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21 juillet 2025
"DJ ARAFAT ÉTAIT LE SYMBOLE DE L'AFRIQUE QUI A SOIF D'ÉMANCIPATION"
C'était l'une des stars les plus influentes de la musique africaine. Fier, sans compromission et qui cassait les codes comme aucun autre artiste de sa trempe. Il est officiellement décédé ce lundi 12 août à Abidjan, la terre ivoirienne qui l'a façonné
Le Parisien |
Marie Poussel |
Publication 12/08/2019
C'était l'une des stars les plus influentes de la musique africaine. Fier, sans compromission et qui cassait les codes comme aucun autre artiste de sa trempe. DJ Arafat est officiellement décédé ce lundi 12 août à Abidjan, la terre ivoirienne qui l'a façonné à l'image de ce pays bouillonnant.
La veille au soir, alors qu'Houeon Ange Didier, de son vrai nom, rentrait d'une date de sa tournée « Moto, Moto », il a perdu le contrôle de son deux-roues dans le quartier de Cocody, percutant une voiture. Le choc a été si violent qu'il a perdu aussitôt connaissance. Quelques secondes après l'impact, une foule anxieuse se pressait autour de son corps à terre… Cette scène de panique a été relayée largement sur les réseaux sociaux.
« Admis aux urgences dans un état végétatif, il souffrait notamment d'une fracture du crâne et d'un œdème », a précisé un médecin. Il a succombé à ses blessures au petit matin. Dès l'annonce de sa mort, ce jeune papa de deux enfants âgé de seulement 33 ans, est devenu l'un des sujets les plus discutés en France sur les réseaux sociaux. À la mesure de l'immense popularité de ce beau gosse tatoué, né dans le quartier populaire de Youpougon.
Un cocktail entre l'afro et le hip-hop
« C'est la deuxième génération du style coupé-décalé né après le coup d'Etat de 1999. Le pays était séparé en deux par la guerre civile et politiquement cette musique vient nourrir une génération qui rêve de vivre mieux dans une Côte d'Ivoire réunifiée, explique Claudy Siar, présentateur et producteur de l'émission "Couleurs Tropicales" sur RFI. Dans ce mouvement, DJ Arafat est la locomotive ».
Le fruit ne tombe jamais loin de l'arbre, dit le proverbe qui va comme un gant au jeune artiste. Yorobo, l'un de ses nombreux surnoms, est le fils de deux artistes, « pas forcément phares, mais qui avaient des personnalités très fortes dans la culture ivoirienne, Houon Pierre et Tina Glamour, chanteuse un peu sulfureuse », précise Claudy Siar.
Son credo : un savoureux cocktail entre l'afro au sens large et le hip-hop, au sens large aussi. « Il n'a jamais eu peur d'être à contre-courant et a inspiré et décomplexé toute la jeune scène africaine francophone, car il leur a montré jusqu'où on pouvait aller. C'est une star qui symbolise cette Afrique francophone qui a soif d'émancipation. C'est terminé, on ne plagie plus la variété française, ni ce qui vient des Etats-Unis », prolonge l'expert.
«Un modèle pour ceux qui s'inspirent de la musique afro»
« C'est une immense star sur le continent grâce à une musique incroyablement créative et il a inspiré beaucoup d'artistes bien au-delà de l'Afrique », explique un cadre d'Universal France. En France, son influence est énorme. « C'est un modèle pour toutes les stars qui s'inspirent de la musique afro en France, comme Maître Gims, avec qui il a beaucoup collaboré, MHD, Naza et même Dadju », précise ce spécialiste de musique urbaine.
« Beaucoup d'artistes français afros avaient besoin d'une légitimité en Afrique et d'enregistrer coûte que coûte avec lui, c'était l'artiste le plus courtisé », confirme Claudy Siar.
Il y a quelques années, DJ Arafat avait rejoint le label de Maître Gims, Monstre Marin, ce qui lui avait permis de mettre un pied chez Universal, maison de disques qui y voyait une opportunité de développer l'afro, une musique particulièrement à la mode en Europe. Son dernier album, « Renaissance », était sorti en France en décembre dernier.
Mort de DJ Arafat : « Il a décomplexé la scène musicale d'Afrique francophone »
Un certain goût pour les clashs et la mise en scène
Sans avoir jamais fait de titre avec lui, l'artiste était un proche du rappeur Booba. Bad boy et play-boy, le côté sulfureux de DJ Arafat lui a d'ailleurs valu d'être qualifié par les médias locaux de « Booba ivoirien ». Comme lui, d'ailleurs, il n'hésitait pas à rentrer dans des clashs avec ses collègues, avec un certain goût pour la mise en scène à grands coups de vidéos en direct sur les réseaux sociaux, qu'il maniait à merveille.
Pour preuve, son compte Facebook est suivi par quelque… 2,3 millions d'abonnés. « Les scandales, les déclarations, tout cela pour lui, c'était artistique, le fait de s'en prendre à d'autres artistes, c'est très culture hip-hop », rappelle Claudy Siar. « Nous venons de perdre un frère, une icône de la musique africaine », confirme le rappeur Mokobe, qui avait régulièrement collaboré avec lui.
« Il se faisait appeler le président de la Chine, car il avait énormément de fans, un clin d'œil au nombre de Chinois, sourit A'Salfo, le leader du groupe Magic System qui l'avait programmé lors de la quatrième édition de son festival le FEMUA. C'était une idole incontestable de la jeunesse africaine, de la jeunesse ivoirienne qui va beaucoup nous manquer ».
LES «NOUVEAUX BLANCS» À LA TÊTE DU CAMEROUN
Soixante ans après son indépendance, le pays reste une nation pauvre où se perpétue un système de gestion et de contrôle colonial. Plus que d’autres pays d’Afrique francophone, il représente l’échec volontaire d’une décolonisation afin que rien ne change
Médiapart |
Thomas Cantaloube |
Publication 12/08/2019
Soixante ans après son indépendance, le Cameroun reste une nation pauvre où se perpétue un système de gestion et de contrôle colonial. Plus que d’autres pays d’Afrique francophone, il représente l’échec volontaire d’une décolonisation afin que rien ne change.
