SenePlus publie ci-dessous, la déclaration du Collectif Citoyen des usagers de l’Autoroute à Péage (CCUAP), daté du 26 décembre 2018, relatif à la dernière baisse des tarifs, instituée par l’Etat.
« Nous, membres du Collectif Citoyen des usagers de l’Autoroute à Péage (CCUAP), réunis le 26 Décembre 2018 à la maison de la Presse, dans le cadre d’une restitution des activités menées depuis la création du collectif pour le suivi de la gestion de l’autoroute à péage, déclarons avoir pris connaissance des nouveaux tarifs négociés entre l’Etat du Sénégal et la société d’exploitation Eiffage SENAC publiés par l’APIX. Nous avons bien noté que ces changements concernent uniquement les sorties de SEBIKOTANE et celle de TOGLOU. Par ailleurs, nous avons appris que cette diminution de 1 000 FCFA aura pour conséquence la prolongation du contrat de concession de 25 ans à 35 ans.
Notre Collectif dénonce avec vigueur cette énième arnaque de la société Eiffage-Senac et demandons au président de la République, Macky Sall, d’instruire à son gouvernement la publication du nouveau contrat négocié par l’APIX au nom des contribuables sénégalais, conformément à la loi de Décembre 2012 portant code de transparence des finances publiques.
Au regard des décisions injustes et préjudiciables à l’économie de notre pays, aux nombreux usagers impactés par la cherté de l’autoroute à péage, nous déclarons :
Que le nouveau contrat proposé à l’Etat du Sénégal par la société Eiffage-SENAC est inique et dangereux pour l’économie du Sénégal
Que les péages qui ont subi la baisse des tarifs n’ont pas un impact réel sur la grande majorité des usagers quotidiennement affectés par les prix excessifs de l’autoroute à péage ;
Que la baisse n’a pas pris en compte les populations de Pikine, Guédiawaye, Thiaroye, Mbao, Keur Massar, Bargny et Rufisque qui sont les plus impactées par les tarifs de l’autoroute à Péage et ses externalités négatives.
Que le tarif doit être davantage réduit jusqu’au prix maximum de 1500 FCFA sur les trajets Dakar-Thiès/ Dakar-Mbour.
Que les usagers de l’autoroute à péage sont toujours dans l’attente de l’amélioration de la sécurité et l’installation d’un système d’éclairage pour une meilleure visibilité nocturne
Qu’un audit objectif des retombées économiques de l’autoroute à péage doit être réalisé pour une information juste et vraie sur les retombées effectives de l’autoroute à péage depuis le démarrage de l’exploitation.
Que les communes impactées par le passage de l’autoroute à péage doivent être associées à la renégociation du contrat de concession afin de pouvoir percevoir des redevances annuelles conformément à l’acte II de la décentralisation et participer à la surveillance de la gestion de l’infrastructure.
Que le gouvernement respecte son engagement de créer l’agence de gestion des autoroutes du Sénégal et qui doit être confiée aux Sénégalais
Que le président de la République renonce immédiatement à la signature d’un nouveau contrat qui implique une rallonge de la durée de la concession et exige une réduction substantielle des tarifs en respectant la limite maximale proposée ci-dessus sur la base d’une évaluation comparative des pratiques dans le monde.
Le collectif appelle à tous les citoyens et usagers de l’autoroute à une mobilisation populaire pour l’exécution de la troisième phase de son plan d’action jusqu’à la satisfaction totale des demandes citoyennes qu’il porte.
Contre l’injustice d’un partenariat inéquitable et pour préserver les intérêts du Sénégal et des sénégalais, mobilisons-nous ! »
UNE ANNÉE PARTICULIÈREMENT MACABRE
Connu pour être un havre de paix, le Sénégal a été en 2018, le théâtre d’actes violents, de pratiques jugées occultes, de meurtres passionnels et de nombreux accidents - Tour d’horizon d’une année caractérisée par de nombreux et cruels faits divers
De regrettables évènements se sont produits au Sénégal, avec une répétition qui a, parfois, dépassé l’entendement des Sénégalais. De l’enlèvement d’enfants, à des meurtres en passant par des violences conjugales, des crashs aériens, des braquages et des suicides, tour d’horizon d’une «annus horribilis» au pays de Senghor.
Enlèvement d’enfants
Le rapt suivi de l’assassinat de F.B., 7 ans, dans un quartier de Touba, a posé avec acuité la question de la situation d’insécurité dans laquelle se trouvent les enfants. Ce jeune enfant avait été retrouvé égorgé aux alentours du quartier Gouy Mourid, et quelques jours plus tard, le 19 mars 2018, ce fut au tour des habitants du quartier Lendeng du département de Rufisque, de la région de Dakar, d’être stupéfaits par cette information macabre: le corps sans vie de F. D., deux ans et six mois, a été retrouvé enveloppé dans un sac et jeté aux alentours d’un périmètre maraîcher.
Comme si cela ne suffisait pas, deux autres enfants ont été retrouvés mutilés, jeudi 19 avril 2018. Cet acte a été imputé à des personnes dont on ignore, aujourd’hui encore, les vraies motivations. Le premier, K. C., 3 ans, s’était vu le prépuce coupé, et le deuxième, A. S., 4 ans, s’est entièrement émasculé. Ces gestes d’une rare cruauté se sont produits dans le quartier Afia Bolé Mbaye de Yeumbeul, dans la banlieue de Dakar.
Assassinats à la chaîne
Un bilan macabre sans précédent à Dakar, la capitale, et dans certaines grandes villes sénégalaises, s’est étendu à l’intérieur du pays.
