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LA CHRONIQUE HEBDO D'ELGAS

KOA & LE BOA

EXCLUSIF SENEPLUS - Koa, la perle du village : deux mètres de chair sculptée, un regard perçant, une force herculéenne et une bonhommie presque timide - Il avait buté le boa à mains nues - LE RETOUR À COUBANAO

Elgas  |   Publication 28/08/2019

Il devait être 17 heures. Et même que je n’en suis pas si sûr, peut-être qu’il était 18 heures ou même 16 heures. Mais au final, ça fait quoi même hein Mbanick ? Comme d’habitude Agustu qui n’allait pas à l’école était venu me chercher à la sortie des classes pour qu’on fasse le chemin ensemble. Il n’avait qu’une hâte : qu’on arrive à la maison, que je sorte mon ballon et qu’on aille taper la balle. Alors, dès la sonnette de la fin des cours, je l’apercevais au loin, et au pas de course, on y allait. Notre binôme s’enrichissait toujours sur la route, de trois, quatre autres compagnons, impatients d’aller déverser notre énergie sur le terrain avant l’heure des adultes qui elle était un peu plus tardive. Nous étions sûrs de profiter d’une heure de dépense physique, de foot selon nos règles.

Et hop, on passait Niéné au trot comme de petits chevaux complices. Et hop, on atteignait le centre du village qui annonçait l’arrivée à Coubanao Bâ. Et hop, en moins de dix minutes, nous étions arrivés. Et hop, j’entrais me changer, enfiler mon maillot de l’OM, et ressortais avec la balle. Mais ce jour-là, le terrain était le lieu d’un étrange et inhabituel attroupement. Le long de la ligne de touche, une trentaine de personnes était affairée devant une attraction. Entre le sable brûlant et les parcelles de terre cultivée. Les incrédules regardant, les yeux ébahis. D’autres carrément absorbés, fixant la tête sérieuse quelque chose au sol. Je m’étais étonné de ne trouver personne à la maison. Tout le monde regardait, encerclant l’objet de curiosité.

Agustu, toujours le plus dégourdi de nous, lui qui crachait à la gueule de la trouille, avec son torse nu, avança. Il fut intrigué par la tenue d’autres gosses de notre âge, à l’écart du rassemblement, comme apeurés et tétanisés. Il continua sans trémolos, et une fois devant le spectacle, il poussa un hurlement si fort qu’on ne sut l’attribuer ni la joie, ni la stupéfaction, encore moins à la peur. Il rigola, ensuite, moqueur, comme incrédule devant la solennité de la messe, contrastant avec beaucoup d’autres enfants qui trouvaient dans les bras des parents ou à l’écart un peu de réconfort.

J’avançai moi aussi, vis ma mère qui me lança : n’aie pas peur viens. La phrase eut sur moi l’effet inverse. Cette précaution langagière me disait bien que je devais avoir peur. J’avançai quand même, à dix mètres de la scène, et entre les jambes des spectateurs, je vis un long serpent dont je n’apercevais que la queue, déjà immensément longue. Je m’arrêtai net, figé par la peur. Il est mort, il n’est plus méchant viens. Tu n’as pas vu tout le monde à côté ? Viens ! Le propos, repris de concert, n’eut pas d’effet. Agustu, toujours lui, se rapprocha, m’offrit sa protection, me tira vers le lieu. A ces côtés, je gagnai 5 mètres. Je vis encore mieux, devant la haie humaine qui s’était fendue, la bête. Gigantesque et sublime. Littéralement extraordinaire, comme dans un cirque ovipare, encore plus réel que les charmeurs de serpent de la province du Peshawar. Etalée sur 6 bons mètres, sinon plus, épaisse, la peau craquelée et écailleuse, brillant sous le soleil déclinant, la tête aplatie par le probable coup de bâton reçu, la gueule ouverte en grand, d’où sortait sa langue venimeuse. La bête bougeait encore. Dans un timide mouvement de balancier, comme pour se dorloter. Elle narguait sans doute la mort, par ces secousses de douce éternité qu’elle s’offrait. J’eus si peur et fus à la fois si fasciné, que je ne bougeai plus.

 

On nous avait bien dit, martelé, qu’il fallait avoir peur des serpents. J’étais un bon élève de la légende du village. On le savait aussi, qu’il y avait des serpents partout, qui faisaient leur manège la nuit, potentiellement méchants, mesquins et secrets. A Ziguinchor, on avait nos lexiques fragiles et notre savoir maigre pour les reconnaître : les pythons, les cobras. Il y avait même des légendes, dont celle d’un guérisseur qui savait poser les garrots mieux qu’à l’hôpital. On savait que dans les briques entassées des chantiers jamais achevés, dans les maisons abandonnées, les serpents se plaisaient et naissaient parfois de sous les décombres. A la chasse à Coubanao, on voyait souvent leurs empreintes sur le sol, et on devinait les étapes de leurs périples dans la forêt. On s’était ainsi fait une bible sur le serpent : une belle petite religion terrifiante, avec ses dieux méchants et innombrables, qui nous horrifiaient et dont on devait avoir peur. La morsure des serpents était ainsi le châtiment craint. Forts de cette croyance, on habitait avec les bêtes : les jours heureux, on les trouvait sympas et lointaines, et les jours malheureux, on les maudissait in petto, de peur que la nuit ils ne se faufilent jusqu’au pied de nos lits et nous gratifient de leurs caresses redoutables. La religion des serpents était si suivie au village qu’il y avait des rituels : entre tous, l’interdiction de la flûte la nuit. Sensibles aux notes de musique, les serpent, férus de danse, aimaient tant ces flûtes lascives, qu’ils venaient charmer.

