COLÈRE CONTRE JAMRA
L’absence d'espace de représentation des défoulements singuliers ou collectifs ne risquerait-elle pas de plonger nos sociétés dans une violence due à un douloureux refoulement ? Faut-il que Jamra censure TikTok, YouTube et autres ?

Cri du cœur d’Africain blessé de voir des inquisiteurs pourfendre la diversité de pratiques et d’options de vie au nom d’un processus d’uniformisation, au nom de leur vision de la religion. Je vais puiser dans nos cosmogonies et imaginaires pour crier colère contre Jamra au nom de la multiplicité des mondes parce qu’il n’y a pas un seul monde.
La symbolique du khakhar est d’organiser un défoulement dans la joie pour réaliser un espace de coexistence. Celle qui arrive à payer un ticket d’entrée. Aujourd’hui, les censeurs comme Jamra, Iran Ndaw crient au scandale sans rien comprendre de cette symbolique.
Nos traditions, nos cosmogonies avaient trouvé des ressorts de dynamisation de la paix, de la cohésion communautaire. Je peux citer la circoncision groupale, le takk deun, le sagarou ndiam, etc. Faut-il que Jamra censure TikTok, YouTube et autres, qui offrent des espaces de représentation individuelle des défoulements singuliers ou collectifs dans la société ? On y trouve des sabars de jeunes filles longtemps et toujours confinées dans des quartiers-prisons. Elles s’offrent un temps de plaisirs. Va-t-on leur crier haram ? Si ces espaces n’existaient pas, ne court-on pas le risque de voir nos sociétés plongées dans une violence due à un long et douloureux refoulement ?
Et nos inquisiteurs le disent au nom d’autres représentations, d’autres croyances. Il est temps de comprendre que nos imaginaires africains regorgent de représentations scientifiques socialement avant même que l’Europe ne connaisse la révolution industrielle et scientifique. Et puis, la guerre contre la laïcité, c’est quoi même ? Une guerre arabo-religieuse contre une Europe judéo-chrétienne sur fond de laïcité. L’Afrique a pratiqué la laïcité bien avant l’Europe. Chaque communauté avait ses Dieux et ses lieux de cultes. Il n’y a jamais eu au nom de la laïcité une guerre religieuse entre communautés comme celle entre les protestants et les catholiques, celle entre sunnites et chiites. « Sama khambi maam », le lieu de culte de mon grand n’a jamais été un terme de conflits. Nous ne pouvons pas ignorer la richesse de nos patrimoines imaginaires et religieux africains.
À propos d’éducation sexuelle traditionnelle, je peux citer une communauté qui organisait un rituel d’éducation sexuelle en mettant jeunes filles et jeunes garçons ensemble dans une chambre toute une nuit pour leur apprendre la retenue, le respect du corps de l’autre, la lutte contre le masochisme. L’Afrique a été victime et le reste. Nos cultures, nos imaginaires ont été saccagés et vilipendés pour en instaurer d’autres.
Que les inquisiteurs sachent qu’ils sont victimes d’une intolérance qui n’est nullement et essentiellement africaine. Vive la diversité. Pour mille écoles de mille mondes fortement ressourcés à nos imaginaires propres existants.