A cause d’une banale histoire de la vente de son champ, une commerçante, A.C. B., a été assassinée, puis enterrée en juillet 2018, par un employé de ce champ. Appréhendé par la gendarmerie au mois de septembre dernier, le jeune G. S. est aujourd’hui également présumé coupable du meurtre de son propre père, A.S., 71 ans, qu’il a d’abord décapité, avant de jeter sa tête dans un puits.
Mariama Sagna, militante du parti Patef d’Ousmane Sonko, a été la victime de la folie meurtrière de deux charretiers qui ont tenté de la violer, à son retour d’un meeting dans le quartier Keur Massar de Dakar. Face à la résistance opposée par cette dame, qui a reconnu ses assaillants, les deux agresseurs, entre-temps arrêtés et en passe d’être jugés, Saliou B. et Khadim D. l’ont étranglée.
Les deux hommes ont été arrêtés quelques jours après cet assassinat, au terme d’une cavale qui a tourné court.
Dans ce même quartier de Keur Massar, le chef de la douane de l’aéroport international Blaise Diagne a été retrouvé mort dans sa voiture. La famille de cet officier des douanes sénégalaises a prétendu que c’était sa première femme avec qui il avait fini de divorcer qui était l’auteure de ce crime. Mais l’autopsie, réalisée à Dakar, a finalement conclu que qu’il s’était suicidé.
Jusque dans les foyers
La barbarie est également entrée dans les paisibles foyers sénégalais. Pour une histoire de jalousie, Aida M. n’a pas hésité à asperger d’un liquide inflammable, puis brûlé vif son mari, Khadim N. Admis en urgence à l’hôpital, l’homme a succombé à ses brûlures quelques jours plus tard.
Un autre crime passionnel a défrayé la chronique, la même semaine, mais à Bambey, cette fois-ci, dans la région de Diourbel. Saliou C., un professeur de Sciences de la vie et de la terre, a poignardé à plusieurs reprises sa femme, qui a ensuite succombé à ses blessures.
La semaine suivante, un conducteur de mototaxi, J. a poignardé son épouse. Et une femme, S. D. a roué de coups de machette sa co-épouse, O.D.qu’elle avait accusée de voler leur mari.
La diaspora sénégalaise n'est pas épargnée
Les ressortissants sénégalais dans des pays d’Europe et d’Amérique ne sont pas en reste. Le 5 mars 2018, I.D. ressortissant sénégalais installé en Italie, âgé de 54 ans, a été abattu par balles par un Italien âgé de 65 ans. Les communauté sénégalaise immigrée dans ce pays a tenu, au cours de plusieurs manifestations, a dénoncer cet.
En Espagne, M.M. N.et O. M., deux ressortissants sénégalais installés à Madrid, ont été tués lors d’une course poursuite avec la Guardia Civil, la police espagnole. Le Sénégal, par la voix de son ambassadeur, ayant fermement demandé des explications, pour calmer des esprits, la mairie de Madrid a lancé quelques temps plus tard, une procédure de régularisation des ressortissants sénégalais résidant dans la capitale espagnole…
Ce crime passionnel à New York a également défrayé la chronique: une jeune infirmière sénégalaise âgée de 35 ans, M.F., a été assassinée par son époux, A. S.
Le 18 avril dernier, M.N. 27 ans, ressortissant sénégalais, a été tué à Rimidi en Italie. Quatre autres Sénégalais ont également été tués au Brésil, au Canada, en France et en Espagne. Le crime, passionnel, commis en Espagne a particulièrement marqué les esprits: D.D. a été sauvagement assassinée par son mari devant ses enfants, âgés de 4 et 8 ans.
8 personnes meurent dans le crash d’hélicoptère de l’armée
Au départ de Ziguinchor, l’appareil, un MI-17 de l’armée de l’air sénégalaise, s’est crashé dans la mangrove de Missirah, à Kaolack. A bord de cet hélicoptère, une vingtaine de passagers, dont huit ont perdu la vie. Les 12 autres personnes à bord ont été blessées.
Dans cette même région de Zinguinchor, des citoyens ont été victimes de braquages. Il faut dire que les braquages et les vols à main armée se sont multipliés dans la région durant cette année 2018. Une bande malfaiteurs y ont ainsi enlevé et dépouillé de tous leurs biens, 6 personnes au mois de novembre. Des malfrats étaient connus pour opérer habituellement dans le département de Bignona.
Immolation devant la présidence
Cheikh Diop, un ex-détenu qui avait fait de prison pour une affaire de trafic de faux document de voyage, s’est immolé par le feu devant les grilles du palais de la République. Il dénonçait inlassablement depuis plusieurs mois le fait d’avoir été négligé par les autorités sénégalaises qui devaient le dédommager suite à une erreur médicale dont il avait été victime, qui lui a valu d’être amputé du bras droit.
Cheikh Diop est mort quelques jours après son geste désespéré, qui avait grandement ému l’opinion publique. Sa famille demande toujours des sanctions contre l’infirmier responsable de cette erreur médicale, dont a été victime ce Sénégalais qui vivait en Europe, et qui se trouvait alors en vacances dans son pays natal.
La mer en furie fait des victimes
Le naufrage de deux pirogues, dans la brèche creusée à Saint-Louis a fait trois morts le 29 novembre 2018. Les opérations de recherches ont permis de retrouver les corps sans vie des pêcheurs, au bout de 72 heures.
Quelque mois plus tôt, dans l’embouchure du fleuve Gambie, une pirogue qui venait d’Elinkine, dans la région de Ziguinchor, a chaviré. Le bilan a fait état de 3 disparus et de 19 rescapés. Après plusieurs jours de recherches, les sauveteurs ont fini par abandonner cette tentative d’opération de sauvetage en mer.
40 cas de noyades, pour l’été 2018
En 2 mois seulement, 40 personnes ont perdu la vie au cours de l’été 2018, dont 16 personnes qui se sont noyées dans la plage dite «de Malibu». Il faut toutefois noter que la baignade est interdite dans cette zone qui fait malgré tout, chaque année, de nombreuses victimes. Mais les baigneurs s’entêtent à y organiser des pique-niques et à aller se baigner, malgré sa dangerosité.