À Yaoundé, comme dans de nombreuses capitales d’Afrique de l’Ouest, le centre-ville est parsemé de bâtiments gouvernementaux, chaque ministère, sous-ministère ou direction déléguée affichant fièrement sa raison d’être par le truchement d’un panneau apposé devant l’entrée. Les fonctionnaires en costume-cravate malgré la chaleur étouffante une grande partie de l’année se fraient chaque matin un chemin, à pied ou en taxi, parmi les ornières et les vendeurs ambulants, vers leur poste. La grande artère du centre, le boulevard du 20-Mai comprend, comme la plupart des villes camerounaises, un espace de parade militaire encadré d’estrades pour accueillir le président et son gouvernement.
On pourrait croire qu’avec une telle profusion d’apparats officiels, le Cameroun est un pays bien gouverné. On aurait tort. Sauf à considérer qu’un État dirigé par un fantôme fait partie des hypothèses envisagées par les constitutionnalistes français, puis camerounais, qui ont mis le régime en place en 1960.
Paul Biya, 86 ans, est président depuis 1982, ce qui n’en fait pas le chef d’État avec la plus grande longévité, mais presque (Teodoro Obiang Nguema en Guinée équatoriale détient le triste record actuel). Auparavant, il avait été premier ministre pendant sept ans et secrétaire général à la présidence pendant sept également. Autrement dit, il squatte les plus hautes instances du pouvoir camerounais depuis une époque où le général de Gaulle n’imaginait pas encore la révolte étudiante de 1968.
Mais Paul Biya existe-t-il encore ? L’homme a toujours été avare d’apparitions publiques et encore plus de déplacements en province (exception faite pour son village natal), mais son absence et son silence depuis une décennie sont devenus tellement notables que plus personne ne sait véritablement qui dirige le pays. Et lorsqu’il daigne se montrer en public, comme lors de la fête nationale du 20 mai 2019, son attitude suscite davantage d’interrogations que de certitudes : une vidéole montrant hagard, poussé par son épouse à lever les bras pour saluer la foule, a fait le tour du pays, assortie de commentaires où le désespoir l’emportait sur la moquerie.
Pourtant, on peut difficilement dire que les choses fonctionnent toutes seules au Cameroun. Le pays est plongé dans une guerre civile dissimulée mais sanglante dans sa partie anglophone (nous y reviendrons dans un article de cette série), et des incursions du groupe terroriste Boko Haram au nord, son économie tourne au ralenti si on la compare à celles de ses voisins régionaux, ses indices de compétitivité ou de corruption figurent au plus bas des palmarès mondiaux et, insulte suprême, la Coupe d’Afrique des nations de football de 2019 lui a été retirée au dernier moment en raison de son incapacité à organiser correctement l’événement. Mais le pire est que tous ces revers, tous ces échecs, se déroulent dans une forme d’indifférence générale, un « j’menfoutisme » taciturne partagé aussi bien par les élites locales que par Paris, l’ancienne puissance tutélaire.
L’histoire récente du Cameroun, au fond, est celle d’une décolonisation ratée. Une accession à l’indépendance, en 1960, qui n’a rien changé et qui, selon de nombreux Camerounais, a, au contraire, contribué à perpétuer et renforcer le système mis en place par les colons. Le propos de cette série d’articles dans Mediapart n’est pas d’évaluer le degré de réussite d’une entreprise de décolonisation (au regard de quoi d’ailleurs ? des malheureux exemples britanniques, portugais ou belges ?), mais d’examiner comment et par quels mécanismes la France et ses affidés au Cameroun, ont fait en sorte qu’un pays riche en ressources humaines, minérales, agricoles, géographiques et même linguistiques ne puisse marcher fièrement sur ses deux jambes soixante ans après son indépendance.
« L’État camerounais aujourd’hui est colonial : il est centralisé et autoritaire », affirme Patrick, ancien syndicaliste étudiant devenu militant de la société civile (voir Boîte noire). Un exemple ? Les 10 régions et 58 départements du pays sont dirigés respectivement par des gouverneurs et des préfets nommés par la présidence ; 97 % du budget de l’État est géré au niveau national et 3 % au niveau communal (seule instance élue). « À l’École nationale d’administration et de magistrature (Énam), la formation universitaire privilégiée pour devenir haut fonctionnaire, on enseigne encore le “commandement”, pas le service public. Pareil au niveau de la formation militaire, où l’on apprend toujours aux soldats à considérer le peuple comme un ennemi avec des cours sur les thèmes de la rébellion, de la sédition, etc. », poursuit Patrick.
Le premier président du Cameroun, Amadou Ahidjo avait été sélectionné par Paris à l’octroi de l’indépendance. Le second, Paul Biya, a été formé puis recommandé à Ahidjo par les Français. Et c’est tout, puisque le Cameroun n’a eu que deux chefs d’État en soixante ans (un record en Afrique). « Biya n’a jamais fait de politique militante, n’a jamais été confronté au débat contradictoire, c’est un homme de dossiers », rapporte Christophe, vieux militant d’opposition upéciste (par référence à l’UPC, l’ancien mouvement pro-indépendance).
