SenePlus | La Une | l'actualité, sport, politique et plus au Sénégal
23 septembre 2025
PAR L'ÉDITORIALISTE DE SENEPLUS, EMMANUEL DESFOURNEAUX
L'OPPOSITION POURRAIT-ELLE MIEUX FAIRE QUE MACKY SALL ?
EXCLUSIF SENEPLUS - Le principal défaut du président depuis 2012, c’est de n’envisager le consensus que comme un ultime recours, voire un calcul politicien, et souvent après avoir déjà tout décidé solitairement
Emmanuel Desfourneaux de SenePlus |
Publication 18/05/2020
Presque partout dans le monde, les chefs d’Etat et de gouvernement sont vivement critiqués par leurs populations pour leur gestion de la Covid-19. Les mêmes causes produisent les mêmes effets au Sénégal. Depuis sa décision de déconfinement de fait en date du 11 mai, Macky Sall essuie une pluie de critiques.
Après ce constat préliminaire, je ne me déroberai pas à la question de mon édito. La gestion de la crise de la Covid-19 dépend largement des personnalités politiques aux commandes des Etats. C’est une lapalissade ! C’est ainsi que les populistes et fantasques Donald Trump, Boris Johnson et Jair Bolsonaro, en minimisant la pandémie, ont une lourde responsabilité sur la réponse tardive et désorganisée de leurs Etats. Et in fine sur le nombre de morts dans leurs pays respectifs. Il serait immérité de placer Macky Sall parmi ces fantasques présidents. Allons donc chercher ailleurs !
Dès le début de la pandémie, le Sénégal a pris mesure du danger de la Covid-19. Comme dans les autres pays, Macky Sall est soumis à la même équation : trouver un équilibre entre le droit à la santé, voire le droit à la vie de sa population, et la considération des libertés publiques et la relance économique. C’est un choix politique difficile et inédit. Fermer les frontières, cela équivaut à perdre l’une de ses principales ressources à hauteur de 10 % du PIB, le tourisme. Restreindre les marchés et déplacements, c’est mettre dans la difficulté le secteur informel qui représente plus de 80 % de l’activité économique sénégalaise. L’opposition, qui est dans son droit, peut toujours discuter du moment opportun de la fermeture des frontières, et celui de la date du déconfinement, mais finalement rien ne permet d’affirmer qu’elle aurait fait mieux dans le jeu des équilibres. C’est la première fois que tous les Etats sont sujets à de tels dilemmes politiques. Dans cet exercice, chaque choix présente ses avantages et ses inconvénients. A l’exemple du refus de rapatrier les étudiants sénégalais à Wuhan début février et de la réouverture des mosquées mi-mai.
Continuons alors notre investigation ! Au Sénégal, si la mayonnaise de l’unité nationale a bien pris les premiers jours de la pandémie, la gestion de la crise par Macky Sall n’en reste pas moins « unipersonnelle ». C’est le principal défaut de Macky Sall depuis 2012, c’est de n’envisager le consensus que comme un ultime recours, voire un calcul politicien, et souvent après avoir déjà tout décidé solitairement. Le dialogue national s’inscrivait dans ce contexte-là. Le Comité de suivi de Force Covid-19 ne serait-il au demeurant qu’un trompe-l’œil de cogestion ? Je suis convaincu qu’un opposant aurait pu faire mieux dans le processus d’associer davantage les forces vives de la nation, et avec sincérité. Une nuance de taille tout de même relative à l’exercice du pouvoir : les présidents sénégalais, depuis Senghor et sa décision de tuer dans l’œuf le bicéphalisme exécutif, ont privilégié une forme de césarisme républicain.
La gestion de la crise de mai 68 éclaire sur les méthodes expéditives avec l’internement des étudiants dans un camp militaire et l’absence d’accord final avec eux. L’histoire politique de gestion des crises au Sénégal ne nous renvoie-t-elle pas à un exercice solitaire du pouvoir et de ce fait faillible ? Les opposants à la place de Macky Sall auraient-ils renoncé aux pleins pouvoirs et à ses excès ? Difficile à dire ! Peut-être y aurait-il eu quelques variantes selon les personnalités des uns et des autres : un dialogue plus franc comme déjà souligné et une gouvernance plus coopérative. Néanmoins, le seul élément de réponse qui ne fait aucun doute, c’est la Constitution sénégalaise : elle a consacré un régime quasi-présidentiel, peu importe la présence d’un premier ministre ou pas, ce dernier n’avait aucun pouvoir. Aucun candidat à la présidentielle de 2019 n’a évoqué un retour au parlementarisme !
Là-encore, la réponse au titre de mon édito risque d’être nuancée. Le Sénégal, en dehors de toutes considérations de l’identité du président de la République, se heurte à des obstacles structurels. Souvenez-vous du discours de l’ancien président Me Abdoulaye Wade au lendemain du naufrage de Joola : « Nous devons faire notre introspection et admettre que les vices qui sont à la base de cette catastrophe trouvent le fondement dans nos habitudes de légèreté, de manque de sérieux, d’irresponsabilité, parfois de cupidité lorsqu’on tolère des situations qu’on sait parfaitement dangereuses simplement parce qu’on tire un profit ».
Si le peuple sénégalais a très vite relevé le défi de la Covid-19 tant en termes d’initiatives créatives que de discipline progressive, l’Etat patauge à contre-courant des intérêts de son peuple. Tout semble encore tourner autour de cette cupidité que Me Abdoulaye Wade avait dépeinte. L’exécution de l’enveloppe conséquente de 1.000 milliards de FCFA scandalise la clameur publique, en particulier sur les combines politicofinancières. Le Comité de suivi de Force Covid-19, bouée de sauvetage de Macky Sall, s’englue dans des discussions surréalistes de Per diem tandis que plus de dix millions de sénégalais attendent leur kit d’aide alimentaire. L’opposition fait mine de s’indigner mais cette même question avait été soulevée lors du Dialogue national. Bis repetita ! Le Répertoire national unique (RNU) et la bourse de sécurité familiale font l’objet de polémiques d’ordre clientéliste, un peu comme le fichier électoral ! Le président de l’AMS, Aliou Sall, suggère de les réviser. En pleine crise, c’est bien le moment !
Comme si cela ne suffisait pas, surgit de nulle part le décret fantôme sur l’honorariat des anciens présidents du CESE, faisant la part belle à des privilèges républicains en pleine crise sociale et économique. Le moment était assurément mal choisi ! Cependant, un opposant, aujourd’hui à la tête de l’Etat sénégalais, aurait-il été plus habile pour contrer ces écueils si consubstantiels à la société politique sénégalaise ? Pas si sûr ! Surtout, l’introspection n’a jamais été la tasse de thé des hommes politiques sénégalais. Le passage du statut d’opposant à celui de gouvernant n’annonce pas un changement ipso facto en faveur d’attitudes vertueuses.
En dépit de ce contexte néfaste et condamnable, n’est-il pas possible de positiver au Sénégal ? Pour ne prendre que cet exemple, la France a moins bien fait que le Sénégal dans la gestion des masques. Sans doute le secteur informel, si souvent vilipendé, a-t-il été à la hauteur de la crise. Il faudrait s’en réjouir et être fier. La 7ème puissance mondiale a été incapable d’être réactive et de mobiliser en vue d’une production locale exceptionnelle. Le professeur Souleymane Bachir Diagne avait révélé cette insuffisance française à ne vouloir que se concentrer sur la théorie et à ne pas mettre l’initiative au cœur de l’apprentissage. Preuve flagrante ! Face à l’imprévu, la France est désarmée ! Face à l’imprévu, le Sénégal joue dans la cour des grands et ce dans de nombreux secteurs !
Pour terminer avec cette démonstration sur ma thèse de la « relativité » politique de la Covid-19, je souhaiterais souligner le contexte exceptionnel de la prise de décision politique dans le cadre de la lutte contre ce virus. Jamais l’incertitude n’a été aussi grande : chaque jour, des symptômes différents du coronavirus apparaissent. Les scientifiques n’en savent pas plus parfois que le quidam. Les mêmes modélisateurs sont capables de vous prévenir du danger d’une deuxième vague terrifiante pour vous avertir deux jours après qu’ils n’en sont plus aussi certains ! Que penser des polémiques des scientifiques autour des traitements ? Allez donc arrêter une stratégie politique après tout ça ! Un opposant, aussi brillant soit-il, à la tête du Sénégal, aurait dû faire face à cette même situation d’insécurité nationale et internationale.
Je terminerai avec une lueur d’espoir. L’aptitude providentielle de certains opposants sénégalais n’est pas à exclure. Il est certain que, face à la crise, des talents, semblables à celui de la chancelière allemande, se seraient révélés comme le rappelle Emile de Girardin : « L’art de gouverner, c’est l’art de vaincre les difficultés ; l’art de vaincre les difficultés, c’est l’art de choisir les hommes selon leur aptitude : et cet art, c’est le secret de toute grandeur, c’est l’explication que donne l’histoire de l’éclat des plus illustres règnes. ».
LE COVID-19 A DES EXTERNALITÉS NÉGATIVES SUR LA PRODUCTION AGRICOLE
Le directeur général de la Société nationale d’aménagement et d’exploitation des terres du Delta fait le point sur la campagne de contre-saison sèche chaude dans la vallée du fleuve, marquée par des performances énormes en termes de surfaces emblavées
Le directeur général de la Société nationale d’aménagement et d’exploitation des terres du Delta (Saed) fait le point sur la campagne de contre-saison sèche chaude dans la vallée du fleuve, marquée par des performances énormes en termes de surfaces emblavées. Dans cet entretien, Aboubacry Sow annonce par la même occasion des prévisions estimées à près de 300 mille tonnes de riz paddy attendues pour cette campagne. Dans ce contexte de coronavirus qui a impacté le secteur de l’agriculture en termes de manque de main-d’œuvre dans la vallée à cause de la suspension du transport interurbain, le Dg de la Saed estime que le Sénégal pourrait saisir l’occasion pour changer de paradigme et ainsi poser les jalons de son autonomie alimentaire par la mise en œuvre du Programme national d’autosuffisance en riz (Pnar).
Dans la vallée du fleuve Sénégal, les producteurs préparent la récolte dans le cadre de la campagne de contre-saison sèche chaude. Quelles sont les prévisions ?
Il faut dire que la campagne de Saison sèche chaude (Ssc) 2020 se déroule dans d’excellentes conditions jusqu’à présent. L’Etat, à travers le ministère de l’Agriculture et de l’équipement rural (Maer), a tout mis en œuvre pour lui assurer une réussite. Les producteurs et tous les autres acteurs sont bien engagés dans cette campagne. Les premières récoltes sont attendues en mi juin pour les premiers semis. Avec environ 49 mille 500 ha de superficies semées en riz, les productions attendues sont estimées à 320 mille tonnes de riz paddy environ.
Près de 49 mille 500 ha de terres emblavées, c’est un record. Qu’est-ce qui explique cette avancée ?
