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8 août 2025
PAR BOUBACAR SADIO
LE SENS D'UN SERMENT
Ne pas respecter son serment, quelle que soit la station occupée, est une forme de trahison - Ce mandat-ci doit être celui du respect scrupuleux de la parole donnée
Le Sénégal, comme beaucoup de pays, est une république avec un Etat qui a la charge d’assurer un développement durable dans un environnement sécurisé permettant l’épanouissement des citoyens dans tous les domaines. Comme dans toute république, la marche du pays est rythmée et organisée autour de faits, d’actes et d’évènements qui surviennent ou se réalisent de manière séquentielle. C’est le cas pour les différentes élections organisées suivant un calendrier républicain et qui permettent aux citoyens de choisir leurs dirigeants tant au niveau local, communal que central. Et, parmi ces moments cruciaux de la vie d’une république figure l’élection présidentielle qui permettra à celui qui aura réuni le plus grand nombre de suffrages de ses compatriotes d’avoir l’insigne honneur et le redoutable privilège de présider aux destinées du pays.
Notre pays a organisé le 24 Février son élection présidentielle qui a vu la victoire, consacrée et officiellement annoncée par le Conseil constitutionnel, du Président Macky Sall. Il est toujours utile de rappeler les conditions dans lesquelles se sont déroulées ce scrutin qui n’était que l’aboutissement logique et prévisible d’un processus caractérisé par des vices, des dysfonctionnements ainsi que des pratiques condamnables et attentatoires à l’égalité des candidats. On peut aisément citer sans être exhaustif : la remise en cause unilatérale du code consensuel de 1992, le parrainage imposé de manière cavalière avec un conseil constitutionnel décrié pour son absence de transparence et de rigueur méthodologique, et surtout pour le manque de maitrise de l’outil de travail par les magistrats préposés à la tâche. A cela il faut ajouter l’absence d’un sérieux audit contradictoire du fichier électoral par toutes les parties prenantes, le refus obstiné du ministre de l’Intérieur de remettre à temps le fichier aux partis politiques légalement constitués comme prévu par la loi, la perturbation résultant d’une mauvaise distribution des cartes et de déplacements de bureaux de vote sciemment planifiés ; toutes choses qui ont fortement contribué à renforcer une suspicion légitime quant à la volonté du pouvoir d’organiser un scrutin transparent , libre et démocratique. Des transports massifs d’électeurs ont également été constatés.
Toujours est-il que la victoire du candidat sortant a été actée par l’instance légale habilitée à le faire. Si l’on peut à bon droit mettre en cause la légitimité du Président Macky Sall, force est de constater qu’il est déclaré élu et qu’à cet effet il prêtera serment le 02 Avril. Aussi, persister obstinément à contester son statut ne me parait pas une bonne stratégie ; cela pourrait se révéler improductif voire contre-productif. Ainsi donc, il va prêter serment devant DIEU et les hommes, devant son peule et certainement devant un aréopage de personnalités étrangères, notamment des chefs d’Etat dont la présence conférera une dose supplémentaire de légitimité dont il a tant besoin. Le serment est l’affirmation solennelle en vue d’attester la vérité d’un fait, la sincérité d’une promesse, l’engagement de bien remplir les devoirs de sa profession ou de sa fonction.
En plus de son caractère solennel, la cérémonie de prestation de serment sera marquée par la majesté des lieux où elle va se dérouler, par la présence massive de dignitaires et supporters rigoureusement sélectionnés. Les uns et les autres vont s’efforcer de donner à leurs visages une gravité feinte pour faire sérieux. Et c’est pourquoi, compte bien tenu de tout ce qui précède, il faut éviter de faire de la prestation de serment du Président de la république, un rituel superfétatoire et un cérémonial cosmétique. En prêtant serment, le Président s’engage à respecter scrupuleusement et rigoureusement la charte fondamentale de notre pays qu’est la Constitution. Les dispositions de celle-ci sont très claires et ne souffrent d’aucune ambiguïté pouvant conduire à des spéculations et autres débats conjoncturels et opportunistes.
La constitution impose au Président de la république de notre pays beaucoup de choses ; entre autres obligations, il doit assurer et garantir la protection de ses compatriotes, appliquer et faire appliquer la justice sans favoritisme, sans discrimination et sans parti pris en s’interdisant de mettre des dossiers sous le coude ; il doit toujours dire la vérité en toutes circonstances et s’abstenir de verser dans les contrevérités , il doit traiter les ethnies, les religions, les confréries, les terroirs de manière égalitaire. Le Président de la république a l’obligation constitutionnelle de respecter l’opposition dont la dignité est reconnue et consacrée par la charte fondamentale ; donc la traiter avec condescendance au point de souhaiter sa disparition est une forme de violation manifeste de la constitution. En prêtant serment de se conformer scrupuleusement à celle-ci, le Président accepte de se soumettre à toutes les contraintes juridiques, éthiques et morales qu’impliquent sa charge et ses fonctions.
Pour compter du 02 Avril 2019 le Président Macky Sall va entamer son deuxième mandat de cinq ans ; et il est permis d’espérer qu’il mettra à profit son adresse au peuple pour confirmer solennellement que c’est son second et dernier mandat. Il est tout aussi utile et bon de rappeler, pour éviter tout optimisme béat ou toute surprise ultérieure, que le premier mandat du Président Macky Sall n’a pas totalement répondu aux attentes des Sénégalais. Ce serait faire montre d’un nihilisme de mauvais aloi que de ne pas lui reconnaitre quelques réalisations, notamment au niveau des filets sociaux. On peut citer les bourses familiales bien qu’elles ne représentent qu’une assistance équivalente à 27 francs par jour et per capita, ce que le plus paumé des mendiants peut gagner au détour d’une rue ; il y a la CMU qui a fini de mettre à genoux plusieurs structures de santé, aujourd’hui incapables d’assurer un service minimum aux populations à cause d’une trésorerie déficitaire ; et quant à la gratuité de certaines prestations sanitaires ce n’est que du vent.
Dans le domaine des infrastructures des réalisations ont été faites en matière de forages et de pistes de productions ; mais l’essentiel des infrastructures dont le régime se vante ne sont que des éléphants blancs, c’est-à-dire des réalisations très onéreuses mais d’une très faible utilité par rapport aux besoins des populations qui ont d’autres urgences. A y voir de près, on se rend vite et facilement compte qu’il y a un véritable problème de rationalité dans les couts et la pertinence technique de certains projets.
Par contre le bilan axiologique du Président Macky Sall est très loin d’être reluisant. Et, c’est ce qui peut amener certains Sénégalais à croire que le discours des officiels ne sera ni plus ni moins qu’un serment d’ivrogne. Le premier mandat a été fortement caractérisé par les promesses non tenues, le non-respect des engagements, des reniements spectaculaires, des renoncements injustifiés, des abjurations publiques et des contrevérités récurrentes. On nous avait chanté la patrie avant le parti, on se retrouve avec la fratrie avant le parti et le parti avant la patrie ; on nous avait promis un gouvernement de 25 ministres, on se retrouve avec 80 ministres ; on nous avait promis de ne protéger personne, le directeur du COUD est toujours en poste ; on avait juré de ne jamais nommé son frère par décret, il se retrouve à la tête de l’institution la plus juteuse du pays. Les contre valeurs et les antis valeurs ont été érigées en références paradigmatiques dans la conduite des affaires publiques.