On appelle les dirigeants du pays « les nouveaux Blancs »
« Biya a copié le système des colons, ce sont les mêmes méthodes de contrôle, de division et de répression, continue Christophe. Il a inventé des divisions ethniques qui n’existaient pas pour susciter les désaccords entre les citoyens. Il a créé un système électoral contrôlé de A à Z par le gouvernement, avec une commission de contrôle composée de gens nommés par lui et grassement rémunérés. Enfin, à tout moment, on est susceptible d’être arrêté par la police et relâché sans décision judiciaire : c’est le fait du président. »
Maurice Kamto, longtemps homme du sérail devenu opposant et candidat à la présidentielle de 2018 (où il est arrivé en seconde position avec officiellement 14 % des voix) a été arrêté en janvier 2019 parce qu’il proclamait sa victoire électorale. C’est un sort fréquent pour les opposants ou les intrigants qui convoitent davantage de pouvoir au sein du régime. « Tant que tu ne trahis pas Paul Biya, tu fais ce que tu veux », résume Théophile Yimgaing Moyo, architecte et président du Mouvement citoyen (MOCI).
« On parle beaucoup des “démocraties illibérales” ces temps-ci en Occident, ironise Franck Essi, secrétaire général du Parti du peuple camerounais. Au Cameroun, nous vivons sous une dictature libérale : Paul Biya tolère la contestation verbale, mais pas celle qui s’aventure plus loin : manifestations, recours administratifs, contestation des résultats électoraux… » De plus, très souvent, pour ne pas dire toujours, politique et corruption sont imbriquées. Ce qui s’avère bien commode pour contrôler les dirigeants et les incarcérer si le besoin s’en fait sentir. « Tous les gens qui ont volé ne sont pas en prison, mais ceux qui sont en prison ont volé », assène Théophile Yimgaing Moyo qui juge cruellement les élites de son pays dont il est pourtant proche par son parcours et ses liens familiaux avec des membres, passés et présents, du gouvernement Biya.
« Quand quelqu’un est nommé à un poste de responsabilité, même très petit, tout le monde va chez lui faire la fête, car on sait qu’il va avoir les clés de la caisse, s’attriste Pierre, un militant environnementaliste. La corruption et les passe-droits sont devenus la norme dans le pays et il sera très difficile de revenir en arrière. » Comme le pays manque cruellement de travail, il est facile d’acheter les gens.
« Quand quelqu’un appelle au téléphone pour vous corrompre et que vous refusez, ce sont toujours les mêmes arguments : “Mais tu ne veux pas aider ta famille ? Construire ta maison ? Payer des études à l’étranger à tes enfants ?”, raconte Franck Essi. On présente souvent la corruption en Afrique comme une histoire de famille ou de tribalisme, mais au fond, c’est l’expression de l’individualisme occidental ! » Moi avant mes frères, ma famille avant mon pays, mon bien-être avant celui de mes concitoyens.
La corruption, les postes attribués selon des principes clientélistes, la distance entre gouvernants et gouvernés… pas étonnant qu’au Cameroun on appelle les dirigeants du pays « les nouveaux Blancs ». Comme si l’on avait remplacé les visages pâles des administrateurs coloniaux par des figures d’ébène sans rien toucher par ailleurs. Et c’était sans doute le but recherché.
Davantage que la Côte d’Ivoire, le Sénégal ou d’autres ex-dépendances française plus pauvres, le Cameroun demeure une nation assujettie et amorphe. Parce que Paris y a mené une guerre brutale et méconnue avant et après l’indépendance (nous l’examinerons dans le deuxième article de cette série), car cela servait ses intérêts de l’époque, la France a contribué à éradiquer les velléités politiques locales et installer durablement un régime où colons et colonisés sont Camerounais.
Même si l’influence de la France a diminué, notamment parce que les intérêts économiques ne sont plus aussi prégnants qu’en 1960, elle n’en demeure pas moins un facteur de la situation camerounaise. Appui militaire dans la lutte contre les islamistes de Boko Haram, passerelle vers le bourbier centrafricain, voix du Cameroun assurée à l’ONU, « la France soutient le régime de Biya au nom de la stabilité », confirme Franck Essi. Mais aussi de ce qui reste de ses intérêts économiques, quand bien même la Chine et la Turquie occupent de plus en plus de place. On compte un peu plus de 300 sociétés françaises qui opèrent dans le pays, dont beaucoup dans le commerce du bois, particulièrement opaque.
Dernier exemple en date de cette connivence qui perdure, et qui a beaucoup fait jaser : la construction d’un nouveau pont à Douala pour franchir la rivière Wouri. L’Agence française de développement (AFD) avait accepté d’en financer une bonne partie grâce à un prêt. La suite c’est un connaisseur du dossier qui la raconte : « Quand les enveloppes des appels d’offres sont ouvertes, c’est une entreprise chinoise qui l’emporte avec un coût de réalisation extrêmement inférieur à la proposition de la Sogea-Satomfrançaise (filiale du groupe Vinci). Cela est évidemment intolérable pour Paris qui intervient auprès du gouvernement. Résultat : Sogea-Satom emporte le marché, mais sous-traite toute l’exécution à l’entreprise chinoise ! Finalement, la société française a empoché une marge financière considérable sans rien faire et le Cameroun paye son pont un prix bien plus élevé, dont le remboursement du prêt à l’AFD. » Pour parachever l’indignité, deux mois après sa mise en service, l’ouvrage a été submergé par les eaux à la première grosse pluie…
Pendant ce temps, Paul Biya ne donne aucun signe de vouloir partir, ni même de promouvoir un successeur. Il demeure fantomatique, tout comme la main de la France. Les spectres continuent de hanter le pays depuis soixante ans, éloignant opposants et réformateurs.
"EN FINIR AVEC LE MUSÉE ETHNOGRAPHIQUE QUI FABRIQUE UN DISCOURS SUR LES AUTRES"
L’économiste Felwine Sarr, coauteur du rapport sur la restitution des œuvres d’art africaines remis en 2018 à Macron, réfléchit à la transmission de la mémoire culturelle et à une nouvelle éthique fondée sur le respect mutuel entre Afrique et Occident
Le Monde |
Séverine Kodjo-Grandvaux |
Publication 12/08/2019
L’économiste sénégalais, coauteur du rapport sur la restitution des œuvres d’art africaines remis en 2018 à Emmanuel Macron, réfléchit à la transmission de la mémoire culturelle et à une nouvelle éthique fondée sur le respect mutuel entre Afrique et Occident.
