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29 septembre 2025
par Abdourahmane Sarr
RÉALISONS NOTRE DESTIN, LIBRES
Nous ne partageons pas, en ce qui concerne le Sénégal, que notre dette bilatérale et multilatérale soit effacée, même si tel peut être le cas pour d’autres Etats fragiles - Nous préférons également une révolution agricole à une souveraineté alimentaire
Le président de la République a pris de bonnes mesures sur le plan de la riposte macroéconomique face aux effets de la pandémie qui « en nous mettant à l’épreuve » nous fait faire ce qui devait être fait même sans la crise. Le creusement du déficit associé au remboursement des arriérés de l’Etat répond à la critique que nous avions formulée sur le programme du FMI publié en janvier 2020 « Programme Sénégal-FMI : Décryptage et Paradigmes à Revoir ». Il est également en ligne avec les recommandations que nous avions formulées dans notre tribune intitulée « Organiser la résilience systémique à la crise » au vu de notre contrainte monétaire qu’il faudra lever dans une deuxième phase et qui nous imposait une riposte budgétaire d’envergure financée par le FMI, les bailleurs, et les banques.
Les mesures fiscales nous semblent également appropriées, de même que le programme de garantie de crédits bancaires responsabilisant qui de droit. Par ailleurs, le ministère des Finances devrait profiter de l’effacement de la dette fiscale pour préparer une réforme fiscale d’envergure en 202 dans le cadre du programme "Yaatal" et réduire les taux et types d’impôts afin d’élargir l’assiette fiscale à tous. Le ministère de l’Economie quant à lui devrait travailler à l’élaboration d’une stratégie de résilience systémique au-delà de la crise.
En effet, les options stratégiques du Plan Sénégal Emergent ne renforcent pas notre résilience puisque ce sont des plans locaux dans la diversité qu’il aurait fallu et comme nous l’avons argumenté ailleurs, une économie basée sur des PMEs du secteur informel plus productives.
Sur le plan social cependant, nous aurions préféré comme nous le disions, un transfert de cash de 25000 FCFA à chaque sénégalais adulte ou les 6 millions ayant une carte d’identité pour un montant de 150 milliards. Un kit alimentaire assorti de paiements de factures est un plan de « résistance » spécifique et non de « résilience ». La résilience est le résultat de réactions diverses et appropriées à nos échelles individuelles et collectives contre des chocs et selon nos circonstances. Avec un transfert de cash, le montant par famille aurait ainsi varié et la dépense en fonction des besoins qui ne sont pas nécessairement des vivres de soudure, et aurait indirectement soulagé certains sénégalais dans la diaspora qui sont des soutiens de famille au Sénégal. L’effet macroéconomique aurait également été systémique et pas seulement dans le secteur de l’alimentation moins touché dans la conjoncture d’une économie au ralenti mais sans confinement. Le secteur informel au cœur de notre économie en aurait également davantage profité.
Le président de la République a néanmoins fait dans le compromis en tenant en compte des thèmes chers à son opposition : « mettre l’humain au cœur du développement » ou encore la « souveraineté alimentaire », mais la liberté à laquelle il a appelé pour que nous réalisions notre destin ne sera pas pour bientôt. En effet, nous ne partageons pas, en ce qui concerne le Sénégal, que notre dette bilatérale et multilatérale soit effacée, même si tel peut être le cas pour d’autres Etats africains fragiles.
Le Sénégal a dépassé ce stade et a argumenté que son endettement extérieur en devises de ces dernières années était nécessaire et bien utilisé pour une croissance future et du pétrole en perspective. Tel n’était pas le cas et nous avons encore la possibilité de changer de cap pour ne pas répéter l’histoire et effectivement réaliser notre destin dans la responsabilité sans tendre la main à autrui. Les bilatéraux représentent des peuples libres et dignes et nous voulons que nos enfants aspirent à la même chose. Les multilatéraux sont des banques dont nous nous aurons besoin dans le futur. L’appui que le FMI vient de nous octroyer dans un contexte où nous ne lui devions presque rien par les efforts du sénégalais lambda est un appui normal pour tous les pays du monde qui doit nous être disponible à nouveau demain. Seul un moratoire nous semble approprié pour le Sénégal, et encore, car ce dont nous avons besoin c’est de substituer la dette extérieure en devises en une dette en monnaie nationale détenue par des non-résidents investisseurs non bilatéraux et multilatéraux. Ces investisseurs ne prêtent pas à des Etats qui au moindre problème demandent des effacements de dettes du fait d’une mauvaise gestion en périodes favorables et sans les instruments de gestion macroéconomique, notamment la monnaie. En effet, ce ne sont pas des effacements de dettes qui sont sollicitées par les entreprises auprès de nos banques privées et à la BCEAO, mais bien des rééchelonnements et reports d'échéances.
Nous préférons également une révolution agricole à une souveraineté alimentaire. Une grande productivité agricole peut nous garantir la sécurité alimentaire sans passer par une politique d’autosuffisance alimentaire potentiellement inefficace. Pour ce faire, nous invitons nos autorités à mettre en œuvre une réforme foncière d’envergure dans le cadre d’un nouveau plan national d’aménagement du territoire et de plans locaux complémentaires.
En effet, la finalité de la production dans une économie monétaire et d’échange et non de subsistance n’est pas la consommation propre des producteurs (individuellement ou collectivement) mais la vente pour des revenus. La finalité est l’obtention de revenus pour pouvoir se procurer ce que l’on désire d’où que ça puisse provenir tout en garantissant la sécurité alimentaire. Dans cette perspective, il nous est même possible de garantir un revenu minimum à notre population rurale qui n’est pas obligée de travailler la terre qui continuera à lui appartenir, mais exploitable par des usufruitiers plus efficaces qui maitrisent les chaines de valeur. Nous l’avons argumenté dans notre contribution intitulée «Un Revenu Minimum Garanti pour une Révolution Agricole » qui inciterait nos agriculteurs dans leurs localités aux cultures vivrières à cycles courts.
Réalisons notre destin, réellement libres, après 60 ans d’indépendance. Cette liberté nous ne pourrons l’obtenir sans passer par l’épreuve du fer comme l’a dit le président de la République, donc celle de la rupture. Comme nous le disions à la veille de la présidentielle de 2019, « Optons pour un Sénégal qui prend son destin en main pour découvrir ce qu’est ce destin avec courage et foi ».
Ce destin nous ne pourrons le découvrir libres sans l’inclusion financière de notre population dans une monnaie compétitive dans le contexte d’un environnement de liberté économique et une décentralisation autonomisante et responsabilisante de pôles régionaux résilients et librement solidaires. Nous avons travaillé dans ce sens sur un projet novateur et structurant, l’avons exposé aux autorités monétaires qui n’ont pas émis d’objection (www.sofadel.com). Nous l’exposerons aux autorités et à la classe politique pour bâtir un consensus qui permettra à nos PMEs et nos collectivités locales de réaliser leur potentiel sans tendre la main à autrui.
Bonne fête de l’indépendance !
par Jean Pascal Corréa
LE COVID-19 NOUS PARLE, SOYONS CRÉATIFS ET INGÉNIEUX
Au-delà du coût sanitaire et des morts à déplorer, les tensions sociales à endiguer avec intelligence risquent de générer plus de conséquences à long terme que cette pandémie qui ne fait que nous rappeler une certitude : l’impréparation
La crise sanitaire que vit présentement le monde a grippé des pans entiers de nos manières d’être et de faire. L’angoisse collective se traduit par ailleurs par un questionnement intérieur, personnel, mais que partage chacun et chacune ; ce qui en fait une intériorité emplie d’échos et potentiellement handicapante collectivement. Un questionnement du présent et du futur. Les incertitudes du futur poussent d’ailleurs certains citoyens à, paradoxalement, projeter leurs angoisses au point de souhaiter que cet entre-deux perdure tant qu’il ne sera pas définie une perspective de mieux-être, tant que les gouvernants continueront à prétendre « tout » prendre en charge ; État-providence ou Leadership inconscient !