LA CHRONIQUE HEBDO D'ELGAS
SOULEYMANE JULES DIOP, ORS & DEHORS DU POUVOIR
EXCLUSIF SENEPLUS - L’énergie intellectuelle de jadis s’est transformée en un silence complaisant - Malgré sa discrétion, on se demande s’il adhère réellement aux politiques de ce gouvernement - INVENTAIRE DES IDOLES
Que devient Souleymane Jules Diop ? Je veux penser qu’il va bien. Sans remords aucuns. Dévoué à la tâche d’assainir la politique au Sénégal. Entièrement acquis à conseiller Macky Sall pour accroître le bien-être des populations. Je veux croire ça, mais ce n’est pas très simple. Qu’il semble désormais bien loin ce temps – il y a 4 ans – où, perché sur ses hauteurs canadiennes, il nourrissait auditeurs et lecteurs de Seneweb. Leur commandait de lutter. Disqualifiait les politiciens. S’érigeait en justicier-martyr, molesté, pour l’anecdote, par les gorilles de Wade à cause de son goût de la défiance. Ce temps fabuleux où il parcourait le monde pour prodiguer des conférences. Alors, pour ce faire, son lyrisme se mêlait aux citations des grands esprits, ses livres aux références spirituelles du monde, ses anecdotes sur la politique sénégalaise à ses colères foudroyantes, et ses grands monologues étaient, disait-on, l’incarnation de la probité intellectuelle, autrement dit, une résistance à Wade. De Lat Dior à Salif Sadio, les Sénégalais ont une drôle de conception de la résistance. De la probité aussi.
J’avais été lecteur de Souleymane Jules Diop. J’avais en revanche mis assez de distance entre ce qu’il incarnait, ce qu’il disait, et comment il se percevait. On a là 3 types qui ne se confondent pas nécessairement. Avant de tomber dans l’outrance contre Wade, SJD a été son ami. Il devint celui d’Idrissa Seck ; il en divorça. Séparé de ses deux amours, il tombe dans la solitude de l’exil. Traversée du désert finie. Désormais, le voilà à la romance avec la dernière roue du carrosse des enfants de Wade, le président Sall, sur qui sa parole a été la plus dure. Convenez que ce parcours, sans même en interroger le fond, est pour le moins singulier. Mais passons.
Il incarnait une figure assez connue dans l’histoire de la politique : le résistant en exil. Bénéficiant d’une tribune libre, sans censure, sans contradiction, il pouvait tout dire. Très souvent n’importe quoi, trop souvent des banalités, toujours les mêmes rengaines avec le ton de l’objecteur de conscience et du prêcheur intellectuel. Mais l’immigré, vitrifié sur Seneweb, buvait goulument son propos pour étancher sa soif du pays. Le commentaire et l’analyse politique ne doivent pas être exemptés de constance et de ligne directrice. Les « lignes ennemies », nom de sa chronique phare, confondaient toutefois régularité et acharnement. Elles s’emprisonnaient dans le seul champ politique et manquaient ainsi, souvent, d’autres explications décisives. Il était ainsi le préposé aux aboiements contre Wade. Mais à force d’aboyer il est monté dans la caravane qui passait, celle de Sall. Les immigrés tout particulièrement ont fait la célébrité de ce prêcheur aux allures de gourou. Visiblement à leurs dépens à la lumière du temps.
Il disait ce que l’on sait tous, avec la primauté chez lui de quelques informations de couloirs qu’il pouvait collecter grâce à ses anciennes fréquentations. Il faisait la taupe. Le censeur. Le distributeur de bons points. Le maître de la météo, de la sienne seule. Il s’indignait. Pour ce pays où les tabous sont rois, il apparaissait comme un courageux. Drôle de courage.
Ce temps est fini. Bien fini. Tremplin et marchepied il a été. Le voici prêt pour l’ascension. Il lui faut de nouveaux défis. Le voilà dans le cœur du pouvoir : ce pouvoir sur lequel il avait déversé sa bile. Le voilà dedans, silencieux, aphone, presque honteux. Ecartelé entre son once d’honneur et l’obligation de faire la bise à Moustapha Cissé Lô entre autres. Il fait de rares apparitions pour essayer de justifier l’injustifiable. Il en est même attendrissant. Malgré la discrétion qu’il s’échine à porter dans sa mission, on se demande, s’il adhère réellement aux projets, actes, politiques de ce gouvernement. On n’aura jamais la réponse hélas, quoiqu’on la devine. L’énergie intellectuelle de jadis s’est transformée en un silence de complaisance. La fougue rebelle d’autrefois est devenue la notabilité du consensus. C’est souvent vers 40 – 50 ans que les hommes politiques et intellectuels transhument. C’est l’âge où la société vous pousse à la maturité et à la prédation. C’est l’âge où la responsabilité et la progéniture vous mordent le portefeuille. C’est l’âge où la famille vous accule. C’est l’âge où le renoncement se pare de vertu donc. Que valent les idées devant la convergence des besoins et la possibilité de stabiliser une vie ? Ensuite, et il faut le savoir, la rébellion ne paye pas bien son homme. C’est l’âge où les ors intérieurs sont plus brillants, plus doux que le soleil brûlant du dehors.