Professeur d’économie à l’université Gaston-Berger de Saint-Louis, au Sénégal, Felwine Sarr, 46 ans, est également éditeur et musicien. Il a été, avec l’historienne de l’art Bénédicte Savoy, chargé de rédiger un rapport sur la restitution des œuvres d’art africaines spoliées lors de la colonisation, remis à Emmanuel Macron en novembre 2018.
Convaincu que l’Afrique doit renouer avec le sens qui est le sien et perdre l’habitude de systématiquement vouloir copier l’Occident, Felwine Sarr est l’un des plus dynamiques représentants du renouveau de la pensée critique africaine.
Avec le philosophe Achille Mbembe, il a lancé en 2016 les Ateliers de la pensée (« Penser l’Afrique-monde ») qui réunissent chercheurs et penseurs du continent et de la diaspora et cherchent à réfléchir à une nouvelle approche épistémique. La troisième édition de ce rendez-vous désormais incontournable aura lieu du 30 octobre au 2 novembre prochain à Dakar autour du thème de la vulnérabilité.
A partir de la restitution des œuvres d’art et de culte volées lors de la colonisation, Felwine Sarr dessine une nouvelle éthique relationnelle entre l’Occident et l’Afrique. Ethique qui nous permettrait d’habiter spirituellement le monde et de transformer notre lien au vivant.
La spoliation des œuvres d’art, dites-vous, a privé l’Afrique de nourritures spirituelles. Quelles en sont les séquelles ?
La colonisation a d’abord été une entreprise de conquête du territoire et de spoliation de richesses. Mais elle visait aussi à capter les ressources et les biens culturels des nations colonisées. L’absence de ces derniers entrave la reconstruction de ces sociétés d’un point de vue spirituel. Tous les peuples du monde transmettent une histoire à travers des archives immatérielles et matérielles. Les individus frappés d’amnésie ont du mal à se construire et à se projeter dans un avenir. Pour les sociétés, le processus est le même.
« EN AFRIQUE, DES OBJETS DE CULTE ASSURAIENT L’ÉQUILIBRE DE LA SOCIÉTÉ, LA PLACE DE L’INVISIBLE DANS LE VISIBLE. CERTAINES COMMUNAUTÉS DISENT QUE LEUR DÉPART LES A DÉSÉQUILIBRÉES »
Un nombre absolument significatif des artefacts, des œuvres d’art et des objets de culte africains s’est retrouvé dans les musées occidentaux ; ce qui a altéré la transmission intergénérationnelle de la mémoire, de l’histoire et du capital culturel et cognitif de ces sociétés dont les sujets ont dû se construire sur des fondements déficients. Il y a là une perte incommensurable.
Comment remédier à cette perte ?
Les psychanalystes ont montré que lorsque l’on remet ce qui manquait à sa place, même de manière allégorique ou symbolique, la douleur et le mal de vivre liés à ce manque disparaissent. En Afrique, des objets de culte assuraient l’équilibre de la société, la place de l’invisible dans le visible. Certaines communautés disent que leur départ les a déséquilibrées. En les recouvrant, elles ne vont pas renouer avec un état antérieur mais elles pourront retrouver des équilibres rompus, s’inscrire dans un processus créatif en remettant ensemble des sources, des matières, des fragments de l’histoire, et en les réinscrivant dans une dynamique présente et à venir.
Une grande partie des musées européens se sont constitués sur ces vols. Est-ce l’occasion de repenser cette institution ?
En Europe, les musées sont les héritiers des cabinets de curiosités. Et se sont pensés comme le lieu où le groupe se constitue et dit son identité à travers des objets. C’est d’abord un musée du « nous ». Puis est venu le moment des conquêtes coloniales. Paris se considérait alors comme la capitale de l’univers et a décidé que toutes les beautés du monde devaient s’y retrouver. Durant la période coloniale se constituent les musées des « autres », ces musées ethnographiques fabriquent ainsi un discours sur les autres. Que signifie pour les Européens ce type de musée aujourd’hui ? Ses fonctions premières ne sont-elles pas frappées d’obsolescence ? Ne faut-il pas repenser radicalement les fonctions d’un tel lieu ? En finir avec la catégorie « ethnographique » et renouveler les perspectives ?
Et en Afrique ?
Là, la question se pose différemment. Chaque pays a son histoire, son rapport au patrimoine, ses régimes de monstration des objets ainsi que ses écologies plurielles qui les abritent. Le musée à l’occidentale, il faut le rappeler, est une occurrence tardive s’inscrivant dans une multiplicité de dispositifs existants et de régimes de patrimonialisation. Le Bénin, le Cameroun, le Nigeria, ou encore le Mali et l’Ethiopie réclament, depuis leur indépendance, le retour de leurs objets dont certains ont rejoint les collections occidentales après des épisodes violents (guerres, conquêtes, pillages…) restés vivaces dans l’imaginaire national.
Dans d’autres pays, où les objets ont été pris par des missions ethnographiques ou scientifiques dans la longue durée, l’amnésie a fait son œuvre. Dans ce cas, le retour des objets correspond à un travail de remémoration et de reconstruction historique. Les musées ou les lieux du patrimoine à réinventer revêtent alors une importance pédagogique essentielle liée à la conscience de soi et à la conscience historique.
Quelle place peuvent de nouveau occuper ces œuvres d’art dans la sémantisation des sociétés africaines ?
Il faut comprendre quel fut le sens de ces objets pour les sociétés qui nous ont précédés car il était lié à une configuration du monde, des formes d’engendrement du réel et des types de médiation entre l’esprit, la matière et les mondes signifiés. Dans certains cas, ces mondes anciens ont été transformés ; dans d’autres, comme au Cameroun, au Bénin ou au Mali, ils existent encore.