Cette grande avancée s’explique par la conjonction de plusieurs facteurs qui sont : la maîtrise de l’eau qui est le premier intrant en matière de riziculture irriguée, les facilités offertes par la Banque agricole (Lba ex-Cncas) qui accompagne les producteurs dans le cadre de l’octroi du crédit pour près de 9 milliards de francs Cfa pour cette campagne de saison sèche chaude 2020, la mise à disposition à temps et en quantité des intrants, le renforcement du matériel d’irrigation et du parc de matériel agricole ainsi que l’amélioration de la base productive.
A noter aussi qu’en prélude de la préparation des campagnes agricoles, j’ai effectué une tournée dans toutes les délégations de la Société nationale d’aménagement et d’exploitation des terres du Delta (Dagana, Podor, Matam, Bakel et du Lac de Guiers) et l’occasion m’a été donnée d’échanger avec les producteurs, de visiter les projets et les réalisations de la Saed et de remobiliser notre dispositif de conseil agricole et rural. Pour chaque délégation, un état des lieux a été fait, les contraintes identifiées, et sur la base des objectifs, un plan d’actions a été élaboré. Et des innovations sont apportées dans notre démarche d’accompagnement des filières et des acteurs des collectivités territoriales, en les impliquant à tous les niveaux dans le processus de planification, de suivi et d’évaluation des campagnes.
Malgré les bonnes performances attendues, il y a quand même quelques inquiétudes à cause du péril acridien. Qu’en est-il exactement ?
La riziculture dans la vallée du fleuve Sénégal, à l’image des autres cultures, est sujette à de nombreux aléas. Parmi ceux-ci, il faut noter les oiseaux granivores qui occasionnent des dommages importants. Ces attaques massives, quotidiennes et répétitives durant toutes les campagnes, essentiellement au moment du semis et de la maturité du riz, engendrent des pertes de rendements de l’ordre de 20% à 25%, voire plus à l’absence de toute protection.
Face à cette préoccupation majeure devenue une donnée permanente de gestion et de fragilité des systèmes de production, les producteurs continuent de développer des stratégies individuelles de gardiennage des parcelles (pose de filets, effarouchement etc.) et utilisent des méthodes alternatives (repiquage, synchronisation des semis).
L’impact et le préjudice liés aux dégâts des oiseaux granivores sur la culture du riz constituent un véritable fléau qui mobilise toutes les parties prenantes, aussi bien les exploitations agricoles familiales que les agro-industriels. Raison pour laquelle la lutte s’organise à travers le comité de lutte anti-aviaire qui regroupe les principaux acteurs, notamment la Drdr (Direction régionale du développement rural), la Saed, la Dpv (Direction de la protection des végétaux) et le Ciriz
(Comité interprofession riz) avec un élargissement aux prestataires de traitement. Des réunions se tiennent mensuellement à Ross Béthio au niveau de la Compagnie agricole de SaintLouis (Casl).
Sous la coordination du directeur de la Dpv, les acteurs discutent des voies et moyens permettant une lutte anti-aviaire efficace sur la culture du riz. Pour cette campagne de saison sèche chaude en cours, en plus des autres moyens de lutte usuels, le comité compte utiliser les drones pour le traitement aérien, et le premier test effectué la semaine dernière sur le dortoir de Pont Gendarme avec le prestataire Ats (Service technique aérien) a donné des résultats satisfaisants.
Est-ce que la pandémie du coronavirus a des répercutions sur les activités agricoles que vous supervisez dans la vallée ?
Evidemment, la pandémie du Covid-19 a des externalités négatives sur la production agricole, surtout en termes de pénurie de main-d’œuvre sur toute la chaîne de valeurs. Comme vous le savez, la vallée draine une main-d’œuvre importante venant de toutes les contrées du Sénégal et des pays voisins. Mais avec les restrictions sur les déplacements, on aura des difficultés sur les récoltes dont 30% sont assurés par la main-d’œuvre extérieure, la lutte anti-aviaire et même la manutention au niveau des rizeries de la vallée.
Dans l’optique d’un bon déroulement des opérations de récolte de la saison sèche chaude 2020 et en perspective d’une bonne préparation de la campagne d’hivernage 2020-2021, le Maer est très sensible sur l’urgence de renforcement du parc de matériels de récolte par l’acquisition de moissonneuses-batteuses à chenille.
En plus, cette pandémie a eu des effets négatifs sur la commercialisation de l’ognon et des quantités importantes sont restées en souffrance entre les mains des producteurs.
Beaucoup pensent que cette pandémie doit être une opportunité à saisir par l’Etat et les producteurs sénégalais pour travailler davantage pour une autonomisation alimentaire de notre pays. Qu’en pensez-vous ?
Effectivement, cette pandémie est aussi un moment d’introspection sur notre vulnérabilité alimentaire. On ne peut pas continuer à dépendre de l’extérieur pour notre alimentation au regard des avantages comparatifs dont notre pays dispose. Aujourd’hui, avec cette pandémie, il est clair que les grands exportateurs de riz comme la Thaïlande, le Vietnam et l’Inde vont revoir leur planification d’exportation. Cette situation va entraîner une tension sur le marché international du riz qui, du reste, est résiduel. Le riz est consommé là où il est produit. C’est la raison pour laquelle les eaux de surface, celles pluviales et souterraines de notre pays doivent être valorisées au mieux pour assurer notre souveraineté alimentaire.
D’ailleurs, c’est toute la pertinence du Programme national d’autosuffisance en riz (Pnar) qui vise à terme l’autosuffisance alimentaire. A travers ce programme, l’Etat change de paradigmes et crée les conditions pour l’émergence d’une riziculture performante capable d’assurer l’alimentation des Sénégalais. A cet égard, la Saed, en relation avec les acteurs et sur instructions du Maer, est en train de jouer sa partition dans la vallée du fleuve Sénégal. Les performances enregistrées ces dernières années en témoignent largement.
Un comité scientifique, constitué de l’Institut sénégalais de recherche agricole (Isra), le Centre du riz pour l’Afrique (AfricaRice), du Comité interprofessionnel riz (Ciriz), de la Fédération des périmètres autogérés (Fpa), des riziers, de la Lba et du Projet d’amélioration de la productivité du riz dans la vallée du fleuve Sénégal (Papriz), est mis en place pour réfléchir sur un programme de double culture du riz qui est la condition sine qua non pour booster la production. A cet égard, les producteurs qui ont bénéficié d’aménagements réalisés par la puissance publique ont un rôle de premier plan à jouer.
Quelle est la situation pour les autres spéculations comme la tomate et l’ognon ?
S’agissant des cultures de diversification comme l’ognon et la tomate, il faut dire que les mises en valeur sont très bonnes et portent respectivement sur 8 000 et 2 100 ha pour ces spéculations. Les quantités produites en ognon portent sur près de 175 mille tonnes et pour la tomate sur plus de 60 mille tonnes dans la vallée du fleuve Sénégal. Ce sont des cultures de rente capables d’apporter des revenus substantiels aux producteurs et contribuent respectivement pour 60 et 50% des besoins en consommation au niveau national. Il faut cependant signaler quelques difficultés de commercialisation et de stockage pour l’ognon.
A l’opposé, la filière tomate se porte très bien et est citée en exemple pour sa bonne organisation, facilitée par l’effectivité de la contractualisation avec les agroindustriels comme la Socas, Takamul food et Agroline. Il faut aussi noter qu’il y a dans la vallée des filières en émergence telles que la pomme de terre, la patate douce, le manioc, le gombo etc.
PRISE EN CHARGE COMMUNAUTAIRE DU COVID-19 OU COMMENT ENDIGUER LA STIGMATISATION
''La riposte Covid 19 après un début idyllique est mise actuellement à rude épreuve par la ténacité du coronavirus qui semble avoir finalement trouvé bon hôte chez nous.''
Depuis bientôt trois semaines on constate qu’au Sénégal, l’épidémie de covid-19 s’aggrave de jour en jour, au moment où beaucoup s’attendaient à une stabilisation et un retour progressif à la normale. Au prorata de la démographie, le Sénégal est aujourd’hui parmi les pays les plus touchés par le Covid-19 en Afrique subsaharienne.
Cela signifie à première vue que le plan de riposte Covid 19 qui n’a cessé de s’adapter, éprouve des difficultés et a du mal à inverser la tendance. La pertinence de ses choix stratégiques et son efficacité sont devenues douteuses. Cela est dû à de nombreux facteurs qu’il importe de minutieusement revoir et résoudre afin de venir le plus rapidement à bout du covid-19.
Les projections pessimistes ne tiennent pas compte de nombreux paramètres dont la maîtrise encore possible, conditionne considérablement l’efficacité de la riposte sanitaire anti-Covid. Le renforcement du diagnostic, le dépistage massif des cas contacts surtout dissimulés et l’endiguement de la stigmatisation omniprésente en font partie.
Nous procèderons à un état des lieux pour mieux situer l’épidémie du Covid-19 au Sénégal afin d’en évaluer la problématique qui permettra par la suite de proposer les solutions qui semblent actuellement les plus appropriées pour lever les obstacles qui freinent son éradication. Pour une meilleure analyse de la situation et la proposition de solutions conséquentes, on ne pourra pas passer sous silence la récente sortie du Chef de l’Etat qui marque à tout point de vue un tournant important dans la suite des événements.
Le point sur lutte contre l’épidémie du Covid-19 au Sénégal
La riposte Covid 19 après un début idyllique est mise actuellement à rude épreuve par la ténacité du coronavirus qui semble avoir finalement trouvé bon hôte chez nous. Nonobstant cela, Monsieur le Président de la République en s’adressant à la nation le 11 Mai, est venu ajouter une couche encore plus épaisse sur la visibilité du plan stratégique de riposte anti-Covid qui ne dit pas toujours comment le CNGE arrivera à se défaire du virus. Le changement de cap induit a été si brusque qu’il a surpris plus d’un, dont les acteurs clés sur le terrain.
La preuve, les mesures cohérentes bien qu’insuffisantes du début de crise, qui ont permis de résoudre dans les quatres premières semaines les cas importés et nourri beaucoup d’espoirs avant la multiplication des cas communautaires, ont été remises en cause.
La problématique de ces cas communautaires échappant complétement au système de dépistage en vigueur, venait juste de motiver une mise en garde des hauts cadres du ministère de la santé et du CNGE. Une alerte à la saturation des capacités hospitalières des centres de traitement des épidémies était à l’origine de la nouvelle orientation du CNGE vers la prise en charge extra hospitalière des cas asymptomatiques simples depuis le 04 Mai 2020.
Les acteurs durement éprouvés par la gestion du Covid, à tous les échelons, n’ont plus que leur foi pour encore endurer et tenir, se sentant eux-mêmes de plus en plus menacés. De là à donner un peu plus de crédit à ceux qui pensent que l’état serait responsable de la dissémination du Covid-19, il n’y a qu’un petit pas à franchir. Le président qui devait avant tout remonter le moral des troupes au lieu de le fragiliser, pouvait aisément utiliser d’autres canaux pour régler les énormes problèmes socio-politico-économiques qu’on ne peut plus occulter. Il a misé gros sur l’économie et le social qui ne lui amèneront pas forcement la victoire contre le covid-19.