D’une manière ou d’une autre, le vent tournera. Il drainera des opportunités ou des menaces pour celles et ceux qui auront activé leurs cerveaux pour envisager l’après-covid-19 en toute conscience. Car, un après-covid-19 il y aura, et les trous budgétaires élargis par la pandémie seront nécessairement comblés – peu importe le rythme – par les nations, entendues dans le sens de État et tous les segments de la population, y compris les ménages et les contribuables individuels. Chacune et chacun devront en être conscients. Pour être pertinente, une soupape ne saurait rester béante sur un temps long. Cela implique que toutes les catégories d’acteurs économiques, culturels, sociaux, environnementaux et politiques se mettent d’ores et déjà à envisager les effets hic et nunc de la crise sanitaire et des mesures politico-économiques rapidement mises en place pour gérer la situation. Cela implique de composer avec les outils et les possibilités qu’offrent les technologies modernes et le numérique. Que ce soit pour (se) former, se soigner, accéder aux services de l’eau, de l’énergie ou de l’assainissement (secteurs sociaux), que ce soit pour produire (secteurs primaires et secondaires), pour communiquer, commercer, échanger, vendre des services (secteur tertiaire) ou pour réguler (Administration et institutions publiques). Il s’agit essentiellement de mobiliser et diriger nos énergies avec plus d’intelligence et de coordination.
Pour exemple, prenons ici un domaine beaucoup moins évident que les secteurs productifs : la culture. La vie culturelle est paralysée parce qu’il ne faut pas se rassembler. Pourtant, la culture, c’est le monde de l’imagination, de l’innovation, de l’étonnement, de l’effet recherché ou perçu, du ressenti. Que ce soit pour les différentes formes d’art, pour le théâtre, le cinéma, etc., des professionnels et des intermittents sont confinés, intellectuellement parlant, en attendant de retrouver un climat plus favorable à l’activité, l’expression et la production culturelles. Qu’est-ce qui empêche une troupe de théâtre d’effectuer ses répétitions à distance, chaque membre étant dans un cadre adapté aux circonstances, et avec la supervision directe du metteur en scène ? Et, une fois atteint le seuil de satisfaction, qu’est-ce qui empêche de réaliser les prises de vue avec les technologies informatiques et numériques, les smartphones ou les caméras go-pro étant de plus en plus démocratisés en Afrique ? Et voilà que le producteur pourra continuer à travailler avec son équipe, celle-ci devant être rémunérée pour vivre. Sauf à compter sur les subventions publiques ou à envoyer ses collaborateurs au chômage, tout en assumant la maintenance des équipements et autres moyens de production. Finalement, c’est le montage qui devient le principal challenge et, pour cela, je prétendrai volontiers que nous avons des milliers de jeunes prodiges qui se feraient le plaisir de déployer leurs talents et, à leur tour, de s’activer intellectuellement et de percevoir des revenus. Tout le monde y gagne, y compris l’État et la société. La vie n’est pas à l’arrêt. C’est notre cerveau que nous bloquons en indexant le Covid-19. Mais il est de passage. Et, au-delà du coût sanitaire et des morts à déplorer, les tensions sociales à prévoir et à endiguer avec intelligence risquent de générer plus de conséquences à long terme que cette pandémie qui ne fait que nous rappeler une certitude bien convenue : l’impréparation, de l’individu à l’État – en passant par les ménages culturellement dévêtus depuis deux à trois décennies –, et dans tous les pans de la vie sociale, économique, environnementale et politique, confirme pleinement les risques liés à la trajectoire d’avant Covid-19 vers des perspectives non soutenables. Il reste maintenant – à toi, à moi comme à l’État – à choisir la durabilité ou alors le scénario du laisser-faire (Business as usual) qui revient à laisser la société mourir à petit feu. Le confinement, c’est surtout une renonciation pour se tourner vers l’essentiel. Soyons ingénieux pour redéfinir une trajectoire optimale !
par Oumar El Foutiyou BA
LE COVID 19, UN LEVIER DE REFORME DE L’ETAT ET DE CHANGEMENT SOCIAL POUR LES PED !
Comme en atteste la gestion de la pandémie, rien n’est plus effrayant, en situation de péril, que l’image renvoyée par un décideur politique hésitant à prendre ses responsabilités parce qu’il craint d’être attaqué
Les ravages du Syndrome respiratoire aigu sévère à coronavirus 2019 (SRAS COV 19 ou COVID 19) ont conduit plusieurs pays développés, où il a sévi en premier, à développer quelques tentatives de réponse.
Destinées à arrêter sa propagation, celles-ci consistent en des mesures d’allégement des processus et d’organisation qui peuvent inspirer les PED dans leur politique de réforme de l’Etat à travers trois grands points relatifs (i) aux priorités de développement, (ii) à l’organisation de l’occupation des espaces de vie et du temps de travail et (iii) aux modalités de gouvernance.
La priorité, investir dans le savoir et le bien-être
Faire focus sur les secteurs sociaux, socles des politiques de développement durable
L’avènement de la pandémie a mis à nu la vanité du tout libéral dans les pays développés qui se traduit, pour le secteur éducatif, par la segmentation des citoyens face à l’offre (France, Luxembourg, USA, etc.) et pour le secteur sanitaire, par la faillite du système de santé publique en France (hôpitaux fermés, personnels négligés) et dans le secteur social par la remise en cause de la protection sociale (CMU combattu par les Républicains et le Président Trump aux USA).
Le constat est le même au niveau des PED avec des décideurs, soumis, durant des années, au Consensus de Washington et à ses politiques de privatisation et de restriction budgétaires, ayant choisi de négliger les secteurs sociaux, exposant ainsi leurs populations à diverses menaces.
L’apparition du COVID 19 constitue incontestablement un déclic pour les élites des PED (africains, en général) confinées chez elles en raison de la fermeture des frontières et de la surcharge exponentielle des structures des pays occidentaux alors qu’elles ont œuvré au délitement de leur système de santé.
On peut en dire autant de l’Education fortement ébranlée par la pandémie qui a révélé l’ignorance d’importants segments de la population incapables de s’autonomiser en savoir et en pensée. Certains citoyens ont nié l’existence du coronavirus et n’ont pas pris au sérieux les mesures de prévention préconisées par les spécialistes alors que d’autres préfèrent ne recourir qu’aux prières.
Ces attitudes les ont parfois conduits à défier l’autorité publique en contrevenant aux mesures de confinement et/ou en s’insurgeant contre les forces de l’ordre en période d’Etat d’urgence (Sénégal, Rwanda, Italie…).
Le COVID 19 a donc contribué, s’il en était besoin, à mettre en exergue l’importance de lutter contre l’ignorance en promouvant la rationalité, la science. En effet, si nombre pouvoirs publics de PED ont été quasi paralysés dans les réactions qu’ils auraient dû déployer, en début d’épidémie, c’est surtout parce que le déni de virus, partagé par une armée de profanes prompts à se prononcer sur des matières sur lesquelles ils n’ont aucune compétence, a pris le dessus sur l’éclairage des sachants.
On ne peut parler de la Santé et l’Education sans évoquer le Service social fortement secoué par le COVID 19 dans les Pays développés (France, USA, Italie, Espagne) et si peu valorisé dans les PED. Pourtant, les intervenants sociaux sont les mieux armés pour gérer les individus et les groupes en situation de crise et pour opérer des interventions de renforcement psychologique. Ils sont également aptes à accompagner les animateurs et opérateurs de développement à autonomiser les populations.
