L’HOMME MATURE OU NITE, LE LEADERSHIP NITE
EXCLUSIF SENEPLUS - Même dans l’entreprise, la malveillance peut se cacher derrière le masque de la bienveillance. C’est l’intégrité qui joue le rôle de contrepoids et le leader doit être vigilant à ce niveau (3/3)

Dans l’entreprise, le leadership inclut de nombreuses composantes souvent appelées « compétences douces » ou « soft skills » : la vision partagée, la communication, le coaching, le one-to-one, le feedback, la négociation, la délégation, la gestion du changement, la gestion des conflits, etc.
Le leadership consiste essentiellement à faire faire le travail. Le leader est appelé à confier le travail aux autres en créant les conditions optimales de son exécution. On retrouve également des leaders dans d’autres secteurs d’activité. Leur point commun est qu’ils inspirent les autres à la réalisation de missions stimulantes. Dans tous les contextes, les bonnes capacités de communication seront au cœur du leadership. Elles entraînent de riches interactions créatrices de valeur.
Que recouvre le concept de leadership nite ?
Il est fondé sur l’équilibre et s’appuie sur les valeurs d’autodiscipline, de coopération bienveillante, d’ambition, de gestion du champ émotionnel de l’équipe et de gestion de l’écosystème global (connaissance de la structure et connaissance de soi-même).
Autodiscipline/flexibilité
À l’ère du digital, le savoir et la connaissance se sont démocratisés, mais le risque d’accorder un moindre rôle au savoir-être s’est amplifié. Le leadership moderne nous enseigne toute l’importance des interactions humaines, qu’elles s’exercent sous forme de rencontres, de meetings, d’échanges divers et variés, ou qu’elles se traduisent sous forme de coaching, de mentoring ou de reverse-mentoring, de réseautage (au sens positif) au sein de l’organisation. Émergence, créativité et succès sont les fruits de processus collaboratifs de haut niveau.
L’autodiscipline s’exerce ici sous de multiples formes : la loyauté et la réserve, l’objectivité en étant spécifique et le fait de ramener les choses à soi.
- La loyauté doit être au service de finalités, de valeurs ou de principes d’action constituant un capital intangible. Elle n’a de sens envers l’autorité qu’à partir du moment où celle-ci respecte parfaitement ces éléments intangibles.
- L’objectivité et la subjectivité cheminent toujours ensemble, mais il est possible d’élever la barre assez haut vers l’objectivité en restant spécifique, en évitant les réductions hâtives, les généralisations rapides, les projections, les clichés et les préjugés. Le leader nite sait gérer les priorités et les objectifs, en s’appuyant sur les systèmes et méthodes de la structure et en optimisant le coût émotionnel global de l’équipe.
- Ramener les choses à soi consiste simplement à expliciter ce qu’on ressent, ce qu’on souhaite et ce qu’on attend des personnes.
Coopération bienveillante/intégrité
Le leadership moderne promeut la coopération bienveillante. L’avantage compétitif est quelque part dans la richesse des interactions humaines, car c’est l’intelligence collective qui fait la différence. On parle maintenant de « Direction du capital humain », qui remplace le concept de DRH, de « coach de la joie » et de « symétrie des attentions ». L’entreprise doit accorder autant d’intérêts aux clients qu’aux collaborateurs. AirBnB proclame qu’elle offre à ses employés le meilleur espace de vie qu’ils puissent espérer (the best place to be). De telles initiatives visent essentiellement à développer la coopération bienveillante et l’intelligence collective.
La bienveillance intègre le respect, la considération, la courtoisie, l’empathie et l’écoute. La bienveillance peut être feinte, surtout lorsqu’elle s’incarne à travers la politesse : « Trop poli pour être honnête ou trop honnête pour être poli ». Dans les entreprises, l’intégrité aussi est une valeur phare.
Lorsque surgissent des menaces sur la préservation de la structure à travers certains indicateurs (croissance, profit, image de marque, parts de marché, effet réseau, etc.), le système crée de la tension et du stress chez les employés. Les conflits s’exacerbent en devenant dysfonctionnels et la bienveillance cède la place aux émotions négatives. Il est important de ne pas évacuer celles-ci, car elles alertent sur les exigences nouvelles à expliciter, les réactions et les initiatives à prendre. La bienveillance et la malveillance vont toujours cheminer ensemble comme l’objectivité et la subjectivité. Il faut juste que les principes d’action de l’entreprise définissent des lignes rouges à ne jamais franchir.
Même dans l’entreprise, la malveillance peut se cacher derrière le masque de la bienveillance sous forme de courtoisie pour tromper tout le monde. C’est l’intégrité qui joue le rôle de contrepoids et le leader doit être vigilant à ce niveau.
Ambition/simplicité
Dans l’entreprise, l’ambition sert d’aiguillon. Très souvent c’est l’ambition du fondateur qui devient la vision de sa structure. Dans certaines structures, l’ambition s’élargit chemin faisant (cas de Jeff Besos d’Amazon) (1). D’autres structures sont le fruit d’une ambition ayant mûri depuis l’adolescence : déjà à 13 ans, le jeune Reid Hoffman, fondateur de LinkedIn, rêvait de créer une entreprise qui impacterait le monde. Il avait, tout comme les autres membres de la « mafia PayPal », une ambition/vision assez forte. D’aucuns l’appellent le MTP (massive transformative purpose). C’est du itte ju kawé.
Trois entreprises peuvent évoluer dans le même secteur et sur une même activité. La première restreint son marché au pays, l’autre l’élargit à la sous-région, alors que la troisième réfléchit à la meilleure manière de percer le marché mondial. Cette dernière a une ambition plus forte.