Malheureusement, il faut le constater pour s’en désoler, s’en offusquer et s’en indigner, nos politiciens, notamment les plus hautes autorités de ce pays, s’adonnent au mensonge, cet exercice honteux et plus que déshonorant, avec une facilité et une banalité déconcertantes, sans vergogne avec la circonstance aggravante de le faire publiquement.
Le serment est un acte majeur d’engagement d’une importance capitale, d’une grande valeur et d’une éminente portée éthique et morale. C’est un acte tout aussi contraignant et aliénant qui oblige son auteur à s’y conformer scrupuleusement. Aussi ne devrait-on pas pouvoir s’en délier impunément. Ne pas respecter son serment, quelle que soit la station occupée, est une forme de trahison. En effet, la trahison est définie comme un manquement à ses promesses, à ses engagements. Il serait bien indiqué d’élargir le spectre des personnalités assujetties à la prestation de serment aux membres du gouvernement qui, ès qualité, exercent des charges publiques et assument des responsabilités politiques susceptibles d’avoir des effets, des conséquences et des répercussions positifs ou négatifs sur le vécu de leurs concitoyens.
Nos gouvernants exercent leurs différentes fonctions sur la base de deux références, de deux substrats sociologiques qui sont en superposition. D’une part, ils agissent dans le cadre d’une république, au sein d’un Etat dont le fonctionnement et les attributs sont régis par un ensemble de principes, de textes et de procédures avec comme élément principal et incontournable la consignation écrite. D’autre part, nos dirigeants doivent exercer leurs responsabilités en tenant beaucoup compte de nos valeurs sociales et sociétales dont certaines sont séculaires et fortement cristallisées dans notre imaginaire ; s’y ajoute un complément religieux tout aussi important. Et parmi ces valeurs cardinales, il y a le respect accordé à la parole donnée qui s’explique par le fait que nos sociétés africaines sont fondées sur l’oralité. Une oralité qui régit et organise non seulement les rapports entre le sommet et la base mais aussi les relations interpersonnelles des membres de la communauté. A cet égard, la problématique du respect des promesses et des engagements, de la parole donnée constitue un véritable sujet de préoccupation dans notre société. Et s’il faut rapporter cela au niveau le plus élevé, il y a de quoi s’interroger, voire s’inquiéter.
Les Sénégalais attendent beaucoup du second mandat du Président de la république. Ce mandat doit impérativement et nécessairement être celui de la rédemption, du rachat, du rattrapage, de la rectification, de la réhabilitation des valeurs de l’éthique, de la morale, de la justice, de la vérité, de l’égalité, de l’équité. Ce mandat ci doit être celui de la reconsidération de nos pratiques politiques malsaines, de nos tares et de notre rapport malsain avec l’argent. Ce mandat ci doit être celui du respect pour le peuple, celui de la restauration de la dignité de l’opposition, du bannissement du népotisme, du favoritisme, de l’égalité de tous les citoyens devant la loi, du renforcement de l’Etat de droit, du rejet de la transhumance et du retour vers une administration neutre et non politisée. Ce mandat ci doit être celui du respect scrupuleux de la parole donnée.
La priorité du second mandat, en espérant qu’il en sera ainsi, devra porter non sur les infrastructures bien qu’elles soient nécessaires, mais sur l’homme, sur le Sénégalais. En effet, les nombreux immeubles que le Président construira s’effondreront, les autoroutes, routes et ponts qu’il réalisera disparaitront, les résidences dans les foyers religieux ainsi que les mosquées tomberont en poussière ; les belles écritures portant son nom sur les marbres lors des inaugurations, le temps implacable les effacera. C’est pourquoi il est demandé au Président de la république de travailler et d’investir sur les Sénégalais qui sont des hommes, c’est-à-dire des créatures divines dont les âmes sont immortelles ; en leur inculquant la juste peur d’ALLAH, l’amour de son prochain et les bons principes de la justice, de l’équité, de l’éthique, de la morale et de la vérité. Ainsi son œuvre illuminera son peuple jusqu’à la fin de tous les temps.
C’est l’occasion pour moi de me féliciter de la constance de mon ami Khalifa Sall qui respecte, quoique cela puisse lui couter, son serment de rester digne et fier dans la très douloureuse épreuve qu’il vit présentement et injustement. En homme d’honneur, digne, honnête, sincère et loyal convaincu de son innocence, jamais il ne se rabaissera à quémander une grâce. Il a été trahi par de très proches collaborateurs, notamment des maires dont certains ont transhumé directement alors que d’autres l’ont fait par contournement et ce, sans d’autres motivations que leurs propres intérêts égoïstes. Du fond de sa cellule il doit se dire qu’il faut vraiment être masochiste pour accepter de retourner vers son bourreau et venir à résipiscence. Tous ces félons doivent savoir que la rançon de la traitrise c’est la déchéance.
Le pouvoir au peuple, les servitudes aux gouvernants.
Boubacar Sadio est commissaire divisionnaire de police de classe exceptionnelle à la retraite
"LE SÉNÉGAL EST LE VISAGE DE L'AFRIQUE QUI RÉUSSIT"
Le ministre français de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire, a salué, ce vendredi, à Dakar, la stratégie économique de développement définie par le président Macky Sall
Le ministre français de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire, a salué, ce vendredi, à Dakar, la stratégie économique de développement définie par le président Macky Sall. Il a déclaré que «le Sénégal est le visage de l’Afrique qui réussit».
Le diplomate français présidait avec son homologue Sénégalais, Amadou Ba, le lancement officiel de l’initiative «Choose Africa», un programme financé à hauteur de 1 640 milliards par la France, pour accompagner plus de 10 000 start-up et petites et moyennes entreprises Africaine d’ici 2022.
«Le Sénégal a défini une stratégie économique de développement qui a, aujourd’hui, donné des résultats. Ce qui lui a permis d’avoir un taux de croissance de plus de 6% depuis plusieurs années et d’avoir des perspectives économiques solides», a constaté le ministre français.
S’agissant de l’initiative «Choose Africa» qu’il a lancé, Bruno Le maire a expliqué qu’elle a pour mission d’accélérer la croissance des petites et moyennes entreprises en Afrique, mais également de matérialiser la volonté du chef de l’Etat, Emmanuel Macron qui souhaite faire de la France un acteur clef en matière de soutien aux TPE, PME et Start-up en Afrique, qui compte plus de 150 millions de jeunes qu’il va falloir insérer dans le marché de l’emploi d’ici 2050.
Pour sa part, le ministre de l’Economie et des finances du Sénégal, Amadou à salué l’initiative qui, selon lui, concrétise la volonté de la France d’accompagner la révolution de entrepreneuriat et de l’innovation en Afrique, où seule 1 PME sur 5 accède au crédit bancaire. «Ces absences d’appui financier limitent leur marge de manœuvre pour saisir les opportunités offertes par la montée en puissance de la classe moyenne,» a-t-il souligné Amadou Ba.
