Sur les essais vaccinaux dangereux réalisés sur le sol africain, on note de la part de certains dirigeants du continent leur propension à céder aux sollicitations des firmes internationales, en abdiquant leurs responsabilités pour brader leur souveraineté
C’est le penseur palestino-américain, Edward Saïd, qui, dans une remarquable critique de l’œuvre littéraire d’Albert Camus, parle de l’inconscient colonial, pour qualifier l’auteur, après une analyse fine de sa production littéraire ; disons un colonialiste qui s’ignore ou feignant de ne pas l’être. Pour le bénéfice de cette analyse, nous emprunterons à Saïd ses mots, pour tenter de comprendre globalement ce que les deux scientifiques français ont dit dans les médias de l’Afrique, en parlant d’essais vaccinaux. Signalons tout de même, avant d’avancer dans notre propos que les scientifiques Jean Paul Mira, chef du service de réanimation à l’hôpital Cochin de Paris, et Camille Locht, directeur de recherche à l’Inserm, qui avaient proposé une étude du vaccin Bcg, en Afrique, ont finalement présenté leurs excuses à tous ceux et celles qui ont été heurtés et meurtris par leurs propos tenus sur le plateau de La chaîne continue d’information (LCI) appartenant au groupe TF1. Qu’est-ce que ces deux scientifiques ont réellement dit, justifiant le courroux de tous les êtres dotés de raison ? Afin que nul n’en ignore, on cite leurs propos, je souhaiterais cependant avant mettre en exergue les questions de l’animateur du débat qui est en réalité la source principale du scandale et son aiguillon déterminée.
A mon avis, cet animateur est plus méprisable que ceux qui ont été désignés comme étant les principaux coupables. A ce titre, il devrait être plus accablé que le sont aujourd’hui ses répondants. Ses questions connotées avec une forte arrière-pensée raciste, est celle-ci :« Est-ce qu’on ne devrait pas faire cette étude en Afrique, où il n’y a pas de masques, pas de traitements, pas de réanimation ? » l’interroge Jean-Paul Mira. Le médecin se risque ensuite à une comparaison hasardeuse : « Un peu comme c’est fait d’ailleurs pour certaines études sur le sida. Chez les prostituées, on essaye des choses parce qu’on sait qu’elles sont hautement exposées et qu’elles ne se protègent pas. »
Les mots sont ainsi lâchés, un boulevard s’ouvre pour les répondants qui, je suis sûr, connaissant bien les techniques du métier, ont dû convenir avec le journaliste, lors du briefing préparatoire des entretiens, de poser à l’antenne ces questions méprisables Celles-ci attestent de la hauteur d’esprit singulière de l’interviewer. Réponse des scientifiques : « Vous avez raison, on est d’ailleurs en train de réfléchir à une étude en parallèle en Afrique », lui répond alors Camille Locht. Au même titre que les interviewés, le journaliste doit des excuses.
Bien sûr que oui, pour les excuses ! Mais nous aurions souhaité que de telles paroles ne puissent jamais être prononcées, car ces excuses ne pourront jamais effacer les effets de cette bêtise humaine du reste inexcusable. Cette bêtise, dis-je, n’a pas encore fini de charger les cœurs de profondes et douloureuses marques de blessures. Ayant suivi sur la chaîne de télévision les propos des deux scientifiques parlant d’essais probables d’un vaccin contre le Covid 19 (le BCG) en Afrique, j’ai été choqué, comme beaucoup de citoyens africains. Traumatisé même, tant la désinvolture et le mépris affichés pour la vie des Africains, marqueurs d’un racisme qui s’ignore certainement, ont été caractéristiques de leurs interventions. En considérant le niveau d’études des personnes en cause et les fonctions qu’elles occupent, la révolte n’en était que davantage plus intense.
En prenant cependant un peu de recul, je me suis surpris à vouloir leur trouver quelques excuses pour leur indélicatesse. Sans les absoudre, j’ai été enclin à relativiser cette bêtise que je pense congénitale, car elle est produit d’une histoire coloniale aux séquelles dévastatrices. Ces séquelles sont, en effet, la conséquence d’une sinistre trajectoire historique bâtie autour d’un complexe séculaire de supériorité de race et de civilisation. Malheureusement, c’est presque partout ainsi en Occident, dans le rapport défini ou à définir avec les populations anciennement colonisées.
Au gré de mes infiltrations dans les réseaux sociaux, ce dimanche 5 avril 2020, je suis tombé sur un tweet largement partagé et dont l’auteur est identifié comme étant un capitaine des services sanitaires espagnols qui, face au drame que vit son pays, a pu écrire : « je n’aurai jamais imaginé ce scénario en Espagne, mais plutôt en Afrique ». Malheureusement, hélas pour lui, cela se passe bien chez lui, en Espagne. Pour en revenir aux scientifiques français, j’ai cherché à apaiser un peu la colère qui m’a envahi au moment où j’écoutais leurs interventions sur l’antenne de LCI. A un moment, je me suis dit, heureusement que ces chercheurs n’ont pas de fonctions politiques majeures qui pourraient s’avérer décisives pour assouvir le dessein nourri. Je n’ai pas cependant manqué de m’interroger, quand j’ai lu le vendredi 3 avril 2020, dans le journal Sud quotidien, un article dévoilant et analysant le contenu d’une note diplomatique des fonctionnaires du Quai d’Orsay. Celle-ci est quasiment rédigée, selon les termes qu’en rapporte le journal, dans le même esprit et est également conçue dans une perspective ne déparant pas tellement le fond de la pensée charriée par les propos des deux chercheurs. Il s’agit, dans l’un et l’autre cas, de faire preuve d’un esprit charitable à mettre en œuvre pour sauver les pauvres Africains en péril. Le contenu de la note dévoilé par le journal sonne alors comme en écho aux propos des scientifiques. Même si les contextes et les objets sont différents, les paroles des scientifiques français mises bout en bout avec les écrits prêtés aux fonctionnaires du Quai d’Orsay font penser à la réflexion de l’intellectuel palestino-américain Edward Saïd qui, parlant d’Albert Camus, a écrit :« L’écriture de Camus est animée par une sensibilité coloniale extraordinairement tardive et en fait sans force, qui refait le geste impérial en usant d’un genre, le roman réaliste, dont la grande période en Europe est depuis longtemps passée. (…) ».
En vérité, ce que Edward Saïd identifie chez Camus et l’identifie comme la manifestation l’inconscient colonial, peut être répété concernant beaucoup d’intellectuels et d’officiels occidentaux, dans leur rapport à l’Afrique. Je pense que face à toutes ces déclarations, notes écrites et autres éléments factuels, à partir desquels des comportements pervers et dangereux, ou jugements inconvenants sont portés sur l’Afrique et, qui sont souvent dénoncés par les Africains de tous bords, ne devraient surprendre personne. Cela peut choquer, il est vrai, comme c’est le cas avec les essais vaccinaux envisagés actuellement. Faut-il le rappeler : cela est déjà arrivé par le passé sur le continent. Pas une seule fois d’ailleurs et, les coupables ne sont personne d’autre que les mêmes : les grandes firmes pharmaceutiques occidentales, avec le soutien et l’encouragement de leurs gouvernements. Le Monde diplomatique qui faisait le point sur la question a publié, en juin 2005, un article titré : « L’Afrique, cobaye de Big Pharma ». L’auteur de l’article, Jean Philippe Chippaux, de souligner : « Attirés par la faiblesse des coûts et des contrôles, les laboratoires pharmaceutiques testent leurs produits en Afrique, au mépris de la sécurité des patients.
Face à la multiplication des accidents, certains essais ont dû être interrompus. Ces dérives révèlent comment les industriels du médicament utilisent les populations du Sud pour résoudre les problèmes sanitaires du Nord. En mars 2005, les essais cliniques du Tenofovir, un antiviral utilisé contre le sida, ont été suspendus au Nigeria, en raison de manquements éthiques graves ». Poursuivant son propos le journaliste du Monde diplomatique enfonce le clou en expliquant : « Menées par l’association Family Health International pour le compte du laboratoire américain Gilead Sciences, ces expériences étaient financées par le gouvernement américain et par la Fondation Bill et Melinda Gates. Si elles ont été aussi interrompues au Cameroun (février 2005) et au Cambodge (août 2004) (1), elles se poursuivent en Thaïlande, au Botswana, au Malawi, au Ghana et aux États-Unis.
En août 2001, des dérives semblables ont conduit à l’ouverture d’une action judiciaire. Une trentaine de familles nigérianes ont saisi un tribunal new-yorkais afin de faire condamner le laboratoire américain Pfizer pour le test du Trovan, un antibiotique destiné à lutter contre la méningite. Au cours de cette étude, pratiquée en 1996 pendant une épidémie de méningite, onze enfants sur deux cents avaient trouvé la mort et plusieurs autres avaient gardé de graves séquelles cérébrales ou motrices. » Pourtant, toutes les expérimentations et essais qui ont été déroulés sur le sol africain, l’ont été au mépris des règles de droit interne des États qui l’ont autorisées et en violation flagrante des conventions, protocoles, déclarations et autres instruments de droit international, comme le note Philippe Chippaux qui renseigne : « Plusieurs déclarations internationales complètent et précisent le Code de Nuremberg, notamment celles d’Helsinki en 1964 et de Manille en 1981. La première définit les principes éthiques de la recherche médicale ; la seconde a plus spécialement été conçue pour les études cliniques menées dans les pays en voie de développement. Ces textes insistent, en particulier, sur la compétence des investigateurs, le respect du consentement des participants, la confidentialité et la protection des sujets. Cependant, il s’agit de recommandations qui ne prévoient aucune sanction ».