Les mêmes attentes auraient pu être obtenues ou mieux, avec une écoute plus consensuelle et en renforçant autrement la lutte contre le Covid au lieu de l’affaiblir par un repli massif. Les mesures ont été brutales, certaines inopportunes, et en contraste avec l’évolution de la crise sanitaire, la faute à une précipitation qui a tout court-circuité.
L’objectif actuellement visé est d’assouplir les contraintes en vigueur depuis le début, afin de reprendre les activités à tous les niveaux, en apprenant à vivre avec le coronavirus. In fine, la sortie aura créé plus de problèmes qu’elle en a résolus, pour la riposte Covid-19.
Dès lors, restons concentré sur l’essentiel, le coronavirus qui est au début et à la fin de tout ce désordre. Il faut que le CNGE continue dans sa logique d’adaptation qui a toujours guidé la riposte anti-Covid, malgré les changements, mais en restant plus perméables aux nombreuses critiques bien constructives qui lui sont faites afin de maîtriser l’épidémie qui est en passe malheureusement d’échapper à tout contrôle.
Etat des lieux de la riposte covid-19
Revenant sur la prise en charge du Covid-19, une stratégie a certes été définie assez tôt, mais elle a eu du mal à se déployer en toute cohérence compte tenu certes de la méconnaissance du Covid 19 mais aussi d’un attentisme qui a beaucoup ralentie ses activités. L’option principale consistant à s’adapter au fur et à mesure que l’épidémie évolue a été bien malmenée. Maîtrisant difficilement le cours de l’épidémie cette vision s’est soldée par une sorte de pilotage à vue sans aucune prévision et des rattrapages incessants, parfois contradictoires s’éloignant même du cadre de l’objectif principal qui consiste à maîtriser puis éradiquer le Covid-19.
Malgré sa bonne structuration et de grandes compétences, le système de santé à travers la riposte Covid 19 semble beaucoup pécher dans la coordination des différentes activités pour que chaque entité qui le compose puisse s’exprimer pleinement. La gestion globale du Covid qui a ainsi connu beaucoup d’errements et le manque de rigueur ont fini par ouvrir de nombreuses failles à travers lesquelles le virus n’a pas perdu de temps pour s’y engouffrer et prendre des racines qui de jour en jour se consolident. On peut citer sans trop rentrer dans les détails :
l’état d’urgence, une très bonne décision mal gérée alors qu’elle offrait au début toutes les garanties d’un bon contrôle de la maladie;
Une option claire du type de confinement, n’ayant jamais été définie, a laissé un message flou ‘’ Rester chez vous’’ dominer la communication sur le Covid 19 sans pour autant convaincre. Ce dernier n’a réussi qu’à diviser et à faire voir en chiens de faïence ceux qui sont dotés de moyens et dont les revenus sont assurés quoi qu’il arrive et, ceux qui ne possèdent rien et qui ne comptent que sur leurs sorties quotidiennes pour faire tourner le foyer. Cela a empêché au début de bien faire suivre les mesures barrières qu’elles soient collectives ou individuelles.
Les lieux de culte sans distinction (mosquées de quartier, chapelles, grandes moquées et cathédrales) ont été fermés laissant les transports urbains, les boulangeries et les marchés se comporter plus dangereusement et pendant très longtemps.
Les laboratoires ont été très avares en tests dès le départ alors que l’OMS recommandait depuis le 16 Mars à tous les pays du monde face à l’aggravation de la pandémie de Covid-19, l’intensification des tests de dépistage comme meilleur moyen de ralentir la progression de la maladie.
Le soutien alimentaire aux populations impactées, sans être effectif, a pris trop de place au détriment de l’urgence sanitaire et la prévention qui pendant un certain temps, ne semblaient plus être, que l’affaire des personnels de santé et du CNGE.
Les autorités ont demandé puis recommandé timidement, avant de l’imposer, le port de masque. Le port de masque aussi, jusqu’ici très mal organisé va forcément retentir sur l’évolution de l’épidémie. Et pire, l’état ne prend pas en compte comme il se doit cet outil qui non seulement protège, rassure mais libère les populations pour qu’elles reprennent sereinement leurs activités. Tant que le masque (dans son port réglementaire) et les solutions hydro alcooliques ne sont pas accessibles à tous et en quantité suffisante, on vivra un semblant de protection collective et individuelle qui remet perpétuellement en cause tous les acquis de ces longues semaines de restrictions. On ne sent pratiquement pas le CNGE et le ministère de la santé derrière ‘’les masques’’, dont la qualité, la sécurité, la disponibilité et l’accessibilité par rapport à leurs principales cibles est entièrement sous leurs responsabilités, tant le lien entre le masque, les autres gestes barrières et le virus est étroit.
La stratégie de lutte contre le covid-19 a connu beaucoup de péripéties qui ont fini par mettre à nu le degré de paupérisation et la non préparation manifeste, quantitativement mais aussi qualitativement, du plateau technique de nos structures de santé, pour assumer une telle demande. Certes des efforts énormes ont été entrepris dans la douleur pour s’adapter.
Sur le plan épidémiologique comme on le constate aujourd’hui on tarde à trouver la bonne formule. Le Covid 19 continue à évoluer de plus belle. Certaines autorités tentent de nous imposer un pic, courant Mai 2020, alors qu’aucun indicateur ne permet de le situer. Et de l’autre coté la prévision de certains experts [1] semble dire qu’on va rester avec ce virus jusqu’en Septembre. Avec un taux de mortalité du Coronavirus au Sénégal qui est aujourd’hui de 1,04% des cas positifs, ces prévisions brutes font froid au dos compte tenu de ce qui peut arriver. Ce sont forcément des centaines de milliers de cas positifs qui seront notés. Avec seulement 300 000 cas on peut arriver à 3120 morts. Si on rentre dans les chiffres de certaines études [ 2] qui s’approchent de 1 500 000 cas positifs d’ici Mars 2021, même avec un taux de 0,3 à 0,5% l’hécatombe culminera être 4500 et 7500 morts, de quoi retenir son souffle compte tenu du contexte psychologique qui accompagne cette maladie. Donc le Covid-19 est une virose pas du tout comme les autres, une affection à prendre très au sérieux et avec laquelle, Il faut apprendre à vivre. Il ne faut pas jouer à faire peur. Mais que tout le monde soit instruit du danger qui nous guette en cas de relâchement. Certains se sont offusqué des prédictions de l’OMS et de l’ONU sur l’Afrique. Cependant avec les revirements stratégiques très mal élaborés que le Sénégal a depuis le début du mois de Mai, sans vouloir leur donner raison, on peut au moins les remercier de nous avoir mis en garde. Car un homme averti en vaut deux a-t-on l’habitude de dire.
Prenons ce dicton à notre compte et réagissons vite et positivement, en partant du principe que tout ce qui a été fait n’est pas mauvais, jusqu’aux décisions très contestables sur le plan épidémiologique et sanitaire du Président de la République, qui à son corps défendant se justifient du reste assez bien sur le plan politique.
Epidémie du Coronavirus en chiffres et plan de riposte
Laissons la politique de côté et parlons seulement de la Maladie du Covid-19 afin de lui trouver quelques solutions appropriées en nous posant certaines questions.
Où en sommes-nous sur le plan épidémiologique et sur le plan de la riposte santé Covid-19? La réponse à ce questionnement permettra de voir ce qui pose réellement problème en ce moment précis et qui empêche de reléguer le Covid-19 à sa plus simple expression et à défaut de l’éradiquer, de pouvoir cohabiter prudemment avec lui.
Sur le plan épidémiologique on retiendra qu’en 78 jours soit deux mois et demi, du 2 Mars au 17 Mai 2020 sur approximativement 32 460 tests réalisés, 2481 soit 7,64% des cas sont positifs. Sur les 2481 cas positifs 89 cas sont importés (3,58%), 213 sont des cas communautaires (8,58%), le reste 2178 (87,8%) sont des cas identifiés contacts des importés ou des communautaires. 26 cas de décès ont été répertoriés dont 9 soit 34,6% sont des décès communautaires (Diagnostiqués post mortem). Ces cas de décès communautaires représentent 47,3 % des patients décédés de Covid -19 ces trois dernières semaines (entre le 25 Avril et le 17 Mai 2020).
On peut constater le peu de tests effectués en 2 mois et demi compte tenu des capacités techniques qui sont sur place. De même la problématique des cas communautaires est posée. Non seulement ils sont nombreux mais ils prennent le temps d’évoluer spontanément jusqu’à l’exitus, laissant derrière eux une trainée de contacts qui se révèleront dans la majorité des cas, communautaires s’ils tombent malades.
Autrement ils peuvent rester porteurs asymptomatiques ou sains pouvant à leur tour contaminer un nombre élevés d’autre contacts. Et ainsi se crée un cercle vicieux portant la maladie à l’endémicité si la chaine de transmission n’est pas rompue. Ceci expliquerait la montée en flèche des cas positifs depuis le 15 Avril.
Au Point de vue riposte santé Covid-19, le CNGE depuis Janvier 2020 est monté au créneau progressivement en mettant en place les outils de base de sa stratégie : formation, information, système d’alerte, création de centres de traitement, diagnostic des cas symptomatique, traitement, recherche de contacts et quarantaine à l’hôtel.
La prévention est axée sur les gestes barrières individuelles sans le port de masque au début. L’état d’urgence est décrété par le chef de l’Etat le 23 Mars assorti d’un couvre-feu et une limitation de la circulation interurbaine. Cette décision a été la première mesure barrière collective qui a été d’une grande utilité avant de connaitre des impairs qui nous ont valu une extension notoire de l’épidémie (Jakartas, route secondaires). Le port de masque rendu obligatoire le 17 mars est venu renforcer la prévention par les mesures barrières individuelles et collectives.
L’une des meilleures décisions dans la lutte contre le coronavirus qui semble bien suivie par les Sénégalais. Mais elle est mal encadrée et l’état ne s’est pas assez impliqué en mettant en place assez de masques et des circuits de distribution officiels à la hauteur de l’importance que le masque revêt dans la prévention du Covid-19 et dans l’ouverture de l’espace publique, les entreprises , la circulation ; la reprise sécurisée des activités économiques, du culte en public et bientôt de l’éducation nationale. Les besoins sont énormes et la force Covid-19 devrait s’y atteler fermement d’autant plus que nous sommes appelés à cohabiter avec le virus au moins jusqu’en septembre 2020, selon les meilleures projections du moment.
La stratégie de riposte qui a évoluée depuis le 4 mai vers la prise en charge extrahospitalière des cas asymptomatiques et simples devra intégrer les nouvelles mesures issues de l’allocution du chef de l’état du 11 Mai et totalement imprévues à ce stade dans le dispositif et le déploiement de la riposte covid-19. En levant brusquement les freins d’un ensemble non négligeable de restrictions, la résultante sur l’épidémie (en bien et en mal) ne tardera pas à se manifester dans les jours à venir.
