Pas plus que la monnaie coloniale aujourd’hui contestée, une monnaie sans souverain – l’euro tropicalisé que la CEDEAO entrevoit – ne peut être une réponse satisfaisante aux défis économiques de la région
Lourd du symbole colonial, le franc CFA – le franc de la Communauté financière africaine – sera remplacé par l’eco. Mais ce changement de monnaie mettra-il réellement fin à la domination monétaire et coloniale de la France sur une partie importante du continent africain ?
Du Déni à la reconnaissance ?
« Créé officiellement le 26 décembre 1945 par la France du général de Gaulle, le franc CFA était la dernière monnaie coloniale ayant cours », a souligné le journal le Monde à la suite de l’adoption, le 20 mai 2020, par le gouvernement français, du projet de loi relatif à la révision de l’accord de coopération monétaire entre la France et les huit pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA).
Après des décennies de déni systématique, il est instructif de voir ce journal centriste reconnaître, enfin, que le franc CFA est une « monnaie coloniale » partagée par des pays formellement indépendants, depuis 1960 pour la plupart. Jusque-là, ce type de propos était tenu pour « extrémiste » par les médias français, et par le gouvernement français, qui a régulièrement affirmé que le franc CFA est une « monnaie africaine » et donc un « non-sujet » pour la France, comme le soutenait Emmanuel Macron en novembre 2017, à Ouagadougou. L’usage de l’imparfait dans la phrase précitée laisse penser, à tort, que la page du franc CFA a été définitivement tournée. En réalité, le déni du colonialisme monétaire et, plus généralement, des différentes facettes de l’impérialisme français en Afrique a été l’un des sports favoris de l’opinion publique hexagonale, à quelques exceptions près. Le franc CFA n’est pas encore mort. Et, il vaut la peine de le noter : ce n’est pas la « dernière monnaie coloniale ayant cours ». Le franc des colonies françaises du Pacifique (CFP), créé en même temps que le franc CFA et avec les mêmes principes de fonctionnement, est l’unité monétaire de trois ensembles territoriaux sous administration française. Sa dénomination originelle est demeurée inchangée.
Les non-dits d'une réforme
Le projet de loi relatif au nouvel accord de coopération entre la France et les pays de l’UEMOA est la suite logique de la réforme du franc CFA annoncée à Abidjan, le 21 décembre 2019, par Emmanuel Macron, en compagnie de son homologue ivoirien, Alassane Ouattara. Pour le moment, celle-ci concerne uniquement le franc CFA utilisé en Afrique de l’Ouest, à l’exclusion du franc CFA utilisé par les six pays de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC). Trois changements principaux sont à l’ordre du jour. Le premier est la fermeture du compte d’opérations, c’est-à-dire du compte courant ouvert au nom de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) dans les livres du Trésor français. En contrepartie de la « garantie de convertibilité » du gouvernement français – sa promesse virtuelle de prêter des euros à la BCEAO en cas d’épuisement de ses réserves de change –, la BCEAO était jusque-là tenue de déposer au moins 50 % de ses réserves de change sur ce compte. Cela ne devrait plus être le cas : la BCEAO aura, en théorie, la possibilité de placer ses avoirs extérieurs où bon lui semble. Cette concession de la part du gouvernement français est une manière de couper court aux nombreuses spéculations et critiques, parfois infondées, autour du compte d’opérations. Elle s’explique également par des raisons financières : depuis quelques années, le taux d’intérêt nominal que le Trésor français offre à la BCEAO est supérieur aux taux quasi nuls auxquels il peut s’endetter sur les marchés internationaux. Il est à préciser que cela n’est pas ni n’a jamais été une faveur faite aux pays africains ; tout au contraire, les taux d’intérêt réels – les taux nominaux ajustés de l’inflation – ont souvent été négatifs. En d’autres termes, c’est comme si les pays africains, jusque-là, payaient la France pour qu’elle leur garde leurs réserves de change !
Le deuxième changement concerne le retrait des représentants français des instances techniques de la BCEAO. Là, également, l’objectif du gouvernement français est de faire taire les critiques récurrentes sur ce point. Mais il est peu probable qu’il y parvienne. Car, en lieu et place des représentants français, le nouvel accord propose la « présence au Comité de politique monétaire de la BCEAO d’une personnalité indépendante et qualifiée nommée intuitu personae par le Conseil des ministres [de l’UEMOA], en concertation avec la France ».