En dépit des remarques faites sur Albert Camus, à l’appui des travaux de l’intellectuel palestinien, Édouard Saïd, nous revenons à lui, pour dire qu’en définitive, face à cette situation tragique, l’Afrique ne doit s’en prendre qu’à elle-même. Elle est depuis fort longtemps considérée comme acquise l’idée que : les firmes capitalistiques occidentales obnubilées par le profit ne reculeront devant rien pour faire leur business. Ni devant la morale, quelle qu’elle soit, ni devant l’éthique. Dès lors on comprend que pour des raisons de rentabilité économique, et pour des préoccupations de maximisation, à l’extrême même, de leurs profits, la presque totalité des industries qui doivent, aujourd’hui, être en première ligne en France et ailleurs en Europe dans la lutte contre le Covid-19, en fournissant des masques, des gants et autres flacons de solutions hydro alcooliques, respirateurs, aient eu, depuis des années maintenant, à délocaliser en Asie et en Chine, principalement, leurs structures de production. L’Europe peine aussi dans sa lutte face au Covid-19, à cause des ruptures de stocks notées partout sur son sol, concernant tout ce matériel indispensable à son corps médical pour faire face à la pandémie. Face à la pénurie qui n’a épargné aucun pays en Europe, la Tchéquie, toute honte bue, en était arrivée à subtiliser du matériel en transit sur son territoire, avant de tout restituer à sa vraie destinataire, l’Italie. Le matériel qui a été un moment volé avait été convoyé à sa destinataire depuis la Chine.
En reconnaissant les faits, la Tchéquie a tenté de maquiller son forfait, en parlant de méprise. Qu’on ne vienne surtout pas nous parler de complexe de l’émotion, parce que nous nous indignons, à juste titre, des inepties qui sont dites sur nous Africains. Ce complexe ne renvoie à rien du tout, sinon à une rhétorique vide de sens. J’ai lu d’ailleurs à cet effet sur les réseaux sociaux des réflexions qui me dispensent d’épiloguer, outre mesure, sur cette accusation dénuée de tout fondement que l’on oppose souvent aux Africains, à chaque fois qu’ils s’indignent de propos teintés de forts relents racistes sortis par des personnes de l’acabit du professeur Jean Paul Mira et de son acolyte Camille Locht, avec qui il a sévi sur les antennes de la chaîne de télévision française LCI. Vous permettrez que je cite quelques passages de l’une de ses réflexions proposées par un internaute qui a signé son texte sous le nom de Dalaï. Ce dernier écrit avec beaucoup de pertinence des vérités qui, parfois, méritent d’être rappelées à nos amis de l’occident. Dalaï écrit :« Demandez aux français pourquoi ils condamnent toujours le salut nazi ? Ils savent ce que cela rappelle comme charge émotionnelle. N’avons-nous pas le droit de demander un peu d’égards quand on parle de nous ? N’avons-nous pas le droit de demander qu’on nous considère comme des hommes et des femmes, humains nés de femmes, et non comme des singes ? Qui plus que l’Africain se bat aujourd’hui pour être reconnu tel un humain (..) ». L’auteur ne s’arrête pas en si bon chemin, il poursuit son raisonnement en notant avec une égale pertinence dans son propos : « Quand un canal aussi important que la télévision est utilisée pour comparer tout un peuple constitué de plus d’un milliard de personnes à des prostituées, quelle réaction attendez-vous de la part de la jeunesse africaine ? (…) Définitivement, il faut que le reste du monde intègre dans sa conscience que nous sommes des Humains au même titre que tous. C’est à ce seul prix qu’on pourra cesser de nous indigner ». Revenant précisément sur les essais vaccinaux dangereux réalisés sur le sol africain, on note de la part de certains dirigeants du continent leur trop grande propension à céder aux sollicitations des firmes internationales, en abdiquant leurs responsabilités pour brader leur souveraineté nationale. De ce point de vue, nous avons envie d’évoquer Albert Camus. Ce dernier, faisant en août 1944 l’éloge des Français qui s’étaient levés contre l’occupant allemand, a dit : « Un peuple qui veut vivre n’attend pas qu’on lui apporte la liberté. Il la prend ».
Après nos complaintes et plaintes légitimes, face aux propos des scientifiques français, la seule chose qu’il me semble important de faire par nous autres Africains, c’est de savoir tirer la morale politique de cette pensée de Camus ! Un point c’est tout.
LE PATRON DE LA BAD CONTESTÉ PAR DES EMPLOYÉS
« Pour avoir un bon poste, ce n’est plus les compétences qui priment, mais la proximité avec Adesina et ses lieutenants. C’est la triste réalité, confie un ancien cadre. Or c’est une institution qui gère de l’argent public. »
Le Monde Afrique |
Joan Tilouine et Yassin Ciyow |
Publication 05/04/2020
Des employés viennent d’alerter les gouverneurs de la Banque sur des comportements « contraires à l’éthique » et des traitements de faveur au sein de l’institution panafricaine.
Une enquête interne, sensible et gênante, suit son cours à la Banque africaine de développement (BAD). En toute discrétion car elle vise son président, le nigérian Akinwumi Adesina. A la tête, depuis 2015, de la première institution de financement du développement d’Afrique, ce brillant économiste et ancien ministre de l’agriculture du Nigeria (2011-2015) se retrouve accusé par une frange du personnel de favoritisme au profit de proches compatriotes et de comportements « contraires à l’éthique ». Les soupçons portent également sur des cas de « violation du code de conduite » et d’« entrave à l’efficacité (…) affectant la confiance dans l’intégrité » de la Banque.
A l’origine de cette affaire embarrassante, il y a « un groupe de membres du personnel préoccupés » par des pratiques jugées douteuses qu’ils ont recensées avec minutie, dans l’ombre, pour éviter, disent-ils, une « crise institutionnelle ». Soucieux de préserver leur anonymat, ces employés se sont mués en lanceurs d’alerte, comme le permet le code de conduite de la BAD. Le 19 janvier, ils ont déposé plainte et transmis au département de l’intégrité et de la lutte contre la corruption de la Banque un document de onze pages détaillant seize cas d’abus présumés, impliquant parfois directement le président Adesina. Des allégations actuellement « examinées par le conseil des gouverneurs de la BAD », précise le directeur du département des services juridiques, Godfred Awa Eddy Penn, qui s’interdit tout commentaire.
Depuis, ces lanceurs d’alerte déplorent des entraves à l’enquête mais aussi « des tentatives faites pour découvrir nos identités », écrivent-ils dans une lettre adressée en ce début de mois d’avril, cette fois directement aux gouverneurs de la BAD, représentant les 54 pays membres africains et les 26 pays non régionaux (dont la France). « Des membres du personnel proches du président [Adesina] se sont efforcés de saboter toutes les tentatives du comité d’éthique de remplir ses fonctions », soulignent les lanceurs d’alerte dans cette dernière missive. Ce dernier n’a pas souhaité réagir.
« Nigérianiser » la BAD
Dans cette note consultée par Le Monde Afrique, les lanceurs d’alerte commencent par pointer des « traitements de faveur » accordés à des ressortissants du Nigeria, première puissance économique d’Afrique et principal actionnaire de la BAD depuis sa création en 1964. « Alors qu’environ 9 % des nouvelles recrues étaient des Nigérians (ou des binationaux d’origine nigériane), ils représentent environ 25 % des postes de direction nouvellement recrutés », écrivent-ils. Ce qui donne un certain écho aux critiques formulées ces dernières années par des gouverneurs de la BAD mais aussi par certains chefs d’Etat du continent.
Fin 2019, le président tchadien, Idriss Déby, avait écrit à M. Adesina pour exprimer son agacement à ce sujet. L’Ethiopie avait aussi rappelé disposer de candidats pour des postes à responsabilité. « Adesina n’a pas caché sa volonté de “nigérianiser” la BAD en confiant à des compatriotes les postes-clés, mais aussi en accordant plus facilement des lignes de crédit à des entreprises nigérianes de premier plan », dit un ancien cadre proche du président. Un autre dénonce un faux procès : « Proportionnellement à ses parts de capital, le Nigeria [9,33 %] est sous-représenté parmi le personnel de la BAD. A l’inverse, la France [3,7 %] compte de nombreux salariés. »
Des proches du président Adesina ont été désignés à des fonctions stratégiques au sein de cette institution établie à Abidjan qui gère notamment de l’argent public des contribuables africains. Mais ces nominations font fi des règles strictes de recrutement, insistent les lanceurs d’alerte. Ces derniers citent le cas d’un ami de M. Adesina nommé à un poste de direction, pourtant encore occupé par son prédécesseur. Ce qui contraignit la BAD brièvement à régler deux salaires. Un autre, ami d’enfance cette fois, s’est vu octroyer, en 2017, un contrat de 326 000 dollars (environ 300 000 euros) pour sa société de communication nigériane, avant d’être lui-même recruté à la BAD quelques mois plus tard. Pourtant, lors d’un audit interne de l’institution, le contrat avait été signalé comme relevant potentiellement d’un « conflit d’intérêt ».
Vague de départs
Plus récemment, une juriste nigériane réputée pour ses compétences et son entregent fut propulsée fin 2019 à la tête du forum d’investissement qu’organise la BAD. Or cette ancienne dirigeante de la Commission nationale des pensions au Nigeria, avait été limogée deux ans plus tôt par le président Muhammadu Buhari. Elle est depuis visée par des enquêtes des autorités de son pays pour de présumés détournements de fonds publics. « M. Adesina ne pouvait pas ignorer sa situation [judiciaire] lorsqu’il l’a recrutée », écrivent les lanceurs d’alerte dans leur note. Interrogée à ce sujet, la BAD n’a pas souhaité réagir.