Je savais vaguement tout ça, comme bon disciple de la religion légendaire des serpents, quand je dévorai désormais du regard cette bête devant moi, tout cela m’apparut bien lointain. Agustu et les autres jouaient déjà au foot. Agustu avait des fois, étranglé des serpents à mains nues. La plupart des spectateurs avait battu retraite. Devant le silence et la tombée du soleil qui s’amorçait, le serpent bougeait toujours. C’est Koa qui l’a tué et qui l’a trainé jusqu’ici, précisa ma mère qui partageait ma fascination. Il était dressé devant moi, Koa, la perle du village : deux mètres de chair sculptée, un regard perçant, une force herculéenne et une bonhommie presque timide. Un jeune garçon d’une trentaine d’année, homme à tout faire, serviable, dont la force protégeait la citadelle. Je l’ai vu dans la forêt, juste à côté, j’avais un coupe-coupe, et un bâton. Un coup sur la tête, et c’était bon. Pas très loquace, le champion résuma le combat, qui à l’en croire, ne fut point âpre. Il avait certainement raison, nulle trace de souffrance ne venait perturber sa sérénité. Il contemplait, un tantinet incrédule, son adversaire mort et couché en allégeance.

Que fallait-il en faire ? Koa avait déjà eu des suggestions. On s’était empressé de lui prodiguer des conseils. Pour la chair, on en ferait bien des repas, généreusement partagés. Pour la peau, il fallait aller à Ziguinchor, dans la grande ville pour la vendre au Village artisanal. Des intermédiaires s’étaient même proposés, pour en tirer le maximum de fric. Pour la graisse, elle soignerait les luxations, tendinites, entorses ; ça soulagerait même les blessures musculaires, disait-on. Les sportifs du village auraient ainsi des stocks de baume pour les massages d’avant et d’après matchs. On jetterait les intestins aux chiens. Et voilà la matière première et la chaîne de transformation, une économie entière bâtie à partir d’un fait-divers. Koa ne semblait pas impressionné. Il commença à dépecer la bête : il déchira deux sacs de riz vides, les étala en longueur, posa la bête dessus, et la vida. Des viscères, et un singe pas totalement digéré, apparurent à mesure qu’il éventrait le serpent.

A ce moment, le spectacle devint encore plus exceptionnel : comme si on changeait de décor, plongé dans ce monde intérieur, fait de gluances, de déchets, qui disaient à la fois la cruauté et la tendresse de l’animal. Le crépuscule était bien arrivé, et nous rejoignirent mon père et un ses enseignants, prof de sciences naturelles. Enfant de la ville, il eut comme moi, un mouvement de panique, avant d’ausculter la bête : un boa. De cette taille dans la région c’est très rare. Je veux savoir surtout comment on a pu le tuer, reprit-il le ton savant. C’est une sacrée affaire : c’est lui ! Ceux qui étaient restés désignèrent Koa des yeux. Chapeau ! Le boa, reprit-il professoral, a normalement au niveau de la queue, avec laquelle il étrangle ses proies, une substance qui les tue. Je l’ai vu dans un film. De la religion du serpent, le prof Cissé nous fit passer à une science du serpent. Mais nous étions des croyants de nos légendes anciennes, on n’en avait rien à affaire de sa science. Koa avait buté le boa à mains nues, on avait peur des serpents, ils dansaient la nuit. On ne veut rien savoir d’autre, ça nous enlève notre mythe et notre confiance. Prof Cissé, qu’il continue comme ça, cet étourdi, il va se faire mordre par un serpent qui aura dansé le zouk avec lui avant. Les rares derniers spectateurs quittèrent la scène du crime.

Koa, imperturbable, avait fait ses tas de chair de Boa. Il emporta avec lui la peau, et laissa le reste aux autres. La nuit était bien entamée. Agustu me rendit mon ballon, piqua un tas de viande et se sauva.

Quand je suis rentré à Coubanao en avril 2017, j’ai revu le mirage de la scène, âgée d’au moins 22 ans, exactement. Une seule chose avait changé depuis : Koa était mort. Il avait été tué par les rebelles du MFDC.

Fin.

Les autres textes de la série ci-dessous : 

LA ROUTE DES KALOUNAYES

MELANCHOLIA

FOL AMOUR

LE RÊVE DE MES AMIS

L’ANTRE DU SAVANT

L’INCOLONISABLE DES PEUPLES

LA LANGUE DU FOOTBALL

VOYAGE AU BOUT DES KALOUNAYES

CHAGRINS DE PROFS

PETITES COPINES

EXCURSION À KAOLACK

Retrouvez chaque mercredi votre chronique sur SenePlus.

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