Le dernier changement envisagé consiste à renommer le franc CFA : il devient « eco ». Le souci du gouvernement français et de ses alliés africains de faire oublier au plus vite un sigle honni a justifié cette décision controversée. Au départ, eco est le nom qui a été collectivement retenu par les quinze pays de la CEDEAO (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest), dont les huit de l’UEMOA, pour leur projet de monnaie unique régionale qui remonte à 1983. Eco est d’ailleurs l’apocope d’ECOWAS (soit la traduction anglaise du sigle CEDEAO). Après de nombreux reports, l’eco de la CEDEAO était censé voir le jour en 2020. La feuille de route de la CEDEAO tablait sur un schéma, fort peu réaliste, d’intégration graduelle. Les pays qui rempliraient les critères de convergence – c’est-à-dire les critères d’entrée dans la future zone eco – devaient lancer l’eco en 2020. Apparemment, seul le Togo était dans ce cas. La question qui se pose maintenant est de savoir si les pays de la CEDEAO non membres de l’UEMOA, dont les anglophones, accepteront que ceux de l’UEMOA reprennent le nom eco sans autre forme de procès. En attendant, la rhétorique de la « fin » du franc CFA n’a aucune portée opérationnelle puisque l’eco fiduciaire – la circulation des billets de banque et pièces eco – devra attendre quelques années.
Le duo sénégalais Positive Black Soul (PBS) composé de Didier Awadi et Duggy-Tee vient de sortir un single : "DËGG LA".
Cette production marque le retour sur la scène musicale du duo, dix ans après leur dernière collaboration.
Créé depuis plus de 30 ans, PBS est l'un des pionniers du rap en Afrique de l'Ouest. En 2001, PBS se sépare.
Après cette séparation, les deux artistes collaborent sur des projets, mais le duo n'est pas formellement reconstitué. Cette fois, c'est la bonne.
"C'est un retour définitif évidemment" assure Didier Awadi joint par BBC Afrique.
"Il y a longtemps qu'on avait envie de le faire, on a pris le temps que l'envie soit chez nous, pas seulement qu'elle vienne de l'extérieur, mais qu'elle soit chez nous. Aujourd'hui on a vraiment envie de revenir sur les routes et rejouer ce répertoire où il y a beaucoup de questions et qui résume toute notre vie au final" explique-t-il.
L’économiste Demba Moussa Dembélé réagit à l'adoption ce jeudi, du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord de coopération entre le gouvernement de la République française et les gouvernements des Etats membres de l’UMOA
Le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord de coopération entre le Gouvernement de la République française et les Gouvernements des Etats membres de l’Union monétaire ouest-africaine" a été adopté par l’Assemblée nationale française. Sans le groupe de la Gauche démocrate et républicaine et celui de la France Insoumise, qui ont voté contre. L’économiste Demba Moussa Dembélé croit savoir pourquoi.
"Torpiller le processus vers l’ECO"
"Je pense que le fait que la gauche en France ait refusé de voter cette loi, cela veut simplement dire qu’en fin de compte, cette gauche a compris que c’était une manœuvre de la part du Gouvernement français pour torpiller effectivement le processus vers la monnaie unique de la CEDEAO, a-t-il décrypté. Ce que Macron et Alassane Ouattara avaient signé le 25 décembre 2019, lors de la visite de Macron, à Abidjan, c’est cela qui a été aujourd’hui voté par l’Assemblée nationale française. Je pense que c’est clair. Aujourd’hui, la France ne veut pas du tout lâcher ses anciennes colonies. La France fera tout pour se raccrocher à nos pays pour les empêcher non seulement d’avoir leur souveraineté monétaire mais aussi de choisir leur propre voie vers le développement. Ce qu’il faut savoir c’est que les pays africains, Sénégal, Côte d’Ivoire et autres, leur avenir est dans la CEDEAO et dans l’unité de l’Afrique." "Il faut que les Africains sachent que cette loi n’a rien à voir avec les intérêts de l’Afrique. C’est plutôt de pérenniser la domination de la France sur nos pays", a-t-il insisté.