Le parcours de SJD est assez familier, c’est un syndrome assez répandu. A un certain stade de leur combat, certains intellectuels se jugent inutiles dans la posture de la critique. Donc, il leur faut s’engager : grand mot ennobli par le sens du sacrifice qu’il semble contenir. Après avoir vilipendé le système, ils se proposent de l’intégrer pour le changer. Une fois le pas dedans, s’abattent le silence, la démission, la confrontation face à des réalités improbables devant lesquelles la lâcheté sert de paravent. Ils se rendent obligatoirement comptables des actes de leur entourage, faits auxquels ils n’adhèrent mais contre lesquels ils ne peuvent se rebeller. Tiraillés entre leur honneur – je crois qu’ils en ont, un peu certes mais quand même – et leur devoir d’être solidaires, ils piétinent leurs idéaux. Sans s’en rendre compte. Sans même en avoir l’intention. Et d’un coup, c’est fini. Ils s’éclipsent. Aux suivants… ! Si SJD avait eu, dans son domaine, médiatique ou intellectuel, un impact, s’il avait entrepris un changement à la hauteur de ses colères grondantes de Seneweb, peut-être serions-nous cléments. Mais depuis il s’est prélassé dans ce qu’il fustigeait. Voilà l’impardonnable faute.
Le renoncement à la vertu, en politique, c’est toujours une question de temps. Il y a un rien de distance entre le compromis et la compromission. Souleymane Jules Diop, Latif Coulibaly et quelques autres, auront oublié que l‘impopularité était le seul refuge de la probité mais par-dessus tout, de la constance de la pensée. Ce sont des hommes qui n’ont pas su tempérer leur gourmandise sans doute obnubilé par leur prétention qu’ils jugeaient supérieurs aux structures. Il faut développer le goût d’être impopulaire ni par obsession, ni par principe, mais par fidélité à un propos. La constance est la seule chose qui vous rend le souvenir agréable, le rétroviseur regardable. Tout le reste vous oblige à l’affrontement avec ce que vous fûtes.
« S’adapter à nos réalités », « changer le système de l’intérieur » et bien d’autres leitmotivs optimistes, sonnent comme les doux suicides du volontarisme qui ne tient jamais lieu de succès. Jamais.
"IL EST IMPORTANT DE RESTER VIGILANT SUR LA SÉPARATION DES POUVOIRS"
La démocratie en Afrique a-t-elle avancé ou reculé en 2018 ? A l'heure du bilan de cette année, Gilles Yabi nous son analyse - Ce chercheur béninois est le fondateur de Wathi, un centre de réflexion sur l'Afrique de l'Ouest basé à Dakar - ENTRETIEN
Au Togo, les législatives viennent de se tenir, mais en l’absence de l’opposition, qui ne veut pas que le président Faure Gnassingbé se représente en 2020 pour un quatrième mandat. Qu’en pensez-vous ?
Gilles Yabi: Je pense que c’est justement un des cas les plus frappants, et c’est un peu désespérant je dois dire. C’est le seul pays dans l’espace Cédéao, de l’Afrique de l’Ouest, qui n’a pas connu une véritable alternance démocratique. Donc aujourd’hui, c’est assez inquiétant et décevant que la Cédéao en particulier ait donné une sorte d’avis positif sur ces élections législatives, qui à mon sens sont des élections parfaitement inutiles puisqu’elles ne mettent pas fin à la crise. Et on a bien vu les manifestations l’année dernière, on sait que le problème de fond, c’est une véritable alternance au Togo.
Vous parlez de la réaction très timide de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao). Pensez-vous comme certains que le médiateur guinéen, Alpha Condé, n’est pas très pressé de demander au président Faure Gnassingbé de renoncer à un quatrième mandat, parce que lui-même envisage peut-être de modifier la Constitution de son pays pour briguer un troisième mandat en 2024 ?
On peut sans doute faire cette interprétation, mais je pense qu’aujourd’hui, ce qui se passe, c’est que du côté de la conférence des chefs d’Etat, il n’y a pas nécessairement de véritables défenseurs des principes essentiels pour la Cédéao. Mais aussi du côté de la Commission de la Cédéao, qui essaie de porter des principes de gouvernance et de démocratie, finalement, ce n’est pas très important de défendre les valeurs qui sont inscrites, notamment dans le protocole additionnel sur la démocratie.
Trouvez-vous que le nouveau président de la Commission de la Cédéao, l’Ivoirien Jean-Claude Kassi Brou, est trop effacé par rapport à son prédécesseur, le Béninois Marcel De Souza ?
Là encore, je pense qu’il ne faut pas trop personnaliser. Ce qui est important, c’est d’avoir à la tête de la Commission les personnes qui sont capables d’avoir un véritable espace d’autonomie. Et il est possible effectivement, je ne connais pas personnellement l’actuel président de la Commission, monsieur Brou, mais c’est vrai que c’est un ancien ministre sous le président Ouattara, et on peut penser qu’il a effectivement un caractère plutôt effacé et que, face à des chefs d’Etat, il n’a peut-être pas effectivement la capacité ou la volonté de défendre un point de vue qui ne serait pas le point de vue des présidents les plus influents en ce moment dans l’espace régional.
La présidentielle au Sénégal a lieu dans deux mois. Mais deux des principaux opposants, Karim Wade et Khalifa Sall, ne pourront sans doute pas s’y présenter à cause de leur condamnation par la justice. Est-ce que cela vous paraît normal ?
C’est une question très délicate. Lorsqu’on suit un peu les dossiers de ces deux leaders politiques, il y a quand même le sentiment qu’ils avaient des choses à se reprocher, et disons qu’il y avait une certaine légitimité à voir que la justice s’intéresse à eux, et peut-être même à ce qu’ils soient condamnés. Après, il y a aussi un sentiment très fort, partagé, qu’il y a une instrumentalisation de la justice pour effectivement écarter des candidats importants. Et cela, c’est très gênant.
Voulez-vous dire que, dans les poursuites judiciaires contre les présumés corrompus, il y a deux poids, deux mesures ?