« FAIRE UNE HISTOIRE AU PRÉSENT, C’EST RECONNAÎTRE QUE SI L’ON NAÎT ET VIT EN OCCIDENT, ON HÉRITE DE MUSÉES CONSTITUÉS POUR UNE CERTAINE PART DE SPOLIATIONS »
La question du sens se pose dans une forme de diachronicité. On pourrait réarticuler des sens anciens mais, de mon point de vue, la question se pose davantage dans le présent : quel sens ces objets pourraient avoir dans une production actuelle, contemporaine, de soi ? Comment en faire un des combustibles de la forge dans laquelle nous sommes en train de construire un présent et un futur ? Comment les connecter à des problématiques actuelles ? C’est ainsi plutôt les questions de leur resocialisation et de la production de nouveau sens qui se posent.
Restituer, c’est reconnaître l’autre comme sujet de droit. Il y a là une dimension symbolique forte qui nous invite, dites-vous, à fonder une nouvelle éthique relationnelle.
C’est une question fondamentale. Faire une histoire au présent, c’est reconnaître que si l’on naît et vit en Occident, on hérite de musées constitués pour une certaine part de spoliations, qui ont privé des nations entières de la jouissance d’une partie de leur patrimoine matériel, dont on jouit aujourd’hui en Occident. Mais l’on peut fonder la relation différemment. D’un point de vue éthique, en restituant ces objets, on indique que leur mode d’appropriation fut problématique et condamnable, et que l’on ne s’inscrit pas dans cet héritage-là.
On peut faire œuvre de justice et d’équilibre et fonder une nouvelle éthique relationnelle basée sur le respect mutuel et la réciprocité. Même si l’on n’est pas à l’origine de ce fait, on a la possibilité de ne pas le perpétuer s’il s’avère inique et injuste. Cette réflexion peut être transférée dans d’autres espaces – les relations internationales, le commerce, la diplomatie, le militaire et le politique – où l’on n’est pas obligé de perpétuer des rapports de domination et des rapports asymétriques.
La crise climatique nous amène à trouver comment habiter le monde différemment. Que peut nous apprendre l’Afrique à ce sujet ?
Les sociétés africaines, et d’autres, amérindiennes, aztèques, incas et européennes anciennes, ont articulé des rapports avec le vivant qui n’ont pas abouti à une instrumentalisation exclusive de la nature par le biais de la technologie. A côté du nécessaire prélèvement de ressources pour la vie ont existé des rapports de cohabitation, de soin, de négociation, de communauté.
Ces différentes ontologies relationnelles peuvent nous enseigner comment réinventer notre rapport au vivant afin de sortir d’une raison uniquement instrumentale. C’est peut-être une des pistes pour sortir de la crise écologique fondamentale que nous vivons. Pour la première fois, nous mettons sérieusement en danger les conditions de la reproduction de la vie, et les horizons temporels semblent trop limités pour que nous puissions agir. Nous devons changer radicalement de cosmologie, c’est-à-dire de vision du monde et de rapport au monde pour renverser la tendance.
On a l’impression qu’aujourd’hui, deux rationalités s’affrontent. L’une toujours un peu plus ancrée dans la technologie et le numérique. L’autre, écologique, réancre l’homme dans ses écosystèmes… Sont-elles irréconciliables ?
Je ne pense pas qu’elles soient irréconciliables ni qu’il faille les dichotomiser. L’un des défis de ceux qui prônent une réintégration de l’humain dans le vivant de manière plus harmonieuse et équilibrée est de ne pas faire craindre que l’on perde les bénéfices ou les avantages d’un progrès technique, scientifique et technologique. Une réflexion sur les usages beaucoup plus écoresponsables de la technique et sur l’impact de la technè (le terme grec) sur la société est à faire. Nous pouvons mettre l’intelligence technique au service de l’écologie.
Concevoir de réancrer l’homme dans ses écosystèmes c’est reconnaître l’influence de ceux-ci sur l’homme précisément ; ce qui supposerait que nous vivons dans des mondes différents. Comment penser alors le commun ?
La question du commun n’est pas celle de l’identique et de l’homogène. Bien évidemment, nous vivons dans des régimes d’historicités divers, y compris au sein du continent africain qui présente des profondeurs historiques différentes ne s’excluant pas mutuellement. Nous ne sommes pas dans des temps linéaires où une société urbaine fait disparaître une société agraire. Il y a une cohabitation et une coprésence de différentes temporalités historiques. Le commun, c’est de reconnaître que certains espaces sont des espaces que nous devons nécessairement mettre en partage, pour que l’exclusion par le prix, la richesse ou par le capital ne prive pas la majorité de la satisfaction des besoins vitaux. Nous devons avoir l’intelligence de délimiter ces espaces et de les produire. C’est cela faire monde en commun.
« RIEN N’EMPÊCHAIT D’ACCORDER UNE GRÂCE À KHALIFA »
D'aucuns estment que l'ancien maire de Dakar n'est pas éligible à une grâce présidentielle parce qu’il aurait introduit une requête qui concerne son éjection de l’Assemblée nationale. Une thèse démentie par l'avocat Moussa Sarr
À la publication de cette liste, certains ont noté que Khalifa Ababacar Sall n’était pas éligible pour bénéficier d’une grâce présidentielle parce qu’il aurait introduit une requête qui concerne son éjection de l’Assemblée nationale. Une thèse démentie par Me Moussa Sarr.
Intervenant sur la question, l’avocat n’a pas manqué de rappeler que cette prérogative est exclusivement dédiée au chef de l’Etat. Si cette grâce n’a pas été accordée à l’ex édile de la ville de Dakar, les raisons devraient être cherchées ailleurs. Parce que, estime la robe noire, sur le plan pénal, rien ne s’oppose à ce que le président de la République puisse accorder une grâce à Khalifa Ababacar Sall. « Toute la procédure pénale a été épuisée », dixit Me Sarr.
