DES MŒURS ET DES LOIS
Des affaires de mœurs qui bénéficient de traitement différent selon la notoriété ou non des protagonistes.

Petit retour en arrière. C’était en 2012. En pleine montée en puissance de «un café avec…», c’est le journaliste Cheikh Yérim Seck qui a vu l’épée de dame justice s’abattre sur lui après avoir été condamné à une peine de 3 ans de prison ferme et à 3 millions d’amende pour une affaire de mœurs. Depuis, le journaliste est sorti à la faveur d’une libération conditionnelle et est retourné à ses activités
Neuf ans plus tard, voici son fils qui se voit aussi accusé des mêmes faits de viol. Seulement, la polémique s’est installée suite à la révélation de l’affaire et de la plainte enregistrée depuis un mois déjà sans que le présumé coupable n’ait été arrêté. Des affaires de mœurs qui bénéficient de traitement différent selon la notoriété ou non des protagonistes. D’ailleurs, même le Conseil national de régulation de l’audiovisuel a sorti un communiqué pour dénoncer l’utilisation du nom de la victime dans cette affaire. Mais là où le bât blesse, c’est lorsque l’on remonte quelques mois en arrière et qu’une autre jeune femme a elle aussi vu son nom révélé au grand public et que le CNRA est resté muet. Adji Sarr, pour la nommer, a été sortie du jour au lendemain de l’anonymat lorsque sa plainte contre Ousmane Sonko a été rendue publique. Alors ? Deux poids, deux mesures? Une marche a tôt fait de réunir les féministes brandissant leurs pancartes où des slogans dénonçant les violences faites aux femmes sont lisibles. Comparaison n’est pas raison, certes, mais une marche avait aussi été organisée pour soutenir Adji Sarr et qui a récolté seulement de l’ironie et des sarcasmes. De quoi faire dire au journaliste Madiambal Diagne que la vie de la jeune femme est menacée parce que son destin a basculé suite à cette affaire toujours pendante devant la justice.
Pour toutes ces affaires, un fait reste constant, les protagonistes jouissent d’une certaine notoriété, directe ou indirecte, tandis que les victimes sont des personnes anonymes qui ne retrouveront plus jamais leur précieuse quiétude avant que leur affaire ne soit rendue publique.
Autre affaire de mœurs dont on se serait volontiers passé de l’espace médiatique, c’est cette attitude inopportune des deux danseurs de Waly Seck. Deux hommes qui se font un «bisou», il est vrai que cela s’est déjà vu chez les Russes, sans qu’ils ne soient accusés de s’adonner à des actes contre-nature. Soit ! Mais c’est au Sénégal que cela se passe, devant un public important et surtout devant les caméras. La justice a tranché et les deux individus auront tout le temps de cogiter en cellule sur leur attitude qui semble choquer tout le monde (ou presque) sauf eux. La polémique encore s’installe et le débat lancé ainsi. Comme un spectre agité sans cesse pour choquer l’opinion et faire réagir les organisations de défense de nos valeurs morales et religieuses. Cependant c’est à se demander si une certaine presse n’est pas sponsorisée par ces lobbies. Pas un jour sans un titre et quelques lignes sur le sujet, à défaut d’une vidéo ou d’une photo sans équivoque qui se veut illustrative, à consulter sur leur site d’information. Une démarche racoleuse qui tend aussi à banaliser le sujet pour endormir, à force de matraquage, toute capacité d’indignation chez le lecteur. Les défenseurs des bonnes mœurs ont encore du pain sur la planche et la loi sur la dépénalisation de l’homosexualité n’est pas près de passer à l’Assemblée nationale.
Contrairement à cette autre loi modifiant le Code pénal et le Code de procédure pénale, votée depuis le 25 juin 2021. A cette occasion, l’Assemblée nationale a été le théâtre de passes d’armes épiques qui pousseront la député Marème Soda Ndiaye, une des benjamines de l’hémicycle, à lancer un appel à ses aînés. «Les gens passent tout leur temps à dire que Sénégal «tampi». Mais, je pense que les Sénégalais sont aussi «tampi» des hommes politiques. Personne dans ce pays ne respecte les politiciens à cause de ce genre de comportement», dira-t-elle à ses collègues ayant perdu leur sang-froid. Cependant, en termes de bagarres ou d’échanges d’incivilités au sein de l’hémicycle, le Sénégal ne détient pas l’exclusivité. Cela s’est vu ailleurs, dans bien d’autres pays et continuera à exister. Et comme quelqu’un l’a souligné : «Mieux vaut des bagarres dans l’hémicycle, entre députés, que des affrontements dans la rue, entre les populations».