Cependant une chose intrigue. Et cela fait partie des zones d’opacités de la prise en charge du covid-19 par le ministère de la santé et ses équipes techniques. C’est la réalisation des tests de dépistage. Il apparait avec moins de 33 000 tests réalisés en 78 jours, que l’activité tests-dépistage qui devait vite ratisser large pour circonscrire la maladie n’a pas du tout fonctionné comme il se devait. Ce dysfonctionnement est encore plus préjudiciable dans la phase communautaire de la maladie où il n’est plus permis d’attendre que des cas se manifestent pour les diagnostiquer. Il faut aller chercher le coronavirus là où il est. Tout le reste est un faire-semblant. Plus tôt seront réalisés le diagnostic et la prise en charge, moins seront notés de cas graves et de morts. Plus le diagnostic sera retardé, plus il y aura de cas graves et de morts.
Nous avons une énorme chance. Le Sénégal est l’un des pays d’Afrique subsaharienne les plus nantis dans le domaine des laboratoires avec des praticiens aguerris qui ne demandent qu’à être mobilisés. Et la force Covid a suffisamment d’argent pour s’occuper du volet maladie qui détermine la suite sur tout le reste. En plus de l’Institut Pasteur (qui a le quasi-monopole des tests), l’IRESSEF du Professeur Mboup, l’IRD avec le Dr Sokhna grand Collaborateur du Pr Raoul, près de 40 Laboratoires qui maîtrisent le RT PCR qui est la technique de référence pour le diagnostic du Sarscov2 ou Covid19 sont disponibles au Sénégal.
Avec cette escadrille, sans même parler des tests rapides sérologiques qui pourraient rendre de grands services dans le dépistage et le suivi en temps réel, aussi bien à Dakar et que dans les régions, on peut au moins réaliser plus de 4000 tests par jour au Sénégal et cela de façon, plus rapide et plus fiable que ce qui se passe actuellement. Le monopole de Pasteur qui ne se justifie plus actuellement ralentit de toute évidence le dépistage et devient même du fait de la surcharge moins fiable que quand il n’y avait que quelques dizaines de cas à traiter par jour répartis sur des zones peu distinctes.
Avec l’augmentation des cas contacts, la couverture idoine des besoins de diagnostic et de suivi du Covid devient plus lourde et impose une autre approche d’autant que les délais moyens de rendu actuels des résultats culminent à 48H de l’avis des praticiens de terrain. A cela s’ajoute l’impérieuse nécessité de développer et d’aguerrir l’expertise nationale en pareilles circonstances. Il faut que les milliards de la force Covid servent à la réelle lutte contre la maladie.
Compte tenu des difficultés d'approvisionnement actuelles au niveau international concernant les réactifs, il faudrait, dans le cadre d'une bonne anticipation, procéder à des commandes massives en privilégiant les équipements les plus représentés au niveau de nos laboratoires.
Globalement c’est un déficit : de dépistage, de catégorisation des patients et d’une prise en charge adéquate neutralisant la stigmatisation et les diverses craintes qui semble lourdement plomber le système. La dissimulation des contacts par leurs proches ou de leur propre chef, est liée d’une part à la stigmatisation qui n’est pas le seul fait du voisinage mais aussi des méthodes , de désinfection, d’abords et de ramassage très exposantes du CNGE sans compter la gestion traumatisante des décédés qui ne se justifie nullement d’après certaines indiscrétions.
Les réticences à la quarantaine avec toutes ses contraintes amènent d’autre part, les gens à se terrer chez eux quitte pour certains, à compliquer leur état avant de se manifester ou en mourir, si la guérison spontanée ne survient pas comme dans la majorité des cas de Covid-19. Les patients asymptomatiques eux, ont toute la latitude de contaminer d’autres contacts. C’est ce phénomène largement répandu qui constitue le réservoir des cas toxiques dit communautaires qui polluent le système et attisent l’épidémie par des contacts de plusieurs rangs. C’est là qu’il faut placer, au sens le plus péjoratif de la contamination, le rôle des cas extrêmes de décès communautaires.
La Prise en charge communautaire peut-elle être la solution du covid-19 au Sénégal
La prévention et le dépistage des cas de contamination communautaires devraient être la règle comme dans toute lutte contre les épidémies. La carte des contagions en cours [3] est jusqu’ici superposable à celle de la densité de la population [4] et permet de voir où le maximum d’effort devrait être déployé pour dépister et traiter ; mais aussi là où le maximum d’effort devrait être consenti pour barrer la route à l’entrée de la maladie.
Au stade actuel de l’épidémie du Covid-19 c’est essentiellement les cas communautaires et leurs contacts difficiles à cerner qu’il faut essayer de mieux maîtriser. Vu tout ce qui été évoqué plus-haut un véritable changement de stratégie doit s’appliquer. Elle peut être appelée prise en charge communautaire du coronavirus covid-19. La prise en charge communautaires peut être encore appelée prise en charge par confinement encadré et assisté à domicile. Une gestion mixte, médicale et sociale du Coronavirus qui tournera toujours au tour des deux axes majeurs qui conditionnent tout le reste :
Le diagnostic et la prise en charge précoce d’une part ; La prévention de la contamination par le dépistage et l’application des mesures barrières d’autre part. Ce changement stratégique prend à la fois en compte la saturation des capacités en lits des centres de traitement annoncée depuis le 3 Mai et la prise en charge extrahospitalière du Covid-19. Les hôpitaux moins sollicités libéreront plus de places pour les cas symptomatiques, les vrais malades du Covid-19.
La gestion communautaire du Coronavirus sera basée sur des modèles de communautés dictés par la localisation des cas à prendre en charge formant une unité territoriale ou cluster. Elle commence par l’application du premier axe évoqué au-dessus : une bonne identification et un classement des patients et leurs contacts après les tests diagnostiques (de proximité), en plusieurs catégories, et leur traitement suivant les protocoles en cours dont le but est de réduire la charge virale et raccourcir le temps de guérison en évitant les complications.
Le deuxième axe fera suite ou sera concomitant. Le dépistage des cas communautaires se fera d’abord par l’endiguement de la dissimulation, l’amélioration de l’identification de tous les cas contacts d’un cas positif et la récupération des cas fuyant la quarantaine à l’hôtel ou dans les centres de traitement extrahospitaliers. En plus des moyens de laboratoires, le dépistage sera potentialisé par l’approche communautaire, mais aussi par des outils non invasifs comme l’Oxymétrie du pouls couplée au Thermoflash, pour l’évaluation massive des sujets à risques.
La ressource humaine pour accompagner cette mesure est disponible et les territoires à cibler en urgence sont les grands foyers ou Clusters bien identifiés comme la région de Dakar, les villes de Thiès et Touba et partout où le besoin sera identifié. Le classement des cas est important dans la prise en charge et peut revêtir un format en six classes P1 à P6 (P1 : Patient positif symptomatique grave, P2 : Patient positif symptomatique modérée, P3 : Patient positif asymptomatique à risques, P4 : Patient positif asymptomatique sans risques, P5 : Patient contact négatif à risque, P6 : Patient contact négatif sans risque).
Considérant que le cas positif communautaire est un cas contact (ou contact d’un contact) méconnu devenu positif il sera identifié ainsi que ses contacts de premier ou deuxième rang et classé de la même sorte.
Les patients classés P1, P2, P3 seront hospitalisés et traités dans une structure médicale à proximité d’une réanimation. Les patients classés P4 seront suivis et traités à domicile. Les patients classés P5 et P6 seront suivis sans traitement à domicile
Les moyens d’accompagnement de la stratégie communautaire
Le prise en charge communautaire ou le confinement à domicile sera assorti d’une surveillance médicale et d’une assistance sociale encadrée par les autorités (centrales et ou décentralisées) de même que le voisinage ou les comités de quartier. Ceux qui sont autonomes qui peuvent se prendre en charge en confinement (habituellement en famille) recevront gratuitement tout ce qu’il leur faut pour vivre chez eux (rations de denrées alimentaires de base) et régulièrement des unités mobiles passeront leur fournir le reste (pain et légume ou autres nécessités). Ceux qui ne sont pas autonomes parce qu’ils habitent seuls par exemple seront assistés pour leurs nourritures.
En plus tout ce que les autorités pourront ajouter dans le kit (facture d’eau et d’électricité pour un mois etc.. .) servira de moyens de fidélisation ou d’adhésion à cette politique. Ce type de confinement qui peut concerner de vastes zones, tout un quartier, tout un village est susceptible d’être plus facilement accepté par les populations qui n’auront plus à se révolter contre les forces de l’ordre qui peuvent dans certaines conditions être rapidement excédés entrainant des réactions parfois difficilement contrôlables (Cas du village Thor à Diender). Il faudrait absolument dans ce cas veiller à ce que les moyens annoncés arrivent à suffisance au niveau des différents comités de lutte et équipes d’intervention, ce qui est loin d’être la cas actuellement.
Ainsi les forces de l’ordre et les comités de sécurité communautaires en place, s’occuperont de la sécurité des confinés; des entrées et sorties nécessaires dans ces zones confinées; Convaincre les concernés de la nécessité de jouer le jeu pour leur bien et celui de toute la nation qui vient en soutien s’occuper d’eux pendant ces moments exceptionnels. Il faut tout faire pour éviter les conflits (communiquer, dialoguer, convaincre, encourager en utilisant les médiateurs sociaux), dédramatiser l’affection ou le risque supposé et rester ferme avec les contacts non positifs pendant la période d’observation.
Les traitements nécessaires et les mesures barrières resteront de rigueur. Tant qu’il y aura des contacts méconnus ou dissimulés, la transmission communautaire ne sera pas enrayée et sans mesures appropriées il sera impossible de rompre le cycle de transmission communautaire. Les positifs secondaires et les asymptomatiques devenus symptomatiques ou qui s’aggravent seront extraits du confinement à domicile pour une hospitalisation.
Le confinement et le suivi à domicile de cas simples contacts ou asymptomatiques, coûtent moins cher que leur hospitalisation ou la quarantaine hôtelière. Avec une journée d’hôtel ou d’hospitalisation une famille de 10 personnes peut être prise en charge à domicile pour au moins deux jours.
Conclusions
Voilà en quoi la nouvelle adaptation de la stratégie pourrait consister. Les cas communautaires, cas contacts méconnus, non diagnostiqués découlent du déficit de tests et d’identification de tous les cas contacts d’un cas positif, très souvent de la dissimulation à cause de la stigmatisation ou pour fuir la quarantaine hors domicile, pour continuer à jouir de sa liberté. Le contrôle effectif de la maladie surviendra quand ces cas communautaires seront incontestablement maîtrisés. En ce moment-là, l’évolution de l’épidémie permettra d’avoir une meilleure emprise sur les cas sporadiques avec qui on pourra vivre sans plus s’inquiéter car entre temps on aura bien appris et collectivement bien assimilé.
Dans la stratégie communautaire il faut surveiller et avertir tous, des sanctions qu’ils pourraient encourir en cas de propagation délibérée de la maladie. Il est évident que la sanction est aussi un élément dissuasif dans ce genre de rapport. On ne peut pas mettre non plus de l’ordre sans informer, former ou dialoguer avec la population. C’est-à-dire communiquer. Il faut rester équitable, compréhensif mais ferme. Avec cette approche il sera donné plus de chance au CNGE de maîtriser la contamination, le flux hospitalier et la prise en charge des cas graves, sans mettre hors service les structures de santé dont la fonction ne doit plus être focalisée sur la gestion du Covid -19.