Par ailleurs l’argentier Sénégalais espère que l’initiative «Choose Africa» permettra «d’améliorer la valorisation du savoir faire des jeunes, des femmes en Afrique dans un partenariat gagnant-gagnant avec les entreprises étrangères, à travers la structuration des chaines de valeur pour une meilleure connexion».
DANS L'UNIVERS DES GP
« GP » (gratuité partielle) est le nom donné à des Sénégalaises qui profitent de conditions avantageuses de voyage pour vendre leurs kilos en trop en transportant des colis vers Dakar
Le regard perdu, Saliou, jeune cadre sénégalais vivant à Paris depuis onze ans, se demande s’il est à la bonne adresse dans ce petit magasin de la rue du Département dans le XIXe arrondissement de Paris. « Que voulez-vous ? », lui demande Astou, la quarantaine, vêtue d’une « ndokette » (robe sénégalaise à manches courtes qui arrive jusqu’aux tibias) bariolée sur un pull noir. « C’est pour envoyer un ordinateur à Dakar », rétorque le jeune homme. Il vient d’entrer dans la boutique d’une « GP » (gratuité partielle). C’est le nom donné à des Sénégalaises qui, bénéficiant de tarifs préférentiels pour les billets d’avion, utilisent leur franchise de bagages pour transporter des colis entre Paris et Dakar.
Astou et Saliou débutent un marchandage dans un coin du magasin. Puis l’ordinateur change de mains. Saliou donne son numéro en même temps que le nom et le numéro de téléphone de la personne qui doit récupérer le colis à Dakar.
Postiers de l’informel
Les informations sont aussitôt notées sur une feuille de papier qui est ensuite scotchée sur l’ordinateur. « J’envoie un ordinateur pour constituer ma dot de mariage au Sénégal et comme la cérémonie est prévue dans moins d’une semaine, c’est une urgence », confie Saliou. Commencée à 80 euros, la négociation sur le prix de l’envoi de l’ordinateur s’est « conclue à 50 euros ».
Le ballet des clients venus envoyer des colis au Sénégal est incessant. Code, règle et organisation des GP se résument ainsi. « C’est un travail correct qui se fait dans les normes », estime Khady, rencontrée dans un autre magasin dans le nord de Paris. Elle explique que dans le métier de GP, il y a « des repères, les tarifs sont fixes. C’est 7 euros par kilo en partance de Paris, et pour les ordinateurs et micro-ondes, les prix dépendent du marchandage ».
Ce sont les postiers de l’informel qui convoient des colis et des marchandises, entre Paris et Dakar et vice versa, deux ou trois fois par semaine. C’est un métier essentiellement féminin. Pourtant, les GP existent depuis « plus de 50 ans », selon divers témoignages.
Privilèges et atouts
Sollicités par une diaspora sénégalaise orpheline de services d’envois de colis pas chers, les GP attirent du monde. « Parallèlement à la demande, le nombre de personnes qui font le métier a sensiblement augmenté et cela nous donne plus de visibilité », admet Khady. La jeune femme est GP à temps partiel, car elle est aussi ingénieur agronome, diplômée de l’université de Dijon. L’activité de GP se distingue entre les « GP formels » et les « GP non formels », pour reprendre une classification Khady : « Quand je paie mon billet entre 350 000 et 400 000 F CFA (en moyenne 550 euros, nldr), certaines consœurs parviennent à avoir plus de 50 % de réduction, car elles ont des parents qui travaillent dans les compagnies de voyages ou à l’aéroport. »
C’est le cas d’Astou, la GP de la rue du Département à Paris : « Il y a plus de dix ans, j’étais encore femme au foyer et mon mari travaillait pour une compagnie à l’aéroport. J’ai décidé de me lancer dans le métier de GP. »
Marges importantes
A Paris ou à Dakar, quand les GP arrivent « les douaniers se lèvent parce qu’à force de les voir passer », ils sont facilement repérables. « D’autant plus que nous voyageons en général par groupe d’au moins quatre personnes, souligne Khady. Les douaniers se font des sous avec nous. Là où nous passons, les sous tombent. Nous honorons les taxes douanières. À Dakar, elles peuvent aller de 200 000 à 500 000 francs CFA. »
Cela n’empêche pas une certaine rentabilité. Avec les privilèges liés à leur statut, comme les cartes de fidélité au niveau des compagnies ou les facilités d’obtention du visa pour venir en France, les GP transportent 100 kg de bagages chacune par voyage là où un passager lambda est limité à 50 kg. Les marges semblent même très importantes, selon Khady qui n’a pour autant pas souhaité s’exprimer ni sur son chiffre d’affaires ni sur le montant de ses bénéfices réels. « Alhamdoulilah » (« Dieu merci » mais formule qui équivaut ici à « je ne me plains pas », ndlr). Pour Khady, si elle fait deux à trois fois par semaine le trajet Paris-Dakar, « ce n’est pas que pour le plaisir de prendre l’avion ». (article paru également dans Le Monde)
SÉGOLÈNE ROYALE REPRÉSENTERA MACRON À L'INVESTITURE DE MACKY
L'ancienne ministre sera notamment en visite au Sénégal du 1er au 3 avril prochain
Madame Ségolène Royal, représentant le président de la République française pour l’investiture du président Macky Sall, sera en visite au Sénégal du 1er au 3 avril et participera à la cérémonie d’investiture le 2 avril, informe un communiqué de l’ambassade de la France au Sénégal parvenu à Igfm.
Présidente de la Cop 21 et ambassadrice pour les pôles Arctique et Antarctique, Mme Royal animera, le lundi 1er avril, une conférence à l’ENA sur le thème « La place de l’Afrique dans Et après l’accord de paris sur le climat ».
Elle s’entretiendra également avec des experts sénégalais sur la restitution des biens culturels sur laquelle le président de la République française s’est engagé.
Elle compte se rendre ensuite au Musée de la Femme Henriette Bathily le 1er avril. Après une visite du musée, elle répondra à 17h aux questions sur son livre « Ce que je peux enfin vous dire ».
Le mercredi 3 avril, Mme Royal inaugurera en Casamance trois maternités solaires à Linkering, Paroumba et Thiewal Lao, réalisées sous l’impulsion de sa fondation DA Planète dans la continuité de la COP21.
PAR PAPE NDIAYE
POUR UN GOUVERNEMENT DE TECHNOCRATES
Beaucoup de nos compatriotes estiment qu’il faudrait un gouvernement d’experts pour que cette émergence sociale et économique tant désirée soit en réalité au bout de ces cinq prochaines années
A l’issue du scrutin du 24 février der- nier, Macky Sall a rempilé dès le pre- mier tour avec un bon score de 58,27% des suffrages exprimés malgré quelques manques de « fair play » démocratique. Son second et dernier mandat, il doit impérativement le pla- cer sous le signe du progrès écono- mique et social pour le bien-être des Sénégalais dont la majorité écrasante vit dans une pauvreté endémique et mortelle. Donc pour voler au secours de cette population mourante, le pré- sident Macky Sall est appelé à former un gouvernement composé en majorité de technocrates moulés dans l’éthique républicaine, l’abnégation et le travail. Et surtout d’éviter une dualité politique au sommet de l’Etat en vue de son éventuelle et lointaine succession. Comme c’est le temps des spéculations, eh bien spéculons !