En tout cas, c’est un sentiment qui est très partagé par beaucoup de Sénégalais. Je pense au Bénin aussi où on a une cour nouvelle sur l’enrichissement, sur les crimes économiques [Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET)] et où on a aussi le sentiment, oui, que c’est très bien de lutter contre des crimes économiques, mais lorsqu’on a le sentiment qu’on a des juridictions spéciales avec peu de recours ou pas du tout de recours, et que finalement les premières personnes visées sont toujours des acteurs politiques plutôt de l’opposition, évidemment cela ne permet pas de crédibiliser le discours sur la lutte contre l’impunité.
Donc vous n’êtes pas convaincu par la très lourde condamnation prononcée contre l’opposant béninois Sébastien Ajavon [il a été condamné à 20 ans de prison, reconnu coupable de « trafic international de cocaïne à haut risque » en octobre 2018] ?
A nouveau, là encore, je ne suis pas sûr qu’il n’ait pas des choses à se reprocher. Mais au Sénégal, comme au Bénin, il est important de rester vigilant sur le renforcement des institutions et sur la séparation des pouvoirs.
Au Cameroun, le président Paul Biya a été officiellement réélu en octobre 2018 pour un septième mandat, avec plus de 71% des voix (71,28 %). Y croyez-vous ?
Au Cameroun, comme dans une très grande majorité des pays d’Afrique centrale, lorsqu’on a des gouvernants qui sont en place pendant trois ou quatre décennies, en fait leurs pratiques finissent par avoir un impact très fort sur la société elle-même, et finissent par faire en sorte qu’on n’ait pas la masse critique parfois de personnes dans l’espace politique, et même dans l’espace de la société civile, qui soient capables de se battre pour un certain nombre de valeurs. Il y a un blocage qui est très important, il y a un cercle vicieux, une sorte de piège sans fin où on a des gouvernants qui, à force d’avoir des pratiques qui entretiennent la corruption, finissent finalement par faire de la corruption quelque chose de très généralisé, et finissent pas rendre quasiment impossible la demande de changements par les populations.
Face à toutes ces alternances difficiles ou impossibles, le professeur Abdoulaye Bathily parle de « sécheresse démocratique ». Approuvez-vous ?
Moi, j’essaie de ne jamais discuter de démocratie sans mettre cela en lien avec la gouvernance, l’usage des ressources. Si on ne comprend pas le lien entre la facilité avec laquelle les gouvernants ont accès aux ressources publiques et la volonté de s’accrocher au pouvoir, évidemment, on ne peut pas comprendre l’absence de progrès démocratique. Si on prend un seul exemple lorsqu’on a lu l’article de Bloomberg sur la République démocratique du Congo [enquête de l’agence révélant que le président Joseph Kabila et sa famille ont constitué un gigantesque «réseau d'entreprises dans tous les secteurs de l'économie congolaise ayant rapporté des centaines de millions de dollars à leur famille »] et qu’on voit, par exemple, la prise en charge d’une grande partie de l’économie congolaise par le clan autour du président Kabila, on comprend très bien les enjeux de l’élection présidentielle en République démocratique du Congo.
Vous dénoncez ce qui se passe au Congo-Kinshasa, mais cette année 2018 a tout de même été marquée, le 8 août 2018, par la décision du président Kabila de renoncer à un troisième mandat…
Oui, il faut s’en réjouir. Mais lorsqu’on comprend les intérêts du clan Kabila dans l’économie congolaise, cela veut dire que, même si le président Kabila finalement ne pouvait pas se présenter à nouveau, on voit bien que le fait d’avoir un candidat de substitution, c’est que très clairement il y aura une volonté farouche de conserver le véritable pouvoir au niveau du clan, parce que c’est un enjeu de contrôle des ressources, c’est un enjeu vital. C’est une sorte de question de vie ou de mort. Donc il faut s’attendre effectivement à ce que ce soit très difficile d’avoir une véritable alternance au Congo, même si le président Kabila lui-même partait du pouvoir personnellement.
LE JARAAF RISQUE UNE «DOUBLE PEINE»
Eliminé en Ligue des champions par le Wac, le Jaraaf de Dakar pourrait voir les incidents notés en fin de mach impacter sa prochaine participation à la Coupe Caf. Le foot sénégalais retient son souffle.
Décidemment les arbitres africains font beaucoup parler d’eux ces temps-ci. Et c’est comme si les fortes sanctions infligés par la Caf à certains ne les a pas dissuadés à être «clean» en officiant.
Entre les suspensions à vie et celles à longue durée, rien n’y fait : on assiste toujours à des arbitrages scandaleux lors des matchs de Coupes d’Afrique des clubs et ceux des éliminatoires de la Can.
Les clubs sénégalais ont eu, une fois encore, leur dose samedi dernier au stade Léopold Senghor lors du match retour de Ligue des champions Jaraaf-Wac (3-1), avec un arbitrage assez bizarre du juge burkinabè.
L’arbitre Juste Zio n’est pas… juste
Si le penalty sifflé contre les champions du Sénégal est discutable, car visiblement la faute de main est involontaire suite à un jeu de tête raté du défenseur sénégalais, personne n’a par contre compris l’attitude du juge central sur le dernier corner du Jaraaf dans le temps additionnel. L’arbitre du nom de Juste Ephrem Zio (il est loin d’être juste) ayant décidé de siffler la fin du match alors que la balle était en l’air. En clair, si la tête de ce joueur du Jaraaf à la retombée de la balle terminait sa course dans les filets adverses, ce but allait être refusé. Comme pour mesurer la gravité d’une telle décision venant de l’arbitre burkinabè.
On connaît la suite avec l’envahissement du terrain à la fin du match par les supporters et dirigeants du Jaraaf, suivi de jets de projectiles et d’une agression sur l’arbitre et un de ses assistants, touché à la tête. Des images déplorables qui font honte et qui ne grandissent pas le football sénégalais et nous rappellent un certain Sénégal-Côte d’Ivoire de triste mémoire.