NON, MADAGASCAR N'A PAS CLAQUÉ LA PORTE DE L'OMS
Une publication attribuée au président malgache, Andry Rajoelina, rapporte que l’Ile rouge a quitté les organisations internationales. Il s’agit d’une fausse information
Madagascar n’a pas quitté l’Organisation mondiale de la santé (OMS), contrairement à ce qu’affirme une publication, devenue virale, sur Facebook. En toile de fond, les débats sur le Covid-Organics, le remède national au Covid-19, préparation contenant de l’artémisinine,que l’OMS refuse de reconnaître comme traitement.
« J’ai un regret amer envers les européens, les européens ont créé des organisations pour que les africains soient éternellement dépendant de l’Europe j’affirme, l’Afrique a trouvée un médicament contre coronavirus mais les européens pensent qu’ils ont le monopole de l’intelligence ils essaient de refuser nôtre médicament. »
La suite du message, qui dit citer le chef de l’Etat malgache, invite les pays africains à « quitter passifiquement [sic] toutes les organisations mondiale des européens ». La publication se conclut notamment par : « mon pays Madagascar quitte ce soir toutes organisations ».
POURQUOI C’EST FAUX
Aucune déclaration de ce type n’apparaît sur le site officiel de la présidence de Magagascar. Une rapide recherche sur Google concernant cette dernière phrase montre que ces propos n’ont jamais été tenus. Les fautes d’orthographe trahissent un faux très artisanal.
Après que la Chancellerie a ordonné la reprise des audiences publiques dans les Cours et tribunaux, l’Union des magistrats sénégalais (Ums) a émis quelques réserves, en évoquant le niveau de propagation du coronavirus.
Après que la Chancellerie a ordonné la reprise des audiences publiques dans les Cours et tribunaux, l’Union des magistrats sénégalais (Ums) a émis quelques réserves, en évoquant le niveau de propagation du coronavirus. Elle demandé aux chefs de juridiction de définir les mesures de redémarrage pour assurer la sécurité du personnel judiciaire et des justiciables.
Dans la fièvre de la levée des mesures restrictives décidées par le chef de l’Etat, nonobstant le rythme encore élevé de la propagation, le ministre de la Justice avait demandé la reprise des audiences au niveau des Cours et tribunaux. Cette décision ne semble pas trop emballer l’Union des magistrats sénégalais (Ums) qui veut préserver la sécurité sanitaire de ses membres.
Lors de sa rencontre du samedi, elle a émis certaines conditionnalités préalables à la reprise des audiences publiques qui risquent de provoquer un afflux de personnes dans les Tribunaux. «Dans la perspective de la reprise prochaine des audiences publiques des Cours et tribunaux, le bureau de l’Ums, qui s’est réuni ce samedi 16 mai 2020 pour évaluer la situation, a défini sa stratégie, tout en admettant que la question du Covid-19 demeure préoccupante compte tenu de la courbe ascendante des cas de contamination, en particulier de ceux dits communautaires, qui incitent à la plus grande prudence.»
Elle dit : «Aussi, même s’il a conscience qu’il faut assurer la continuité du service public de la justice, le bureau exhorte les chefs de juridiction à privilégier la sécurité, aussi bien du personnel judiciaire que des justiciables, et à veiller à ce que les conditions d’une bonne reprise soient réunies avant le redémarrage des audiences.»
Face à la situation actuelle qui demeure périlleuse avec cette hausse des cas, l’Ums «va adresser un courrier au ministre de la Justice, demandant la fourniture aux juridictions de moyens de protection adéquats, notamment des masques, du gel hydro-alcoolique et des thermomètres frontaux en plus d’une désinfection des salles d’audience». En plus, le bureau «recommande aux chefs de chaque juridiction de définir les mesures particulières pour la tenue des audiences ou les interactions avec les justiciables, notamment les conditions d’accès aux salles d’audience ou la distanciation physique».
Il faut savoir qu’au lendemain de l’assouplissement des mesures restrictives, la Chancellerie s’était empressée de saisir les chefs de juridiction pour la reprise effective des audiences à travers le pays. Cette reprise était escortée de mesures barrières comme «effectuer des tests sur toute personne qui voudrait accéder dans les locaux d’une juridiction, et des gels hydroalcooliques», la limitation de l’accès aux salles d’audience pour faire respecter la distanciation sociale.
En plus, le port des masques autant chez le personnel judiciaire que chez les justiciables est obligatoire dans les locaux des Cours et tribunaux. Avec l’apparition du Covid-19, les audiences étaient quasiment limitées aux flagrants délits et les mandats de dépôt étaient limités conformément aux recommandations faites aux procureurs.
UN PSE POST-CORONAVIRUS EN GESTATION
Ce plan ‘’sera bâti sur les acquis positifs’’ du Programme de résilience économique et sociale lancé début avril par le président de la République pour atténuer les effets de la pandémie, selon le ministre de l’Economie, Amadou Hott
Depuis le début de la crise de la Covid-19, les Sénégalais ont découvert un Amadou Hott réactif et combatif. Le ministre de l’Economie, du Plan et de la Coopération est en première ligne pour expliquer l’impact de la pandémie sur l’économie sénégalaise et pour coordonner le Programme de résilience économique et social (Pres) concocté par le gouvernement dans le but d’amoindrir les conséquences de la pandémie. Dans cet entretien, il fait le point sur la réponse gouvernementale et dessine les grandes lignes du plan de relance économique sur lequel travaille actuellement son département.
Est-ce que les mesures annoncées dans le Programme de résilience économique et sociale (Pres) ne sont pas trop conjoncturelles pour contenir les effets de la Covid-19 et assurer une relance de l’activité ?
La pandémie de la Covid-19 a donné lieu à une crise économique, financière et sociale sans précédent à l’échelle mondiale. Tous les pays se sont mobilisés pour atténuer dans un premier temps ce tsunami. Cette situation a justifié tous ces plans d’urgence constatés à travers le monde selon les moyens de chaque État. Notre pays n’a pas été en reste. En effet, face à l’impérieuse nécessité de prendre en urgence des mesures d’atténuation des effets de la crise de Covid-19, le gouvernement a mis en place un Programme de résilience économique et sociale (Pres) pour apporter la riposte à la pandémie. Le Pres est décliné en quatre piliers : renforcement du secteur de la santé ; renforcement de la résilience sociale des populations incluant la diaspora ; préservation de la stabilité macroéconomique et financière par le soutien au secteur privé et le maintien des emplois ; et un approvisionnement régulier du pays en hydrocarbures, produits médicaux, pharmaceutiques et denrées de première nécessité.
Comme vous l’avez constaté, le Pres vise à aider les entreprises à faire face à la crise et à préparer l’après-crise. C’est pour cette raison que le gouvernement travaille sur un plan plus global de relance qui sera bâti notamment sur les acquis positifs du Pres et de la première phase de mise en œuvre du Pse ainsi que des enseignements tirés de la crise et de la situation réelle des secteurs.
Nous sommes également conscients que pour que la relance attendue soit au rendez-vous, il est important de s’assurer que les branches à fort potentiel de création de richesses et d’emplois sont bien prises en compte. C’est la raison pour laquelle, mes services travaillent actuellement sur les évaluations des secteurs d’activité et l’ajustement du Plan d’actions prioritaires de la phase II du Pse. En un mot, un Pse post-Covid-19 est en gestation. Il s’agit, en effet, de revisiter les objectifs stratégiques et les résultats attendus de la phase II du Pse afin de renforcer la souveraineté sanitaire et alimentaire ainsi que l’industrialisation. Ces initiatives démontrent, au-delà du contexte actuel assez particulier, une volonté et un engagement sans faille du Président Macky Sall et de l’ensemble du gouvernement à relancer notre économie.
Sur quels leviers précis l’Etat compte-t-il s’appuyer pour assurer une reprise de l’économie ?
Il est évident que s’il y a une leçon à retenir de cette crise, c’est qu’il faut d’abord compter sur soi-même. Il faut qu’on accélère la correction de certaines tendances de notre économie, notamment notre dépendance vis-à-vis de l’extérieur en produisant davantage et en consommant nos produits et construire des bases solides pour exporter. Il s’agit d’encourager les mesures et les initiatives qui mettront en œuvre de nouvelles façons de produire et de consommer à petite et à grande échelles. Au-delà de la promotion du consommer local, il urge de travailler à l’avènement d’une véritable souveraineté alimentaire et sanitaire du pays. Dans les mois à venir, le Pse post-Covid-19, comme je viens de l’indiquer, posera les jalons d’un modèle économique qui privilégiera la souveraineté alimentaire, la redynamisation de l’industrialisation dans des domaines stratégiques tels que la pharmacie, le renforcement du capital humain (protection sociale, éducation et santé) ainsi que le développement du numérique et des infrastructures logistiques.
La transformation structurelle enclenchée durant la première phase de mise en œuvre du Pse sera accélérée. Il est devenu plus que nécessaire de poursuivre les réformes dans la conduite des politiques publiques. Il s’agira de remettre notre économie sur la trajectoire de la phase I du Pse et d’atteindre rapidement l’émergence socioéconomique. Cette démarche nous permettra de garantir la cohésion sociale de notre pays. En plus de ses investissements propres, l’Etat nouera plus de partenariats avec le secteur privé et mettra en place des mécanismes pour un meilleur accès des entreprises au financement.
Certains économistes reprochent à l’Etat de n’avoir pas donné les vraies projections sur le taux de croissance attendu en 2020 ; ils évoquent plutôt une récession. Qu’en est-il exactement ?
Je pense que le temps n’est pas à des polémiques ou à une contestation de chiffres. L’heure est grave. Et beaucoup de nos compatriotes souffrent. Le calcul des agrégats macroéconomiques est fait par des techniciens qui ont du métier. Ils sont des agents assermentés et soucieux de respecter la loi et la déontologie. Par ailleurs, je dois rappeler que notre pays a adhéré à la Norme spéciale de diffusion des données (Nsdd) du Fmi, devenant ainsi le 4ème pays de l’Afrique subsaharienne. Cette adhésion est la preuve d’une amélioration de la qualité des données, de l’élargissement des champs couverts et de la réduction des délais de diffusion ; tout ceci incombe de notre part une obligation de transparence. Et c’est sur la base du Pres qui est bâti à partir de ce cadrage macroéconomique que nous discutons avec les partenaires pour mobiliser les ressources. L’exercice de prévision économique nécessite de la rigueur et de la pondération. Se projeter demande une collecte et un suivi périodique d’informations, aux niveaux interne et international, pour mieux apprécier l’avenir. A titre illustratif, il convient de noter que chaque mois, un document dénommé « point de conjoncture » est produit pour apprécier la situation économique et financière du pays. Je dois dire que nos prévisions de croissance du fait de la crise ne sont pas éloignées de celles du Fmi qui a prévu un taux de croissance de 3 % pour 2020 pour le Sénégal. Evidemment, si les hypothèses et les informations pour les mois à venir changent, les prévisions seront modifiées.