Candidat à sa propre succession, le président Macky Sall a été réélu pour un second et dernier mandat avec un score de 58,27 % synonyme de victoire sans appel, ni recours. Cette victoire honorable, mais dépourvue de « fair play » démocratique, le président de la République devrait en faire, sans doute, un baroud d’honneur au grand bonheur du peuple sénégalais. Un peuple en manque d’enthousiasme et de joie de vivre du fait de la précarité et l’inégalité sociale dans lesquelles il est plongé. Et surtout dans un pays où la vie coûte trop cher comme le Sénégal !
Voler au secours des Sénégalais devra passer par un gouvernement constitué en majorité de technocrates et qui devrait être formé probablement au soir du 04 avril marquant les festivités de notre accession à la souveraineté internationale afin d’éviter tout dysfonctionnement organisationnel ou protocolaire dans l’organisation de cette fête.
Il est permis de penser que le prochain gouvernement va avoir une ossature de technocrates puisqu’il n’y a pas péril « politique » à présent que le président Macky Sall a atteint son objectif de deuxième mandat. Donc rien ne doit plus plonger le Sénégal dans une campagne politique et électorale permanente. Car toute autre option en dehors d’un gouvernement majoritairement technique pourrait favoriser une dualité politique au sommet de l’Etat. Un haut responsable de l’Apr nous conforte et laisse présager un nouveau gouvernement dans ce sens. «Bien que je ne sois pas dans les secrets du président de la République, je pense qu’un gouverne- ment composé en majorité de techno- crates devrait répondre à l’attente des Sénégalais qui en ont marre de leurs politiciens. En tout cas, ministres politi- ciens et ministres alliés sous la bannière de Benno ont atteint leur objectif de réélire politiquement leur candidat Macky Sall, maintenant place aux techniciens pour les grands défis économiques et sociaux ! Et le président a tout à gagner en mettant en place une formation de technocrates », estime ce membre très influent du régime apériste. Un poids lourd qui alerte son mentor sur les éventuelles luttes fratricides de succession qui découleront d’un gouvernement de politiciens dans un régime finissant. « Dans tous les pays aux régimes finissants, beaucoup de ministres-politiciens profitent de leurs fonctions pour élargir leurs bases politiques tout en se positionnant pour la succession du président ne pouvant plus se représenter. Par conséquent, tout occupés à gérer leurs ambitions présidentielles, ils seront loin de servir le pays. Et je prends à témoin votre journal « Le Témoin », à quelques deux ans de fin de mandat du président Macky Sall, vous verrez des ministres insoupçonnés quitter volontairement le navire « Apr » comme des rats pour prendre leur destin politique en main. Dans le pire des cas, ces ministres-là vont provoquer le président de la République dans l’espoir de se faire limo- ger » jure notre observateur averti. « Que ça soit des ministres « aperistes » ou provenant des partis alliés dans Benno, dès lors que le président Macky Sall a été réélu pour un dernier mandat, les ambitions longtemps tues se révèlent au grand jour. Et nombreux sont ceux qui sont pressés de le chasser du Palais » analyse froidement notre interlocuteur.
La loyauté toujours en bandoulière !
Il est vrai que tout le monde s’accorde à reconnaitre qu’il existe des ministres, membres de l’Apr ou de Bby qui sont déjà au pied du trône. Avec l’air de ne pas y toucher, ils font mieux qu’y penser. Comme quoi, ils se tiennent prêts pour la succession, le moment venu ! Pourtant, défier le président en pariant sur son second et dernier mandat, c’est prendre le risque de payer un prix politiquement fort élevé. Toujours est-il que nous sommes convaincus qu’il existe encore des ministres et responsables politiques dont la loyauté, la fidélité et l’abnégation ne souffrent d’aucun doute à l’endroit du président Macky Sall. D’ailleurs, deux responsables de la mouvance présidentielle interrogés, rejettent l’option « technocratique » vers laquelle les « brutes » et les méchants veulent orienter le président Macky Sall pour faire chasser les politiciens du gouvernement. « Ces soi-disant technocrates font semblant d’oublier que les politiciens sont les dépositaires de l’action du chef de l’Etat sur le terrain c’est-à-dire auprès de la population. Et c’est nous politiciens qui rendons visibles les réalisations du président de la République. Pour dire que si certains estiment que le président Sall n’aura plus besoin de gouvernement politique pour un quinquennat sans enjeu électoral, ils se trompent ! Car l’homme politique reste et demeure toujours une référence incontournable dans une République » argumente ce haut responsable politique de la mouvance présidentielle.
Faut-il chasser les politiciens ?
La chasse aux politiciens ? Des jugements superficiels aux yeux d’un haut responsable étatique qui, dans son recadrage, soutient que l’intervention ou l’entrée de technocrates dans un gouvernement de fin de mandat n’a pas pour résultat d’expulser la politique de la conduite des affaires publiques. Ou alors d’annuler la politique par la technique. Mais ajoute-t-il, ce serait une volonté de « dépolitiser » les grands problèmes de la vie quotidienne des Sénégalais afin de les résoudre par des activités stratégiques et des mesures prioritaires. « Les fonds politiques que distribuent des responsables politiques ne profitent qu’à une certaine clientèle politique de proximité. Et les masses populaires sont toujours laissées en rade et condamnées à une vie éternellement laborieuse... », se désole un député Apr dans le sens d’encourager le président de la République à opter pour un gouvernement à majorité de technocrates exclusivement au service du peuple sénégalais. Et non pour les beaux yeux d’une communauté de militants.
Un pays de brillants technocrates aux compétences multidisciplinaires
Il est vrai que le Sénégal regorge de technocrates brillants et chevronnés aux compétences multidisciplinaires. Donc, le président Macky Sall n’aura pas un problème de casting pour former un gouvernement à base technocra- tique capable de relever les grands défis socio-économiques qui se posent à notre pays. A ce niveau, nous imaginons certains dire que le technocrate a la réputation d’être sourd et muet. Et surtout quand il s’agit de mettre en œuvre des décisions à coloration politique.
Beaucoup de nos compatriotes estiment qu’il faudrait un gouvernement d’experts pour que cette émergence sociale et économique tant désirée soit en réalité au bout de ces cinq prochaines années. Pour que, aussi, le futur gouvernement puisse mettre en œuvre les promesses électorales du président Macky Sall devant principalement aboutir à un bien-être des Sénégalais dont la majorité écrasante vit dans la pauvreté et le chômage. Et surtout de ramener le Sénégal dans le classement des pays les moins chers au monde où les denrées de première nécessité comme le riz, l’huile, le lait et le sucre soient à la portée des familles.