Ramener la planification au-devant de la scène
Investir sur le savoir et le bien-être commence par avoir une lisibilité de l’environnement lointain et proche. C’est l’une des fonctions de la planification dont les défaillances dans les PED ont été mises en évidence avec la pandémie.
Pour pouvoir compter sur de systèmes de santé de qualité, déposer sa confiance dans des ressources humaines bien formées et faire face, de manière optimale, à une pandémie, il faut, d’abord, avoir envisagé son apparition et avoir anticipé sur les précautions au regard des leçons apprises de faits similaires ou d’une réalité approchante.
La planification, et, à travers elle, ses fonctions prospective et évaluative, devrait être réhabilitée en vue de faire office de boussole pour les politiques et stratégies de développement à travers des systèmes résilients.
Agir sur les modes d’organisation de l’espace et du temps
L’aménagement des horaires de travail
Réfléchir sur les modalités de mobilisation d’une masse critique de travailleurs pendant que d’autres sont libérés ou allégés de leurs devoirs contribuerait au mieux-être des actifs ainsi déchargés et donc à la vie économique du pays. En effet, à chaque période de repos, ces agents se déploieraient dans des occupations domestiques (aménagement d’intérieur, jardinage, encadrement enfants…), les loisirs, le shopping.
Pérenniser de telles mesures, largement adoptées avec la pandémie, favoriserait le plein épanouissement des actifs et, si l’on s’en rapporte aux célèbres expériences de Mayo, la productivité liée à l’amélioration du climat de travail. D’autres avantages pourraient se faire jour en termes de réduction de l’empreinte carbone, d’amélioration de la santé des citoyens et d’économies de ressources et de temps dans les affaires publiques, privées et/ou sociales.
En plus de cela, il convient d’apporter des innovations supplémentaires dans la GRH. Parmi celles-ci, soulignons la possibilité d’opérer des réorganisations en vue de faire débuter la journée de travail pour certains actifs à une heure h et pour d’autres à h+1, h+2…h+n.
Adopter l’administration électronique et le télétravail Les inefficacités de l’administration (publique ou privée) s’expliquent, en partie, par l’engorgement des lieux de travail par les citoyens (usagers ou clients) qui squattent les bureaux à cause de processus de travail sciemment allongés, ce qui est une source de tensions et de retards.
Pour pallier ces insuffisances, il convient de simplifier et de dématérialiser les procédures dont on oublie, à force de recourir à elles ou de se réfugier derrière leur froideur, qu’elles sont établies pour sécuriser les processus de travail et non pour les alourdir.
A l’image du chemin critique en planification qui accorde une importance toute particulière aux activités essentielles d’un projet, il faudra identifier les processus clé à conserver et passer à une étape supérieure qui serait de les mettre en ligne. Bénéficier d’un service à distance sans qu’il y ait besoin pour le citoyen (usager ou client) d’être en contact direct avec l’administration in situ renferme plusieurs avantages dont le moindre n’est pas la suppression de certains contacts corruptogènes entre agents publics et usagers.
Faciliter la vie au citoyen, c’est s’inspirer d’exemples probants de pays (Cap Vert, Maroc, …) où les bases de données sont très fonctionnelles (information demandée une seule fois et aussitôt répertoriée et partagée) dans le cadre d’une administration électronique et de processus intelligents (Estonie).
Ces défis appellent aussi de recourir au télétravail, adopté par les pays développés, dans le cadre d’alternatives complémentaires au travail sur site. Ce procédé a plusieurs avantages parmi lesquelles on peut citer la réduction des charges locatives pour les employeurs, ce qui peut contribuer à la réorientation de leurs investissements immobiliers vers d’autres destinations. Il est, d’ailleurs, très adapté au privé, en particulier dans le cadre de l’e-commerce, un secteur prometteur pour les PED.
L’aménagement des systèmes et modalités de paiement
Les villes frémissent comme des ruches lors des fins du mois qui constituent des périodes d’engorgement dans les PED. Au-delà des phénomènes de surcharge notés sur des infrastructures de transport, durant cette période, viennent se greffer une sollicitation intense des services et une fréquentation déraisonnable des sites du tertiaire marchand (banques, commerces, transports) ou non marchand (administration et secteurs sociaux).
Il importe donc faire bouger les lignes en élargissant les systèmes de paiement existant déjà (cartes bancaire, mobile money…) et, surtout, en agissant sur les moments de paiements, en particulier en s’inspirant de l’exemple de pays où il est d’usage de rémunérer périodiquement la force de travail (au jour le jour, pour une période de x jours, à la semaine ou au mois).
Une telle mesure favoriserait la circulation de l’argent puisque les ressources que détiendraient les salariés payés avant d’autres serviraient à tous lorsqu’ils sont réinjectés, par le moyen de la consommation, dans le cycle de l’économie.
Donner du sens à la bonne gouvernance
Donner du crédit à la transparence de l’information
Le COVID 19 est apparu sur terre comme Attila donnant matière à certains esprits à se convaincre de ce qu’ils faisaient face à un insurmontable fléau de Dieu. Sa propagation aurait pourtant pu être très tôt contenue si son environnement de départ n’était pas un pays où la circulation de l’information subit plusieurs filtres.
Ces filtres sont, en réalité, des instances ou niveaux de censure obérant l’efficacité de la décision ainsi que le Maire de Wuhan, dont on a voulu faire un bouc émissaire, a eu à le révéler. Les effets pervers de cette forme de capture de l’information ont conduit à la punition de journalistes, lanceurs d’alerte, et même de scientifiques obligés de faire fuiter le génome du coronavirus pour donner au reste du monde les moyens de contenir la propagation de la maladie qui n’avait pas encore atteint le stade de pandémie.
Les PED devraient en faire de la transparence de l’information une pierre angulaire de leur action car elle apporte ce surcroît de légitimité nécessaire aux décideurs politiques et leur permet de raffermir l’autorité de l’Etat à travers une meilleure assise de la citoyenneté et de l’exemplarité (l’exemple des Pays nordiques est édifiant à ce sujet).
Il n’y a pas de droits sans devoirs et l’autorité devrait pouvoir le faire comprendre à ceux qui l’ont élue même si pour cela il faut des renoncements. Il y a lieu, en effet, de bannir l’esprit partisan et de strictement respecter les prérogatives des arbitres institutionnels (comme ce fut le cas, en Afrique du Sud ou à Maurice avec une Justice exerçant son pouvoir fut-ce à l’encontre de la plus haute autorité).
Assainir le processus décisionnel
Le conseil est un élément important auquel s’adosse la décision car il permet d’avoir une diversité d’opinions de spécialistes et ainsi de minimiser l’erreur. Il aide à réduire les errements liés à l’asymétrie d’information ou à la rationalité limitée si chère à la science économique et pourtant si présente dans les processus managériaux.
Les expériences de gestion de crise en contexte de COVID 19 ont fini de révéler dans beaucoup de pays (France, USA, Sénégal…) combien il est important, dans le cadre de la délivrance de l’information, de calibrer les annonces en recourant aux principes de subsidiarité ou de délégation, de sorte que le niveau de décision le plus approprié puisse se prononcer en temps opportun.
Investir hâtivement sa parole dans certains sujets engage à l’erreur. L’information peut être partielle et ses réajustements amènent le message à évoluer. Ne pas prendre de tels éléments en considération peut contribuer à éroder la crédibilité du décideur qui donnerait ainsi l’impression de rien maitriser. En effet, la voix de l’autorité, si elle se fait rare, peut être mieux reçue.
C’est pourquoi, il convient de consolider l’Etat de droit propice à l’interaction sereine entre les différents protagonistes autour de consensus forts favorables à la sécurisation du processus décisionnel dans les cas d’urgence manifeste. Comme en atteste la gestion de la pandémie, rien n’est plus effrayant, en situation de péril, que l’image renvoyée par un décideur politique hésitant à prendre ses responsabilités parce qu’il craint d’être attaqué, dans ses propres rangs.