Un proche conseiller d’Adesina reconnaît, sous couvert d’anonymat, une forme de « gouvernance verticale parfois perçue comme autoritaire », avant de rappeler que le président « a la liberté politique de choisir des hommes et des femmes en qui il a confiance. C’est comme ça partout ». A 60 ans, M. Adesina va briguer un second mandat cette année et compte bien rester le tout-puissant patron de la BAD qu’il a dynamisée à sa façon, en attirant notamment des capitaux privés. Dans un secteur du développement particulièrement concurrentiel et politique, l’institution reste un acteur incontournable dont le capital passera de 93 à 208 milliards de dollars d’ici à dix ans. « Cette augmentation de capital est sans précédent et Adesina est sans doute le meilleur promoteur que la Banque n’ait jamais eu », explique un diplomate occidental.
Sauf qu’en interne l’ambitieux et séduisant M. Adesina jouit d’une réputation plus nuancée et sa gouvernance est particulièrement contestée. Volontiers « show off », un brin autoritaire dans sa manière de diriger, le patron se montre indifférent aux critiques et à la grogne de ses employés. Il n’a guère semblé s’émouvoir de la récente vague de départs volontaires de certains des meilleurs techniciens de la BAD, las de sa gouvernance et des lubies de sa « cour ». « Pour avoir un bon poste, ce n’est plus les compétences qui priment, mais la proximité avec Adesina et ses lieutenants. C’est la triste réalité, confie un ancien cadre. Or c’est une institution qui gère de l’argent public. »
Mélange des genres
Sur le plan international, M. Adesina est une personnalité reconnue et appréciée, lauréat du Prix Sunhak de la paix 2019, deux après avoir reçu le World Food Prize. Sauf que les 750 000 dollars perçus pour ces deux prix n’ont, selon les lanceurs d’alerte, jamais été reversés dans les caisses de la BAD qui a pourtant réglé les déplacements de sa délégation pour assister aux cérémonies, aux Etats-Unis et en Corée du Sud. Même mélange des genres autour de sa biographie, parue en 2019 : la BAD paie l’auteur chargé du portrait élogieux du président Adesina qui en conserve les droits à titre privé.
Il n’aime rien tant que parler de sa « vision » pour l’agriculture, du développement du continent africain. Plus discrètement, il fait de la politique inhérente à sa fonction. « Il a décomplexé les réserves politiques d’usage et donne l’impression de renvoyer l’ascenseur à ceux qui l’ont porté au pouvoir », observe un ancien cadre, déçu par le président Adesina.
Très proche du chef d’Etat ivoirien Alassane Ouattara, qui l’avait soutenu lors de sa première candidature et a annoncé qu’il l’appuierait à nouveau, le président de la BAD à l’éternel nœud papillon s’affiche volontiers avec les responsables politiques de son pays, le Nigeria. Il s’y rend fréquemment, se mettant en scène avec le chef d’Etat, Muhammadu Buhari, ou avec son vice-président Yemi Osinbajo.
« Traitement de faveur »
D’après les lanceurs d’alerte, les Nigérians ne sont toutefois pas les seuls à bénéficier de « traitements de faveur ». Dans leur document, ils pointent du doigt d’autres recrutements et démissions de hauts cadres intervenus ces dernières années dans des circonstances douteuses. Et les cas sont, là aussi, légion. Ainsi, en 2016, le tout fraîchement nommé directeur des ressources humaines signe un contrat avec une entreprise de recrutement kényane dans laquelle il aurait des parts.
Alors qu’un audit interne est demandé pour faire la lumière sur cette affaire, le président Adesina aurait, selon les lanceurs d’alerte, permis à son collaborateur de démissionner et de jouir d’une « importante indemnité de départ ». Cette même année 2016, un cadre zambien a « attribué frauduleusement », selon un autre audit et une enquête interne, deux contrats d’un montant de 18 millions de dollars à des sociétés russe et américaine. Il a été promu en octobre 2019. « Un cas d’impunité qui laisse perplexe », notent les lanceurs d’alerte. A les lire, ces pratiques n’ont pas vraiment cessé. En janvier 2020, le bureau de l’éthique de la BAD a une nouvelle cheffe nommée grâce à de « petits arrangements entre amis », en dépit de ses erreurs passées. Elle avait accusé son prédécesseur de harcèlement mais sa plainte s’est avérée fausse et « malveillante », selon une enquête interne.
« Le président nomme comme cheffe de l’éthique une personne coupable d’un comportement gravement contraire à l’éthique », constate les lanceurs d’alerte qui se disent mobilisés pour « empêcher la fraude, la corruption ou la mauvaise conduite (…) pour rétablir la confiance dans l’efficacité de la gouvernance de la Banque ». La direction de la BAD assure que ces faits, pour la plupart démontrés par des enquêtes internes passées, sont actuellement « examinés ».
PAR Alioune Blondin Diop
PROPOSITIONS D'UNE STRATÉGIE DE CONFINEMENT ADAPTÉ
EXCLUSIF SENEPLUS - En combinant un confinement draconien ciblé à une politique de dépistage massif des épicentres, les chances de contrôle de l’épidémie nous paraissent plus élevées
La maladie à coronavirus 2019 est apparue en novembre 2019 à Wuhan, une province de Chine centrale. Il s’agit vraisemblablement de la plus grande catastrophe sanitaire aigüe depuis un siècle, avec la grippe dite espagnole (1918-1919) à l’origine de 30 à 50 millions de morts.
L’épicentre de la maladie a d’abord été chinois et asiatique, avant que l’Europe, en particulier le nord de l’Italie, la France puis l’Espagne, ne prennent le relais. Aujourd’hui, l’épicentre de l’épidémie semble se déplacer vers les États-Unis. L’objectif de cette contribution est de réfléchir aux pistes susceptibles d’éviter à l’Afrique de devenir le 4e épicentre de la maladie.
L’épidémie 2019/2020 et les réponses apportées
Au 30 mars 2020, 196 pays et leur territoire avaient été touchés : 750 000 cas cumulés sont mode de transmission de la maladie essentiellement interhumain lié à la proximité et au contact humain mais aussi en tirant une expérience de l’épidémie à SRAS de 2003, les experts ont préconisé d’adopter le confinement comme moyen de rupture de la chaîne de transmission.
Ce confinement généralisé est à l’origine de la fermeture des aéroports, de la fermeture des villes, des quartiers ou de pays, de la restriction de la circulation et du déplacement des humains, de l’auto-confinement à domicile.
Aujourd’hui, plus de 3 milliards d’habitants sur la planète sont confinés
108 500 personnes guéries et 30 000 morts enregistrés.
Dans cet horrible panorama, le continent africain semble pour l’instant épargné avec moins de 3 000 personnes détectées positives au coronavirus.
L’objet de cet article est de procéder à une étude analytique des différents confinements dans le monde,
Il s’agit d’analyser les modes de confinement mis en place depuis le début de l’épidémie, l’étude de leurs limites, de leurs avantages, les modalités de leur application. Le but est de proposer aux autorités communautaires et politiques des pays africains, un modèle de prévention collective qui tiendrait compte de la faiblesse de nos systèmes de santé et qui pourrait nous mettre à l’abri d’une catastrophe humanitaire sans précédent.
L’exemple de Séoul, de Taïwan et de la Chine
La Chine
Elle a adopté une stratégie de confinement draconienne, marquée par des contraintes imposées à la population et des méthodes de coercition et d’obligation de respect des recommandations dignes d’un Etat policier.
Cependant, il se mêlait à cette discipline militaire, une information du public et une campagne massive de sensibilisation ; il a été noté une participation et une adhésion de la population aux consignes de l’Etat. Les proches de toutes les personnes contaminées étaient systématiquement recherchés de façon rigoureuse. Les Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC), en particulier la vidéosurveillance et l’utilisation de leurs cartes bancaires et/ou le bornage de leurs smartphones ont permis de reconstituer et de tracer les déplacements des malades et les éventuels contacts. Cette stratégie a assuré incontestablement le contrôle l’épidémie au bout de 14 semaines.
Notons que la Chine, a complété sa stratégie par une campagne de dépistage massive dans l’épicentre de la maladie.
Enfin, la construction des hôpitaux d’une capacité d’accueil de 1 000 patients en 10 jours a bouclé le cycle de prise en charge et de la riposte.
La Corée du Sud
Ce pays a adopté d’emblée une démarche très tôt massive sur le plan de dépistage avec très peu de confinement ; seule la fermeture des écoles a été décrétée et un isolement ne concernant que les malades et leurs proches. Le pays a mis sur pied une stratégie combinée de tests massifs et de traçage du virus en réduisant le confinement.
L’expérience désastreuse du syndrome respiratoire aiguë sévère (SRAS) en 2003 et du syndrome respiratoire du Moyen-Orient en 2015 (SMERS) a contribué à peaufiner la stratégie basée sur une politique de test massif de dépistage du coronavirus (10 000 tests par jour avec une capacité de 60 000 tests jours).
Le modèle coréen est donc basé sur une préparation importante de la population, la mise sur pied d’un réseau de laboratoires aux normes et un traçage technologique des patients malades et de leurs contacts ; pour ce faire, l’État coréen a utilisé la vidéo surveillance, le bornage de téléphones, les achats par cartes bancaires. Les patients suspects ainsi que leurs contacts se voyaient proposer alors un test. Ainsi, plus de 290 000 tests ont été réalisés sur les personnes qui présentaient des symptômes, et la Corée du Sud est en capacité de réaliser 60 000 tests quotidiens.