Du coup, et vu la gravité de ces incidents, le Jaraaf, déjà éliminé de la Ligue des champions, ne pourra pas échapper à une sanction de la Caf. Ce qui serait une «double peine».
Reste à savoir de quelle nature ou degré seront ces sanctions et qui devraient forcément impacter sa prochaine participation à la Coupe Caf où il va être reversé. Le foot sénégalais retient son souffle.
L’UNACOIS/JAPPO CRITIQUE LE PSE
A lire la revue économique de l’Unacois/Jappo, publiée ce lundi, le Pse ne semble pas aller dans la bonne direction. Il est demandé au gouvernement d’abandonner les grands projets et renforcer le secteur privé.
Son regard perçant le sol en dit long sur son mal-être. Alioune Sarr, ministre du Commerce, écoute presque avec le mépris le diagnostic sévère dressé par l’économiste Ahmadou Aly Mbaye pour analyser les résultats du Plan Sénégal émergent. «Le pays est encore loin des objectifs fixés. Et le secteur privé, notamment les Petites et moyennes entreprises (97% des entreprises privées), peine à se développer», a d’emblée déploré l’ancien doyen de la Faseg qui présentait lundi la revue économie de l’Union nationale des commerçants et industriels du Sénégal (Unacois/¬Jappo). Une note qui met ainsi un bémol à l’autoglorification du gouvernement à l’aube de la deuxième phase du Pse car, selon la revue de l’Unacois, le plan du régime actuel ne favorise pas les Pme qui «sont au cœur du processus de croissance des pays actuellement émergents en raison de leur forte capacité de création de richesses, d’emplois et de conquêtes des marchés extérieurs».
Sous un autre registre, le gouvernement s’est engagé dans une politique de réalisation de grands projets comme le Train express régional (Ter), entre autres. Une direction qui ne mène pas au développement, de l’avis du Pr Mbaye. «Le Pse doit s’éloigner de la culture des grands projets. Les plans de développement que le pays a connus depuis l’indépendance ont tous brillé par leur complexe aux grands projets visant à réaliser des ouvrages d’infrastructures dont l’efficacité économique est douteuse ou à développer de grandes entreprises souvent surdimensionnées par rapport à leur marché cible (exemple de la Sonacos avec sa capacité largement excédentaire de 960 mille tonnes de graines). Des gros projets qui se révèlent être des éléphants blancs détournent les ressources productives de leur meilleur usage possible tout en contribuant à détériorer la situation de l’endettement», regrette-t-on.
M. Mbaye invite ainsi à mettre l’accent sur un secteur privé fort, «seul capable de réaliser les objectifs qu’il s’est fixé en matière de croissance économique et de création d’emplois». Pour ce faire, indique-t-il, le Pse «devra créer un environnement assez amical au secteur privé pour attirer des investissements domestiques et étrangers, capables de soutenir une croissance saine et durable». Le ministre du Commerce dit avoir pris note des recommandations.
L’AFFAIRE OUSSEYNOU DIOP RENVOYEE AU 8 JANVIER 2019
Du nom de cet étudiant qui a apprécié positivement l’attentat contre le journal Français Charlie hebdo sur son compte Facebook
Le juge correctionnel n’a pas enrôlé l’affaire Ousseynou Diop, L’affaire est renvoyée au 8 janvier 2019 pour permettre aux avocats nouvellement constitués de s’imprégner du dossier.
Arrêté à Thiès en janvier 2015 par la Division des investigations criminelles, Ousseynou Diop était placé sous mandat pour apologie du terrorisme, menaces et actes terroristes.
Le magistrat instructeur a disqualifié les faits. Il n’est plus poursuivi pour alogie du terrorisme. Par contre la demande de mise en liberté provisoire a été rejetée. Il sera jugé en chambre Correctionnelle.
PAR YORO DIA
LE VIDE ET LE TROP-PLEIN
Quel gâchis que le débat se limite à des querelles d’héritage ou de personnes, alors que nous avons un personnel politique d’une très grande qualité (Idrissa Seck, Abdoul Mbaye, Sonko…) et un gouvernement où nous n’avons jamais eu autant d'ingénieurs !
Malgré le filtre démocratique du parrainage, nous aurons le trop-plein de candidats. Nous aurons aussi le vide, car malgré la multitude de candidatures, le débat politique n’a jamais été aussi pauvre. Les invectives, les attaques personnelles, les vieilles haines libérales dignes de Marc Antoine et de Octave l’emportent sur le débat programmatique. Les libéraux accusent Macky Sall de s’être illégitimement accaparé l’héritage en coiffant comme au poteau le fils biologique et le fils d’emprunt, en étant le troisième larron comme dans la fable de Jean de la Fontaine.
Pendant que le fils d’emprunt et le biologique se battaient pour l’héritage de Wade, l’un se prenant pour un lion (Karim Wade), et l’autre pour un renard (Idrissa Seck), le fils d’occasion (qui n’a jamais été dans les schémas du vieux Wade) rafla la mise. Cette querelle d’héritage a complètement pollué l’atmosphère politique depuis 2012. C’est connu, les querelles d’héritage sont toujours interminables et insolubles. La querelle des Socialistes aura aussi pollué la vie politique pendant les dernières années. Ousmane Tanor Dieng n’a jamais pardonné à Khalifa Sall son crime de lèse-majesté, c’est-à-dire son opa politique sur le PS qui priverait Tanor de la bouée de sauvetage politique qui lui a permis depuis 2000 de survivre politiquement et qui lui permet aujourd’hui d’être un roi fainéant à la tête du Haut conseil des collectivités territoriales. Khalifa Sall avait raison de vouloir s’emparer du PS et de mettre fin à la logique fonctionnaliste de Tanor (abdiquer toute ambition présidentielle, mais rester à la tête du PS pour exister par la fonction).