Il faudra surtout que ces ministres-technocrates tant réclamés puissent conduire les changements véritables au profit des Sénégalais dès lors les partenaires finan- ciers avaient alloué à l’Etat des fonds estimés à 7.356 milliards cfa dans le cadre du Plan Sénégal Emergent (Pse). Sans oublier l’exploitation du pétrole et gaz qui va commencer en cours de mandat.
Autant de raisons qui militent pour gouvernement à ossature technocratique. Et si, comme on le dit, le président de la République envisage de réduire la taille de son gouvernement et de supprimer bon nombre d’agences et de directions nationales budgétivores dont les responsables à la casquette politique auraient procédé à des pillages financiers, alors on pourra dire incontestablement qu’il aura commencé son second mandat sous de très heureux auspices. Mais enfin, attendons le 04 ou le 05 avril prochain pour être édifiés !
Mame Lika Sidibe présente sa revue de presse du 29 mars 2019.
PAR MAMADOU OUMAR NDIAYE
L'ÉCONOMIE EN VACANCES PROLONGÉES
Il faudra bien qu’un jour, les chercheurs nous expliquent comment se peut-il qu’un peuple aussi tire-au- flanc, qui a un rapport aussi lâche avec le travail, se retrouve pourtant chaque année parmi les champions de la productivité
C’est un mystère insondable dont les spécialistes trouveront sans doute un jour la clef. Ils pourront peut-être nous expliquer alors par quel miracle, quelle opération du Saint Esprit, un pays aussi peu travailleur que le Sénégal peut avoir un taux de croissance de son économie parmi les plus élevés du continent ! Ce, année après année.
A côté de l’Ethiopie, de la Côte d’Ivoire, du Rwanda, en effet, cette Nation bénie des dieux et qui, comme la cigale de la fable passe le plus clair de son temps non pas à chanter mais à faire de la politique — si ce n’est à organiser des gamous et des magals — a l’une des économies les plus dynamiques du continent. Cherchez l’erreur ou donnez-nous l’explication de ce mystère qui nous laisse perplexes. Frôlant les 7 % ces deux dernières années après avoir augmenté régulièrement depuis l’année de grâce 2012, le taux de crois- sance de l’économie nationale ferait pâlir de jalousie ailleurs, dans le monde industrialisé occidental notamment, où une croissance de 1 % seulement est perçue comme quelque chose d’extraordinaire et 2 % quasiment de miraculeux. Et voilà que nous, pays pauvre sans pratique- ment aucune ressource naturelle — mais si, mais si nous disposons de pétrole et de gaz mais qui ne seront exploités qu’en 2021 au plus tôt —, réussissons les doigts dans le nez et pratiquement en chantant comme la cigale de La Fontaine... à monter sur podium africain de la perfor- mance économique ! C’est bien simple d’ailleurs, nous sommes déjà un pays émergent.
Etonnant quand on sait que, par exemple, le pays ne travaille pas de- puis pratiquement six mois ! Tout le monde sait que depuis qu’il a été dit que les candidats à la présidentielle devaient présenter des parrains représentant entre 0,8 et 1 % du corps électoral, et pour donner au président de la République sortant les plus de 3 millions de parrains qu’il s’était fixé comme objectif, tout ce que le pays compte comme ministres, directeurs généraux d’adminis- trations centrales ou de sociétés, dirigeants économiques et autres décideurs s’était lancé à la chasse aux signatures. Abandonnant bureaux et sociétés, laissant en souffrance parapheurs et dossiers, tout ce beau monde s’était enfoncé dans le Sénégal des profondeurs. Bien sûr, le pays avait été paralysé, au- cune décision d’importance ne s’étant prise durant cette période. Cette crème de l’administration n’avait repris le travail — si on peut dire — que pendant quelques semaines le temps de préparer la campagne électorale. Laquelle a été une nouvelle occasion de déserter les bureaux pour aller prêcher la bonne parole, préparer l’accueil du candidat-président et convaincre les populations de faire le bon choix. Cela ayant été fait le 24 février dernier et le président réélu ayant eu la mauvaise idée — c’est la Constitution ou le Code électoral qui le lui impose paraît-il— de ne prêter serment que le 02 avril prochain, voilà le pays tout entier mis en vacances forcées. Dans les ministères ou dans les di- rections, on fait ses cartons soit pour migrer vers une autre « station » soit pour prendre la porte.
En attendant, tout est de nouveau paralysé et on expédie les affaires courantes à tous les niveaux. Autrement dit, les dossiers les plus impor- tants attendent l’arrivée des futurs ministres ou des futurs directeurs. Investisseurs internationaux et opérateurs économiques locaux sont en stand-by car il n’y a pas d’interlocuteurs ou alors nul ne veut traiter avec un responsable dont on n’est pas sûr qu’il restera en poste après le 04 avril prochain. Quant aux fournisseurs, ils sont priés d’attendre l’installation de la nouvelle équipe pour espérer recevoir leurs règlements. Bref, le pays ne travaille pas et il suffit de faire un tour dans les grands chantiers de l’Etat pour s’en convaincre. Là si les travaux ne sont pas arrêtés, ils sont très, très, très au ralenti. En réalité, le seul secteur qui carbure très fort en ce moment, c’est celui du maraboutage ou du charlatanisme, les responsables de la coalition au pouvoir dépensant des fortunes pour entrer au gouvernement ou y rester. Ou pour obtenir diverses sinécures. Au plus tôt, le pays ne pourra espérer se remettre au travail qu’en fin avril, le temps que le nouveau gouvernement soit formé et que les ministres qui le composeront prennent connaissance de leurs dossiers.
Quand on aime Dieu, on ne compte pas le nombre de jours de fêtes !
Là encore, manque de pot puisque, à peine trois semaines après, le Ramadan va s’installer. C’est un mois durant lequel, c’est bien connu, la productivité des Sénégalais atteint des sommets ! Défense de rire. Et en juin, c’est théoriquement les vacances mais, c’est sûr, le Gouvernement ne va pas pousser le ridicule jusqu’à en prendre. Sauf que les partenaires inter- nationaux du Sénégal, eux, feront relâche après avoir travaillé comme la fourmi industrieuse de la fable. On ne sera pas au bout de nos peines pour autant puisque les élections locales se tiendront en décembre. Et bien sûr, il faudra les préparer sérieusement, battre campagne, investir le terrain au moins trois mois avant l’échéance. Si on retranche tout cela du calendrier, force aura été de constater que, durant cette année 2019, les Sénégalais n’auront pas beaucoup travaillé. Nous vous faisons grâce, bien sûr, des dizaines de magals, gamous et autres ziars qui seront autant de prétextes légitimes à s’absenter. Sans compter que nous avons l’ex- cellente habitude de jouer les prolongations à l’occasion des plus grandes fêtes musulmanes de l’année. Les musulmans du monde entier célèbrent la Tabaski et la Korité en une seule journée ? Eh bien, pour montrer à Dieu à quel point nous l’aimons, nous fêtons la Tabaski pendant trois jours et la Korité sur la même durée. Les autres voient une seule lune ? Nous, nous en voyons trois !