"Par un accord avec les autres chefs d’État de l’UEMOA, nous avons décidé de faire une réforme du franc CFA avec les trois changements majeurs suivants : tout d’abord, le changement du nom de la monnaie du franc CFA à l’éco. Deuxièmement l’arrêt de la centralisation de 50% de nos réserves de change au Trésor et la fermeture du compte d’opération. Troisièmement le retrait des représentants de la France de tous les organes de décision et de gestion de l’UEMOA", avait annoncé le président ivoirien, Alassane Ouattara, aux côtés d’Emmanuel Macron.
Une déclaration qui ne reçoit toujours pas l’assentiment de beaucoup d’économistes africains, dénonçant une réforme qui n’a qu’un seul but, celui "d’anéantir" la mise en place de l’ECO. Selon nombre d’entre eux, des points relatifs à la garantie française, au libre-transfert des capitaux, entre autres, restaient en suspens.
Déjà, "la parité fixe avec l’EURO est maintenue", fustigeait alors Cheikh Fatma Diop, analyste financier, intervenant sur les questions d’instruments de financement de commerce international.
Pour Ndongo Samba Sylla, économiste sénégalais, « Macron et Ouattara se sont seulement débarrassés des atours les plus polémiques (du Franc CFA) » et signent ainsi le décès du projet d’intégration monétaire des pays de la CEDEAO.
ANTOINE FELIX DIOME NE JOUE PLUS !
Les éventuels contrevenants sont prévenus. L’État ne badine plus avec le respect des gestes barrières
Les éventuels contrevenants sont prévenus. L’État ne badine plus avec le respect des gestes barrières. Après l’avertissement lancé par Abdoulaye Diouf Sarr, ministre de la Santé, Antoine Felix Diome, son collègue en charge de l’intérieur et de la Sécurité publique, s’y met. Le premier flic du pays, qui sort le bâton, rappelle aux populations l’application des arrêtés n°024066 et n°024068. Lesquels, précise le communique signé par le successeur d’Aly Ngouille Ndiaye, et parvenu à emedia, portent sur les mesures en vigueur relatives au port "obligatoire" du masque de protection dans les lieux publics et privés (les services administratifs, les services du secteur privé, les lieux de commerce, et les moyens de transport publics), et "l’interdiction" de tous types de rassemblements dans les plages, terrains de sport, espaces publics et salles de spectacle.
"Toute violation de ces mesures sera punie par les peines prévues par les lois et règlements en vigueur", avertit Diome. Qui avait déjà demandé aux gouverneurs de régions, de prendre toutes les dispositions pour faire respecter le port du masque.
Le Sénégal, loin de la baisse observée entre octobre et novembre derniers, a enregistré 101 nouvelles contaminations, dans le bulletin épidémiologique lu, ce jeudi, 10 décembre, par Dr El Hadj Mamadou Ndiaye, le directeur de la Prévention du ministère de la Santé et de l’Action sociale.
UNE EXPOSITION DE JEUNES PHOTOGRAPHES SÉNÉGALAIS CONSACRÉE AU LITTORAL DE DAKAR
La place du Souvenir africain de Dakar accueille une exposition intitulée "Littoral", qui dévoile plusieurs aspects de la côte dakaroise
Dakar, 10 (APS) - La place du Souvenir africain de Dakar accueille une exposition intitulée "Littoral", qui dévoile plusieurs aspects de la côte dakaroise, a constaté jeudi une journaliste de l’APS.
L’exposition révèle les travaux d’un atelier de formation à la photographie documentaire, organisé au profit de neuf jeunes Sénégalais.
Exposés sur la partie de la place du Souvenir africain la plus proche de l’océan, les clichés dévoilent plusieurs localités de la région de Dakar situées sur le littoral, dont Yoff, Ouakam, Soumbédioune, Bargny, Thiaroye, et l’île de Gorée. C’est l’environnement culturel, la vie cultuelle et les rites de la société dakaroise que découvrent les visiteurs de l’exposition.
Le photographe Adama Coulibaly, auteur de la collection "Les voix de la foi", montre une capitale sénégalaise terre de cohabitation harmonieuse des confessions et des cultures, un Dakar vibrant de moult mélodies sacrées.
Son camarade Pape Demba Guèye, qui dit avoir appris une nouvelle approche de la photographie au cours de la formation, s’est intéressé aux "Enfants adoptifs de la mer".