Pour conclure, on peut estimer qu’un des enseignements majeurs de la pandémie est l’urgence de remettre le savoir et l’orthodoxie à leur véritable place et de susciter l’humilité et le désir de l’excellence chez de nombreux ignorants qui constituent un danger pour tous.
L’expérience du confinement a poussé l’humanité à jeter un regard étonné sur sa fragilité (infection de Prince, ministres, décès de décideurs et de célébrités…) et fort heureusement aussi sur la réversibilité des dommages causés par ses modes de production et de consommation.
Les PED pourront tirer parti des leçons apprises du passage de COVID 19 s’ils reconsidèrent leurs modes d’action en vue d’améliorer l’organisation de leur espace de vie (social et professionnel) et leur temps de travail.
Oumar El Foutiyou Ba est écrivain, expert en Organisation.
DOUZE NOUVELLES CONTAMINATIONS ANNONCÉES SAMEDI
Le ministre de la Santé et de l’Action sociale, Abdoulaye Diouf Sarr, a fait état samedi de la contamination supplémentaire de douze personnes au nouveau coronavirus alors que six patients du Covid-19 ont été déclarés guéris.
Dakar, 4 avr (APS) – Le ministre de la Santé et de l’Action sociale, Abdoulaye Diouf Sarr, a fait état samedi de la contamination supplémentaire de douze personnes au nouveau coronavirus alors que six patients du Covid-19 ont été déclarés guéris.
Faisant le point quotidien de la situation de l’épidémie, Diouf Sarr a indiqué que ces nouvelles contaminations ont été détectées après des tests virologiques réalisés sur des échantillons prélevés sur 177 cas suspects.
Parmi ces nouveaux cas positifs 10 étaient suivis par les autorités sanitaires, un, provenant de l’étranger, et un autre issu de la transmission communautaire.
Le ministre de la Santé et de l’Action sociale a également confirmé le décès d’un deuxième patient du Covid-19 au Sénégal. Il s’agit d’une femme âgée de 58 ans. Elle était en observation au service des maladies infectieuses et tropicales du centre hospitalier national universitaire de Fann à Dakar.
Le Sénégal a enregistré un bilan global de 219 cas positif de Covid-19 depuis l’apparition de la maladie dans le pays (2 mars). 72 guérisons et deux décès ont été dénombrés tandis qu’un patient a fait l’objet d’une évacuation à son pays d’origine.
A ce jour, 147 malades du coronavirus sont en observation dans les différents centres de traitement dédiés à la maladie à travers le pays. Leur état de santé évolue favorablement, selon le ministre de la Santé.
MACKY SALL AVAIT DÉJÀ TROP DE POUVOIRS…
Les pleins pouvoirs au chef de l'Etat ? Il faudrait surtout songer, à l’avenir, quand survient une crise, à mettre en place un dispositif dans lequel se fondrait même le président de la République, au lieu de nous livrer à son seul bon sens…
Puisque nous en sommes encore au joyeux folklore, autant aborder dès maintenant les sujets qui fâchent. Dans peu de temps, il ne sera même plus possible de chahuter. Autant éviter de mourir idiot…
Ainsi donc, le sort en est jeté. 33 députés ont pu décider pour les 16 millions de Sénégalais, dans un moment aussi crucial ? Quand on vous dit depuis longtemps qu’il y a au moins 100 députés qui ne servent à rien. Ce qui en ressortira ? Des nouveaux riches et des nouveaux pauvres. Pour ne rien changer ! Si ce n’était que ça… Combien de ministères se révèlent inutiles depuis le déclenchement de la crise ? Au fond, le Sénégal étant ce qu’il est, c’est-à-dire un pays fragile où la majorité vit en état d’urgence permanent, n’est-ce pas le seul mode de gouvernement adéquat ? Donner la priorité à la santé, la sécurité, l’éducation et l’économie. Les autres suivront la marche ou se débrouilleront…
Les pleins pouvoirs à Macky Sall ? Il faudrait surtout songer, à l’avenir, quand survient une crise, à mettre en place un dispositif dans lequel se fondrait même le président de la République, au lieu de nous livrer à son seul bon sens… A ce stade des responsabilités, une erreur de jugement conduit facilement à une hécatombe. Ce n’est pas seulement au plan sanitaire : les routes mal construites, les investissements surréalistes, les marchés publics traficotés, les crétins nommés aux postes de commande si ce n’est aux emplois fictifs… Pourquoi pensez-vous à la noria de PCA ? Dans un pays comme le nôtre, tout faux pas de l’Etat est meurtrier, et chacun des errements du président est assassin !
On ne le répètera jamais assez, question pouvoirs, Sa Rondeur en a déjà trop, et bien avant l’état d’urgence. Par la fonction présidentielle, d’abord, qui octroie à son titulaire des pouvoirs exorbitants. Ensuite, à titre purement subjectif, il y a tous ceux aux yeux desquels Macky Sall n’est pas à la hauteur de la fonction. Ils font, aux dernières nouvelles, 42 % des électeurs… Mais puisque 58 % de Sénégalais honnêtes, majeurs et vaccinés sont de l’avis contraire, on fera avec.
Dans cette crise du coronavirus, qui suscite la peur, ce terreau fertile à toutes les impostures et toutes les capitulations, on a vite fait d’accorder au chef de l’Etat un droit de vie et de mort sur nous autres, ridicules et insignifiants mortels. L’état d’urgence, proclamé solennellement et accueilli avec soulagement à l’unanimité, donne au président de la République, non pas davantage de pouvoirs de décisions mais plus de droit aux raccourcis. Disons-le tout net : Macky Sall, depuis sa première investiture, en 2012, est loin de faire l’unanimité. Coronavirus ou pas, ils sont une petite foule à ne jamais lui décerner carte blanche et si ça ne tenait qu’à eux, notre sort à tous ne dépendrait ni de lui, ni de sa smala.
Nous autres, simples Sénégalais, avec au compteur 195 concitoyens officiellement infectés par le coronavirus, sommes prêts à tout pour juguler le fléau qui s’abat sur cette pauvre Nation sans défense… Sauf que dans la précipitation à déléguer des pouvoirs à nos sauveurs, les gouvernants, nous sommes prêts à aliéner ce que nous avons de plus cher, y compris notre dignité d’humain. Jusqu’au policier anonyme qui peut bastonner qui il veut, la nuit tombée, sous les applaudissements de la foule et les vivats des réseaux sociaux.
Même dans le cas où la gestion des affaires publiques et la probité de ses acteurs seraient indiscutables, le doute raisonnable devrait nous habiter et nous accompagner partout et tout le temps, et notre esprit critique s’exprimer davantage lorsque les temps deviennent troubles.
Pour un journaliste iconoclaste, spectateur sceptique de nos sénégalaiseries, il ne saurait être question de renoncer à sa raison de vivre, sa liberté de pensée et de l’exprimer, pour quelque raison que ce soit. D’abord parce que rien ni personne n’a prouvé, à ce jour, qu’il faille suivre un individu les yeux fermés. L’imperfection étant humaine, ce n’est surtout pas aujourd’hui, devant le spectacle affligeant du cirque national, qu’il y aura lieu d’en douter.
Askanu Senegaal dafa mës a weg i làmmiñam, làmmiñi réew mépp. Yàgg na leen a jàppe niy bokk-moomeelam. Loolu, deesu ko nàttable. Naam, ñoo ngiy jëfandikoo, yenn saa yi, yeneeni làkk ngir jàng walla jokkook àddina si ; waaye terewul ne, ci làmmiñi réew mi lañuy faje li ëpp ci seeni soxla. Waaw, ci lañuy wax seen xalaat, di ci waxtaan, di ci jokkoo aka werante. Kon nag, doomi Senegaal fonk nañu lool seeni làmmiñ, rawatina wolof bi nga xamante ne mooy lëkkale sunu waaso yépp.