Querelle d’héritage aussi chez les progressistes, parce que Moustapha Niasse qui se comporte comme un chef de confrérie et non pas comme un chef de parti ne saurait accepter non pas un débat sur sa succession, mais l’idée même d’y penser. Les querelles d’héritage politique créent beaucoup de scissiparités politiques et drainent des passions, des rancœurs et haines politiques qui créent un brouillage politique qui fait que le pays ferme une page politique et historique sans qu’on s’en rende compte. La présidentielle de 2019 va être la première sans les deux piliers de notre vie politique depuis 45 ans. Pour la première fois, depuis 45 ans, nous allons à des élections sans le Parti socialiste et sans Abdoulaye Wade comme candidat. Le PS et Wade sont les «mamelles» de la vie politique depuis 45 ans.
Le PS est le parti de la Nation et de l’Etat. Wade, quant à lui, est l’incarnation des libertés publiques, de l’audace d’une opposition légale en Afrique au temps de Bokassa et de Idi Amin, mais surtout de la longue marche vers l’alternance. Il n’y aurait jamais eu d’exception sénégalaise sans le combat titanesque de Wade. Le pays lui doit énormément. A titre d’exemple, notre code électoral n’est rien d’autre que le résumé des 26 ans de lutte de Wade contre la fraude électorale. La vieillesse est certes un naufrage, mais il ne faut jamais que le Sénégal oublie que Wade n’est pas Karim qui se donne des accents gaulliens dans son dernier message audio, sans en avoir la stature ou le courage politique. Avec l’absence de Wade et du PS, la présidentielle de 2019 ferme une longue page d’histoire et en ouvre une autre.
Le débat devrait porter sur cette autre page qui s’ouvre et qui verrait le Sénégal ne plus vivre de sa rente démocratique, c’est-à-dire un Sénégal plus ambitieux en quête de gloire continentale. Les candidats à la présidentielle devraient être jugés non plus sur des questions électorales, mais sur leur ambition pour le pays et surtout comment financer cette ambition. Quel gâchis que le débat se limite à des querelles d’héritage ou des querelles personnelles, alors que nous avons un personnel politique d’une très grande qualité (Idrissa Seck, Abdoul Mbaye, Sonko…) et un gouvernement où nous n’avons jamais eu autant d’ingénieurs ! Quel gâchis que de tels cerveaux en soient réduits à des querelles de personnes et ne soient en compétition pour proposer des réponses aux questions que les citoyens se posent ! Si les cerveaux de notre classe politique se penchaient sur les vraies questions du pays et non pas sur leurs problèmes de personnes, dans une décennie nous serions comme Singapour. Mais pour l’instant, même si nous votons depuis 1848 et malgré nos deux alternances présidentielles, nous sommes encore dans la même classe que le Congo démocratique où le débat principal se focalise sur les questions de participation et de règle du jeu, même si en 2000 et en 2012 nous nous sommes hissés au niveau de l’Angleterre.
James Mattis, Marc Aurele et Donald Trump
Le secrétaire à la Défense (le ministre de la Défense des Etats-Unis), James Mattis, est connu pour être un grand lecteur du grand empereur Marc Aurèle (empereur philosophe). Si vous voulez comprendre sa démission, ouvrez les écrits de Marc Aurèle qui disait que «la force me soit donnée de supporter ce qui ne peut l’être et le courage de changer ce qui peut l’être, mais aussi la sagesse de distinguer l’un de l’autre». Comme un miracle de Noël, James Mattis a retrouvé la sagesse de distinguer les recommandations de Marc Aurèle. Mattis, en bon militaire et patriote, a eu le courage d’essayer de changer Donald Trump pour l’intérêt de son pays, mais s’est rendu compte que c’était au-dessus de ses forces de supporter un Trump qu’on ne peut pas changer. Sa décision est très sage parce que l’histoire ne comprendrait pas qu’un général quatre étoiles, qui a porté les couleurs de l’Amérique sur tant de champs de batailles, puisse cautionner les tâtonnements stratégiques et militaires de Trump qui, lui seul, est le premier problème de sécurité nationale pour les Etats-Unis. Dans un de mes textes, j’affirmais que Trump est soluble dans l’Amérique et que nous aurions quatre ans de téléréalité à la Maison Blanche. Nous avons déjà la téléréalité, mais est-ce que les Américains vont la laisser durer quatre ans ? Rien n’est moins sûr. Le retrait brusque des Etats-Unis de Syrie ne fera que renforcer l’hégémonie de Poutine dans la région, car contrairement à Trump qui réagit à l’instinct, lui a une stratégie très cohérente. «Il ne faut pas arrêter un ennemi qui se trompe», disait Napoléon. C’est pourquoi Poutine s’est empressé de féliciter Trump.
LES EX-DETENUS RECLAMENT UN CENTRE SOCIAL DE REINSERTION
Ils étaient hier marginalisés par la société à cause de leurs mauvais comportements. Aujourd’hui, ces anciens détenus ont décidé de s’engager dans la lutte contre le banditisme dans la commune de Grand-Yoff, en compagnie de l’ancien international Alioune
Depuis sa retraite professionnelle, l’ancien footballeur international Alioune Badara Kébé évolue maintenant sur le terrain social. Il joue aujourd’hui pour les âmes déshéritées. Au cours d’un point de presse qu’il a organisé hier au siège du «Mouve¬ment national Liniou Bokk», il a plaidé pour la cause des anciens détenus. Selon lui, à défaut d’une politique de réinsertion sociale dans le pays, ces derniers sont laissés à eux-mêmes après leur séjour carcéral.