En dépit de tout cela, pourtant, au début de l’année prochaine, lorsqu’il s’agira de tirer le bilan de 2019, et au moment où les organismes internationaux livreront leurs chiffres et autres classements, on nous dira que le Sénégal a encore battu un record de croissance économique ! C’est pourquoi, je le répète : il faudra bien qu’un jour, les chercheurs mondiaux les plus réputés nous expliquent comment se peut-il qu’un peuple aussi tire-au- flanc, aussi flemmard — aussi fêtard aussi —, un peuple qui musarde et a un rapport aussi lâche avec le travail, se retrouve pourtant chaque année parmi les champions de la productivité et les stakhanovistes du continent ! Et puis, si le Sénégal fait partie des pays où l’on travaille le plus en Afrique, on doit plaindre assurément ceux supposés traîner les pieds voire carrément paresseux. Encore une fois, ces taux de croissance mirifiques de notre économie nous laissent songeurs. A moins que, bien sûr, pour parodier ce bon M. Jourdain du « Bourgois gentil- homme » de Molière, nous ne tra- vaillions sans le savoir ! La magie des chiffres faisant le reste...
PAR SAMUEL SENE
RÔLE DE LA PRESSE DANS LES ALTERNANCES
Ne conviendrait-il pas au sortir du 24 février, de jeter un regard rétrospectif sans complaisance sur le rôle de la presse dans les élections présidentielles successives au Sénégal depuis 2000 ?
Voilà un mois que l’élection présidentielle s’est tenue au Sénégal. Une élection qui a fait couler beaucoup d’encre et de salive. Une élection avec un taux de participation meilleur qu’aux Etats-Unis, en France, en Angleterre et en Allemagne. Une élection dont le déroulement n’avait rien à envier à ces grandes démocraties. Une élection saluée par tous les observateurs nationaux et étrangers.
Ne conviendrait-il pas dès lors, au sortir de ce scrutin, de jeter un regard rétrospectif sans complaisance sur le rôle de la presse dans les élections présidentielles successives au Sénégal depuis 2000 ? Les radios privées n’ont-elles pas joué un rôle primordial dans l’avènement et la survenance des deux alternances au Sénégal ?
Pourrait-on nier ou renier ce rôle déterminant? L’alternance aurait-elle été possible sans la transparence grandement favorisée et largement facilitée par la publication progressive des résultats des commissions de recensements des votes à travers tout le pays?
Les radios privées sénégalaises (Sud Fm et Walf Fm en particulier) n’ont-elles pas joué un rôle décisif de précurseurs dans la transparence d’une élection présidentielle en Afrique et dans le monde ? Plutôt que de se réjouir de cet acquis que d’autres pays, mêmes développés peinent à avoir, ne serait-il pas suicidaire pour une opposition de revenir à la case départ ?
La monopolisation du service public par la Radio Télévision Sénégalaise (chaine d’Etat et donc de la puissance publique) ne fut-elle pas un frein à l’avancée démocratique au Sénégal et en Afrique? Une des plus grandes conquêtes de la presse privée nationale, pour un service graduellement plus équitable, plus équilibré et plus déontologique, ne fut-elle pas la démonopolisation du service public par l’avènement judicieux des chaînes privées, mais d’utilisé publique ?
Qui ne se rappelle pas les difficultés que les partis d’opposition avaient à se faire couvrir, entendre et comprendre? L’offre de service n’était-elle pas intentionnellement limitée pour museler l’opposition? Les caciques du Parti Socialiste avaient-ils pardonné à Abdou Diouf d’avoir libéralisé l’espace radiophonique ayant sans doute mené à sa perte du pouvoir et à la première alternance? N’avaient-ils pas considéré cette libéralisation comme l’une des principales raisons qui avaient coulé leur parti en 2000 ?
Une fois Wade au pouvoir et conscient de l’apport déterminant des radios privées, pouvait-il faire moins que son prédécesseur Diouf en refusant de libéraliser à son tour des fréquences télévisuelles sénégalaises? Pourquoi était-il resté autant d’années avant de procéder à la libéralisation de l’espace télévisuel ? Ne craignait-il pas l’effet boomerang et surtout l’impact de l’ouverture du secteur télévisuel sur les consciences populaires ?
Les radios privées n’avaient-elles pas relayé les tendances lourdes défavorables à Diouf en 2000 et à Wade en 2012 ? Qui oserait nier que ce fut un acquis, une conquête démocratique sur la longue marche du Sénégal vers la démocratie-modèle? Le charme ne notre démocratie ne réside-t-il pas à travers la divulgation progressive des résultats une fois les décomptes faits et les résultats affichés devant les bureaux de vote ? Les partis politiques, la CENA, et les observateurs nationaux et étrangers n’étaient-ils pas unanimes à reconnaître le bon déroulement et la sincérité du scrutin ?
Pourquoi alors cet appel à la vindicte populaire et au lynchage des journalistes de la presse privée noté en 2019? Que veulent et valent vraiment nos politiciens ? Pour qui se prennent-ils ? Pourquoi les résultats ne souffriraient ils d’aucune contestation que lorsque le président sortant est perdant ? Pourquoi l’opposition souvent en accointance avec le pouvoir doit-elle toujours gagner ?
Pourquoi ce silence confus et ambigu de la société civile à dénoncer les propos incendiaires de leaders dont les tendances étaient défavorables ? Dénoncer cette rhétorique inflammable ne serait il pas désamorcer une bombe de destruction massive à fragmentations multiples ? Bizarre mais quand le peuple fait preuve d’une maturité exemplaire, la classe politique fait montre d’une immaturité et d’un infantilisme sidérant en feignant illégalement, illégitimement et diaboliquement d’être voix du peuple. N’avons-nous pas d’anciens présidents et premiers ministres opposants et d’anciens opposants au somment de l’Etat? Ne sont-ils pas tous pareils, nos cupides, stupides, ridicules et versatiles politiciens ? Qu’est-ce qui les différencie vraiment? Pourquoi incitent-ils le peuple à confondre adversité et animosité ? Qu’ils se le tiennent pour dit : le peuple se fera toujours sans tambour ni trompette, clairement entendre, par la voie des urnes.
Personne ne votera à sa place dans le sanctuaire de l’isoloir. Personne. Ce ne seront ni des esprits ni des Djiins. D’ailleurs, on aura beau le tympaniser, mais il reprendra toujours sèchement sa souveraineté en signifiant sans ambigüité sa maturité responsable aux politiciens véreux au cours des scrutins par la valeur de sa carte d’électeur. Quoique les politiciens fassent ou disent, le peuple sévira comme d’habitude, au moment opportun. Le président Wade, pourtant conscient du rôle incontesté de la presse à sa victoire sur le président Diouf, n’avait-il pas financé de nouveaux organes pour contrecarrer les médias, brouiller les cartes et jeter le discrédit sur la corporation.
Contact et Xibaar puis Le messager et L’Expresse News ne virent-ils pas le jour pour non seulement aider la présidence à solder ses comptes avec ses détracteurs, mais surtout pour faire sa propagande? Cette pratique Wadienne fut-elle d’ailleurs une avancée démocratique ? Faut-il oublier que même avant l’indépendance, Condition humaine roulait pour le Bloc Démocratique Sénégalais, Mom sa Rew pour le Parti Africain pour l’Indépendance, Unité pour le Parti Socialiste, Siggui et ensuite Taxxaw pour le Rassemblement National Démocratique pour ne citer que ces journaux? L’objectif de Wade ne fut-il pas d’avoir des plumes acerbes pour briser d’autres plumes et pour éteindre des voix ?