A travers les photos de Guèye se dévoile la cohabitation entre les populations autochtones vivant près de la mer, les Lébous notamment, avec des étrangers venus de la Guinée, par exemple.
Les photos exposées donnent une idée de la pollution, de l’urbanisation galopante, de l’état de délabrement de l’île de Gorée, qui est visitée pour ce qu’elle représente dans l’histoire de la traite négrière. Le "ndeup", un rite des Lébous vivant près de la mer, est également l’un des sujets explorés par les photographes.
Yann Gall, chef de la délégation générale de la Wallonie-Bruxelles à Dakar, estime que "l’exposition montre une vision globale de l’environnement dakarois, avec une approche multisectorielle".
La thématique de l’environnement n’a pas été imposée aux jeunes photographes, a tenu à préciser l’un des formateurs, le photographe belge Gaël Turine.
"Le choix de cette thématique a été fait au cours de plusieurs discussions, qui ont eu lieu lors du premier atelier en juillet, à SUP’IMAX (l’Institut supérieur des arts et métiers du numérique, à Dakar). Nous avons choisi un sujet qui permette à l’ensemble des participants de travailler de manière individuelle et singulière", a-t-il dit en parlant de la manière dont l’environnement est devenu le thème de l’exposition.
"Le littoral nous a permis d’aborder la question de l’environnement (…) qui est universelle", a souligné Gaël Turine.
L’exposition "Littoral" restitue les travaux d’un atelier de formation qui s’est déroulé du 22 au 26 juillet, puis du 21 au 25 octobre 2019.
Selon la délégation générale de la Wallonie-Bruxelles à Dakar, les photographes bénéficiaires de la formation ont acquis à la fois des compétences techniques, narratives et éditoriales. Des outils de mise en valeur de leur travail aussi.
La formation a été dispensée aux photographes dans le cadre du programme de coopération 2017-2019, entre le Sénégal et Wallonie-Bruxelles, précise-t-elle.
par l'éditorialiste de seneplus, Emmanuel Desfourneaux
POUR UNE HISTOIRE GAGNANTE-GAGNANTE (3/3)
EXCLUSIF SENEPLUS - Nous sommes encore en France, les héritiers d’une mentalité où les préjugés perdurent sur les anciens colonisés et où le sentiment d’une nation-empire colonial fait encore fantasmer dans le cercle des hommes du pouvoir
Emmanuel Desfourneaux de SenePlus |
Publication 10/12/2020
Le 20 août, je débutais une story en trois volets sur le thème de l’histoire et de l’affaire du déboulonnement des statues colonialistes sur fond du meurtre de George Floyd. J’appelais à l’émergence d’une nouvelle mémoire collective franco-africaine, réécrite par l’Afrique et sa Diaspora. Aujourd’hui, intéressons-nous à la France.
Ça y est, nous avons notre affaire George Floyd ! Si l’affaire Adama Traoré et bien d’autres servent de catalyseur aux manifestations antiracistes contemporaines, le lynchage à Paris de Michel Zecler, producteur martiniquais de musique, par trois policiers blancs, a été extraordinairement filmé, tout comme celui de George Floyd. S’il n’y a pas eu de mort en France, les images d’une rare violence à caractère raciste ont néanmoins provoqué un électrochoc auprès de l’opinion publique française, semblable à celui des Etats-Unis d’Amérique.
A cette occasion, j’avais qualifié la République française de « communautarisante », du fait d’une discrimination avérée de sa population d’origine immigrée, d’une républicanisation rampante des idées de Marine Le Pen (y compris au sein des administrations, voire au plus haut sommet de l’Etat puisque Emmanuel Macron serait secrètement sensible à la thèse du remplacement et à la préservation des racines catholiques par la laïcité) et d’une américanisation partielle mais réelle de la violence policière sur la population noire. C’est le paradoxe jacobin ou parisianisme : par notre légendaire universalisme, tout est fait pour nous différencier des Etats-Unis d’Amérique qualifiés à l’inverse de communautaristes, et cependant tout nous en rapprocherait ! Notre contre-modèle serait devenu notre nouvelle référence du fait de l’Etat.
