RÉCIPROCITÉ DU VISA, BONNE OU MAUVAISE IDÉE ?
La réciprocité en bandoulière n’a pas de sens et les faits sont là pour nous dire qu’elle n’a jamais existé réellement. Le Sénégal n’a pas les moyens de perdre des milliers d’emplois, des devises et des ressources liées au tourisme

Le Sénégal, pays de la Téranga (accueil) n’a jamais voulu instaurer un visa pour la zone Europe occidentale qui est devenue l’Espace Schengen. Or, ces pays constitués en union économique et monétaire, continuent de demander des visas d’entrée dans leurs territoires. Ce déséquilibre conduit beaucoup de Sénégalais à réclamer la réciprocité. Ces discours me semblent politiquement légitimes car, la réciprocité est un acte fort pour exprimer son indépendance vis-à-vis des pays qui imposent un visa pour pénétrer sur leur territoire. Néanmoins, lorsque nous regardons de très près, nous constatons que des pays comme la Tunisie et le Maroc ne pratiquent pas la réciprocité, alors que la Côte d’Ivoire l’exige. Des choses simples nous sautent aux yeux : les deux premiers pays dépendent beaucoup de l’économie touristique et le dernier attire très peu de touristes.
Au Maroc, le tourisme engendre plus de 500 000 emplois et plus de 6% du PIB (Produit Intérieur Brut) et la Tunisie plus de 100 000 emplois et 25 % du PIB. La Tunisie a également commencé à diversifier son offre avec l’instauration du tourisme médical.
Nous pouvons dire sans nous tromper que les deux pays du Maghreb ne sont pas moins patriotes que le Sénégal. Le seul choix qui a prévalu les décisions du royaume du Maroc et la Tunisie est purement économique. Les retombées économiques sont énormes, également auprès des commerçants et des artisans locaux.
L’Euphorie de la victoire de Mackay Sall et les pressions politiques l’ont conduit à instaurer le 1 juillet 2013 un visa d’entrée pour les ressortissants de l’Espace Schengen. Les alertes sur les risques économiques portées par Mamadou Racine SY, chef d’entreprises et également Directeur de Sénégal Hôtels et les sénégalais qui vivent du tourisme, notamment sur la petite côte sénégalaise, n’ont pas réussi à convaincre le nouveau Président de la République à surseoir ou abandonner sa décision. Certains sénégalais ont crié haut et fort : «Enfin, nous sommes indépendants», comme si le Maroc et la Tunisie étaient à la botte de l’Europe. L’ancien Président Abdoulaye Wade (peut-être plus pragmatique et formé à l’Economie) n’est pas allé dans le sens de la réciprocité.
Le 1 mai 2013, le visa fut supprimé, suite certainement à l’évaluation des pertes économiques et la pression du milieu touristique. Il faut rappeler que les entreprises du tourisme au Sénégal ont créée 100 000 emplois et représentent 6% du PIB avant la Covid. Les zones touristiques commençaient déjà à souffrir de l’absence de touristes.
En effet, des familles entières ont perdu leurs emplois et des boutiques restent portes closes. La pandémie est venue «achever» certains commerçants qui vivotaient du tourisme. Le village artisanal de Somone a quasiment fermé ses portes, faute de clients. La réciprocité du visa est une farce intellectuelle qui ne nous permet pas de progresser car elle ne repose que sur une revanche ou des amertumes, d’autant plus que tous les ressortissants de l’Union Européenne qui veulent se rendre au Sénégal se voient délivrer leurs visas sans aucun souci.
Par conséquent, la réciprocité en bandoulière n’a pas de sens et les faits sont là pour nous dire qu’elle n’a jamais existé réellement. Si, par fierté nationale, c’est un acte symbolique, il faut cependant réfléchir à l’instar des pays touristiques qui favorisent de plus en plus l’entrée dans leur territoire à des millions de personnes qui viennent soutenir leur économie, parfois avec une simple carte d’identité, si le voyage est organisé par un tour opérateur.
Le Sénégal n’a pas les moyens de perdre des milliers d’emplois, des devises et des ressources liées au tourisme. Le président Macky Sall a su se reprendre pour tenter de refaire du Sénégal une vraie destination touristique. Ce n’est pas gagné, car le Sénégal est devenu une destination très chère par rapport aux autres pays touristiques qui ont su «vendre» leurs pays à des prix très raisonnables. Le visa est une arme de dissuasion qui fait perdre beaucoup de ressources économiques, d’emplois… C’est un leurre de le considérer comme réciproque. Le combat patriote pour se faire respecter est ailleurs.