Ce funeste dessein avait-il réussi à empêcher sa chute en 2012 ? Le Sénégal n’est-il pas à la croisée des chemins ? Depuis l’ouverture démocratique de Senghor limitée à quatre courants jusqu’au multipartisme intégral de Diouf ayant conduit à l’anarchie actuelle avec plus de trois cent partis politiques, n’assiste-t-on pas, dans sa trajectoire de modèle démocratique, à ses multiples balbutiements, ajustements et réajustements ?
A ses avancées et/ou à ses reculs démocratiques? La démocratie sénégalaise respire-t-elle à pleins poumons, alternant inspiration et expiration ? Le modèle démocratique sénégalais s‘essouffle-t-il ou continue-t-il d’être vivant et vibrant malgré ses vicissitudes et turpitudes ? Les avancées démocratiques ne sont elles pas ou ne doivent-elles pas être une œuvre commune du pouvoir et de l’opposition Sénégalaise?
Le Sénégal n’a-t-il aujourd’hui plus besoin d’une évolution que d’une révolution ? Pourquoi l’insouciance des élites politiques ? Ont-elles conscience de vivre dans une île à la position géographique enviée et convoitée pour ses découvertes pétrolières et gazières; une île entourée de menaces de narco trafiquants et de terroristes ? Pourquoi majorité et opposition ne parviennent elles pas civiliser leurs relations ? Pourquoi ne mettraient-ils pas fin à leurs règlements de compte personnels, leurs guerres puniques ? L’heure n’est-elle pas venue de les voir tous se comporter en gentleman ?
Aux Sénégalais de se hisser au rang des démocraties-modèles par une quête permanente d’une citoyenneté exemplaire, une gouvernance constamment orientée vers la perfection et la redevabilité.A eux de changer la vilenie politique en noblesse comportementale, en art du vivre ensemble.
Ne faudrait-il pas apporter la contradiction à Babacar Justin Ndiaye que la politique n’est pas le cimetière des amitiés ?
PAR JEAN PIERRE CORRÉA
MÉTÉO POLITIQUE ET SOMNOLENCE GOUVERNEMENTALE
Vivement le 3 avril…Qu'on embarque dans notre Sunugal et qu'on voie si ça tangue ou pas - Pour le moment, on rame dans le sable
La galerie est amusée. L'objectif est atteint. Depuis le lendemain des résultats de l'élection présidentielle, remportée par le Président Macky Sall, il y a comme un malaise. Après 7 années de présidence, un an de campagne pour exposer ses réalisations, 2 mois de tournée électorale à faire des promesses de vie meilleures, rien n'a semblé plus urgent pour la caste politico-médiatique que nous entraîner dans un débat surréaliste, alors que le chef de l'état n'a pas encore prêté serment, sur la constitutionnalité ou non d'un troisième mandat. Faut bien amuser la galerie, avec des concepts propres à tuer le débat postélectoral qui aurait dû porter plutôt sur l'enclenchement d'une vision économique aux forts enjeux, proposée dans un cadre républicain et constitutionnel apaisé par notamment un engagement solennel du Chef de l'Etat à respecter sa promesse de n'effectuer que deux mandats. Cette polémique est inquiétante car elle risque de polariser les attentions et les combats politiques sur cette question et ce, durant les 5 prochaines années. Avouez qu'il y a mieux à faire pour qui aime son pays et d'autres angoissantes urgences à prendre à bras-le-corps.
Or donc, nous avons droit à cette piqure quotidienne de rappel à la gaudriole consubstantielle à notre sénégalité facile à amuser et à nourrir, qui consiste à d'abord faire parler d'incontestables ignorants en droit constitutionnel dans nos colonnes de journaux, et quand on sent que ça lasse, Hop!!, on passe à la météo politique qui chaque jour nous concocte un gouvernement, avec des virés, des pressentis, des "en-danger-d'éjection", et le feuilleton est interminable. Cerise sur le gâteau, les ministères sont quasiment en congé, les ministres sont absents ou dans leurs fiefs électoraux à consulter surtout les "AS"de la "Maraboutique" sénégalaise. Et au mieux inondent avec les sous qu'il leur reste, les écrans de la RTS à coups de publireportages faisant bien sûr le bilan forcément positif de leur ministère, avec l'incontournable et indispensable phrase à mettre dans le bouche du ministre satisfait qui vante "la vision du chef de l'état" et l'illumination que représente le PSE.
Vivement le 3 avril…Qu'on embarque dans notre Sunugal et qu'on voie si ça tangue ou pas. Pour le moment, on rame dans le sable.
DÉLIT DE DIFFAMATION, UN PIÈGE POUR LA PRESSE ?
Au Sénégal, on se vante d’être une grande démocratie avec une presse libre - Pourtant, le législateur semble aller dans le sens de museler la presse
Lorsque le journaliste donne par exemple l’information sur l’arrestation d’une personne, même s’il se base sur un procès-verbal d’audition pour étayer les faits, si le concerné estime qu’il a été diffamé, il y a de fortes probabilités que l’auteur de l’article soit condamné pour diffamation. Manifestement, c’est une épée de Damoclès sur la tête du journaliste indigne d’une grande démocratie.
Au Sénégal, on se vante d’être une grande démocratie avec une presse libre. Pourtant, le législateur semble aller dans le sens de museler la presse. Aux termes des dispositions de l’article 258 du Code Pénal, « Toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation.
Lorsqu’elle est faite par l’un des moyens visés par l’article 248, elle est punissable, même si elle s’exprime sous une forme dubitative ou si elle vise une personne non expressément nommée mais dont l’indication est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés».
Un des cas les plus patents en matière de diffamation ces six derniers mois, est celui du dossier de Kabirou Mbodji, Président Directeur Général (Pdg) de Wari qui a obtenu des juridictions Sénégalaises, deux condamnations pour diffamation contre le quotidien « Les Echos » et contre l’hebdomadaire « Jeune Afrique ».
Pourtant, dans l’une des affaires, une partie civile, qui le poursuit pour viol, a déposé une plainte et le journaliste a juste repris ses propos tout en donnant bien entendu la version de Kabirou Mbodji à l’enquête. Mais au finish, ils ont tous été condamnés. Même si une rumeur indique que l’homme d’affaires tient certains juges en laisse, il est quand même constant qu’il gagne toujours au Sénégal.
Pourtant dans les grandes démocratie où la presse est sacrée, il est impossible pour un homme public de gagner de procès contre des journalistes. Au pays de pays de l’Oncle Sam, trois conditions doivent être réunies. Il faut que la volonté de nuire soit manifeste, que le journaliste n’ait pas fait l’effort de recouper l’information et enfin que l’information aie eu une répercussion désastreuse sur la vie privée ou professionnelle du concerné. Il suffit un appel ou d’un SMS pour que le journaliste soit relaxé.