DJ ARAFAT, FAN DE FOOT, DE DROGBA ET DES ÉLÉPHANTS
Originaire du quartier de Youpougon à Abidjan, où il est né en 1986, l'artiste décédé dans un accident de moto ce lundi 12 août 2019, était très connu dans le monde du football
Originaire du quartier de Youpougon à Abidjan, où il est né en 1986, DJ Arafat, de son vrai nom Ange Didier Huon, décédé dans un accident de moto ce lundi 12 août 2019, était très connu dans le monde du football. Il avait d’ailleurs écrit un titre à la gloire de son ami Didier Drogba.
DJ Arafat était un vrai fan de football et supportait son équipe nationale parfois avec excès. Mais il y a avait souvent du second degré dans ses sorties. L’équipe de Côte d’Ivoire était donc une de ses inspirations.
DJ Arafat utilisait souvent Facebook pour ses prises de position. En 2014, la défaite des Éléphants contre la RDC lors d’une rencontre des éliminatoires de la CAN 2015 lui avait inspiré un morceau dans lequel il demandait le retour de ceux qui pour lui constituaiten l’équipe ivoirienne idéale : Kader Keita, Didier Drogba, Gosso Gosso. Fou de rage, DJ Arafat avait même demandé la nationalité congolaise !
Aujourd'hui, Didier Drogba a d’abord apporté son soutien sur Twitter, suite à l’annonce de l’accident. Apprenant la mort de la star ivoirienne, il a publié une photo du chanteur sur scène sur Instagram accompagnée d’une multitude de cœurs brisés.
Pas toujours tendre avec les Éléphants
Toujours dans le cadre des élimintaoires de la CAN 2015, la Côte d’Ivoire s’était fait largement battre par le Cameroun. Et DJ Arafat n’avait pas été tendre avec ses compatriotes et en particulier avec le capitaine Yaya Touré. « Éléphants, on est fatigué de vous, M*rde. Vous foutez la m*rde. On vous demande de jouer au ballon et vous foutez la m*rde sur le terrain. On doit maintenant vous mettre au pas. On va vous mater », racontait-il. « Yaya Touré, tu voulais qu’on te donne le brassard, aujourd’hui tu as eu le brassard, tu ne fais que nous donner la brasserie », lâchait-il au cadet des frères Touré. Finalement, les deux hommes avaient réussi à se réconcilier.
Lors du dernier tournoi continental en Égypte, DJ Arafat s’était aussi distingué en interpellant Serey Die qui avait raté un penalty face à l’Algérie en quarts de finale. « C’est un frère ivoirien, mais en tant que capitaine, il n’avait pas droit à l’erreur. Être capitaine, c’est une responsabilité », avançait DJ Arafat. Dans une session Facebook live, DJ Arafat, avait expliqué les raisons de sa colère contre Serey Die.
Presnel Kimpembe aimait DJ Arafat
« Dans cette histoire, j’ai parié, j’ai perdu deux millions de Francs CFA (ndlr: un peu moins de 3400 francs suisses). Combien de personnes sur cette terre ont perdu de l’argent à cause de ce match très important? Deux millions, ce n’est pas beaucoup d’argent, mais c’est quand même de l’argent. Avant d’être DJ Arafat, je suis un être humain, c’est normal que je sois mécontent. Qu’ai-je dit de mal ? »
DJ Arafat avait ensuite réclamé son argent à Serey Die: « J’ai perdu à cause de toi, tu me dois deux millions, tu vas me les donner. »
Malgré ces histoires entre lui et les footballeurs ivoiriens, DJ Arafat était très connu au sein de la planète du ballon rond. Un de ses morceaux (Djessimidjeka) faisait partie de la playlist de l’équipe de France lors du Mondial 2018 en Russie. Dans le rôle du DJ, Presnel Kimpembe, d’origine et haïtienne et congolaise, diffusait les plus grands hits du moment, dont celui de DJ Arafat.
De nombreux joueurs de football ne devraient pas manquer de lui rendre hommage, comme le Congolais Chris Mavinga ou l'attaquant ivoirien de l'Olympique lyonnais Maxwel Cornet.
L’IMAM RATIB DE ZIGUINCHOR DÉNONCE "L’INSOLENCE DES ACTEURS DU DÉBAT PUBLIC"
"Les politiciens passent leur temps à se chamailler, une certaine presse ne cesse d’amplifier les propos des acteurs, la société civile n’a plus de poids et les imams sont parfois complices", a lâché le religieux à l'occasion de son sermon de Tabaski
L’imam ratib de la grande mosquée de Ziguinchor (sud) El Hadji Ismaila Aidara a dénoncé "le manque de retenue et de mesure dans le débat public" au Sénégal, lundi, dans son sermon prononcé à l’occasion de l’Aïd-el-fitr ou Tabaski, la plus grande fête musulmane.
"Il y a beaucoup de querelles et d’insolence dans le débat public sénégalais. Les politiciens passent leur temps à se chamailler, une certaine presse ne cesse d’amplifier les propos des acteurs, la société civile n’a plus de poids et les imams sont parfois complices", a-t-il déclaré dans son adresse aux fidèles musulmans.
Dans son sermon prononcé en présence du gouverneur de Ziguinchor Guédj Diouf, de plusieurs autorités locales et de nombreux fidèles, El Hadji Ismaila Aidara a d’abord axé son sermon sur le "bonheur de la religion islamique".
Il a ensuite insisté sur "les mauvais comportements, l’incivisme et l’indiscipline de certains Sénégalais".
"Il y a trop de mensonges, de pratiques malsaines et de querelles à n’en plus finir. Il urge de rectifier le tir en mettant le focus sur l’éducation religieuse, le culte de la citoyenneté et des valeurs de solidarité et de pardon", a-t-il dit.
Le gouverneur de Ziguinchor, réagissant au sermon de l’imam Aïdara, appelle à "une introspection et à une prise de conscience" des différents acteurs concernés.