Kon, bu dee nguur gi jaamu soxlay askan wi kesee ko tax a jóg, war na fullaal làmmiñi réew mi, dooleel leen te boole leen ci njàng mi. Waaye…ndeysaan, ak doxalin wi nu fi seetlu de, ku yaakaaroon bu yeboo yàqi…
Lu tax ?
Njiit yi fi nekk tey, ku ci nekk ba ngay doon lawax di sàkku ñu fal la, biral ngay dige ñeel làmmiñi réew mi. Waaye ku ci toog, daldi fàtte la nga dige woon, fàtte askan wi. Bu weesoo coppati as tuut ci nafag réew mi ngir jagleel ko pulaar, joolaa, séeréer, wolof ak ñoom seen, nguur gi tus la leen defalul. Waaw, ginnaaw bees nattee xaalis bi réew mi soxla ci at mi, téeméer boo ci jël, dërëm lees ci jagleel làmmiñi réew mi. Xam ngeen ni lii bu dul yabaate yit, ag xeebeel bu amul àpp la. Leeg-leeg sax danga naan doxandéem yee nu gën a fonk sunuy làmmiñ, gën noo xam seen dayook seen njariñ. Waaye, ba tey, warees na xoolaat seen doxalin ñoom tamit.
Sémb yi fi jot a jaar yépp ngir ñoŋal sunuy làmmiñ, moo xam nguur gee leen yabal, walla “ONG” yi, añs, seen liggéey dafa des. Ndege, dañuy tàggat ay nit ci diir bu gàtt a gàtt, jox leen lenge yi, ne leen ayca ! liggéey baa ngook ! Bu ko defee, ñu leen di jox ay tur yu deme ni : jàngalekat, yombalkat, wolonteer walla sax saytukat. Noonu, ñu sóobu ci liggéey bi, fekk ne waajaluñu leen, joxuñu leen jumtukaay yu méngook li ñu leen sant. Moo tax it, xeetu jafe-jafe wu nekk la ñooñii ñu wutal ay dàkkental di jànkonteel saa su nekk. Ñi leen di liggéeyloo yit, kenn du ñoom, moo xam njaatigi operaatëer lañu walla banqaasi nguur gi. Jafe-jafe yiy gàkkal liggéey bi, nag, mënees na cee lim :
– Pey gu néew te ñu ciy yéex a jot ;
– Xeetu njàngale wu sukkandikuwul ci manoore jàngkat yi ak tamit i xarala yu dëppoowul ak jamono ;
– Xam-xamu làmmiñal bu des te li ko waral mooy gàttaayu tàggat bi ;
– Ñàkkum jumtukaay yu baax ak ñàkkum xaalis;
– Sémb yu soreyoo lool, ba tax nit ñiy toog diir bu yàgg soog a dégg walla gis liggéey ;
– Tànneef bu jaarul ci yoon wees di tànne ñenn ci operaatëer yi ;
– Gunge gu jàppandiwul ñeel ñiy yëngu ci làmmiñi réew mi ;
– Tuutal ak ñàkk a weg, añs.
Lees fi lim yépp ciy rëq-rëq a sabab juddug kurél guy xeexal ñiy yëngu ci njàngalem làmmiñi réew mi. Sunu mébét mooy xeex ngir ñépp sàmmonteek àqi làmmiñi réew mi. Kurél gaa ngi tudd Sàndikaa Njabootu Alfabetisaasiyoŋ Nasiyonaal, gàttal bi di joxe SNAN.
SNAN, nag, dafa boole wuuf mboolem jàngalekat yeek yombalkat yi aajowoo làmmiñi Senegaal yépp. Ndax, ñoom ñoo booloo, def benn say, taxaw temm nar a xar seen tànki tubéy ngir ñu jox leen seen gëdd. Kurél gaa ngi juddoo ci ndaje bees amaloon ca diiwaanu Kafrin, ña fa daje woon di waa Kafrin ci seen bopp, waa diiwaanu Kawlax, waa Cees, waa Jurbel ak waa Fatig.
Kurél gi, nag, ay kurél a koy teewal ci diiwaan bu nekk. Loolu dina tax képp ku ci bëgg a bokk, ak foo mënti dëkk, mu yomb la. Waaye, warees na indiy firnde yu leer yuy biral ne jàngalekatu làmmiñi réew mi nga walla yombalkat walla boog li lay tax war a mën a bokk ci njaboot gi. Bu loolu yépp sottee ngay door a joxe juróom-ñett-fukki (400) dërëm ba noppi ñu xamal la ni weer wu dee dinga natt ñeent-fukki (200) dërëm.
Ñaari weer yu nekk, SNAN fas yéene naa amal am ndaje muy boole kuréli diiwaan yépp. Ndaje moomu dees na ko amal ci benn diiwaan bu ñu tànn, di ko ay-ayle ngir yaatal géew bi ba noppi gën a jege askan wépp.
SNAN sos na benn Mbootaayu “WhatsApp”. Dina yombal jokkoo bi ci biir kurél gi, di siiwal aka leeral i jëfam tey tontu ci yenn laaj yi. Dinañ ci waxtaane itam jafe-jafe yi way-bokk yiy tawat.
Sunu nisër mooy soppi nekkinu yombalkat yeek jàngalekati làmmiñi réew mi, fexe tamit ba ñépp jox leen seen gëdd, rawatina nguur gi ak képp ku ciy liggéeyloo doom-aadama yi !
Tey jii bu nuy xool walla di càmbar ñi nekk ci biir SNAN, wólis yombalkat, jàngalekat ak saytukat, daanu fa fekk yeneen boroomi xam-xam yu seen xel màcc jëm ci fànn yu bare ñeel yokkute : Ñooñu ay beykat lañu walla sàmmkat, fajkat, taskati xibaar, bindkat, óbëryee, añs.
Kurél yi nu teewal ci diiwaan yi ñoom tamit dinañuy daje gën gaa néew 2 yoon ci weer wi ngir tëral yëngu-yëngu yi, dajale teg yi waaye it natt doxinu liggéey bi.
Njiitul «Sàndikaa Njabootu Alfabetisaasiyoŋ Nasiyonaal» (SNAN), nag, Ñoxor Ngom la tudd. Képp gu bëgg a jokkook kurél gi, kilifa googu nga war a woo ci 00 221 77 120 21 54.
EN AFRIQUE, LE CORONAVIRUS MET EN DANGER LES ÉLITES DIRIGEANTES
Bloqués chez eux par les suspensions des vols suivies des fermetures de frontières, les voilà soudain confrontés aux conséquences concrètes de leurs politiques sur un continent qui se contente de seulement 1 % des dépenses mondiales de santé
Le Monde Afrique |
Joan Tilouine |
Publication 04/04/2020
Le Covid-19 menace une classe politique mondialisée et voyageuse, autant qu’elle met à nu leurs défaillances en matière de santé publique.
A Londres, Abba Kyari avait ses habitudes dans l’hôpital où il était soigné par des médecins de renom. Parfois, ce septuagénaire à la santé fragile quittait discrètement Abuja, la capitale fédérale nigériane, dans l’urgence. Ces dernières années, son ami, le président Muhammadu Buhari, 77 ans, dont il est le chef de cabinet, s’est lui aussi absenté du pays plusieurs mois durant pour traiter ses problèmes de santé au bord de la Tamise. De retour de Londres, l’une des neuf filles du chef de l’Etat a été diagnostiquée positive au Covid-19 et placée en quarantaine. Abba Kyari, lui, a probablement contracté le coronavirus lors d’une récente mission en Allemagne.
