QUAND L’ARGENT APPELLE L’ARGENT…
Le plus important dans la vie, ce n’est pas d’accumuler des fortunes colossales, mais d’utiliser cette fortune pour le bien de tous. Parfois, il faut savoir vivre de peu tout en pensant aux plus pauvres que soi.

Dimanche dernier, la Rts 2 a passé un vieux tube de l’auteur, compositeur et arrangeur congolais Yvon Bemba Bingui, plus connu sous le nom de Pamelo Mounka. La chanson « L’argent appelle l’argent » était en vogue au début des années 80 et avait connu un succès à l’échelle mondiale.
Un de mes cousins soldats, après sa sortie du gnouf (il avait été jeté au cachot pour avoir insulté un officier), avait déserté de l’Armée pour émigrer au Congo. De son périple, il n’avait ramené pour toute fortune que des cassettes de musiciens congolais dont celle de Pamelo Mounka. Et à longueur de journée, il nous rabâchait avec cette chanson et ses refrains « Mbongo ekobenga mbongo » (l’argent appelle l’argent). « On ne prête qu’aux riches ; jamais vu un riche prêter de l’argent à un pauvre », fredonnait le défunt artiste.
Depuis toujours, l’argent appelle l’argent. Plus on en gagne, plus on en veut encore et encore. Quand on devient millionnaire, on rêve de devenir milliardaire. Ces dernières années, de nouveaux riches ont, comme par enchantement, envahi notre pays. Les milliardaires n’ont jamais été aussi nombreux et rares sont parmi eux ceux dont la fortune s’inscrit dans une longue histoire de famille. D’aucuns ont accumulé des richesses de manière exponentielle, baignent dans l’opulence, possèdent des comptes bancaires bien fournis, de somptueuses villas, des appartements à l’étranger, de rutilantes bagnoles, de sociétés, de jets privés. Ils n’ont aucun souci et subviennent à tous leurs besoins, sans avoir à trimer sous le chaud soleil. La politique est devenue l’un des chemins les plus rapides pour accéder à des postes juteux et stratégiques, mais aussi pour s’enrichir en un clin d’œil.
Elle attire un nombre impressionnant de cadres soucieux du développement de leur cité, mais aussi des opportunistes à la recherche de gloire et de richesse. Ces derniers, une fois qu’ils se voient confier des postes à responsabilités, n’hésitent pas à s’en mettre plein les poches sans passer par quatre chemins. Dans un pays où la pauvreté écrase plus de la moitié de la population, la politique a enrichi beaucoup d’arrivistes qui se sont retrouvés du jour au lendemain aussi riches que Crésus. Mais peut-on devenir milliardaire simplement pour avoir été ministre, directeur de société, député, maire ou ami du président ? La Loi n’interdit à personne d’être riche. Ce qui est interdit, c’est de le faire avec des moyens peu moraux. Et le hic est que quand on demande à un néo-milliardaire de justifier l’origine de sa fortune, ses partisans crient au scandale, à la cabale.
Pourtant, sous d’autres cieux, ils sont légion ces hauts responsables mis en examen pour corruption, trafic d’influence, faux et usage de faux, blanchiment d’argent, détournement de deniers publics ou enrichissement illicite. D’anciens chefs d’État, de gouvernement, ministres en ont aussi eu pour leurs grades. Au Sénégal, l’enrichissement illicite relève du droit pénal commun. C’est un délit bien inséré dans le Code pénal. Il n’y a rien d’alarmant ni de dégradant de poursuivre un délinquant économique, fut-il ancien ministre, haut fonctionnaire de l’État… Quand l’argent appelle l’argent, on doit être en mesure de justifier la licéité de ses avoirs. C’est pourquoi la traque des biens mal acquis est un combat pour l’éthique et la bonne gouvernance.
Il pourrait lutter contre la délinquance économique et financière et aussi marquer la fin de l’impunité. Dans la sourate At-Takathur (la course aux richesses), Allah avertit pourtant les personnes qui consacrent leurs efforts à vouloir plus que ce que possèdent les autres, à surpasser les autres par la richesse. Mais, c’est comme si cette admonestation était tombée dans les oreilles de sourds. Dans un monde où avoir de majestueuses villas, de rutilantes voitures, de sulfureuses femmes, une stabilité financière est perçue comme la clé d’une vie heureuse, la course aux richesses continue de faire rage. Et tous les moyens sont bons pour être plein aux as et mener une vie de Pacha. Le plus important dans la vie, ce n’est pas d’accumuler des fortunes colossales, mais d’utiliser cette fortune pour le bien de tous. Parfois, il faut savoir vivre de peu tout en pensant aux plus pauvres que soi.