Quel devrait être l’apport de la Bceao dans la lutte contre les effets de la Covid-19 sur l’économie nationale ?
La Banque Centrale a bien appréhendé à sa juste valeur les enjeux socioéconomiques liés à la pandémie de la Covid-19. Elle est en train de jouer parfaitement son rôle en assurant la liquidité du marché bancaire. Elle a pris à ce titre un ensemble de mesures d’accompagnement du système bancaire et aménagé les conditions d’accès au refinancement en intégrant de nouvelles entreprises. Les entreprises sont également concernées par les mesures avec des possibilités de report d’échéances. D’ailleurs, la Banque centrale a publié un communiqué qui précise les modalités de report d’échéances. Ces reports d’échéances s’adressent également aux clients des Systèmes financiers décentralisés (Sfd). La Bceao a également créé pour les Trésors publics un guichet Covid-19 qui permet aux Etats membres de l’Union d’émettre des titres Covid-19 pour lever rapidement des ressources afin de pouvoir faire face aux dépenses urgentes liées à la pandémie. Le plus important, c’est la disponibilité affichée par la Bceao à examiner toutes les difficultés auxquelles les banques seraient confrontées durant cette crise dans l’exercice de leur rôle de soutien de l’activité économique.
LE COVID-19 FAIT UN NOUVEAU MORT
Le ministère de la Santé a signalé ce lundi un nouveau cas de décès lié coronavirus, portant à 27 le nombre de personnes ayant succombé à la maladie depuis son apparition au Sénégal, le 2 mars
Le ministère de la Santé a signalé ce lundi un nouveau cas de décès lié au Covid-19, portant à 27 le nombre de personnes ayant succombé à la maladie depuis son apparition au Sénégal, le 2 mars.
‘’Le Sénégal vient d’enregistrer son 27e cas de décès lié au Covid-19. Il s’agit d’une femme de 65 ans. Elle est décédée ce lundi à 10h 30 à l’hôpital Principal de Dakar’’, indique le ministère dans un communiqué.
Le Sénégal a enregistré son premier décès lié au nouveau coronavirus le 31 mars, en la personne de Pape Diouf, ancien président de l’Olympique de Marseille.
A la date du 18 mai 2020, le pays a officiellement dénombré 2544 cas de coronavirus dont 1076 guérisons, 27 décès et une évacuation d’un patient à son pays d’origine, selon les autorités sanitaires.
par Mohamed M. Ould Mohamed Salah
CE QUE LA CRISE NOUS DIT DES PARADOXES DU MONDE GLOBALISÉ
Comment en est-on venu à la situation où il va falloir injecter des milliers de milliards de dollars pour espérer juguler une crise que l’on aurait pu mieux traiter, si l’on avait pas coupé dans les crédits affectés à la santé ?
Apanews |
Mohamed Mahmoud Ould Mohamed Salah |
Publication 18/05/2020
Des prescriptions sur les « gestes barrières » (lavage régulier des mains, distanciation sociale…) au confinement partiel assorti d’un couvre-feu, nous vivons au rythme des contraintes de la « guerre » imposée par un ennemi invisible, sournois, envahissant, qui tue, massivement, tout en s’insinuant dans la vie de ceux que le jeu de la roulette russe dans lequel il excelle, aura épargnés.
Plus de trois mois après sa première apparition dans la ville de Wuhan, en République Populaire de Chine, ce capricieux virus n’a pas encore livré tous ses mystères. Et personne ne peut dire quand et dans quel état le monde sortira de la crise multidimensionnelle qu’il a provoquée.
Pour nous autres Africains, l’incertitude est d’autant plus grande que l’OMS vient d’avertir que le pire est devant nous, ajoutant à l’angoisse délétère que nourrit un climat de fin imminente du monde.
Dans ce contexte propice à la résurgence de prédictions eschatologiques, que peut-on faire de mieux que prier et respecter les consignes commandant de ne pas s’exposer et de ne pas exposer autrui au danger ? Observer les prescriptions des autorités sanitaires devient pour chacun l'unique moyen de compenser son impuissance individuelle et de participer à la lutte contre la propagation du virus dans un pays où la guerre contre le Mal ne peut être gagnée que par la prévention, le système sanitaire étant dans l’incapacité de faire face à une explosion du nombre de cas nécessitant une prise en charge hospitalière. Civisme minimal et réalisme vont ici de pair.
‘’Risque mondialisé’’ avéré
Comme partout, ailleurs, nous sommes en guerre et, comme partout, on ne peut d’abord compter que sur nous-mêmes car l’une des leçons paradoxales de cette crise est qu’en dépit du caractère global du Mal, les réponses apportées ont été et sont restées, en particulier sur le terrain sanitaire, des réponses nationales, dépendantes par conséquent de l’état du système sanitaire de chaque pays, de la qualité et de l’engagement de son personnel soignant, du sens des responsabilités et du civisme de ses concitoyens, de la résilience individuelle et collective de ses populations et de l’organisation et de l’efficacité de son système de gouvernement.
Bref, c’est toujours, en premier lieu, l’Etat-Nation qui est sommé de trouver la riposte appropriée à une crise, quelles qu’en soient l’origine et l’ampleur, dès lors qu’elle frappe les personnes se trouvant sur son territoire.
Mais où sont donc passés la mondialisation et la myriade d’organisations, d’institutions, d’acteurs et de règles qui en ont assuré la promotion et la diffusion ? Pourquoi, face à un « Risque mondialisé », avéré, ne peut-on encore concevoir une réponse globalisée, immédiate ? D’autres interrogations surgissent dans le sillage de ce premier questionnement. Pourquoi les enjeux sanitaires, si essentiels dans la mesure où ils touchent directement à la vie des personnes, n’ont-ils pas été suffisamment pris en compte en temps de paix, y compris dans les pays surdéveloppés ? Comment en est-on venu à la situation où il va falloir injecter des milliers de milliards de dollars – le G20 s’est engagé à injecter 5000 milliards de dollars. Les USA viennent d’adopter un plan de relance économique de 2000 milliards de dollars – pour espérer juguler ou tout simplement atténuer une crise que l’on aurait pu prévenir et que l’on aurait pu mieux traiter, si l’on avait pas coupé dans les crédits affectés à la santé (recherche scientifique, industrie de la santé, personnel hospitalier…) ? Pourquoi dans de grands pays, on peut encore avoir des pénuries de masques, de respirateurs et même de matériels pour effectuer des tests ? Est-ce parce qu’on a suivi de manière rigide et donc bête les préceptes de la doctrine économique dominante proscrivant les déficits budgétaires et imposant à l’Etat de s’en tenir à un rôle de garant des grands équilibres ?
N’a-t-on pas délégué au Marché plus qu’il ne faut, en le laissant envahir des secteurs de l’activité sociale qui ne doivent pas être soumis aux seuls critères de la rationalité marchande, notamment l’éducation, la santé et l’environnement ? Mais surtout, comment repartir sur de nouvelles bases, en tirant de cette pandémie les bonnes leçons ?
Comment en finir avec la schizophrénie qui consiste à proclamer, un peu partout, l’adhésion aux objectifs du développement durable – lequel suppose que la dimension économique soit articulée à la dimension sociale et à la dimension environnementale, et que la satisfaction des besoins des générations actuelles soit compatible avec les droits des générations futures – tout en adoptant, en fait, un modèle de développement dans lequel l’économie marchande et la finance surdéterminent le reste des activités sociales ?
Il n’est pas sûr que ces questions s’imposent en filigrane des débats qui vont dominer la sortie de crise, tant la pression du court terme est forte. Un élément peut cependant jouer favorablement en ce sens, c’est le caractère global de la pandémie.
L’enfant de la mondialisation
Le Covid-19 est à l’origine de la première crise sanitaire globale, dans tous les sens du terme. C’est un enfant de la mondialisation. Il est apparu pour la première fois dans le pays qui a engagé, dans un délai record à l’échelle de l’histoire, la transformation la plus profonde et la plus compréhensive qu’un pays puisse faire pour assurer son décollage économique et devenir, en moins de trois décennies, un pôle majeur de la mondialisation. Au confluent de ce qu’on appelle, aujourd’hui, les chaînes de valeur – expression qui désigne la fragmentation à l’échelle mondiale du processus de fabrication d’un produit, les divers composants de ce produit étant fabriqués par des entités différentes d’un groupe transnational, disséminées dans des pays distincts – la Chine est un acteur central de la globalisation qui, par le jeu des interdépendances entretenues par la nouvelle organisation des firmes transnationales, devient, en même temps, un élément de l’économie de la quasi-totalité des Etats qui comptent.
Frapper l’économie chinoise, c’est frapper l’économie de la plupart des Etats, ce qui explique que les premières inquiétudes des pays non encore touchés par le virus étaient essentiellement d’ordre économique et non sanitaire.
Mais pour assouvir son ambition globale, le Covid-19 se devait d’aller à l’assaut du reste du monde. Il l’a fait en utilisant l’un des vecteurs les plus communs de la mondialisation : voyageant à la vitesse supersonique des avions, il s’est propagé au reste du monde, en commençant par les grands centres de la globalisation.
En début mars, l’OMS annonçait que l’Europe est devenue le nouvel épicentre de la pandémie. Elle l’est toujours en nombre de décès enregistrés. Mais en termes de nombre de personnes infectées, ce sont désormais les Etats-Unis qui ravissent la première place. De fait, aucun continent n’est épargné. L’infection touche aujourd’hui 180 pays. Le Covid-19 remporte ainsi la première manche de son combat pour l'universalité, à savoir, la planétarisation de la crise sanitaire.
Mais cette crise est vite devenue globale, à un autre point de vue. Elle touche désormais à tous les aspects de la vie sociale et, d’abord, au moteur de celle-ci dans les sociétés modernes, à savoir, l’économie. Cela tient moins à l’accroissement des dépenses sanitaires qu’aux conséquences des mesures restrictives qui ralentissent, voire paralysent, l’activité économique, appelant potentiellement des failles en cascade dans la quasi-totalité des secteurs économiques.
La force du « choc » est telle que les principaux acteurs de la mondialisation poussent les Etats à intervenir massivement pour aider les secteurs, les entreprises et les salariés fragilisés et éviter le chaos économique et social qui se profile. L’Union Européenne autorise un allègement des contraintes budgétaires et un assouplissement des règles sur les aides d’Etat, déclenchant le recours à la clause de « circonstances exceptionnelles », se disant même prête à activer la « clause de crise générale » qui permet la suspension du Pacte de stabilité. Les Etats se mettent, chacun, en ordre de marche, pour protéger leur économie et leur population et organiser à leur échelon, la gestion de l’urgence sanitaire devenue économique et sociale. En France, le gouvernement obtient une loi d’habilitation qui lui permet d’adopter 25 ordonnances dans un seul Conseil des ministres. C’est moins le retour à Colbert qu’au droit économique de l’après-guerre et notamment aux fameuses ordonnances de 1945 qui ont servi de base juridique au dirigisme économique jusqu'à leur abrogation, en 1986. Les Etats-Unis adoptent à leur tour un gigantesque Plan de relance économique dont certains éléments renouent avec l’esprit du New Deal de Roosevelt. Le Président Trump va même jusqu’à exhumer le « Defense Production Act », promulgué lors de la guerre de Corée, pour obliger General Motors à fabriquer d’ici un mois cent mille respirateurs.