Le plus influent des conseillers de M. Buhari, testé négatif au Covid-19, se retrouve contraint de se soigner dans son pays, première puissance économique d’Afrique, qui consacre à peine plus de 4 % de son budget à la santé. « J’ai pris mes propres dispositions en matière de soins pour éviter de surcharger davantage le système de santé publique, qui est soumis à tant de pressions », a tenu à préciser dans un communiqué M. Kyari, sans doute peu désireux de s’infliger le calvaire des hôpitaux publics négligés par son administration.
Le Covid-19 n’épargne pas la classe dirigeante africaine, globalisée et voyageuse, clientèle dépensière dans les prestigieux hôpitaux d’Europe, d’Asie, de Suisse, d’Arabie saoudite ou d’Israël. Ils sont même les premiers touchés. Bloqués chez eux par les suspensions des vols suivies des fermetures de frontières et des mesures de confinement, les voilà soudain confrontés aux conséquences concrètes de leurs politiques sur un continent qui se contente de seulement 1 % des dépenses mondiales de santé, et se débat avec deux docteurs pour 10 000 habitants.Les hôpitaux publics d’Afrique ne disposent en moyenne que de 1,8 lit pour 1 000 personnes. Les conditions de prise en charge dans ces établissements sont régulièrement dénoncées, parfois images à l’appui, accompagnées du hashtag #BalanceTonHopitalsur les réseaux sociaux francophones.
« Pris à leur propre piège »
« Premiers concernés par le Covid-19, les dirigeants doivent à la fois se soigner ou se protéger, tout en essayant de gérer cette crise et de masquer leurs échecs en matière de santé publique, constate Jean-Paul Bado, historien franco-burkinabé de la santé et de la médecine en Afrique. Ils sont en quelque sorte pris à leur propre piège et c’est une première. » Du Mali au Zimbabwe, de la République démocratique du Congo (RDC) à la Côte d’Ivoire, les chefs d’Etat, leurs conseillers et leurs ministres de même que leurs proches peinent à contenir leurs inquiétudes au gré des résultats rendus par les rares tests disponibles sur le continent. Comme autant de verdicts sanitaires augurant des changements subis de gouvernance.
Des gouvernements et des Parlements entiers sont confinés. Des Etats se retrouvent paralysés sur le plan politique, ou techniquement ralentis. Au Burkina Faso, par exemple, au moins six ministres, dont deux guéris, et le chef d’état-major général des armés sont ainsi infectés. Le Covid-19 a pris la forme d’un virus politique et urbain d’abord, révélateur des défaillances des pouvoirs en place. Pour John Nkengasong, directeur du Centre africain de contrôle et de prévention des maladies (CDC-Africa) rattaché à l’Union africaine, « les politiciens sont les premiers responsables des faiblesses des systèmes et infrastructures de santé et les premiers à devoir trouver des solutions, dans l’urgence ». Ce virologue camerounais craint « le pire », faute de ressources disponibles. « Si le Covid-19 a, dans certains pays africains, affecté d’abord les élites, il se répand désormais dans les quartiers populaires où les indicateurs d’accès aux soins sont aussi préoccupants que les risques d’une propagation rapide », dit-il.
Comment justifier auprès de la population la disponibilité d’un seul respirateur artificiel dans les hôpitaux publics de Conakry, la capitale de la Guinée, où un premier cas a été diagnostiqué mi-mars ? Le pouvoir, de plus en plus contesté, du président Alpha Condé avait pourtant feint de renforcer les capacités médicales après l’épidémie due au virus Ebola en Afrique de l’Ouest entre 2014 et 2016 qui avait fait 11 300 morts.
« Le Covid-19 est perçu par une partie de la population guinéenne comme un virus importé du Nord par les élites occidentales et locales. Ces dernières ne se sentaient pas vraiment menacées par Ebola, un danger venu de la brousse, à l’intérieur du pays », observel’anthropologue de l’Ecole nationale supérieure de Lyon, Frédéric Le Marcis. Depuis Conakry où il exerce pour l’Institut de recherche pour le développement, ce chercheur note que « le contexte électoral [législatives et référendum constitutionnel organisés le 22 mars] a nui à l’efficacité de la réponse politique et sanitaire à l’épidémie, du moins au début. En outre, les élites contaminées ont traité le coronavirus avec une certaine légèreté, y compris pour leur propre cas. »
En RDC, il n’y a qu’une cinquantaine d’appareils d’assistance respiratoire pour plus de 80 millions d’habitants vivant sur un territoire aussi vaste que l’Europe occidentale. Certains pays du continent n’en disposent d’aucun en état de fonctionner. Ce qui renforce les angoisses dans les villes, où le confinement – parfois imposé par la force militaire et mal expliqué – peut être perçu comme une oppression de plus et une asphyxie de la si vitale économie informelle. Le tout conjugué à un risque de pénurie alimentaire.
« Procès populaires contre l’Etat »
L’historien et archiviste paléographe sénégalais Adama Aly Pam voit là les conditions réunies pour qu’émergent des mouvements urbains de protestation menés par ceux qui n’ont rien à perdre à défier des régimes jusque-là indifférents à leur santé, à leur vie. « Les centres urbains d’Afrique sont d’extraordinaires lieux de ségrégation, que ce soit par le pouvoir, l’argent, le logement et l’accès aux soins, explique l’intellectuel. Cette pandémie exacerbe les inégalités sociales et renforce les sentiments d’injustice face à la santé. Elle augure forcément des contestations politiques en Afrique ».
Au risque de voir ces éventuelles agitations sociales affaiblir des régimes dirigés par des chefs d’Etat âgés, à la santé fragile, et qui peinent à entretenir l’illusion d’un pouvoir fort ?Des régimes autoritaires en Afrique subsaharienne pourraient se révéler « incapables de démontrer un minimum de prise face aux chocs sanitaires et économiques [et] pourraient être fortement contestés », écriventdesdiplomates du Centre d’analyse, de prévision et de stratégie (CAPS) du ministère français des affaires étrangères dans une note rendue publique par Le Monde. « Plusieurs Etats fragiles vont se trouver encore davantage contestés, et incapables d’assumer leurs responsabilités régaliennes et westphaliennes », se risquentàprédire ces analystes français.
Dans une autre étude consacrée à l’Afrique, dévoilée par le journal économique La Tribune et que Le Monde Afrique s’est procurée, le CAPS évoque un « virus politique » et n’exclut pas que « cette crise pourrait être le dernier étage du procès populaire contre l’Etat. » Plus que le patient zéro, c’est le « mort zéro » présidentiel et une propagation massive du Covid-19 déclencheur d’incertaines révoltes qui créent la panique dans certains cénacles de pouvoir.
LI UMAR YUM AK AALI NGUY NJAAY WAX TASKATI XIBAAR YI ÑEEL GUURAL GI
Senegaal, ca njëlbeen ga (2eelu fan ci weeru màrs 2020), diiwaanu Ndakaaru kesee amoon Covid-19. Wànte, tey (29eelufan ci weeru màrs jàngoro ji law na ci 6 diiwaan (Ndakaaru, Njaaréem – Jurbel – Cees, Sigicoor, Ndar ak Fatig). Kon, luy jot jot na. Dafa di, Covid-19 bi amul i tànk, nit ñiy dem ak a dikk ñoo koy tasaare. Moo tax, njiit yi jël ay dogal ngir feg mbas mi. Jawriñ jiñ dénk kaaraange biir réew mi ak naataangoom bi yor wàllu dem beek dikk bi amalandoo nañ ab waxtaan ak taskati xibaar yi ñeel guural gi (état d’urgence) njiitu réew mi dogal ci altine ji. Pexe yi njiitu réew mi, Maki Sàll, lal ngir daan Covid-19 bi la Aali Nguy Njaay ak Umar Yum doon leeral.