La loi sur les séparatismes (vocable cyniquement détourné par l’Etat) vise aussi les associations de défense des noirs. Cette loi controversée, d’ailleurs, même si elle s’est focalisée sur le radicalisme religieux après les attentats, est venue couper l’herbe sous le pied des manifestations populaires d’Assa Traoré faisant suite au mouvement américain « Black Lives Matter ». L’Elysée a tout fait pour empêcher son essor sur le sol français. Il faut dire que l’Etat français voit d’un mauvais œil la radicalisation des organisations anti-racistes qu’il ne maîtrise pas contrairement dans le passé avec SOS Racisme par François Mitterrand. De nouvelles générations d’activistes apparaissent, sans doute plus déterminées, plus spontanées, plus indépendantes politiquement parlant, plus catégorisées certes autour du genre et de la race, et donc moins universalistes au sens français du terme, avec de nouveaux moyens de combat, et le tout dans une aspiration américaine des luttes contre le racisme anti-noir et du mouvement MeToo.
Ce transfert sournois de culpabilité d’américanisation d’une partie de la société civile française, trouve un écho favorable auprès des souverainistes qu’ils soient de droite ou de gauche, et auprès d’un anti-américanisme primaire de nombreux français. Même l’Institut afro-européen que je dirige, est accusé de trop s’inspirer du concept afro-américain alors qu’il n’en est rien : les deux foyers diasporiques ont leur propre histoire et propre vécu. La machine à étiquetage discréditant les nouveaux activistes (la famille délinquante Traoré ou le passé judiciaire de notre George Floyd) et divisant les français entre eux, est en marche pour d’une part sauvegarder un modèle laïque et républicain à bout de souffle inadapté à la nouvelle démographie française et au monde d’aujourd’hui, et pour d’autre part préserver le pouvoir dominant d’une minorité d’hommes blancs.
Je voudrais m’attarder sur la réponse d’un syndicat de policiers au président français : « Il semble beaucoup plus simple d’accuser les policiers que de reprocher aux politiques de cinquante dernières années d’avoir cloîtré des populations dans les banlieues, loin, pour ne pas les voir, et ce sans mixité ». En effet, les fonctionnaires servent un Etat français qui pratique depuis des décennies le communautarisme à outrance. Dans ce contexte, la loi sur les séparatismes est une triste parodie de la République : je combats ce que j’ai moi-même consacré à travers mes politiques ségrégationnistes territoriales. L’année dernière, je me suis rendu à deux réunions de parents d’élèves dans un collège de banlieue francilienne. J’étais le seul parent d’ascendance européenne. Et l’ironie de la situation voulait que l’équipe dirigeante et professorale de ce collège ne fût composée que de seuls blancs ! J’ai secoué ma tête, je ne rêvais pas, j’étais bien en 2020, et non à l’école des otages de Louis Faidherbe ! Dans ce même collège, une enfant est exclue pour le port du masque inadéquat, et une autre est excusée malgré une injure raciste autour du mot singe.
Comment de surcroît ne pas s’interroger sur la caste des élites de l’Etat français ! Le Préfet de Police de Paris, Didier Lallemand, vient d’accorder un soutien financier aux policiers mis en examen dans notre affaire George Floyd. Les bras m’en tombent ! Ce même préfet n’a pas été démis de ses fonctions en dépit d’une responsabilité hiérarchique certaine dans les violences policières à caractère raciste. La République française, depuis les années 60, est malade de ses énarques devenus hauts-fonctionnaires et politiciens : ils forment un réseau complexe et difficile à dénoyauter créant un vrai séparatisme entre la France d’en haut et la France d’en bas d’où l’émergence des gilets jaunes. La République des idéologies nobles, des combats pour l’honneur, nous l’avons perdue il y a belle lurette. C’est la République des acquis de barons politiciens, donneurs de leçons à l’endroit des « racailles » de la banlieue, et qui pourtant sont un à un condamnés pour crimes de cols blancs, à l’exemple de Nicolas Sarkozy et consorts.
Je ne pense pas que le français soit plus raciste qu’un autre peuple. Le principal problème, c’est qu’après les indépendances, la France n’a pas procédé à une décolonisation des esprits. Cette action est imputable à l’Etat, en particulier à travers son système éducatif qui a manqué le virage. Car oui nous sommes encore les héritiers d’une mentalité où les préjugés perdurent sur les anciens colonisés, aujourd’hui devenus (pour une partie) des minorités en France, et où le sentiment d’une nation-empire colonial fait encore fantasmer dans le cercle des hommes du pouvoir. Dès qu’un président est élu, il devient le Champollion de l’Afrique subsaharienne : quelques mois après son investiture, il en sait déjà plus que les africanistes et parfois les Africains eux-mêmes.