Grâce à ce dépistage massif, il devenait plus simple de classer les personnes dépistées en personnes indemnes, en personnes-contacts à surveiller en personnes présentant des formes mineures de la maladie, et en personnes malades sévères relevant d’une unité de soins intensifs de réanimation.
Au total, la Corée n’a enregistré que 8 600 cas et 94 décès, soit un ratio inférieur à la France où le virus est apparu plus tard. Cette stratégie permet à la Corée d’afficher le plus bas taux de létalité (0,8% seulement contre une moyenne mondiale de 3,4% et 6,2% en Italie, la courbe de la France étant proche de celle de l’Italie).
La stratégie de la France : ne tester que les personnes suspectes
Dès le début de l’épidémie en France, le gouvernement a pris des mesures de confinement de niveau 1 ; puis rapidement de niveau 2. Ne voyant pas d’amélioration, ni d’inflexion de la courbe de nouvelles contaminations et en constatant l’augmentation de patients relevant de soins réanimatoires, la France est passée le 15 mars à un niveau 3 de confinement.
La stratégie de la France était basée sur l’isolement des clusters (un cluster étant le groupe constitué par la personne source de la contamination, ses contacts directs et indirects) en ciblant les tests ; cette stratégie recommandée par l’OMS consiste à ne tester que les personnes suspectes et à les placer en quarantaine. Malheureusement, le patient ne relevant pas de cluster a contaminé plusieurs patients (il s’agit du fameux patient de Mulhouse).
Cette stratégie adoptée par la France est sous-tendue par une explication immunitaire. En effet, l’expérience chinoise nous apprend que 80% des patients contaminés ne présentaient que des formes mineures et évolueraient inéluctablement vers une guérison spontanée.
Partant de ces recommandations, les soignants se sont mis à éconduire certaines personnes qui sollicitaient des dépistages en les renvoyant à leurs domiciles lorsqu’ils ne présentaient pas de symptômes alarmants.
Limites de cette stratégie
Cette stratégie de la France basée sur le confinement, très peu de dépistage, a vite montré ses limites.
Primo, elle ne tenait pas compte de la possibilité de patients non cluster susceptibles d’être porteurs d’infections virales sévères (patient de Mulhouse porteurs d’un mutant viral).
Secundo, en prenant l’option de peu de dépistage et la guérison spontanée des patients-contact, la France a fait fi du profil et de la moyenne d’âge des personnes susceptibles d’être contaminées qui en général ont plus de 65 ans.
Tertio, elle n’a pas tenu compte de la propension des Français à être réticents à toute forme de confinement ; certains porteurs sains ont donc circulé dans la France en propageant des formes virales particulièrement invasives.
Tous ces facteurs ont été à l’origine de l’explosion de l’épidémie dans le pays. La France, depuis le 22 mars, envisage de changer de stratégie afin d’adopter le dépistage généralisé.
L’exemple de l’Italie : le modèle italien peut-être calqué sur celui de la France, à cette différence près que ce pays dispose d’un système de santé moins bien élaboré, d’une démographie médicale faible.
Que se passe-t-il en Afrique ?
Les avantages de notre continent
L’Afrique a été très peu touchée par l’épidémie dès son début. A ce jour, le nombre de contaminés ne dépasse pas les 3 000 cas et l’on dénombre moins de 200 morts au compteur des décès du continent. Ce chiffre doit être relativisé en raison de la faiblesse du nombre de tests réalisés. La population y est moins âgée, ce qui représente un niveau immunitaire et de protection à priori plus favorable. Enfin, les conditions de température et d’hygrométrie, (frisant parfois les 50°) même si elles ne détruisent pas le virus en atténueraient la virulence.
Les limites
Malgré ces quelques avantages naturels constitutifs de l’Africain et de son environnement, ils sont très vite supplantés par des éléments plus objectifs liés à la faiblesse de notre système de santé, à notre faible capacité à réaliser des tests, à la structuration de notre environnement social et familial peu propice à un confinement généralisé.
De l’ensemble de ces constatations, il découle que le modèle de confinement à mettre en place pour un pays comme le Sénégal, serait une synthèse du modèle asiatique et celui mis en place en Europe. La proposition pour une stratégie de confinement adapté est donc la suivante :
Le confinement doit être maximal et particulièrement respecté dans les épicentres nationaux de la maladie, en particulier l’Ouest de Dakar, la ville de Touba, la ville de Thiès pour ne citer que celles là, et de façon générale, toutes les régions département où l’épidémie connaîtrait une ascension importante.
Le dépistage doit être systématique, large, gratuit et massif dans toutes les villes où l’épidémie connaîtrait un essor plus important ; pour ce faire, il conviendrait de privilégier le dépistage dans des laboratoires de ville ou hospitalier implantés dans les différentes régions et dont la mise à niveau pour la réalisation d’une PCR temps réel (technique permettant de mettre en évidence le virus grâce à son noyau) ne revêt aucune difficulté. Il conviendrait que les messages soit orientés vers une acceptation plus facile de la population des propositions de test qui leurs seront faites.
L’ouverture de nouveaux centres d’hospitalisation à fonction multiple, d’isolement, de dépistage, de traitement des patients ne présentant que des formes bénignes relevant d’un traitement symptomatique, d’unité de soins continus pour les patients ne présentant que des formes moyennement sévères, et de l’augmentation du nombre de lits de réanimation pour les formes graves. Les financements obtenus par le fonds de riposte du président de la République devraient mettre l’accent entre autre sur ces dépenses indispensables et urgentes.
La fièvre est l’un des signes cardinaux des premières manifestations cliniques de la maladie. La mise à disposition dans toutes les concessions et foyers familiaux par les moyens de l’État d’un
thermoflash ou d’un dispositif de prise de température, en particulier dans les contrées pouvant constituer des épicentres de la maladie au Sénégal, se révélerait être une forme de screening initial particulièrement important pour la prévention et la prise en charge précoce des formes modérées
Le confinement doit débuter dans les concessions, maisons et appartements, en respectant les mesures-barrières ; cet isolement après avoir été compris par les populations, grâce à un système de sensibilisation, une information ciblée, doit être adopté par tous les Sénégalais mieux adaptée et plus facile à réaliser en fonction de leurs conditions de vie. Les mesures de prévention édictées par le ministère de la Santé doivent faire l’objet dune appropriation par les populations.
Le confinement doit être complété dans les quartiers et communes ; il est inutile de changer de commune ou de quartiers pour s’approvisionner dans un marché ou dans une grande surface ; dès lors que la transmission devient communautaire, la réduction des déplacements s’impose comme étant la condition sine qua non de la rupture de la chaîne de transmission.
Le confinement doit enfin devenir départemental et régional. Il serait utile de mettre à contribution toutes les places ou espaces publics tels que les stades, les gymnases, les gares, les aéroports de pèlerins et surtout certains établissements privés dont la fréquentation auraient diminué par ces temps d’épidémie.
En conclusion
En combinant un confinement draconien, adapté, ciblé aux populations, à une politique de dépistage massif des épicentres dans une population qui, pour l’instant, ne compte pas un nombre élevé de personnes contaminées, les chances de contrôle de l’épidémie nous paraissent plus élevées.
Le président Macky Sall (dont les mesures mises en exécution par le ministère de la Santé publique et qui sont à saluer et soutenir) vient de lancer un fonds de riposte contre le COVID-19 ; ce fonds entre autres doit servir à rendre disponible plusieurs millions de tests, ouvrir et mettre des établissements de santé à des niveaux conformes aux standards internationaux.
La mise en application de l’ensemble de ces propositions non-exhaustives nous paraît être une voie et une approche susceptible de pouvoir anticiper une explosion de l’épidémie dans notre pays, et une réponse adaptée.
Docteur Alioune Blondin Diop est ancien praticien des Hôpitaux de Paris, spécialiste de médecine interne.
"LE PROBLÈME, CE N'EST PAS DE RENTRER DANS L'HISTOIRE, MAIS D'EN SORTIR"
Le paternalisme français est intériorisé par les Africains eux-mêmes - Les idées africaines doivent être recyclées par l’Occident en général et la France en particulier pour être reconnues par les Africains - ENTRETIEN AVEC MAHAMADOU LAMINE SAGNA
Mahamadou Lamine Sagna, sociologue sénégalais, s’intéresse au symbolisme des échanges et de la monnaie. Après des études de commerce, d’ethnopsychiatrie et une thèse de sociologie en 1997 à l’université de Caen sur le rapport des pauvres à l’argent et à La Poste en France, il a enseigné à Nanterre, puis à l’université du Maryland aux Etats-Unis (2000-2002), avant de rejoindre la prestigieuse université de Princeton (2002-2011).
Il y a donné des cours sur « la monnaie et la religion », mais aussi, avec un astrophysicien nigérian, sur la « science et les technologies appliquées au développement » dans les départements d’études africaines et d’études africaines-américaines. Voilà quinze ans qu’il travaille sur l’Afrique et la globalisation, l’exclusion, ainsi que le rapport entre « monnaie, religion et immigration dans le cas des Sénégalais de New York ».
Il navigue depuis 2011 entre New York, Paris, la Normandie et Dakar, où il organise tous les deux ans des conférences dénommées Homecoming, dans le cadre de l’association qu’il a fondée et qu’il préside, Rencontre des Sénégalais pour une organisation utile des ressources de la communauté expatriée (Re-Source/Sununet). L’objectif : contribuer de manière concrète au développement du Sénégal, avec le soutien de la diaspora. Ce qui ne l’empêche pas de porter un regard critique sur ses deux ports d’attache, le Sénégal et la France.