Cela ne suffit pas à cependant à revigorer durablement les marchés financiers qui donnent la température de l’économie, parce qu’ils savent que tant que la réponse n’est pas globale, la crise ne pourra pas être jugulée.
Traitement médiatique quasi uniformisé
Certes, l’intervention du G20 a été bien accueillie par les diverses places boursières. Mais soufflant le chaud et le froid, celles-ci ont de nouveau été échaudées par l’absence d’accord entre les pays de l’Union Européenne lors du mini-sommet du 27 mars. A vrai dire, compte-tenu de l’interdépendance entre la crise sanitaire et la crise économique, l’issue de la récession économique va également dépendre de la capacité du monde à juguler la pandémie.
Enfin, la crise du Covid-19 est aussi une crise globale, du point de vue de la communication qui s'y rapporte. Elle est l’objet d’un traitement médiatique quasi uniformisé qui en fait le sujet exclusif d’une actualité qui pénètre dans l’intimité de chaque foyer. On y suit tous l’irrésistible extension géographique du confinement, la progression géométrique de l’infection, pays par pays, l’accroissement vertigineux du nombre de personnes décédées, mais aussi les controverses sur la chloroquine et l’arrière-plan, pas toujours rassurant, des polémiques entre savants qu’elle dévoile, ou encore le déficit criant de solidarité entre Etats, y compris au sein d'ensembles régionaux bien intégrés, comme l’Union Européenne, l’Italie ne trouvant aide et assistance que du côté de la Chine ou de Cuba !
Nous sommes informés de manière instantanée et simultanée de l’évolution de cette crise. Et cette globalisation de l’information contrastant avec la fermeture des frontières étatiques et le confinement des populations favorise l’émergence d’une prise de conscience planétaire des périls communs et des enjeux globaux.
On peut raisonnablement espérer que cela ne sera pas sans conséquence sur la redéfinition des règles du jeu au sortir de la crise. Pour certains, celles-ci seraient d’ailleurs déjà écrites. L’ordre mondial qui sortirait de la crise actuelle n’aurait rien à voir avec son prédécesseur. Il scellerait la fin de la mondialisation dont la pandémie du Covid-19 aurait révélé toutes les tares. C’est, me semble-t-il, aller vite en besogne.
Pour savoir quelles règles émergeront de l’après-crise, il faut, d’abord, déterminer quels sont les acteurs qui vont écrire ces règles. On a, à cet égard, comparé la pandémie du Covid-19 à une guerre, en raison de la violence de ses conséquences humaines, économiques et sociales. Et lorsqu’une guerre s’achève, ce sont les vainqueurs qui écrivent les règles transcrivant le nouveau rapport de force. Pour nous en tenir à l’exemple de la seconde guerre mondiale, l’ordre économique international qui en est sorti avait été conçu par les Etats-Unis et leurs alliés anglais, quelques années avant la fin du conflit. Ils avaient alors projeté de mettre en place, une fois le conflit terminé, une organisation des relations économiques internationales avec une triple composante, financière, monétaire et commerciale, inspirée de leurs conceptions libérales.
Les deux premières composantes de cette organisation ont vu le jour, un certain 22 juillet 1944, dans une bourgade du New Hampshire, lorsque, après trois semaines de négociations, les délégations d’une quarantaine de pays signèrent les fameux accords instituant le Fonds Monétaire International (FMI) et la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD). Quant à la troisième, si elle n’a pas été immédiatement au rendez-vous, un ersatz permettant de jeter les bases d’une libéralisation progressive des échanges commerciaux fut trouvé à travers le GATT de 1948 avant que l’OMC, organisation dont l’universalité a été renforcée par l’adhésion de la Chine et de la Russie, ne prenne le relais, en 1995.
Ce sont ces trois organisations, FMI, BIRD, OMC (successeur du GATT), inspirées des idées des vainqueurs de la seconde guerre mondiale et ensuite de la guerre froide (pour l'OMC), qui ont favorisé l’essor et l’extension de la mondialisation économique et la montée des interdépendances. Mais si, au terme d’une guerre interétatique, les vainqueurs comme les vaincus sont facilement identifiables, dans la « guerre contre le coronavirus », les choses sont plus compliquées d’où les limites de la métaphore martiale appliquée à cette pandémie. Tous les Etats risquent d’en sortir affaiblis, ne serait-ce qu’en raison de l’endettement public massif qui en résultera. Certains pensent que la Chine sera mieux lotie car elle serait d’ores et déjà arrivée à stopper la propagation du virus sur son territoire et à reprendre progressivement ses activités et ajoutent que cela favoriserait une remise en cause de la mondialisation. Cette analyse procède cependant d’une erreur d’appréciation sur le positionnement de la Chine par rapport à la mondialisation.
Le ‘’modèle’’ chinois
Lors du Sommet de Davos de 2018, c’est la Chine qui s’est faite le chantre de la mondialisation car c’est elle qui en tire le plus avantage. Elle est pour l’OMC dont elle soutient à fond le Mécanisme de Règlement des différends.
Après s’être illustrée, pendant une certaine période, « dans la contrefaçon », elle a aujourd’hui un intérêt objectif à défendre bec et ongles l’Accord sur la propriété intellectuelle puisqu’elle est devenue le pays dont les entreprises déposent le plus de demandes de brevets. Elle a par ailleurs renforcé sa présence dans les principales instances de gouvernance de la mondialisation (FMI, G20…) et créé, elle-même, ou favorisé la création de nouvelles instances (les « BRICS », regroupant les principaux pays émergents ; la Banque Asiatique pour les infrastructures, créée en 2014, dont la Chine est le premier actionnaire ; la Nouvelle Banque de développement ou Banque des BRICS...) dans le but d’influencer le cours de la mondialisation afin d’y peser plus mais non pour bouleverser le système mondial.
Le chemin emprunté par la République Populaire de Chine depuis la politique d’ouverture initiée par Deng Xiaoping, à partir de 1978, a deux balises : le libéralisme économique et le centralisme démocratique, Adam Smith et Karl Marx, réunis dans un attelage baroque d’une redoutable efficacité que résume bien le slogan : « l’économie socialiste de marché ». Il s’agit d’une voie originale, produit de la rencontre entre l’extraordinaire capacité d’adaptation du système capitaliste et l’instinct de survie d’un Parti Communiste qui, assurément, sait négocier les compromis nécessaires à sa pérennité.
Mais la sagesse de la Chine a été jusqu'ici de ne pas ériger cette expérience inédite qui l’a propulsée dans la cour des pays leaders de la mondialisation en modèle à exporter ou a fortiori à « imposer ».
La Chine s’en tient à la conception classique du droit international qui fonde ce droit uniquement sur le principe de souveraineté de l'Etat et ses corollaires, la liberté pour chaque Etat de choisir son système politique, économique et social et la non-ingérence dans les affaires internes d’un Etat, insistant sur les valeurs de respect mutuel, de coexistence pacifique et repoussant les notions nouvelles promues par le droit international post-guerre froide, comme celle de droit à la démocratie, de devoir d’ingérence ou encore de la responsabilité de protéger.
En somme, oui à la mondialisation économique, non à la mondialisation juridico-politique qu’elle considère, à l’instar de la Fédération de Russie, qui est une alliée mobilisable sur ce terrain-là, un instrument au service de l’hégémonie occidentale. On voit mal en quoi la pandémie du coronavirus pourra affecter cette position stratégique de la Chine.
L’autre acteur, toujours puissant et – pour une décennie au moins, encore- dominant ce sont les Etats-Unis. Contrairement à ce que certaines déclarations du Président Trump ont pu laisser entendre, ce pays ne conteste pas la mondialisation dont il a été la principale locomotive au triple plan économique, juridique et politique. Il entend seulement renégocier les accords conclus avec certains partenaires commerciaux - Chine, Union Européenne, Mexique et Canada ainsi que l’Accord sur l’OMC, en particulier ses dispositions relatives au fonctionnement du Mécanisme de Règlement des différends accusé d'outrepasser ses attributions. On ne sait pas encore quels seront les effets à terme de la pandémie sur l’opinion publique américaine. Il est possible que si la crise se prolonge et que le nombre de décès grimpe de manière significative, la demande politique en faveur d’une protection sociale plus grande finisse par entraîner des modifications durables dans le système juridique et économique.
Le troisième acteur important, c’est l’Union Européenne. Jusqu’à présent, elle a été l’un des soutiens majeurs de la mondialisation.
Elle défend l’OMC même si elle considère que la Chine n’en respecte pas toutes les règles. Elle s’inquiète des fusions et acquisitions réalisées par les entreprises chinoises en Europe mais ne ferme pas son territoire à l’investissement étranger chinois. Elle vient de conclure un Accord commercial global avec le Canada qui permet l’ouverture des frontières économiques et l’intensification des échanges entre les Parties.
Une mondialisation plus humaine
Sa position sur la mondialisation pourrait cependant s’infléchir au sortir de la crise sanitaire inédite qui la frappe, aujourd’hui et dont l’une des conséquences prévisibles est l’accentuation du rejet des politiques libérales par les populations européennes. Cela devrait notamment se traduire par une importance plus grande accordée aux considérations sanitaires et environnementales, non seulement au plan national mais également au plan international où le libre-échange pliera chaque fois que cela s’impose, devant la protection de la santé ou celle de la biosphère.
Pour que cette évolution puisse se concrétiser de manière durable, il faudra probablement renégocier de nombreux accords internationaux, y compris ceux de l’OMC. On pourra alors donner aux mots leur véritable signification et parler de biens publics mondiaux et de mondialisation plus humaine, c’est-à-dire, aussi, plus… équitable. On rappellera à ce propos que le cycle des négociations de l’OMC, lancé, à Doha, deux mois après les attentats qui ont fait basculer les tours jumelles de Manhattan, portait précisément sur un programme de travail désignant « un agenda ambitieux pour une mondialisation équitable ». Parler d’équité, c’est évoquer les déséquilibres criants qui fracturent la société internationale, dont celui lié à la disparité des niveaux de développement.
Sur ce terrain, aussi, la pandémie du coronavirus risque d'entraîner des effets catastrophiques. Dans un continent, comme le nôtre qui, en dépit de la persistance de facteurs inquiétants, a pu renouer avec l’espoir, avec un taux de croissance régulier de l’ordre de 5% et des progrès relatifs mais réels en matière de démocratie, le Covid-19 s’apparente à une malédiction.
Pour conjurer le mauvais sort et éviter que l’Afrique ne sombre dans la régression économique, sociale et politique, il faudra des gestes forts de la Communauté internationale, à son endroit, dont le moindre devra être, comme le propose l’ancien Directeur Général du FMI, Dominique Strauss-Kahn, une initiative comparable au programme « Pays pauvres très endettés de 2005 », conduisant à une annulation massive de la dette des pays les plus pauvres.