"Chaque année, les mêmes pratiques et comportements sont dénoncés dans les sermons. Il nous faut une prise de conscience généralisée avant de pouvoir changer les choses", a déclaré Guédj Diouf.
L’IMAM DE LA MOSQUÉE ’’IHSANE’’ APPELLE À METTRE EN AVANT "LES INTÉRÊTS DU PEUPLE’’
L’imam Mouhamedou Abdallâh Cissé Ibn Serigne Madior Cissé a invité lundi les fidèles musulmans à mettre en avant l’intérêt du peuple et de leur religion, dans son sermon prononcé à l'occasion de l’Aïd-el-Kébir
L’imam Mouhamedou Abdallâh Cissé Ibn Serigne Madior Cissé de la mosquée "Ihsane" de Saint-Louis a invité lundi les fidèles musulmans à mettre en avant l’intérêt du peuple et de leur religion.
Dans son sermon prononcé à l’occasion de l’Aïd-el-Kébir ou Tabaski, la grande fête musulmane, il a invité ses coreligionnaires à "mettre en avant les intérêts du peuple, mais aussi l’intérêt de l’islam qui doit être mis en exergue devant toute autre chose’’.
"La mort est devant nos portes et n’épargnera personne, et ce jour doit être une source de méditation pour cette vie éphémère ici-bas", a indiqué l’imam Cissé, avant de prier pour que Dieu accepte le hajj des pèlerins sénégalais aux lieux saints de l’islam.
De même a-t-il convoité de Dieu qu’il accorde son pardon au peuple sénégalais et comble ce dernier de ses bienfaits, "pour une paix durable et un bon hivernage".
L’imam a invité les musulmans à penser aux personnes démunies et aux pauvres, en partageant avec eux leurs avoirs, "pour éviter l’accaparement des richesses sur terre" au profit de quelques un.
De cette manière, les fidèles musulmans pourront recevoir la récompense et la miséricorde de Dieu, "car c’est dans la paix et la solidarité qu’un peuple peut bénéficier des bienfaits sur terre".
DJ ARAFAT EST DÉCÉDÉ
Victime d'un accident de moto dans la nuit du dimanche 11 au lundi 12 août à Abidjan, la star ivoirienne du coupé-décalé est mort des suites de ses blessures, selon plusieurs sources officielles, dont Maurice Bandaman, ministre de la Culture
Jeune Afrique |
Baudelaire Mieu |
Publication 12/08/2019
Victime d'un accident de moto dans la nuit du dimanche 11 au lundi 12 août à Abidjan, l'artiste ivoirien Ange Didier Huon - alias DJ Arafat - est mort des suites de ses blessures dans une clinique d'Abidjan, selon plusieurs sources officielles ivoiriennes, dont Maurice Bandaman, le ministre ivoirien de la Culture.
La star du « coupé-décalé » est décédé lundi 12 août à la Polyclinique des Deux Plateaux, à Abidjan. L’artiste est mort des suites de ses blessures après un grave accident de la route, survenu dans la nuit de dimanche à lundi. Sa moto a percuté une voiture conduite par une journaliste de Radio Côte d’Ivoire. Le chanteur, inconscient, a été rapidement pris en charge et admis en soins intensifs. Il n’a malheureusement pas survécu.
« Il a été admis aux urgences dans un état végétatif. Il avait notamment une fracture du crâne et un œdème », a confié à Jeune Afrique un médecin de l’établissement, sous couvert d’anonymat. Les équipes soignantes ont tenté de le réanimer, « en vain ».
Deux ministres du gouvernement ivoirien, qui se sont rendus au chevet de l’artiste, ont confirmé le décès à Jeune Afrique, de même qu’un haut fonctionnaire en poste à Abidjan. « Je suis à la clinique où DJ Arafat a été admis. Je peux vous confirmer que l’artiste est décédé. Je suis avec le ministre d’État Hamed Bakayoko, pour nous organiser avec la famille », a déclaré Maurice Bandaman, ministre ivoirien de la Culture et de la Francophonie.
L’information a par ailleurs été confirmée sur les antennes de la RTI, la chaîne publique ivoirienne, dans son journal de 13h.
A’salfo, le leader du groupe Magic System, s’est rendu lui aussi à l’hôpital. Selon nos informations, l’entourage de l’artiste, comme les autorités ivoiriennes, s’interrogeaient en fin de matinée sur les modalités de l’annonce du décès au public.
Né en 1986 à Yopougon, une commune de l’ouest abidjanais, l’artiste aimait à s’attribuer des surnoms sans cesse nouveaux, de « Commandant Zabra » à « Yorobo » – plus récemment, il se présentait même comme « Chef de la Chine Populaire ». Tragique ironie du sort, son dernier single – qui bat des records sur YouTube avec 4,5 millions de vues depuis sa sortie en mai dernier – s’intitule « Moto-Moto ».
LES TERRES AGRICOLES EN AFRIQUE OBJET DE TOUTES LES CONVOITISES
L'achat massif de terres agricoles sur le continent par certaines puissances étrangères constitue une menace à la fois pour le développement et la sécurité alimentaire des régions concernées
Logiquement, les Africains peuvent acquérir des terres en Afrique à des fins agricoles. Mais il y a parfois un fossé entre ce qui est prévu par la loi et ce qui est fait. Des agriculteurs locaux acquièrent ainsi des terres dont ils sont par la suite dépossédés, les puissances étrangères remettant de plus en plus en cause la propriété foncière par les Africains en Afrique.
Espace africain cultivable concédé à des investisseurs chinois
Yabg Haomin, le président de Shaanxi Farm Agribusiness Corporation, une société agricole provinciale de Chine, a mis pieds au Cameroun pour la première fois en décembre 2015, à l’invitation du Cameroun et sur ordre de Pékin, pour investir dans le domaine agricole.