Cet entretien que nous reprenons a été publié en janvier 2017.
Rue89 : Pourquoi avez-vous quitté la France pour les Etats-Unis ?
Mahamadou Lamine Sagna : Par hasard. J’avais un mentor, le sociologue américain Richard Brown, qui m’a invité à donner des cours à l’université du Maryland. Ensuite, la sociologue américaine la plus connue sur les questions de monnaie, Viviana Zelizer, m’a invité à Princeton, où le professeur Cornel West m’a incité à rester.
Que ressentez-vous chaque fois que vous faites un voyage New York-Paris ?
Un sentiment d’altérité qui me fait réfléchir sur la relativité et l’universel. Je suis toujours heureux de retrouver des rapports interraciaux très naturels en France, sur le plan individuel.
Aux Etats-Unis, c’est plus facile de trouver un logement et un travail quand on est noir, et sur le plan professionnel, on peut vous faire confiance d’une manière extraordinaire… Mais les relations entre personnes sont faibles, il y a peu de liens d’amitiés. Je connais des Américains blancs qui n’ont pas d’amis.
En France, c’est le contraire : c’est plus difficile de trouver un travail et la plupart des gens brillants n’ont pas d’opportunités. Mais se faire des amis français, c’est naturel.
Pourquoi n’êtes-vous pas resté enseigner en France ?
Je faisais récemment la réflexion à un universitaire français dans une conférence à Paris : pourquoi si peu de départements d’études africaines dans les universités françaises ? Il m’a répondu qu’il y en avait un à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS) !
Aux Etats-Unis, la plupart des enfants de familles aisées prennent des cours en option dans les départements d’études africaines, parce qu’ils savent que l’Afrique, c’est l’avenir. La France est censée faire mieux, mais elle ne fait rien.
Autre chose : dans les départements d’études africaines, aux Etats-Unis, entre 15% et 20% des professeurs sont africains. En France, on compte très peu de spécialistes qui viennent du continent.
Faut-il y voir du racisme ?
Je préfère parler, comme Cornel West, d’un nihilisme sentimental ou paternaliste de la France, qui fait que ce pays ne voit pas le potentiel des Africains.
Il y a un refus de reconnaître des réalités sociales, par exemple le fait que des Africains puissent avoir autant de compétences que les autres et avoir eux-mêmes dépassé les questions raciales.
Tout se passe comme si les Africains étaient sympas, mais incapables de faire des analyses. Je ne suis pas sûr que ce soit du racisme. Le problème, c’est plutôt qu’on n’a pas quitté le colonialisme.
Il reste des « habitus » comme dirait Pierre Bourdieu, qui jouent de manière inconsciente. Même quand on est face à des gens bien disposés, même quand on a des relations personnelles poussées, il existe en France une forme de violence symbolique qui agit sur la structure mentale.
Il s’agit de croyances collectives qui permettent de maintenir des hiérarchies, de véhiculer des mécanismes de domination, et qui aboutissent à des pensées du type : les femmes ne sont capables que de faire que telle ou telle tâche, les Africains peuvent nous aider à faire de l’anthropologie, mais pas de la science ou de la technologie.
Pourtant, le système de paiement par téléphone mobile (M-Pesa au Kenya) a été imaginé et créé par un jeune Sénégalais qui vit aux Etats-Unis. Il est allé voir les autorités du Sénégal, qui ne l’ont pas écouté, et il a commencé en Ouganda et au Kenya.
Pourquoi n’a-t-il pas été pris au sérieux au Sénégal ?
A cause de cet effet miroir entre la France et les pays francophones, qui fait que le paternalisme français est intériorisé par les Africains eux-mêmes.
Du coup, tous les Africains francophones qui sont passés par les Etats-Unis et ont fait une rupture avec ces modes de pensée se sentent mieux considérés en Afrique anglophone. Beaucoup d’entre eux travaillent au Kenya, en Ouganda, au Rwanda.
En tant qu’expert sénégalais, on peut faire une proposition au Sénégal, mais on sera toujours moins écouté que le confrère français. C’est le complexe du colonisé.
Quand je vais à Dakar, je parle dans la presse de Sénégalais qui vivent au Sénégal et qui mènent des travaux très intéressants, mais ne sont pas reconnus…
Par exemple, l’architecte Cheikh Mbacké Niang est étudié pour ses réalisations à l’université de Princeton, mais il est inconnu chez lui au Sénégal.
De même, une ferme « intelligente » a été lancée à Gorom, près de Rufisque, par un professeur de physique à l’université de Dakar, Aboubaker Beye, qui produit sa propre énergie et fabrique de l’huile essentielle de baobab, sans aucune subvention et très peu d’intérêt local.
Les idées africaines doivent être recyclées par l’Occident en général et la France en particulier pour être reconnues par les Africains !
Qu’est-ce qui fait la différence entre l’Afrique francophone et anglophone ?
La colonisation britannique n’a pas été assimilationniste. Le terreau pour l’autonomie y est plus favorable. Le problème pour l’Afrique francophone n’est pas d’entrer dans l’Histoire, comme l’a dit Sarkozy dans son discours de Dakar, mais plutôt d’en sortir !
Les Africains francophones sont toujours dans la dynamique post-coloniale, alors qu’on n’est plus dans la même temporalité avec la globalisation.
Que pensez-vous des lamentations qu’on entend toujours en Afrique francophone contre l’ancienne puissance coloniale ?
C’est stérile et j’y vois de la malhonnêteté intellectuelle. Un nombre important d’intellectuels africains qu’on peut à mon avis qualifier de glandeurs perpétuent la « Françafrique » sans le savoir.
On peut critiquer la France, la Françafrique, les privatisations, la façon dont les télécoms au Sénégal ont été vendus à Orange avec la complicité de la Banque mondiale, alors qu’ils n’avaient pas besoin d’être privatisés…
On peut condamner la France sur bien des points mais c’est malhonnête de le faire sur son intervention au Mali. En 24 heures, les islamistes pouvaient prendre Bamako. Ils ont cassé les monuments de Tombouctou. Comment critiquer ceux qui viennent sauver ce qu’on revendique ? Dans la politique africaine de François Hollande, je ne vois pas quel est l’acte condamnable pour l’instant.
Quid de l’intervention française en Côte d’Ivoire ?
C’est plus compliqué : le Conseil constitutionnel a validé les élections, sans le faire sous la contrainte ou la violence. Dès lors, je ne vois pas pourquoi les Nations unies peuvent intervenir, au-delà de cette instance suprême.
Sur le fond, je pense que l’histoire donne raison à Léopold Sédar Senghor plutôt qu’à Félix Houphouët-Boigny. Il fallait plus insister sur la culture que l’économie après l’indépendance. Si on pense construire le citoyen à partir de l’économie, on prend le risque de la violence, puisque l’économie porte de la violence en elle-même, dans la mesure où elle repose sur l’accumulation, qui engendre des inégalités et des frustrations.
La primauté de l’économie a failli l’emporter au Sénégal avec Abdoulaye Wade, mais heureusement, Senghor a posé les bases : ce qui est important, c’est le vivre ensemble, l’homme, la culture.
Si le Sénégal avait été centré sur les questions économiques, personne ne se serait soulevé en 2011 pour défendre la Constitution.
Où va le Sénégal ?
La ruse de Leuk-le-Lièvre a été érigée en vertu... C’est l’un des fondements de l’existence au Sénégal. Etre sérieux à Dakar relève presque de la maladie !
par Vincent Brossel et Marie Holzman
UN BANQUET OFFICIEL AU CŒUR DE LA PANDÉMIE EN CHINE
Alors que les premières victimes du Covid-19 gisaient à la morgue, un repas géant réunissait 40 000 familles de Wuhan, avec des assiettes gravées à l’effigie de Xi Jinping
Libération |
Vincent Brossel et Marie Holzman |
Publication 05/04/2020
Pendant que le monde se confine et enterre ses morts emportés par le Covid-19, le président chinois Xi Jinping triomphe. La propagande présente sans relâche le commandant suprême victorieux de «la guerre du peuple» contre le coronavirus.
Et pourtant, après l’épidémie du Sras en 2003, après celle de peste porcine, après les divers virus qui ont attaqué les poulets et les autres catastrophes sanitaires qui sont nées en Chine populaire, nous pensions que les autorités de Pékin auraient tiré des leçons. Et nous sommes aujourd’hui obligés d’admettre que les logiques du pouvoir chinois ne sont pas celles attendues par la France et l’Europe qui en ont fait un partenaire privilégié.
Il faut s’arrêter un instant sur les circonstances de ce banquet qui a donné lieu à une mise en scène délirante. Des assiettes avaient été gravées à l’effigie de Xi Jinping, avec des slogans à sa gloire. Le journal local Chutian du shibao du 19 janvier a publié des photos des centaines de tables installées dans un immense hangar et vantant le fait que 13 986 plats avaient été servis pour cette fête. Des spectateurs ont été félicités d’avoir «surmonté la fièvre, la toux et la maladie pour participer à ce grand événement».
Alors que des docteurs courageux alertaient sur le danger de ce nouveau virus, le Parti maintenait des spectacles de divertissement à l’approche du nouvel an lunaire. Le 21 janvier, RFI en chinois a rapporté que certains danseurs et chanteurs portaient des masques et étaient déjà contaminés par le Covid-19. Le secrétaire du Parti et le préfet de la province du Hubei applaudissaient à tout rompre alors que les premières victimes du virus gisaient à la morgue. L’ordre de se confiner n’est tombé que le 23 janvier, ne laissant que quelques heures pour quitter Wuhan. Près de 5 millions de personnes ont ainsi réussi à quitter la mégalopole. Beaucoup porteuses du virus.