Il y a quelques semaines, au moment des attentats, un professeur d’histoire et de géographie se plaignait sur une radio de recueillir les contestations de parents d’élèves d’origine algérienne au sujet de son récit de la guerre d’Algérie. C’est très révélateur de ce que les américains désignent sous le nom de « Global History », c’est-à-dire une remise en cause de l’histoire du dominant, pour s’intéresser à la pensée des autres, celle des anciens colonisés devenus pour certains minorités chez l’ancien colonisateur. La confrontation des visions de l’histoire est alors inéluctable « pour forger une mosaïque de savoirs, soucieux de coller au réel du passé ». Le récit national unilatéraliste de ce professeur est en effet évalué aux réalités des autres pensées, et surtout de ceux qui ont été opprimés et qui n’avaient pas le droit à la parole. Nous entrons en France dans une ère où les minorités nous imposent de revoir et réévaluer notre histoire et les nombreux ratés de notre universalisme. Ça fait mal !
Les minorités ne nous lâcheront plus ! Nafissatou Diallo, en Amérique, a montré la voie à de nombreuses femmes contre le racisme sexuel et social de l’homme blanc puissant. Les footballeurs d’origine africaine, aujourd’hui, s’unissent pour dire non au racisme ordinaire. Les minorités nous mettent aussi devant nos contradictions et notre brouillonisme politique et juridique. Lors des caricatures de Mahomet, la liberté d’expression française a été perçue comme une usine à gaz et injuste pour les minorités religieuses. L’entre-soi gaulois, résistant soi-disant au monde entier, est inadéquat à notre prétention de rayonnement culturel universel.
Pour faire un bon match de football, il faut être deux ; pour établir une bonne relation entre deux pays ou deux continents, là-aussi il convient d’être deux. L’Afrique doit se prendre en main pour imposer une relation plus gagnante-gagnante au reste du monde et l’inspirer comme naguère. La France, de son côté, doit s’efforcer de changer pour engendrer une mosaïque mondiale sur son territoire (son empire colonial et néocolonial étant derrière nous) et sur la base de la diversité de sa population (issue de son histoire coloniale). C’est ce que j’ai nommé l’ère de la Diversitas Publica. La République (Res Publica : chose publique) s’est imposée en France après la Révolution de 1789 ; le XXIème siècle, lui, consacrerait le jaillissement dans le champ public de la diversité ethnique, culturelle et basée sur le genre.
Il ne serait nullement question de penser en blanc et en noir, mais en termes de métissage. C’est ce qu’avait souligné Léopold Sédar Senghor lorsqu’il avait défini ses œuvres d’afro-européennes car métissées. Il ne serait nullement question de consacrer la Dictatura Diversa où certaines minorités seraient sur-représentées (le risque aux Etats-Unis) et ramèneraient tout à elles. Marchons plutôt sur les pas d’Edouard Glissant ; il est venu le temps de créer une nouvelle entité culturelle française grâce à ses minorités et d’être l’étendard de ce « tout-monde » à l’échelle de la France. C’est à cette condition que la France pourrait envisager une nouvelle influence mondiale, en s’associant avec d’autres pays-modèles du vivre ensemble, à l’exemple du Sénégal.
CINQUANTE MILLIONS DE DOLLARS EN RENFORT CONTRE L'ÉROSION CÔTIÈRE
La Banque mondiale approuve un financement d’urgence de 50 millions de dollars pour le relogement de 10 000 personnes menacées par la montée du niveau de la mer à Saint-Louis
Selon des documents consultés par Jeune Afrique, le conseil d’administration de la Banque mondiale a approuvé début août une enveloppe supplémentaire de 50 millions de dollars (25 millions sous forme de prêt ainsi qu’un don d’un montant similaire) en faveur du gouvernement sénégalais.