Par ce voyage, l’homme d’affaires d’Etat chinois venait conclure au bout de six semaines de négociations ce qu’il n’avait pas pu en plusieurs années obtenir de l’Afrique du Sud, de la Russie, de l’Ukraine et du Brésil.
Quatre ans plus tard, en 2019, on estime à 125 mille hectares de terres agricoles occupées par la chine au Cameroun. Jean Ferdinand Pierre Ebong, consultant financier parle d’accaparement de terre à des fins agricoles :
"Ce genre de démarche par les chinois est dangereuse pour les Camerounais. Ce secteur étant dormant, ceux qui ont les moyens financiers, entre guillemets, s’accaparent les terres. C’est avec désolation que je crie au scandale !"
Jean Ferdinand Pierre Ebong est radical sur l’exploitation des terres camerounaises par les étrangers.
"Un Camerounais ne peut pas aller acheter les terres en Chine pour produire le riz là-bas, ce n’est pas possible. S’ils produisaient et que c’était au bénéfice des Camerounais, ce serait encore plausible. C’est-à-dire 70% restent au Cameroun, et 30 % à la Chine."
Avec environ 1,5 milliard d’habitants, la Chine compte 20 % de la population mondiale. Mais elle ne dispose que de 9 % des surfaces agricoles et 6 % des réserves en eau douce de la planète. Elle a donc jeté son dévolu sur le berceau de l’humanité, l’Afrique, dont 80% des terres arables sont libres.
Les autres pays à la recherche de terres étrangères
Mais pour Charles Sielenou, expert agricole et fondateur d’Action Sociale Africaine qui opère dans l’agriculture, la santé et l’éducation, il n’y a pas de quoi s’en prendre à la chine. Car la Chine, avec moins d’un million d’hectares de terres agricoles en Afrique, arrive loin derrière les grands acquéreurs terriens sur le continent, que sont les Emirats arabes unis (1,9 million d’hectares), l’Inde (1,8 million d’hectares), le Royaume-Uni (1,5), les USA (1,4), et l’Afrique du Sud (1,3). Charles Sielenou soutient néanmoins que l’Afrique a encore de quoi tenir en respect les grandes puissances en matière alimentaire les années à venir :
"Pour moi, les terres africaines, c’est notre bombe atomique à nous. C’est notre arme de dissuasion. Nous serons plus de deux milliards en 2050. Le monde aura des problèmes pour se nourrir. Nous avons l’essentiel des terres agricoles non encore mises en exploitation. Mais nous pouvons nous saisir de cette opportunité pour peser dans le rapport de forces géostratégiques."
Du Japon en Corée, en passant par la Chine, du Canada en Europe, en passant par les Etats-Unis, les produits chimiques ont endommagé les terres agricoles qui produisent de moins en moins alors que la population croît.
En Afrique, l'accaparement des terres a pris de l'ampleur à partir de 2008, date de la crise financière mondiale et des émeutes de la faim sur le continent. Hormis le biocarburant, les sociétés misent surtout sur le blé, le riz et le maïs qui constituent 75% de la demande des céréales dans le monde.
SE RETROUVER EN FAMILLE LORS DE LA TABASKI
Dakar est calme. Dakar est spacieuse. Pour cause, la capitale sénégalaise s’est vidée de la majorité de ses habitants musulmans. Par la route, par l’air et par la mer, ils sont allés passer la fête de l’Aid Al Kebir à l’intérieur du pays
DW Afrique |
Mamadou Lamine Ba |
Publication 12/08/2019
La majorité des musulmans Sénégalais célèbre la Tabaski ce lundi (12.08). Pour l’occasion, la capitale s’est vidée de son monde habituel. Ils sont nombreux à fêter en famille dans le Sénégal profond.
Dakar est calme. Dakar est spacieuse. Pour cause, la capitale sénégalaise s’est vidée de la majorité de ses habitants musulmans. Par la route, par l’air et par la mer, ils sont allés passer la fête de l’Aid Al Kebir à l’intérieur du pays. Un déplacement qui nécessite parfois des moyens colossaux. Mais pour certains fidèles, ça vaut le coût.
Retrouvailles familiales en perspective
Amadou Diarrou Ba, est revenu de la sous-région : "j’ai quitté la Côte d’Ivoire pour venir fêter au Sénégal.J’ai dépensé environ 200.000 FCFA pour les frais de transport. C’est le plaisir de retrouver la famille qui est important."
Comme Diarrou Ba, Ibrahima Diallo, étudiant à l’Université Cheikh Anta Diop est content de retrouver les siens au village : "c’est toujours un plaisir de quitter Dakar et de venir au village retrouver les parents, les amis, passer la grande fête ensemble. C’est surtout ce qui nous motive".
Des déplacements couteux mais pas nécessaires
De l’avis des religieux, ces déplacements massifs ne se justifient pas. Bourama Camara, est enseignant en droit islamique : "ces déplacements ne sont pas obligatoires. C’est juste que certains étaient éloignés de leurs familles pendant des mois ou des années. Ils profitent alors de cette occasion pour retourner au bercail et prier en famille. Parce que ça n’arrive qu’une seule fois dans les douze mois", explique l'enseignant.
Mais pour d’autres, ce voyage est une exigence sociale. Mamadou Yacine Barry travaille loin de son village natal. Il est venu passer la fête en famille : "Kounané et Bakidioton, ça fait 165 kilomètres. Donc je suis venu célébrer en famille. Parce que ce n’est qu’une tradition qui a été réitérée aujourd’hui aussi. Je crois que c’est une nécessité et c’est devoir personnel, collectif de communier ensemble si on a les moyens."
Etudiants, fonctionnaires, ouvriers et autres travailleurs ont déserté Dakar. Certains vont séjourner une semaine dans leur village ou ville natal. En attendant, Dakar est sans embouteillages. Dakar est sans ses coups de klaxons ininterrompus. Une ville agréable à vivre, pour quelques jours encore.