La vie du Parti plutôt que celle des citoyens
Nous qui connaissons maintenant le confinement, qui avons appris les «gestes barrières», nous sommes stupéfaits en revisitant le scénario de la propagation du virus. Un banquet à la gloire du président chinois serait donc devenu l’accélérateur de cette pandémie devenue mondiale en quelques semaines.
Pourquoi le gouvernement local a-t-il maintenu ces festivités ? Parce que la priorité était la vie du Parti communiste, pas celle des citoyens. En janvier, les autorités étaient obnubilées par l’organisation des assemblées locales qui précèdent l’Assemblée nationale et de la Conférence consultative du peuple chinois qui se tiennent en mars. Pas question de renoncer à ce processus incontournable. Le parti avant tout.
Imposer «sa» vérité
Avec le confinement de Wuhan, puis du Hubei et enfin de tout le pays, Xi Jinping reprend la main face à une crise qui a plongé la Chine dans le doute. Ce «triomphe» de la Chine, face à ce virus qui est né en son sein, se fait au prix de la vérité. Les bilans officiels sont bien en deçà du nombre réel de personnes mortes et infectées. Selon des estimations indépendantes, on arrive à plus de 50 000 morts à Wuhan et 97 000 morts pour toute la Chine. On est bien loin du chiffre officiel de moins de 4 000 morts…
Pour imposer «sa» vérité, la police n’a pas chômé. L’organisation Chinese Human Rights Defenders a documenté 900 cas d’arrestations, d’intimidations et de censure intervenus en lien avec l’épidémie depuis début janvier. Xi Jinping a aussi réussi à convaincre l’OMS de retarder pendant plusieurs semaines l’annonce de la pandémie. On peut se poser des questions sur le fonctionnement de l’OMS au sein de laquelle la Chine exerce un pouvoir très fort depuis le passage à sa tête de Margaret Chan, médecin chinoise. Une mission de l’OMS est rentrée de Chine en février avec des conclusions plutôt optimistes. Elle a loué les méthodes employées par Pékin pour lutter contre le virus, sans évoquer les erreurs qui ont été faites, comme avoir laissé fuir du Hubei puis de Chine des dizaines de milliers de personnes infectées. Et le 7 mars, Pékin a été largement remercié par l’OMS pour son don de 20 millions de dollars destiné à la lutte mondiale contre le Covid-19.
Aujourd’hui, le régime de Pékin veut apparaître comme le sauveur avec sa politique des masques, et surtout réécrire l’histoire à son avantage. Et la propagande se déploie, sans vergogne. Un éditorial récent d’un quotidien d’Etat a appelé le monde à remercier la Chine pour son efficacité dans la lutte contre le Covid-19…
EXCLUSIF SENEPLUS - La vie de Pape Diouf offre un exemple patent de la manière dont un homme parti de rien, échoué dans une ville de prime abord austère, peut s’élever à une existence supérieure - NOTES DE TERRAIN
“Footballeurs, mes frères. (...) Votre sport suscite l’enthousiasme parce que dans ses manifestations supérieures, il s’élève au niveau de l’art. (...) Synthèse attrayante, parce que naturelle, des « disciplines » physiques les plus diverses, elle est à la mesure de l'Homme.” François Thébaud
Lundi 30 mars 2020. Depuis près d’une heure, je suis entièrement absorbé par la lecture d’un recueil de nouvelles. Mémoires d’un chasseur, d’Ivan Tourguéniev. On m’appelle dans le salon. On parle de football à la télévision. Lorsque je me lève pour aller voir de quoi il retourne, je ne savais pas que j’allais passer le reste de la soirée devant l’écran. Je regarde rarement la télévision. Les chaînes sénégalaises encore moins. Le programme en question passe sur la TFM. Il s’agit d’un reportage sur le football sénégalais. Honnête mais terne. Qui relate le parcours de l’ancien sélectionneur national du Sénégal, Bruno Metsu. Un peu plus tôt, le matin, comme c’est le cas depuis l’apparition du premier cas confirmé de coronavirus dans notre pays, le ministère de la Santé a fait le point sur la situation de la maladie au Sénégal. Pour la première fois, deux cas graves ont été enregistrés. Un ami m’a appelé, juste après la déclaration des autorités sanitaires. Pour m’annoncer une mauvaise nouvelle. “Pape Diouf est l’un des deux cas graves”.
Quand j’arrive au salon, plusieurs personnes défilent sur l’écran. A ce moment-là, le reportage met en scène Abdoulaye Sarr, l’ancien sélectionneur national adjoint des “Lions”. Puis les journalistes Cheikh Tidiane Fall, Salif Diallo, et le footballeur Khalilou Fadiga. Ils évoquent la relation particulière de Bruno Metsu avec le Sénégal. Je suis transporté près de vingt ans en arrière. Mon esprit est à la nostalgie. Des souvenirs agréables sont ressuscités. Ce n’est pas seulement l’épopée des “Lions” en 2002 qui ressurgit. Un bonheur immense, et une tristesse refoulée me donnent un pincement au cœur. Soudain, Pape Diouf apparaît sur l’écran. Le plan est serré. Peu de lumière. Présence solaire. Il porte un boubou marron. Son regard est allumé. Tout de suite ce visage mystérieux et épais murmure des mots justes. Il ne cabotine pas. Sa voix rocailleuse et traînante retentit comme le tambourinement d’une anaphore. Impossible de décrocher. Il apparaîtra plusieurs fois encore dans le reportage. A chaque fois, je me mets à penser au combat qui doit être le sien, à cet instant.
Une voix singulière. Pape Diouf était un homme inspirant. Il avait une maîtrise souveraine du verbe. Lorsqu’il parlait, on pouvait sentir cet élan poétique, qui germe dans les esprits habités par la passion. Il avait un vrai sens littéraire. Jamais ses récits n’étaient fades ou aseptisés. Avec lui, le verbe était toujours très précis, haut et sublime. Ses réflexions et plaidoiries étaient toujours empreintes de dignité et d’éclat. Son charisme faisait le reste. Il avait toujours la répartie parfaite pour se faire comprendre et respecter. Comme lorsqu’il a voulu faire savoir à François Hollande qu’il n'était pas son obligé. Ce dernier le poussait à se présenter sous la bannière du Parti socialiste français, à Marseille, lors des élections municipales de 2014. “On me presse pour répondre mais décider ce n’est pas simplement dire oui ou non. Je dois évaluer la situation et voir ce que je peux apporter à une cause”, avait-il fait savoir. Exigence de liberté et indépendance d’esprit. C’était son principe.
La vocation. Pape Diouf, c’est surtout un homme du football. C’est quoi le football ? Il y a fort à parier que beaucoup répondront que c’est un jeu. D’autres diront : c’est un jeu avec un ballon. Et même certains vont suggérer que c’est le sport-roi. Les plus téméraires pourraient évoquer les différentes pratiques du football. A onze contre onze. Sur une surface délimitée. En salle. Sur un terrain vague. A la plage. Dans la rue. Dans un appartement. C’est vrai, le football est un jeu et ses variantes sont nombreuses. Mais c’est plus que tout cela. Ce qui est d’abord frappant dans ce sport, c’est qu’il n’est pas naturel. Ses pratiquants sont obligés d’utiliser leurs pieds et non leurs mains. Le football est un défi lancé à l’appareil locomoteur. Il faut un premier effort, qui paraît simple à première vue, mais qui est exigeant et malaisé. Qui demande l’éducation du corps. Une intelligence des muscles. Ensuite, le football est simple. Il faut un engin-outil plutôt rudimentaire, un ballon, et en avant pour le plaisir. Enfin, le football déchaîne les passions. Partout sur la planète des clubs et des joueurs sont vénérés. Des statues et monuments dressés. Le football, c’est aussi un ferment communautaire. A cause du football, une guerre a éclaté entre deux pays, une révolution s’est éteinte, des pays ont sombré dans la crise. C’est une économie. Un art. Un fait social total.
Pape Diouf fait partie de ces hommes qui ont fait du football une transcendance. Et ont confondu leur vie avec ce sport. Qui savent que le football est une réalité complexe. Un phénomène qui va au-delà du simple jeu. Il a passé sa vie à servir ce sport. En étant agent de joueurs, puis dirigeant. Un parcours glorieux, durant lequel il parviendra à se hisser à la tête d’un des plus grands clubs du monde. Il a fait des footballeurs ses “frères”. Il était affectivement proche d’eux. Il a conseillé, entre autres, Joseph-Antoine Bell, Abedi Pelé, Marcel Desailly, Basile Boli. Fort d’une culture remarquable et d’un sens de la responsabilité, il s’est hissé un chemin vers les sommets. Tout seul. Pape Diouf est une référence. Un homme d’avant-garde. Un homme du football et du verbe. Un homme de la fraternité. Sa vie offre un exemple patent de la manière dont un homme parti de rien, échoué dans une ville de prime abord austère, peut s’élever à une existence supérieure. Jusqu’à devenir un mentor pour beaucoup de personnes.
Retrouvez sur SenePlus, "Notes de terrain", la chronique de notre éditorialiste Paap Seen tous les dimanches.
