programmée dans un petit cinéma de la ville. Elle sera suivie d’une table-ronde, réunissant spectateurs, étudiants et universitaires spécialistes de la question mémorielle. L’historien sénégalais Cheick Sacko sera notamment à l’honneur et évoquera son travail de plusieurs années sur les monuments français rendant hommage aux soldats africains qui fleurissent et honorent tout le territoire.
Nous espérons que le Sénégal sera représenté à cet évènement pour rappeler le sens du sacrifice de ces héros dont nous commémorons une partie à Thiaroye le 1er décembre prochain. Aussi, cette histoire méconnue du souvenir des Tirailleurs sénégalais à Reims devra être mise en exergue et racontée dans les écoles en France et au Sénégal.