Jawriñ Aali Nguy Njaay moo jëkk a wax. Moom, nag, jël nay dogal yoo xam ne, dañuy wàññi bu baax a baax yëgu-yënguy askan wi. Waaye, lépp rekk, ciy kàddoom, xeex jàngoroy Covid-19 bee ko waral. Dogal yii la fa biral :
li ko dale 20 waxtu ci guddi jàpp 6 waxtu ci suba, tere nañu demlante beek dikkalante bi. Nee na, na ku nekk toog sa kër ci diir boobu ;
ci diir boobu ba tey, tere nañ woto yépp ñuy daw dëkk ak dëkk ;
alkaati yi, sàndarm yeek soldaar yi dinañ wàcc ci tali yeek koñ yi ngir fexe ba askan wi dëppook dogal yii ;
ku sàmmoontewul ak guural gi, dees na la tëj kaso 2i weer ba 2i at walla ñu alamaan la 20 000 ba 500 000 ci sunu xaalis. Mu leeral ne, ñaari xeeti daan yooyu, benn bi rekk a mën a dalci kow nit ki.
Dogalu dëju-guddi (couvre-feu) googu, nag,ñii ñuy limsi taxu koo jóg : njiiti campeef yi, jawriñ yi ak fara-caytuy nguur yi, dipite yi, àmbasadëer yi, jaraaf yi, perefe yi, tofoy perefe yi ak seen i tofo, way-àtte yi ak way-denc yi, ñiy liggéey ci wàllu wér-gi-yaram ak ñiy liggéey ci wàllu kaaraange. Bu dee am na keneen ku yeyoo ñu teggil la tere bi, ci kow nga am lay bu wér (feebar, tukki walla soxla yu jamp), jawriñu kaaraange biir réew mi mbaa pólis walla perefe dina la bindal kayit ngir nga mën a faji sa soxla.
Bi loolu weesoo, jawriñ Aali Nguy Njaay tontu na ciy laaj ñeel jumaa yi ak jàkka yi. Ci ndoorteel li dafa ne woon :
“Mbooloo yi lanu aaye, waaye terewunu kenn julli. Aar askan wee nu ko tax a def. Te, ci sunu biir doxalin, tëbunu tëb rekk jël dogal bi. Dan cee waxtaan ak kilifa diine yi ba noppi, ñaan leen ñu jàppale nguur gi ci xeex bi, aj seen i xew-xew, ndeem seen wér-gi-yarami taalibe soxal na leen. Ci kow loolu lañu fomm seen i xew-xew yi waroon a am ci weeru màrs”.
Mu teg ci ne :
“Àjjuma jii weesu, ci 4 500 jumaa, 500 kese ñoo ci julli. Maanaam, ci xayma, téeméeri jumaa yoo jël, 89 julliwuñu keroog. Te, ni ñu doxale woon moo nu taxoon a am ngirte yile. Kon, àjjuma jii di ñëw, dunu soppi sunub doxalin. Nde, yaakaar nan ni, bii yoon, jumaa yépp dinañ tënku ci tere bi. Ndaxte, muy sëriñ yi di ilimaan yi, ñépp ñoo xam ne aar askan wi rekk a sabab aaye yin aaye mbooloo yi. »
Umar Yum, jawriñ ji yor wàllu dem beek dikk bi, moom, lii la wax :
“Dinan wàññi palaasi woto yi lu tollook xaaj…”
Bi jawriñ Aali Nguy Njaay noppee, dafa jébbal kàddu gi jawriñ Umar Yum mi yor wàllu dem beek dikk bi. Mu daldi biral ay dogal yi ñeel tukki-jaare-suuf yi. Moom it, tëral nay sàrt yu, ku leen jalgati, dees na la daan ni ko yoon santaanee.
Ci tënk, 10i dogal yii toftalu la jawriñ Umar Yum biral ci talaata ji, 24eelu fan ci weeru màrs :
dakkalees na bépp xeetu tukki diggante dëkk ak dëkk, diiwaan ak diiwaan ;
dees na dakkal tukki gox-goxaat yi li ko dale 20 waxtu ci guddi jàpp 6 waxtu ci suba ;
santees na bépp aji-tukki ak dawalkati oto yépp ñu takk mask ba keroog ñuy àgg fa ñu jëm ;
woto bu nekk, xaaju palaas yi nekk ci sa kàrt-giriis ngay yeb. Maanaam :
woto20i palaas, 10i nit lay yeb ;
woto 25i palaas, 12i nit lay yeb ;
taksi yiy faral di yeb 5 nit (boo ci boolee dawalkat bi), léegi 3 nit kese lañuy def te dawalkat bi ci lay bokk ;
‘’maa-watiir’’ yi tamit dootuñu romb 3 nit (te kiy dawal ci lay bokk) te, santees na ku nekk ci ñoom mu takk mask ba ba muy àgg ;
dakkalees na njaay meek njënd mi ci biir gaaraas yi ;
terees na képp ku liggéeyul ci gaaraas yi mu fay teg tànkam walla di fa taxawaalu ;
yóbbaale màrsandiis yi dees na ko wéyal ci kow dawalkat bi sàrtoo ndigal yii :na takkub mask, sol i gã te yeb 2i nit kese ;
digalees na it caytug ótorut yi ñu gën a farlu ci set-setal bi ak ci seen kiiraayu liggéeykat yi (jox leen ay mask ak ay gã). Ndax, li ëpp ci weccoo yi ci ótorut yi (transactions), loxook loxo lay ame.
dakkalees na liggéeyu ‘’war-gaynde’’ yi (woto yiy dem Mali), alóo-dakaar yeek gaaraasi falaa-falaa yi.
Jawriñ Umar Yum ne xam na ne dogal yii dinañ metti lool ci boroom woto yi ak képp kuy liggéey ci wàllu dem ak dikk, rawatina biir Ndakaaru te looloo tax mu fas yéenee taxawal ab banqaas buy saytu seeni pertmaa. Teg na ci ne dina ko jébbal njawriñ jiñ dénk ngurd mi, mu sukkandiku ci xool ni mu leen di dimbalee
KORONAAWIRIS : MBETE GAYNDE GU TËX !
Fii ci Senegaal, limu ñi Covid-19 bi daaneel romb na téeméer.
Ndey Koddu Faal (www.defuwaxu.com) |
Publication 04/04/2020
Fii ci Senegaal, limu ñi Covid-19 bi daaneel romb na téeméer.
Moonte bi feebar biy soog a feeñ ca réewum Siin, ñetti weer ci ginnaaw – mi ngi mel ni démb ci man – dañoo foogoon ni fa lay yem, du dal ku dul Sinwaa. Njuumte la woon, ndax mujj gi laal na Ërob. Ñu ni kon xéy-na feebaru nit ku weex la. Am na sax ñu dem ba naan doomu-jàngoro bi ñemewul tàngoor, mënul a dund Afrig, moo tax nit ku ñuul du ko am.
Ndekete yóo…
Léegi leer na ñépp ne koronaa xàmmeewul ku ñuul ak ku weex, yoonam newul ci ku puur ni Sàppone bi walla Sinwaa bi te boroom daraja beek baadoolo bi la yemale kepp. Faat na Mari-Roos Kompawore ak Manu Dibango, song Mustafaa Màmba Giraasi jóge fa dal ci Boris Johnson ak Prince Charles. Suñ bëggoon a lim kilifa yi muy lottal yépp fan yii, dun fi jóge tey. Xanaa rekk di ñaan ñépp ñu bàyyi xel ci fajkat yi mu sonal lool. Koronaa, kenn mënu koo teg bët ba naan yaa ngi koy jàpp. Koronaa dëj na nit ñi seen kër, tax na ñu tëj jàkka yi, jumaa yi, jàngu yi ak tamit isin yeek biro yeek daara yi.
Te yemul foofu.
Su ma ko mën a waxe noonu xew ci boppam… xewwi na !