Ces ressources viennent compléter le financement déjà approuvé en 2018 par l’institution dirigée par l’Américain David Malpass en faveur du « Projet de relèvement d’urgence et de résilience à Saint-Louis ». Le coût total de ce projet est de 85 millions de dollars, entièrement financé par la Banque mondiale, dont deux tiers sous la forme de don.
Prévu pour s’achever en 2025, ce programme comporte notamment un volet de relogement de 15 000 personnes au total vivant dans des quartiers fortement exposés à l’érosion côtière le long de la Langue de Barbarie – une mince péninsule près de la ville de Saint-Louis dans le nord du pays – ainsi que dans plusieurs localités de l’ancienne capitale du Sénégal, pays par ailleurs touché, comme l’ensemble de la région, par d’importantes inondations ces derniers jours.
5 à 6 mètres de plage perdus chaque année
Selon les analyses de la Banque mondiale, « au cours des dernières années, l’érosion côtière le long de la Langue de Barbarie s’est accélérée, affichant une perte de 5 à 6 mètres de plage par an ». La péninsule abrite environ 80 000 personnes, dont une part significative de pêcheurs.
POURQUOI MACKY SALL N'EST PLUS UN PRÉSIDENT NORMAL
Si le chef de l'Etat était un joueur de football, il serait de la race des grands dribbleurs, tels Pelé, Chris Waddle ou Garrincha. Un as de la feinte, du passement de jambes et de la fausse piste, qui n’aime rien tant que surprendre ses adversaires
Jeune Afrique |
Marwane Ben Yahmed |
Publication 10/12/2020
Le remaniement gouvernemental du 1er novembre est marqué par plusieurs surprises de taille, avec le départ de caciques et une large ouverture à l’opposition. Passé maître dans l’art des coups de théâtre, le chef de l’État entend rester le maître du jeu et celui des horloges d’ici à 2024. Quitte à secouer régulièrement le baobab.
Si Macky Sall était un joueur de football, il serait assurément de la race des grands dribbleurs, tels Pelé, Chris Waddle ou Garrincha. Un as de la feinte, du passement de jambes et de la fausse piste, qui n’aime rien tant que surprendre ses adversaires comme les spectateurs. Face à la crise sanitaire et économique qui touche le Sénégal, le chef de l’État a choisi, ce 1er novembre, de se séparer de nombreux caciques de son équipe gouvernementale et d’accueillir sept nouvelles figures.
Grand ménage d’un côté, ouverture de l’autre… Annoncé depuis l’ouverture du dialogue politique en mai 2019, ce premier remaniement depuis sa réélection est surtout marqué par l’arrivée de plusieurs poids lourds de l’opposition. Et non des moindres.
Idrissa Seck sur orbite
Ancien Premier ministre d’Abdoulaye Wade, tout comme lui, Idrissa Seck remplace Aminata Touré à la présidence du Conseil économique, social et environnemental (CESE). Principal challenger de Macky Sall lors de la présidentielle de 2019 – et arrivé deuxième avec 20 % des suffrages, à la surprise générale -, il avait depuis disparu des écrans radars. Le président du parti Rewmi fait ainsi son grand retour en devenant la troisième personnalité de l’État. Avec Yankhoba Diattara à l’Économie numérique et Aly Saleh Diop à l’Élevage, il place même deux membres de son parti dans ce nouveau gouvernement.
L’autre surprise s’appelle… Oumar Sarr. Autre ancien du Parti démocratique sénégalais (PDS) de Wade – décidément un sacré vivier –, il hérite des Mines et de la Géologie. L’avocate Aïssata Tall Sall, ex-cadre du Parti socialiste qui fut opposée au rapprochement avec la coalition de Macky Sall avant de finalement soutenir ce dernier lors de la dernière présidentielle, récupère le très exposé ministère des Affaires étrangères. L’opposant radical Ousmane Sonko (15,6 % des voix en 2019) doit désormais se sentir bien seul.