À l’intérieur de l’entreprise, cette valeur d’ambition doit être promue. Il s’agit juste d’être audacieux et de contribuer à la création de produits/process/environnements/idées exceptionnels. Évidemment, tout le monde ne peut pas devenir le DG de l’entreprise. Tout le monde ne peut pas devenir Reid Hoffman ou Elon Musk.
Nous sommes rares à accéder aux meilleures de nos ressources, car nous avons une ambition très limitée. Les plus audacieux ont une meilleure capacité de résilience. Nombreux sont ceux qui pensent qu’il y a un état d’esprit spécifique dans la Silicon Valley. Reid Hoffman, toujours à l’avant-garde des bonnes idées et des bons business models, a des participations dans 80 entreprises.
La simplicité est le complément naturel de l’ambition. Le leader nite n’est pas un fou ambitieux. Il n’est pas non plus un individu apathique. IL sait se situer dans le juste milieu entre ces deux extrémités.
Gestion du champ émotionnel et sérénité/sens des responsabilités
Dans un contexte professionnel, on ne peut parler de gratitude, mais la sérénité qu’apporte un espace de travail agréable est hautement importante. Les entreprises les plus évoluées sur ce plan essaient de mesurer régulièrement l’humeur des employés. Cela constitue un feedback important pour le leader ; il lui permet de réagir assez vite pour rétablir le bon niveau émotionnel global. Ce qu’on avait dit dans la première partie reste valable.
Quelqu’un peut avoir de grandes ambitions pour les autres et être en état de sérénité sans se rendre compte que ses besoins sont complètement ignorés. Ce n’est pas être mature que d’ignorer complètement sa personne, surtout lorsque l’action au service des autres est faite de façon compulsive. C’est le sens des responsabilités et la fermeté de caractère qui complètent cet état de sérénité.
Cette personne réagit toujours en cherchant le bon équilibre entre l’équipe et elle-même. Elle essaie de développer une intelligence relationnelle systémique.
Le leader nite présente les caractéristiques suivantes :
- il est serein, disponible et surtout bienveillant ; il raisonne toujours en termes de « nous » et se préoccupe constamment de la sérénité globale de l’équipe ;
- il a une bonne intelligence émotionnelle ; il sait gérer les priorités, les objectifs, en s’appuyant sur les systèmes et méthodes de l’entreprise, en optimisant le coût émotionnel global de l’équipe ;
- il est très inspirant et sait parfaitement utiliser les mots ou les actes qui décuplent l’énergie et l’engagement des collaborateurs ; il sait associer ses collaborateurs aux prises de décision, mais il sait parfaitement dissocier le temps des échanges et le temps de l’action ;
- il ne tombe jamais sur de faux problèmes et sait se taire quand il le faut ;
- il est plus préoccupé par ses tares que par celles des autres ; il organise des feedbacks réguliers pour apprendre sur lui-même et s’améliorer.
Gestion de l’écosystème global
La structure qui promeut le leadership nite aura en son sein un nombre important d’employés nite ou des nit. Par-delà les éléments évoqués plus haut, la connaissance des écosystèmes humains et surtout la connaissance de soi vont contribuer grandement à cette maturation psychologique. Les lois évoquées dans la première partie sont également valables pour ce cas d’espèce.
Connaissance des écosystèmes humains
La gestion du changement est un volet important du leadership. Le leader nite comprend qu’il y a le changement subi et celui qu’on construit. Il veillera à anticiper les changements.
Il sait que le conflit est consubstantiel au fonctionnement des structures humaines (entreprise ou autre organisation). Il l’utilise comme levier pour développer l’intelligence collective, l’alignement et l’engagement des collaborateurs.
Il a une bonne vision de sa structure et des écosystèmes qui l’englobent. Il comprend également que toute voix (même les plus iconoclastes) à l’intérieur de sa structure appartient à ladite structure.
Le leader nite sait qu’au cœur de nombreux processus, on rencontre la loi des contraires : chaos et ordre, vice et vertu, perfection et imperfection ; la perfection, même au sens de nite, intègre l’imperfection, ou nitedi. Nite ne veut pas dire la fine pointe de l’excellence. Cela n’existe pas, car l’être humain ne touche l’extrémité de rien. Il n’est ni parfaitement excellent, ni absolument mauvais. Le juste milieu, qui aide à fluidifier les relations, est d’autant plus réussi qu’on a une conscience claire de l’interaction entre qualité et défaut.
De nombreux phénomènes sociaux sont inscrits dans des boucles ou des cycles : la bienveillance se paie par la bienveillance ; la malveillance entraîne la malveillance.
Connaissance de soi
Le leader nite a une excellente connaissance de lui-même. Il a une claire conscience de son défaut dominant (passion) et de ses schémas mentaux. Il a l’habitude de réaliser des feedbacks sur lui-même. Ses points aveugles sont progressivement mis en pleine lumière par son entourage : conjoint, guide spirituel, coach, enfants, amis, etc. Il se prend de moins en moins au sérieux au fur et à mesure qu’il évolue dans la vie. Il pratique le lâcher-prise et fait preuve d’ouverture, de tolérance et de compassion vis-à-vis de lui-même et vis-à-vis des autres.
Le leadership nite intègre simplement ce concept de nite qui n’est rien d’autre qu’un complexe de valeurs qui sont :
- autodiscipline et flexibilité ;
- coopération bienveillante et intégrité ;
- ambition et simplicité ;
- gestion du champ émotionnel et sens des responsabilités ;
- connaissance de l’écosystème et connaissance de soi.
Lorsqu’elles sont internalisées, elles contribuent à la maturité psychologique du leader et de son équipe.
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Première partie : L’HOMME MATURE, OU NITE
Deuxième partie : L’HOMME MATURE OU NITE, RÔLE DES DAARAS ET KËR GU MAG