Koronaa nee na bëggatul gis kenn muy dox ay tànki mbokk te kat, moom, buy doxantu ba séen ñaar ñuy joxante loxo bu ne leen bum fi amati mbaa ma def leen lu ñaaw léegi ! Te nag, àddina-si-juróom-ñaar amul réew mu mucc ci ndigalam yu kéemaane yi.
Waaw, xanaa koronaawiris moom gaynde gu tëx la ?
Lu ma ciy gën a xalaat, di gën a waaru. Ci dëgg-dëgg, xawma lu ma yëf yiy niru. Waaye mësumaa fàtte ni dee du moy du jaas, xam koo tax nit di ji muy sax ak a meññ, di móol, di fent i taalif ngir tabax ëllëg.
Tey jii nag, koronaa tax na ëllëg gën a lëndëm, dee gën noo jege. Maa ngiy déggaat kàddu Ngiraan Fay yi ci ndoorteelu Doomi Golo :« Àddina : dund, dee. Leneen newu fi, Badu. Lii rekk : demal, maa ngi ñëw.» Waaye kan moo bëggul a dund ? Ma ne kon koronaa dafa wàcc di nu mbëllee : di nu fàttali ni lu tuuti- gallaxtaan lanu te amunu benn ka1ttan. Bi nuy ganesi àddina indiwaalewunu tus, te bu nuy dem it dunu yóbbuwaale tus. Lii di biral ne dara jaru fi fëgg dënn ak jaay lu amul.
Nan seetaat boog sunu bopp te dellu ci Yàlla.
"SENGHOR NE SÉPARE PAS LA POÉSIE DE LA POLITIQUE"
De Joal où il voit le jour en 1906, à Verson, où il meurt en 2001, Léopold Sédar Senghor marque le XXe siècle de ses talents littéraires autant que politiques. Le critique littéraire Boniface Mongo-Mboussa revient sur la dualité d’un homme exceptionnel
De Joal, au Sénégal, où il voit le jour en 1906, à Verson, en France, où il meurt en 2001, Léopold Sédar Senghor marque le XXe siècle de ses talents littéraires autant que politiques. Le critique littéraire Boniface Mongo-Mboussa revient sur la dualité d’un homme exceptionnel.
Boniface Mongo-Mboussa : L’œuvre de Senghor est une ode à l’Afrique. Cet éloge du continent s’opère à la fois sur le plan intellectuel et poétique. Du point de vue intellectuel, c’est la valorisation de l’art nègre ; sur le plan poétique, c’est la célébration de la femme africaine, des paysages et des civilisations du continent.
Senghor est un poète élégiaque, un poète de la mémoire. Un homme travaillé par la fuite du temps, partagé entre un passé harmonieux perdu à jamais - le fameux royaume d’enfance -, un présent violent, insaisissable, et un futur hypothétique, dont l’issue est fatalement la mort. Dans tout cela, le poète se veut Dyali(griot), avec une mission bien précise : glorifier son lignage, ses amis, ses morts, son pays et sa civilisation.
Pourquoi le Normalien passionné de littérature s’engage-t-il en politique ?
Senghor a toujours pensé qu’il était tombé en politique. On ne l’a jamais cru, du moins pas tout à fait. Et pourtant, il ne mentait pas en disant cela. La politique l’a rattrapé au pays en 1945, alors qu’il était venu collecter la poésie orale sérère pour l’écriture d’une thèse.
Sollicité avec insistance par Lamine Gueye pour être candidat au deuxième collège pour l’élection au poste de député de l’Union française à la Constituante, il a fini par accepter l’offre de Lamine Gueye et de la S.F.I.O. Ensuite, tout s’enchaîne. En 1956, il est nommé secrétaire d’État à la présidence du Conseil dans le gouvernement d’Edgar Faure. En 1959, il est élu président de l’Assemblée de l’éphémère fédération du Mali. Le 5 septembre 1960, il est élu président du Sénégal pour un mandat de 7 ans. Il sera réélu en 1963, 1968, 1973 et 1978. Le 3 décembre 1980, il se démet de ses fonctions présidentielles au profit d’Abdou Diouf.
Au long de ces vingt ans de présidence, est-il resté poète ?
Senghor a dirigé son pays en professeur. C’est-à-dire avec méthode et esprit d’organisation, deux valeurs chèrement acquises chez les Pères blancs et à Khâgne à Paris ! Sa vie dans l’année était ainsi organisée : pendant la saison scolaire, il est président au Sénégal ; en été, il est poète en Normandie, à Verson, patrie de sa seconde épouse Colette Hubert. Dans sa poésie, je l’ai dit, il célèbre la culture africaine ; dans sa politique, il donne la primauté à la culture sur l’économique. Senghor ne sépare pas la poésie de la politique. Pour lui, « interpréter poétiquement le monde » ne s’oppose pas à le « changer » politiquement. D’où ce beau titre, Poésie de l’action, qu’il donne à son autobiographie intellectuelle et politique, parue en 1980.
Les valeurs défendues dans son œuvre sont-elles celles appliquées dans sa politique ?
Dans sa poésie, il célèbre sa terre natale, la fraternité, la fidélité, la mémoire, la dignité, l’honneur, la bravoure. En politique, il a été très digne. Il prône l’enracinement tout en s’ouvrant en monde, à la France. D’où la francophonie. On le lui a reproché. C’était oublier son sens de la fidélité. Il savait ce qu’il devait à la France, aux Pères blancs qui l’ont éduqué, à ses maîtres de Louis-Le-Grand, à son condisciple Pompidou, à Paris.
Dans l’affaire qui l’oppose à Mamadou Dia, est-il encore fidèle à ces valeurs ?
À l'indépendance, Senghor hésite encore entre la vie politique et la carrière de professeur, surtout de poète. Il doute de la solidité des « républiquettes » issues de la balkanisation de l’Afrique. Mamadou Dia, lui, n'a pas ces états d'âme. Il prend sa fonction de président du Conseil - qui conduit l'action du gouvernement - très au sérieux. Il impose un système d'économie agricole qui prend de court les marabouts féodaux, la chambre de commerce de Dakar et les intermédiaires, dont certains sont membres de l'Assemblée nationale.
Irrités, ces derniers l'accusent d’autoritarisme - ce qui est en partie vra-, collectent des signatures pour une motion de censure. Dia se cabre, fait évacuer l'Assemblée et arrête quatre députés leaders. Mais les députés se retrouvent au domicile de Lamine Gueye, le président de l'Assemblée, et votent la motion de censure. Dia est accusé d'avoir fomenté un coup d'État - un coup d'État constitutionnel. Et il est condamné.
Une condamnation si sévère qu'elle divise encore la société sénégalaise. Ce que beaucoup de Sénégalais reprochent à Senghor, ce n'est pas tant le fait d'avoir arrêté Dia. Ce dernier avait par impulsivité violé la constitution. Ce qu’ils reprochent à Senghor, c'est la sévérité avec laquelle il s'est servi de cette opportunité pour se débarrasser de Dia, qui commençait à lui faire de l'ombre. Dans ce conflit, Senghor a agi avec méthode, sang-froid et ruse. Il avançait masqué derrière les députés ; Dia, lui, entier et droit, n’a pas fait dans la dentelle. D'où sa chute. Encore une fois, Senghor a prouvé qu'il pouvait être poète et politicien.
Mais, finalement, a-t-il été plutôt un président ou plutôt un poète ?
Finalement… Un poète-président ! Pas l’un sans l’autre. Mais s’il fallait choisir, sans hésiter, il aurait choisi le poète. Il n’était pas dupe de la vanité de la gloire politique. Il a toutefois assumé avec rigueur et dignité ses deux fonctions. En cela, il a porté un démenti à l’injonction de Platon, qui interdisait au poète le droit de diriger la cité.