Hervé Bourges, que Manu Dibango surnommait son « ange gardien », est parti le premier, laissant à découvert son « protégé » qui, en toute logique, lui a emboîté le pas… Ce témoignage leur est dédié
Première « vedette internationale à succomber au Coronavirus », comme l’a relevé le communiqué de l’Elysée, Manu Dibango a été rejoint par Pape Diouf, une autre star dans son domaine : il fut le premier Africain à présider un club de foot international, l’Olympic de Marseille. Les deux hommes s’appréciaient. Mais bien plus intime encore était Hervé Bourges, figure tutélaire du journalisme en France et en Afrique francophone. Nés la même année, ils se sont suivis dans la mort, à un mois d’intervalle. « Hervé », que « Manu » surnommait son « ange gardien », est parti le premier, laissant à découvert son « protégé » qui, en toute logique, lui a emboîté le pas… Ce témoignage leur est dédié.
Dans tous les cas, ce ne fut pas un bon signe.
A l’église Saint-Eustache où la profession et les amis s’étaient réunis une dernière fois autour de Hervé Bourges, décédé une semaine plus tôt, une absence a nourri les conversations chuchotées dans les travées et à la sortie de la messe. « Mais où est Manu? ». Nous en étions sûrs; après Michèle Cotta, qui l’avait nommé à la tête de Radio France Internationale; Frank Riester, l’actuel ministre français de la Culture; ou avant Pascal Josèphe, son accompagnateur fidèle à la gestion du paquebot audiovisuel; ou l’écrivain et diplomate Henri Lopes, la longue silhouette de Manu Dibango allait se dresser face à l’assistance pour nous raconter son ami. Avec des mots, avec son saxo – ou les deux. Ce jour-là, aucun autre témoignage n’aurait semblé plus indispensable sur celui qu’on surnommait « Bourges l’Africain »…
Entre les deux hommes, la complicité était totale, renforcée par des aventures historiques communes. Bien avant qu’on ne parle de « diversité » en France, ceux de ma génération ne sauraient oublier que Hervé Bourges, le tout-puissant patron de la télévision publique, avait offert à Manu Dibango une carte blanche pour une émission qui durerait deux ans, alliant musique et culture. « Salut Manu! », sur France 3, devint un cri de ralliement de ses fans tout au long de sa fabuleuse carrière. C’était à l’aube des années 1990 et Hervé Bourges, toujours en liaison avec Manu et son « Collectif Egalité », allait inscrire l’exigence de diversité (sexes, âges, origines) dans le cahier des charges des chaînes publiques, avec l’objectif affiché de refléter la société française dans son ensemble. Tout en échappant à l’anathème du « communautarisme », officiellement réprouvé, c’était une révolution!
Devenu le premier président du Conseil supérieur de l’Audiovisuel (CSA), Hervé Bourges s’arrangera toujours pour associer le grand artiste aux conseils d’administration réunissant les sommités de la branche. En fin de réunion, Manu se joignait au groupe et tirait de son saxo des envolées qui émoustillait l’assistance…
Entre le jazzman et le chrétien engagé, l’amitié pour la vie avait débuté vingt ans plus tôt, sur les hauteurs du Mont-Fébé, lorsque Hervé Bourges était venu créer à Yaoundé la meilleure école de journalisme d’Afrique francophone, l’ESSTIC d’aujourd’hui. Lu par son directeur de cabinet Olivier Zegna-Rata, le témoignage de ses anciens élèves a ému aux larmes une partie du public.
De l’émotion aussi, quand l’officiant a présenté un grand métis, Patrick, l’unique fils du défunt, longtemps préservé dans son jardin secret. Assis à quelques rangées, d’autres rejetons, ceux du musicien camerounais absent, Michel et Marva.
« Mais où est Manu? »
Derrière l’énigme apparente, l’explication était pourtant implacable. Emmanuel Ndjocké Dibango luttait déjà contre la maladie. A l’heure où la dépouille de son « ange gardien » s’acheminait vers le cimetière du Père Lachaise, le patient était confiné dans un hôpital, atteint par le Coronavirus. Venus au monde la même année, les deux « frères » ont effectué le voyage sans retour en synchronisé.
La puissance du lien quasi-gémellaire avec Hervé Bourges, loin d’être anecdotique, a traversé comme une épine dorsale l’univers de Manu, enfant du Cameroun né face à la mer et navigant dans un monde sans frontières où l’amour de la France n’a jamais évincé une forme de fidélité au pays natal; globe-trotter professionnel, il s’est ainsi astreint aux incessantes autorisations de circuler tamponnés sur son passeport africain qu’il conservait jalousement, alors qu’un passeport européen l’aurait pratiquement exempté de visas. « Les Européens qui vivent chez nous ne demandent pas à changer de nationalité. Pourquoi devrais-je le faire »? estimait-il. Une posture idéologique qu’il n’a cessé de défendre face à des compatriotes plus pragmatiques qui prônaient la double citoyenneté. Peut-être avait-il trouvé là un rempart symbolique contre le sentiment d’abandon de leurs racines qui ronge les éternels expatriés, lui dont l’existence ne s’est pas déroulée en Afrique, mais en France pour l’essentiel? L’auteur du fameux « Soul Makossa » y aura vécu une soixantaine d’années, les autres points de chute, Abidjan ou Yaoundé, n’étant que de brefs intermèdes.
En quittant son Douala natal à 15 ans, à bord d’un paquebot, il avait emporté, et non laissé derrière lui, une part non négociable de son terroir, de son parler et de son patrimoine culturel. A l’heure du bilan qui s’est déroulé comme un tapis rouge de reconnaissances internationales et de prestigieuses distinctions octroyées surtout par son pays d’adoption, les mots d’un président malawite résonnent comme un hommage personnel à son endroit: « Be successful wherever you are. Your success is Africa’s success ». Vous devez réussir où que vous soyez. Votre succès et celui de l’Afrique. Adressée à un forum des diasporas noires à Addis Abeba, l’exhortation de Bingu wa Mutharika, (1934- 2012), inconnu du grand public, aura néanmoins inspiré des milliers d’Africains vivant loin du Continent – et résolu leur dilemme existentiel.
Rien de tel chez Manu. L’amateur de chemises en wax et de boubous n’a jamais semblé questionner son identité qu’il affichait naturellement multiple et sereine, n’essayant guère de la travestir pour complaire aux conformismes identitaires de notre époque, ni d’un côté, ni de l’autre. Comment aurait-il pu, lui qui écoutait autant Bach et Haendel en culottes courtes chez ses parents, que les comptines traditionnelles en langue douala? A la fois ami de Juliette Gréco et de Miles Davis? De Francis Bebey et de Nino Ferrer? De Quincy Jones et de « Grand Kallé » Kabasele? De Youssou Ndour et de jeunes rappeurs inconnus? Distingué autant par Nicolas Sarkozy (Légion d’honneur épinglée par… Hervé Bourges) que par Alassane Ouattara? En juin prochain lui sera décernée, à titre posthume, une distinction prévue de longue date : Docteur honoris causa de l’université de Valenciennes en France.
Au bout du compte, un véritable exploit : dans les quartiers de Yaoundé, de Douala, de Dakar, d’Abidjan ou de Kinshasa, le citoyen d’honneur de Saint-Calais, dans la Sarthe, où il fut écolier en débarquant en France; ce Français sans le passeport était perçu comme 100% Africain… Au Cameroun, pourtant source de bien des frustrations pour cet exilé volontaire, la télévision nationale a été en première ligne pour marquer la disparition de ce « digne fils du pays », sous la houlette du DG Charles Ndongo, avec de somptueuses éditions spéciales agrémentées de documents rares pendant plusieurs jours! J’ai repensé à Ismaël Bidoung Mpkatt, ancien ministre de la culture, un des rares « officiels » dont Manu m’avait dit tant de bien; à son « petit frère » Amobe Mevegue, patron de Ubiznews; A Denise Epote, qui l’appelait « Tonton Manu »; à Yannick Noah qu’il était parfois le seul à pouvoir joindre; au regretté confrère Henri Bandolo, également un ami intime de Hervé Bourges… Sans oublier Jean-Michel Denis, éminent spécialiste des musiques afro-caribéennes, récemment emporté par le Coronavirus – lui aussi. Des Etats-Unis où il vit, l’artiste Richard Bona a proposé que l’aéroport de Douala porte désormais le nom de Manu Dibango, une idée qui a rapidement rallié des milliers de partisans… Quelle leçon de vie de la part d’un citoyen du monde qui ne possédait pas de demeure en Afrique et n’avait pas prévu d’y être enterré! Conforme à des dispositions de longue date, il repose désormais au cimetière du Père-Lachaise. Comme Hervé Bourges…
A ce passeur hors pair, l’Elysée a rendu un hommage d’une grande justesse. « Manu Dibango se riait des frontières : il sautait d’un continent à l’autre, d’une culture à l’autre, d’un genre à l’autre, d’un instrument à l’autre – il les maîtrisait presque tous – pour créer une musique universelle, qui était à la fois africaine et caraïbéenne, américaine et européenne, mais qui était surtout chaloupée, entrainante et joyeuse. À chaque album, il inventait de nouveaux rythmes de joie, des mélodies du bonheur ».