La déstructuration de l’espace familial, en tant que lieu de socialisation et de formatage des esprits, laisse entrouvertes des brèches dans lesquelles s’engouffrent le gourou qui produit des « interférences » dans l’éducation des enfants…
Entre le 26 et le 28 novembre 2020, la gendarmerie a démantelé ce qu’elle a appelé un « réseau de séquestration », interpellé 43 personnes et recensé 353 victimes dans des centres dits de « redressement » (Mon esprit en divagation me fait plutôt penser à un « enrôlement (de)resocialisant ») situés entre Ouakam, Malika, Guédiawaye et la Zone B pour des faits de « maltraitance, de traite de personnes, de vol de scooters et trafic de chanvre indien. L’homme religieux Cheikh Ahmadou Kara Mbacké, qui se fait appeler le général de Bamba, est le maître d’œuvre de ces centres de redressement destinés, selon ceux qui ont mis en lui leur confiance, à la rééducation et à l’insertion de la « marge ». Et depuis quelques jours, des images choquantes, montrant une face hideuse de ces centres, sont en train d’être diffusées, suscitant ainsi l’émoi collectif. On se demande comment ces espaces qui attentent à la dignité humaine ont pu exister dans notre pays depuis des années dans l’indifférence totale. Qu’est-ce qui peut expliquer que des parents s’abandonnent à un tel désespoir jusqu’à y envoyer leur progéniture ? L’État (au-delà des régimes) était-il au courant ? Qu’il le soit ou pas (et ce serait grave), sa responsabilité est engagée. Ce énième épisode regrettable de notre aventure collective vient une fois de plus montrer que nous nous perdons dans l’abîme de la parfaite déconfiture du tissu social et des institutions pourvoyeuses de sens (le religieux et l’autorité coutumière pour ce qu’ils représentent et le politique pour la noblesse qu’il s’échine ostensiblement à conférer à son ambition).
La déstructuration de l’espace familial, en tant que lieu de socialisation et de formatage des esprits, a ceci de dramatique qu’elle reconfigure les rapports sociaux, met à nu la défaillance et l’impréparation des pouvoirs publics et laisse entrouvertes des brèches dans lesquelles s’engouffrent le gourou, le porteur de la belle promesse et même le quidam de l’abrutissant « penc » virtuel qui produit des « interférences » dans l’éducation des enfants… L’État n’a pas pleinement joué son rôle pour au moins deux raisons. Il a créé un « vide » en ne donnant pas une orientation claire et des moyens conséquents au secteur de l’éducation spécialisée. Baba Lyssa Ndiaye, secrétaire général du Syndicat national des travailleurs de l’éducation spécialisée du ministère de la Justice, faisait remarquer, dans l’émission « Infos du matin » de la Tfm du 8 décembre 2020, que le Sénégal est à un éducateur pour plus de 40 enfants alors que les normes internationales en préconisent un pour sept enfants. On est bien loin des standards.
Ensuite, l’État a laissé libre cours aux manœuvres périlleuses de ceux que l’anthropologue Gilles Holder a appelés les « nouveaux acteurs religieux qui s’adaptent à un contexte social particulier et démontent les classifications habituelles entre soufisme, Islam politique et réformisme » (L’Islam, nouvel espace public en Afrique). Ils s’égarent dans un mysticisme farfelu favorisé par la centrifugation de l’« Islam noir » théorisé par l’ethnographie coloniale et réinterrogé par l’orientaliste français Vincent Monteil. Les « masses » s’illusionnent ainsi dans un Islam confrérique métamorphosé qui perd ses figures charismatiques et laisse le champ libre à des forces centrifuges porteuses d’un discours attrayant face également à la déliquescence des ressorts sociaux et un État postcolonial en perpétuelle quête de légitimité. L’émiettement du « système » de référence religieuse favorise l’audibilité des égos délirants que l’État, auquel ils se plaisent très souvent à se substituer, doit rappeler à l’ordre de temps en temps.
La liberté de culte, si elle n’est pas encadrée, crée des univers de permissivité. C’est ce qui a d’ailleurs favorisé, en grande partie, l’émergence, au Sénégal, des églises évangéliques. L’église universelle, souvent dénoncée par Mgr Benjamin Ndiaye, « part à la conquête de la société sénégalaise et des individus pour les transformer selon une nouvelle conception religieuse. Elle attire essentiellement grâce à sa théologie de la prospérité et à ses promesses de guérison » (Gilles Holder). Ce sont des milliers de Sénégalais que l’église universelle entretient dans l’illusion en reproduisant leur environnement psychosocial agrémenté d’un discours mystificateur et transcendantal, en profitant de la désespérance ambiante. Au vu et au su de tout le monde. Comme, par ailleurs, avec ces centres dits de redressement.