S’il y a une bonne leçon à tirer de cette crise qui n’aura épargné personne, c’est que, pour paraphraser Edgar Morin, l’interdépendance sans la solidarité n’a pas de sens.
Contrairement aux nombreuses réflexions qui circulent sur le net, rédigées sous le coup de la colère, par ailleurs parfaitement légitime, suscitée par les dysfonctionnements de la mondialisation, nous ne pensons pas cependant que celle-ci prendra fin avec l'actuelle pandémie. Le Covid-19 n'est pas un militant antimondialiste et la mondialisation ne se réduit pas à la trajectoire libérale qu'elle a empruntée jusqu'ici.
Le monde globalisé dans lequel nous vivons est né de la conjonction de facteurs économiques (la libre circulation des capitaux, des biens, des services et l’interdépendance qui en résulte entre firmes et Etats ou groupes d’Etats), technologiques (aux moyens de transport réduisant les distances se sont ajoutées les nouvelles technologies de l’information qui contractent à la fois l’espace et le temps) et géopolitiques (effondrement du bloc soviétique) qui interagissent, créant un système d’interdépendance généralisée qui survivra au Tsunami provoqué par le coronavirus.
Mais ce monde globalisé n’est pas, tant s’en faut, un monde homogène. Il a peu de boussoles communes et il est travaillé par des contradictions multiples et évolutives. Une victoire générale des partis populistes - de droite ou de gauche- dans l'un des grands centres de la globalisation, comme l'Inion Européenne, aurait des conséquences certaines sur la trajectoire de la mondialisation mais ne la supprimerait pas pour autant.
On terminera cette brève réflexion par une interrogation sur l’impact possible du Covid-19 sur l’une de ces contradictions du monde globalisé, popularisée, ces dernières décennies, par la formule du « conflit des civilisations ». Quoiqu’il soit difficile de faire, à ce propos, la part entre ce qui relève de l’idéologie pure voire de la manipulation politicienne et ce qui relève de la réalité et, quoique l’observation élémentaire montre que beaucoup de conflits récents, présentés comme une illustration du « clash of civilization » sont plus banalement des conflits territoriaux classiques ou des conflits économiques, on ne peut nier que la fin de l’affrontement Est-Ouest a favorisé l’essor et la multiplication des conflits identitaires dans lesquels les facteurs religieux, culturels et civilisationnels au sens large jouent un rôle important. En dépit de la trêve à laquelle elle incite (mais cette incitation vaut pour tous les types de conflits), la pandémie du coronavirus ne devrait pas changer grand-chose à cette situation sauf dans deux cas extrêmes. Le premier est celui d'une victoire des populismes de droite qui exacerberait alors le conflit. Le second - il n'est pas interdit de rêver - concerne le scénario optimiste d'une conversion des esprits au terme de cette redoutable épreuve aux idées d'égalité, de justice et de respect mutuel entre les peuples ouvrant la voie à un nouvel ordre international surmontant au moins provisoirement la contradiction. Le Covid-19 aurait ainsi et malgré lui une vertu pacificatrice. Mais ne serait-il pas irrationnel de placer les espoirs de changement dans les conséquences induites par l'irruption d'un virus serial killer ?
Mohamed Mahmoud Ould Mohamed Salah est Agrégé en droit privé et sciences criminelles (concours d’agrégation français, Paris, février 1989), Professeur à l’Université de Nouakchott (depuis 1989).
BAISSE DE LA FRÉQUENTATION DES CENTRES DE VACCINATION
C’est une conséquence du Covid-19 : au Sénégal certains parents ne veulent plus faire vacciner leurs enfants contre la rougeole, la tuberculose, etc. Elles expliquent vouloir refuser le test sur leurs enfants d’un supposé vaccin par des médecins européens
C’est une conséquence de la pandémie de Covid-19 : certains parents ne veulent plus faire vacciner leurs enfants contre la rougeole, la poliomyélite ou encore la tuberculose. Elles expliquent vouloir refuser le test sur leurs enfants d’un supposé vaccin contre le Covid-19 par des médecins européens. Un refus qui part d’une fausse information largement relayée sur les réseaux sociaux.
Chaque semaine, dans les environs de San Samba en Casamance dans le sud du pays, l’infirmier d’État Rémi Diedhiou part en tournée de vaccination. Ce jour-là, dans le village de Sonkocounda, deux familles refusent de faire vacciner leurs jeunes enfants : « Il y a eu des rumeurs au niveau des réseaux sociaux, où les gens ont dit : non, non, il ne faut pas vacciner les enfants. Parce que si on vaccine les enfants, le vaccin-là, n’est pas un bon vaccin. »
Le soignant doit à présent s’armer d’arguments pour convaincre les familles : « Je leur dis : vous me connaissez, chaque mois, je viens vacciner les enfants. Aujourd’hui, avec la pandémie, vous avez eu ces informations, mais vous devez me croire, parce que si ce n’était pas un bon vaccin, je ne peux pas être là. Dans les familles qui étaient réticentes, il y en a qui ont accepté, mais il y en a d’autres qui n’ont pas accepté, jusqu’à présent, de vacciner les enfants. »
Risque de nouvelles épidémies
Ne pas vacciner les plus jeunes, c’est créer de potentielles nouvelles épidémies, explique le docteur Mamadou Ndiaye, directeur de la prévention au ministère de la Santé : « Je parle de la rougeole, je parle de la fièvre jaune, de la coqueluche et ainsi de suite… Il y a eu des épidémies de ce genre et qui malheureusement ont entraîné des taux de mortalités plus élevés par rapport au Covid-19, en tout cas dans notre contexte actuel. »
Au Sénégal, la vaccination n’est pas obligatoire, mais elle est gratuite et reste très vivement recommandée.
GROGNE DANS LA MAGISTRATURE
Des magistrats râlent dans les chaumières pour exiger la tenue du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) pour faire remplacer le premier président de la Cour suprême à qui l’on prête l’intention de vouloir obtenir un nouveau bail
Ça grogne au temple de Thémis. Des magistrats râlent dans les chaumières pour exiger la tenue du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) pour faire remplacer le premier président de la Cour suprême à qui l’on prête l’intention de vouloir obtenir un nouveau bail, mais aussi pour donner un coup de pouce à des carrières mises entre parenthèses depuis quelques années. En attendant cette réunion que préside le Chef de l’Etat, «L’As» a appris que 16 magistrats sont en lice, mais les noms de Cheikh Tidiane Coulibaly et Demba Kandji sont ceux qui résonnent le plus dans les dédales de la justice pour succéder à l’indéboulonnable Mamadou Badio Camara.
Officiellement Mamadou Badio Camara n’est plus président de la Cour suprême depuis le 8 février, jour de ses 68 ans. Mais en l’absence d’un Conseil supérieur de la magistrature (CSM) qui décide de la carrière des juges, il tient encore son poste. Il est enthousiaste comme au premier jour au point que certains de ses collègues le soupçonnent de manœuvrer pour obtenir un prolongement en vertu des pouvoirs de monarque dévolu au chef de l’Etat par la loi d’habilitation récemment votée pour permettre à Macky Sall de faire face au coronavirus.
En tout état de cause, une telle éventualité risque de faire trembler le temple de Thémis où le moral est désormais très bas pour ceux qui doivent quitter leur poste au bout de 65 ans, et qui rêvent d’être propulsés à la tête d’une juridiction afin d’obtenir 3 ans supplémentaires. Il y a aussi ceux qui veulent changer de cap ou qui sont en poste depuis plus de cinq ans et qui rêvent d’une promotion.
En vertu de l’article 65 de la loi organique numéro 2017- 10 du 17 janvier 2017, seuls le Procureur Général près la Cour Suprême (Cheikh T Coulibaly), les 5 Premiers Présidents des Cours d’appel (Demba KandjDakar, Henry Grégoire DiopThiès, Cheikh Ndiaye-Saint-Louis, Ousmane Kane-Kaolack, Bassirou Sèye-Ziguinchor) et leurs Procureurs Généraux (Lansané DiabyDakar, Cheikh Tidiane DialloThiès, Assane Ndiaye-Ziguinchor, Aly Ciré BaSaint-Louis, Alfouseynou DialloKaolack), les 4 Présidents de chambres de la Cour suprême et enfin du Premier Avocat Général près la Cour Suprême, Youssoupha Mbodj, peuvent trôner à la Cour suprême.
SUCCESSION DE BADIO CAMARA : CHEIKH TIDIANE COULIBALY EN POLE POSITION
D’après nos sources, le frère du porte-parole de la présidence de la République, Cheikh Tidiane Coulibaly, pourrait quitter le parquet général pour devenir le premier président à l’image de Badio Camara qui fut Procureur général pendant que Pape O Sakho était premier Président de la Cour suprême. Il devrait être remplacé par Demba Kandji à son poste.
Juge du siège, il devra flirter avec le parquet pour la première fois de sa carrière. D’aucuns soutiennent cependant que Badio Camara aimerait que son poulain Abdoulaye Ndiaye lui succède. Ce dernier cumule actuellement le poste de Président de chambre et de Secrétaire général de la Cour suprême. Originaire de la région de Fatick comme le chef de l’Etat, Abdoulaye Ndiaye est le frère de Cheikh Ndiaye, président de la Cour d’appel de Saint-Louis qui peut lui-même valablement devenir premier président de la cour suprême et d’Alioune Ndiaye, le président du Tribunal de commerce.
Toujours parmi les potentiels successeurs de Badio Camara, on peut citer l’actuel procureur général de la Cour d’appel de Thiès. Né en 1953, Cheikh Tidiane Diallo est également sur la short list. Son président Henry Grégoire Diop, quoique remplissant les critères, est malade mais aussi boucle ses 68 ans en juin.
Tout compte fait, le choix du premier président devrait entraîner un chamboulement au niveau des cours d’appel avec la possibilité pour certains magistrats à la veille de la retraite de bénéficier d’une rallonge s’ils sont promus procureur général ou premier président de Cour d’appel. A cela s’ajoutent ceux-là qui sont bloqués à la tête de juridictions depuis plus de 5 ans maintenant. Il en est ainsi du procureur de la République de Dakar en poste depuis plus de cinq ans. Serigne Bassirou Guèye devrait être sanctionné positivement pour le travail de titan qu’il abat à la tête du parquet de Dakar.
De même que Demba Traoré qui dirige le parquet de Tamba de main de maître depuis près d’une décennie. Ce ne serait que justice pour eux de devenir procureur général de Cour d’appel et bénéficier de fait de la rallonge de trois ans de l’âge de la retraite controversée de 68 ans. Surtout que d’après nos sources, une fois à la retraite, le magistrat qui démarre avec plus d’un million de salaire se retrouve avec des miettes d’autant que même la fameuse indemnité de judicature de 800 000 détaxés lui sera retirée. C’est d’ailleurs pourquoi de plus en plus, certains juges préfèrent rejoindre le barreau après quelques années de métiers ou l’administration centrale moins rigide et plus avantageuse.