« Allô? Il sort quand, mon article »? J’ai rencontré Manu Dibango en France, à mes tout débuts dans le journalisme, après avoir pris un appel destiné à mon regretté
collègue Elimane Fall qui l’avait interviewé. Maintenant qu’il nous quitte, me voici recevant de nombreuses condoléances pour la perte d’un grand ami. C’est qu’au fil des décennies, des combats communs et de magnifiques moments de convivialité nous ont soudés et mutuellement renforcés. Il nous avait ainsi rejoints dans l’association créée en mémoire de Thomas Sankara, avec Sennen Andriamirado et Francis Kpatinde. Souvent accompagné de la fidèle Claire Diboa, sa nièce et manager de confiance, « Grand Manu » était une star habituée de nos galas où se côtoyaient des personnalités du monde entier, souvent issues des diasporas africaines, et acceptait toujours dans la bonne humeur de se faire photographier avec ses admirateurs. Beaucoup doivent se souvenir de son humour en y recevant un trophée pour son inégalable contribution au « rayonnement culturel » de notre Continent, à bord d’un bateau sur la Seine en 2000. Ou de ses néologismes. Lors d’une soirée organisée chez moi en soutien à Christiane Taubira, ministre de la justice traitée de « singe » par un journal d’extrême-droite, et de « guenon » par des jeunes à Angers, Manu, avec le rire sonore qui le caractérisait, avait dédié quelques notes de son légendaire saxophone « aux guenons – et aux guenonnes »…
Pour ma part, je retiendrai aussi les mots magiques que Manu Dibango a prononcé à mon égard. Du genre de ceux qui peuvent transformer une vie en destin. Pulvérisent les plafonds de verre imposés ou intériorisés. Décapsulent les esprits, libèrent les talents. Devant le cinéaste américain Spike Lee, invité spécial du 40 ème anniversaire du magazine que j’avais repris quelques années plus tôt, Manu avait porté un toast à l’organisatrice de cet événement scintillant : « Au succès de ”Africa International” et de sa directrice, la prochaine Oprah Winfrey! ». Puis se reprenant: « Ou plutôt Robert Maxwell! »
On ne présente plus la première, femme des médias la plus puissante (et la plus riche) des Etats-Unis. Le second était alors un magnat de la presse très en vue en Grande Bretagne. Quelle sympathique utopie, pensais-je! Mais cette fois, Manu n’avait pas ri. Il le pensait vraiment. « Pourquoi pas ? » conclut-il.
Oui en effet. Pourquoi pas? Tout était dans la question.
En une seconde, Manu-le mentor m’a fait réaliser les auto-limitations qui réduisent notre capacité d’action. Ce jour là, il a désinhibé mes ambitions. L’échec ne viendrait plus jamais d’un manque de confiance en moi-même, ni des avis condescendants qui vouent au…confinement – déjà! De fait, bien des percées obtenues prennent leur source dans cet instant et, au lieu de m’esclaffer face aux projets les plus fous, j’ai appris à encourager mes interlocuteurs à se battre pour leurs rêves. Publier « le journal du médecin » ou des « Amateurs de cigares » était donc certes à ma portée. Me consacrer à un « journal africain », en revanche, ne relevait aucunement d’une assignation identitaire, mais d’un choix existentiel: rien d’autre n’avait de sens si ce n’était au service du continent africain.
« Comment souhaitez-vous qu’on se souvienne de vous »? Au jeune reporter qui l’interrogeait ainsi, Manu a renvoyé la balle : « Ah! c’est à chacun de décider! »
C’est bien ce qui se produit. De cet « influenceur » qui a promené son inimitable dégaine entre deux siècles et croisé des millions de vies, chacun a conservé sa part de « Grand Manu »; sur les réseaux sociaux, les témoignages foisonnent.
Le sage grave ses peines dans le sable et ses bonheurs dans le marbre, selon un dicton.
Parmi ses grandes joies, on retiendra celle d’être grand-père. Une satisfaction qu’il partageait dans la même intensité avec Hervé Bourges, gratifié par Patrick d’un petit-fils adoré, présent à ses obsèques. Leurs petits-enfants ont clairement illuminé les dernières années des deux complices. « Je ne sais pas si j’ai été un bon père, reconnaissait souvent Manu. Mais je suis un très bon grand-père », assurait-il dans un éclat de rire. Son fils ivoirien, James, connu sur le tard, semble avoir hérité de sa fibre musicale… Pour Manu et Hervé, le fil de la vie continuera donc à dérouler sa pelote magique et multicolore.
PAPE NDIAYE, 16 ANS, TUÉ À COUPS DE COUTEAU
Le drame s’est produit au quartier Ngaye-Ngaye de Mboro, dans la région de Thiès. Le présumé meurtrier est entre les mains de la gendarmerie.
Pape Ndiaye, un adolescent de 16 ans, a été tué à coups de ciseaux par un autre garçon de la même localité. Le drame s’est produit au quartier Ngaye-Ngaye de Mboro, dans la région de Thiès. Le présumé meurtrier est entre les mains de la gendarmerie.
Le motif n’a pas encore été révélé mais d’après le récit de Sud fm, tout serait parti d’une discussion entre ces 2 jeunes qui s’est terminée à coups de poing. Selon les informations recueillies sur place, c’est après l’altercation que le présumé tueur est revenu à la charge, armé d’une paire de ciseau. La victime a reçu des coups au niveau de la poitrine.
Le corps de Pape Ndiaye a été acheminé à la morgue de l’hôpital Mame Abdoul Aziz SY de Tivaoune avant son évacuation à Dakar pour les besoins de l’autopsie.
Invité ce 5 avril du Jury du dimanche (JDD) de Mamoudou Ibra Kane, sur iRadio et Itv, le Directeur de la Sécurité publique de la Police nationale, le commissaire Abdoul Wahab Sall a dit avoir recensé entre janvier et février derniers, 17 meurtres de nature passionnel, dont celui de Ndioba Seck à Guinaw Rail, et de nature domestique (bagarre qui se termine par mort d’homme).
NON, CETTE VIDEO NE MONTRE PAS UNE CAMPAGNE DE VACCINATION EN CASAMANCE
Une vidéo partagée sur la messagerie WhatsApp prétend montrer une équipe de vaccination qui cherche à répandre le coronavirus dans un village du sud du pays. La réalité est toute autre
Africa Check |
Samba Dialimpa Badji |
Publication 05/04/2020
L’épidémie de la maladie à coronavirus 2019 (Covid-19) qui touche plus d’un million de personnes dans le monde, à la date du 4 avril 2020, s’accompagne d’une vague de désinformation que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) appelle « Infodémie ».
C’est dans ce registre qu’il faut classer des rumeurs persistantes sur des essais de vaccin qui seraient sur le point d’être lancés en Afrique. Des rumeurs qui installent la psychose, notamment au Sénégal.
C’est ainsi qu’une vidéo partagée sur la messagerie WhatsApp prétend montrer une équipe de vaccination qui cherche à répandre le virus dans un village de Casamance, dans le sud du Sénégal.
Sur la vidéo, on voit deux hommes blancs discutant et faisant des accolades avec des Noirs sous un arbre. A côté d’eux, on remarque des sachets avec l’inscription « pharmacie » ainsi que des valises. On voit également un des hommes blancs transposer le contenu d’une des valises dans une autre.
Le message vocal en Wolof (langue la plus parlée au Sénégal) qui accompagne la vidéo demande à tous ceux qui la recevront de « l’envoyer aux Sénégalais pour leur dire que les gens qui font la vaccination sont arrivés ». La vidéo précise que cela se passe en Casamance « dans un village qui s’appelle Pakao ». Avant d’ajouter que « la personne qui a reçu cette vidéo dit que les gens sont là-bas pour commencer leur programme de vaccination. Et ils veulent répandre le virus ».
Origine du message inconnue
Nous n’avons pas été en mesure de remonter jusqu’à l’origine du message ni l’auteur de la vidéo. Mais, en nous basant sur l’information selon laquelle la vidéo a été filmée dans un village qui s’appelle Pakao, nous en avons déduit que cela devait être dans la région de Sédhiou.
Nous avons contacté le correspondant du journal Sud Quotidien dans la ville éponyme, Moussa Dramé qui nous apprend avoir reçu la même vidéo et que d’après les informations dont il dispose, la scène se serait déroulée dans le village de Soumboundou.
En procédant à une recherche par mots clés, nous avons pu accéder à une page Facebookconsacrée au village en question et sommes parvenus à entrer en contact avec son administrateur. Tout en confirmant que la vidéo a bien été filmée dans le village, Fodé Cissé, précise que les personnes que l’on voit ne procédaient pas à une vaccination mais faisaient un don de médicaments et de quelques matériels scolaires. Il nous a par ailleurs mis en contact avec un résident du village, Insa Biaye, « pour plus de détails ».
Un groupe d’évangélistes, selon les villageois
Insa Biaye que nous avons contacté via la messagerie WhatsApp, puis par téléphone, a confirmé les propos de Fodé Cissé tout en précisant que les Blancs que l’on voit sur la vidéo font partie d’un groupe d’évangélistes ou de témoins de Jehovah (il n’est pas très sûr). Il nous a notamment fait savoir que le chef du village fait partie des habitants visibles sur la vidéo.
Par ailleurs, Insa Biaye nous a permis de nous entretenir avec un autre résident du village, Kéba Faty (en maillot vert sur la vidéo). Ce dernier a confirmé qu’il n’y a pas eu de vaccination et qu’il n’y avait pas non plus de vaccins dans le lot de médicaments. Il a également précisé que la scène s’est déroulée 12 mars 2020.
Le correspondant de Sud Quotidien à Sédhiou, qui s’est également rendu dans le village le vendredi 3 avril 2020, nous a permis de parler par téléphone à l’agent de santé communautaire de la localité,Yoro Sow, au chef du village, Sadioba Camara, et au maire d’Oudoucar (commune qui englobe Soumboundou), Sankoung Sagna. Ils ont tous les trois insisté sur le fait qu’il n’y a jamais eu de vaccination tout en rappelant que les personnes en question, se rendent dans ce village depuis 2014.
L’agent de santé communautaire a par ailleurs précisé que les sachets de médicaments contenaient des médicaments de premiers secours.
Le journaliste Moussa Dramé a d’ailleurs pu filmer ses témoignages au niveau du village. Voici un extrait dans lequel l’agent de santé communautaire de la localité,Yoro Sow s’exprime.