Or au Sénégal, la personne poursuivie par voie de citation directe pour diffamation ne dispose que de deux moyens de défense : démontrer la vérité du fait diffamatoire en utilisant la procédure relative à l’offre de preuves ou invoquer sa bonne foi en se basant sur un intérêt légitime à l’information du public.
UN PIÈGE POUR LA PRESSE
Ici même si l’information est vraie et attestée par un procès verbal d’audition, si le concerné estime qu’il a été diffamé, il y a de fortes probabilités que l’auteur de l’article soit condamné pour diffamation. Quelle liberté pour un métier qui se veut défenseur des libertés?
LES JOURNALISTES SONT TOUJOURS JUGES SUR LA BASE D’UNE LOI QUI DATE
De 1979 Pour Mamadou Oumar Ndiaye (MON), directeur de publication du quotidien « Le témoin », dès le début, le législateur a voulu que le journaliste ne puisse pas échapper à des poursuites pénales. Les journalistes sont toujours jugés sur la base d’une loi qui date de 1979, à l’époque du Président Senghor. On assistait aux balbutiements d’une presse libre, notamment avec l’apparition de journaux comme « Le politicien », un journal satirique, de Mame Less Dia mais aussi de « Promotion » du doyen Boubacar Diop.
Ces journaux ont beaucoup dérangé par leurs révélations et leur façon de faire du journalisme. Il y avait une classe politico affairiste habituée à un parti unique pendant une vingtaine d’années. A l’époque, l’opposition avait dénoncé des lois d’inspiration Vichystes qui prévalaient en France pendant l’époque de guerre. Elles étaient répressives, conçues de telle sorte que le journaliste traîné devant les tribunaux ne puissent pas échapper à une condamnation.
LE JOURNALISTE A DIX JOURS POUR PRODUIRE LA PREUVE DE CE QU’IL AVANCE
Du point de vue de la loi, il faut souligner, relève MON, qu’il y a deux dispositions restrictives en matière de diffamation. La première consiste à imposer au journaliste de produire des preuves de ce qu’il avance, dans un délai de dix jours, après réception de la citation directe. Même si le dossier fait l’objet de plusieurs renvois et que l’audience ne se tienne qu’au bout de six mois, par exemple, si le journaliste vient à la barre avec des preuves, elles ne sont pas acceptées.
Même si c’était au 11 ième jour, ce serait ainsi. Pourtant, pour toute autre matière, soutient Mamadou Oumar Ndiaye, on peut produire les preuves le jour de l’audience. Pour ce qui concerne la deuxième mesure, en copiant les dispositions relatives au délit de presse du Code Français, estime MON, le législateur Sénégalais a supprimé la notion de bonne foi. Alors que dans toutes les législations de grandes démocraties, la bonne foi du journaliste est retenue, dès lors qu’il est prouvé qu’il n’était pas animé d’un mauvais sentiment personnel en donnant l’information.
«ON DONNE A UN JUGE LA POSSIBILITÉ DE COULER N’IMPORTE QUEL ORGANE DE PRESSE»
Il s’y ajoute, note MON , que les dommages et intérêts ne sont pas plafonnés. Un juge peut condamner un journaliste à payer 500 millions de dommages et intérêts. C’était le cas dans le procès concernant le journal Sud Quotidien et le Groupe Mimran dans l’affaire du sucre d’aspect blanchâtre importé frauduleusement. Si la Css avait exécuté la décision, cela signifiait la mort de l’entreprise Sud dont le rôle dans la consolidation de la démocratie est un secret de polichinelle.
Le Témoin avait aussi été condamné par les Industries chimiques du Sénégal (Ics) de feu Pierre Babacar Kama à payer 55 Millions de Fcfa de dommages et intérêts. Là encore, si la décision avait été exécutée, le journal aurait disparu, constate MON. « On donne à un juge la possibilité de couler n’importe quel organe de presse. Je me suis battu pour qu’on fixe une limite aux dommages et intérêts, mais j’ai été minorisé.
Nous avions beaucoup de procès et on pourrait penser que «Le Témoin » prêchait pour sa paroisse, mais ce n’était pas le cas. Pour peu qu’un juge a une dent contre un journaliste, il peut le faire condamner. Le journaliste est à la merci du plaignant, c’est la loi qui est faite ainsi. Les magistrats ne font que l’appliquer. Heureusement que certains font une application bienveillante de cette loi», se réjouit-il.
«JE PRÉFÈRE ALLER EN PRISON PLUTÔT QUE MON OUTIL DE TRAVAIL SOIT FERMÉ»
Quid du nouveau Code de la presse ? MON n’est pas non plus satisfait de ce côté. Les concepteurs du nouveau code ont demandé que l’on substitue la peine privative de liberté à des peines pécuniaires plus sévères. « Je préfère aller en prison plutôt que mon outil de travail soit fermé mais là aussi j’ai été minorisé. A quoi cela sert de corser les sanctions pécuniaires ? On aurait pu maintenir la loi telle qu’elle était et plafonner les dommages et intérêts», suggère le Directeur de publication du quotidien Le Témoin.
Il concède cependant que ces 20 dernières années, aucun journaliste n’est allé en prison dans le cadre de l’exercice de ses fonctions. Il y a eu le cas de Madiambal Diagne qui a séjourné en prison mais c’était sur la base de l’article 80 du Code pénal, qui parle d’offense au chef de l’Etat. Ce n’était pas un délit de presse. En France où la presse est plus riche, remarque le journaliste, les condamnations ne dépassent pas 5 Millions de Fcfa de dommages et intérêts ; sauf pour ce qui est des paparazzis et la presse people qui mettent de l’argent de côté pour les condamnations.
Un article paru dans Le Monde disait que l’administration de la preuve relève d’un cérémonial Chinois parce que la personne qui s’estime diffamée, regarde tout, même les virgules. Si l’on condamne un journal à payer 500 Millions de Fcfa, c’est l’obliger à mettre la clé sous le paillasson, estime-t-il
ME NDENE NDIAYE : «TRÈS SOUVENT, LE TRIBUNAL ESTIME QUE LE DÉLAI DE L’OFFRE DE LA PREUVE EST DÉPASSÉ»
Pour Me Ndéné Ndiaye, avocat à la cour, même si les faits sont considérés comme avérés par le journaliste, c’est au niveau du mode d’administration de la preuve et de la valeur de la preuve administrée par le journaliste que tout se joue. Ce n’est pas pour rien que l’on fait obligation au journaliste de faire l’offre de preuve. Cela veut dire que si sa bonne foi est prouvée, il peut être relaxé. Cependant, très souvent, le Tribunal estime que le délai dans lequel l’offre de preuve est produite, est dépassé.
Dans toute infraction, trois éléments doivent être réunis, note l’avocat. L’élément matériel (le fait avéré), l’élément moral (la personne a posé un acte avec l’intention de nuire à la réputation de la personne pour la diffamation), l’élément légal ( ce que prévoit la loi). Mais force est de constater selon l’avocat, en matière de diffamation que les juges ont des a priori et condamnent les journalistes plus souvent.