Pour voler au secours de ces anciens bagnards, il a mis en place l’Association des anciens détenus. «L’objectif visé, dit-il, c’est de les aider à se réinsérer sur le plan social et à lutter contre le banditisme et les agressions dans la commune de Grand-Yoff.» Très modeste, il attribue l’initiative aux anciens détenus. «Ce sont eux qui ont eu cette initiative. Ils veulent faire une alerte pour les jeunes qui n’ont pas encore fait la prison et lutter contre le banditisme», dit-il. Ces anciens détenus «sont plus de 270 condamnés à des peines allant de 5 à 20 ans», informe-t-il.
Parmi eux, «il y a ceux qui sont âgés de 20 ans ou plus qui n’ont pas d’extrait de naissance. Ils ne font pas partie des 14 millions de Sénégalais. Ce n’est pas normal. On ne peut pas développer un pays sans la sécurité», tacle l’ancien footballeur qui envisage mettre en place un centre social qui va servir à former ces anciens taulards dans différents domaines afin de faciliter leur réinsertion sociale.
Selon Alassane Diallo alias Doff Ndèye, cette démarche ne se limite pas seulement à sensibiliser sur le banditisme à Grand-Yoff. Pour lui, il faut créer de l’emploi pour réinsérer ces jeunes. Et c’est en ce sens qu’ils invitent les autorités à jouer leur partition. «Parmi nous, il y en a qui ont fait 4 ans, 6 et même 20 ans de prison. Mais depuis qu’ils sont libérés, ils n’ont pas trouvé quoi faire. Nous l’avons dit au ministre de l’Intérieur et à certaines autorités. Aujourd’hui, nous les lançons un appel afin qu’ils nous aident à créer un centre social pour les anciens détenus», a-t-il plaidé. En écho, son camarade Youssou Diop est allé plus loin pour décrire le calvaire qu’ils subissent. A l’en croire, «après 10 ans de détention préventive, on peut condamner une personne à 3 ans et après la laisser rentrer chez elle sans aucune réparation». Des attitudes qu’ils ont tous déplorées en invitant les autorités à les aider à combattre les agressions à Grand-Yoff.
LES 16 «THIANTACOUNES» VONT SAISIR LA COUR DE JUSTICE DE LA CEDEAO
S’ils ont récemment suspendu leur grève de la faim suite à l’intervention de la Direction de l’administration pénitentiaire (Dap), les 16 « thiantacounes », inculpés dans le cadre du double meurtre de Médinatoul Salam n’ont pas pour autant abandonné la lu
Ils comptent, avant 2019, saisir la Cour de justice de la Cedeao pour attaquer l’Etat du Sénégal sur leurs longues détentions provisoires, depuis 6 ans.
Une partie de la famille des 16 «thiantacounes» en prison depuis 6 ans, pour le double meurtre de Médinatoul Salam, l’Association pour le soutien et la réinsertion sociale des détenus (Asred) et Amnesty International section Sénégal, ont tenu une conférence de presse, le 24 décembre 2018, dans les locaux d’Amnesty. Le secrétaire exécutif de cette Ong, Seydi Gassama a annoncé que les «thiantacounes» vont saisir la Cour de justice de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest(Cedeao). «Le droit de ces prévenus d’être jugés a été bafoué, parce que l’instruction a été bouclée et leur dossier n’est toujours pas programmé. C’est un déni de justice qu’ils comptent dénoncer», a dit en substance Seydi Gassama. Le Président de l’Asred, Ibrahima Sall a, cependant, ajouté qu’il se pose une question de moyens qu’ils espèrent surmonter.
L’Asred a aussi évoqué ce qu’elle considère comme une politisation de l’affaire des « thiantacounes», en cette période de pré-électorale. «Les détenus n’en veulent pas. Ils ne réclament pas non plus une liberté provisoire, ni une grâce présidentielle, encore moins une quelconque forme de faveur. Ce qu’ils souhaitent et exigent, c’est être jugés», ajoute-t-il. Au volet des longues détentions préventives, l’Asred a cité les cas d’Alassane Lo (6 ans), Moussa Ka (4 ans), Moussa Ndiaye (4 ans ). Récemment, souligne toujours Ibrahima Sall, le ministre de la Justice Ismaïla Madior Fall a dit que les chambres criminelles de Mbour vont commencer à fonctionner. «Il n’est pas au fait des réalités, parce que la chambre criminelle de Mbour a déjà jugé 31 personnes. Le jugement de 25 détenus a été programmé pour bientôt. Ce que nous déplorons à ce niveau aussi, c’est que les thiantacounes sont en détention depuis plus longtemps», sérine Ibrahima Sall.
«ET CETTE FOIS, CE SERA UNE GREVE DE LA FAIM ILLIMITEE»
Par ailleurs, l’Asred a remarqué et s’en est offusquée, qu’à l’Assemblée nationale, les députés se focalisent sur les cas de Karim Wade et Khalifa Sall. Des représentants des familles des «Thiantacounes», qui ont pris la parole au cours de la conférence de presse, ont insisté sur le désarroi des prisonniers qui ont perdu des proches (décès ou divorce).
L’oncle d’Aldemba Diallo qui a tenté de se suicider trois fois en buvant de l’eau de javel a dit avoir tenté de rencontrer Cheikh Béthio Thioune, guide spirituel des «thiantacounes» mais il n’y est pas arrivé. Ibrahima Sall ajoute qu’il persiste et signe, après le démenti de la Dap, qu’Aldemba Diallo a bel et bien tenté de se tuer trois fois. Une marche des familles des détenus est prévue dans les prochains jours. Les «thiantacounes» qui ont salué l’intervention de la Dap qui les a sensibilisés sur les dangers de la grève de la faim, ont décidé, selon l’Asred de reprendre la diète si la situation ne se décante pas. « Et cette fois, ce sera une grève de la faim illimitée», annonce Ibrahima Sall.