TRAITE D’IMPRUDENCE D’UN EGARE EN TERRE DES PATOUS (SUITE)
« Le peuple, le peuple, oui, mais que fais-tu donc de la fraude électorale qui vole au peuple son suffrage ? »

3EME SEQUENCE : BRASSARD BLANC ET PROBLEMATIQUE D’UN 3EME MANDAT AU SENEGAL
L’Ambassadeur de Tombouctou me regarde à la fin de sa tirade, sourit et interroge, implacable : « Le peuple, le peuple, oui, mais que fais-tu donc de la fraude électorale qui vole au peuple son suffrage ? » Je n’ai pas la réponse, mais il y a forcément une réponse. Tout a une réponse. Juste avoir les oreilles, l’entendement, la tolérance, pour écouter sans l’injure à la bouche. Il est temps que cet interminable débat poussif sur le fichier électoral s’estompe. Il est indigne d’un pays comme le nôtre. C’est un débat de pays arriéré vivant au moyen-âge. Un consensus doit clore cette page.
L’Afrique, en effet, se nourrit encore de fraudes électorales et congèle d’avance d’interminables mandats de chefs d’État endémiques. Même si la tendance est à la baisse, si la mort ne vient pas avant apporter la solution libératrice ou l’intervention de ce que l’on appelle d’un mot indéfini le peuple ! Mais le peuple ne vainc pas toujours ses dictateurs qui ont la ruse tenace et le vice infini de prostituer la démocratie, d’anesthésier toute volonté de révolte, de régler eux-mêmes l’horloge des juges. Il arrive que le peuple subisse. Il ne porte pas toujours la révolution attendue de lui.
Le peuple a souvent tant à faire pour survivre que tout cri a de la peine à sortir de sa gorge desséchée ! Alors, il laisse Dieu - si le temps le Lui permet- et la vie, décider. Le Sénégal échappera à cette malédiction. Que personne ne tente de nous faire croire le contraire. La peur et le défi du 3ème mandat ne vaincront ni notre foi, ni notre marche résolue vers l’unité et le développement. Seulement, il y faudra le temps, du juste et équitable consensus, de la responsabilité, de l’engagement, du sacrifice, de la générosité, de la mesure, du refus de la compromission.
La rue n’est pas une solution interdite quand elle fait face à l’injustice, mais la rue ouvre à la fois les portes de la liberté mais aussi de la mort, du sacrifice ultime. La rue ne promet pas de solution apaisée. Elle promet l’aventure, l’indécis, l’improbable, si ce n’est le chaos. « Advienne que pourra », lâche, acide, l’Ambassadeur de Tombouctou ! Advienne que pourra pour advienne que pourra, avançons d’abord le pied droit, c ‘est à dire l’offre de consensus et de paix. Si celui d’en face choisit plutôt d’avancer le pied gauche, demandons lui d’avancer le pied droit. Que le bien doit compter plus que le mal et l’effroi. Parlons-nous pendant qu’il est encore temps, car arrive un temps qui ne pourra plus rien céder au temps. C’est le mauvais et ultime temps : celui de la confrontation et de la mort. Ce maudit temps-là ne doit pas être le nôtre. Il ne le sera pas. De nouveau, oui, quelque chose veille et qui nous dépasse. Mais jusqu’à quand ? Le pouvoir et l’opposition possèdent la clef de la paix. Le peuple sera l’arbitre quand il faudra un arbitre. Aucun doute que notre Constitution devra être de nouveau modifiée, toilettée, verrouillée une fois pour toute. Un grand bain l’attend plus qu’un sommaire toilettage. Elle devra s’habiller de granite, de roc, d’acier. Que plus personne ne l’approche, ne l’interpelle.
Finis les mascarades, les ruses, les hypocrisies, les trahisons, le semblant d’honnêteté, les jeux de cache-cache. Si le consensus issu des Assises nationales d’alors était validé d’accord partie et enfin appliqué, soit par le biais de l’Assemblée nationale pour dépenser moins, soit par référendum, nous aurions une nouvelle Constitution stable et envieuse. C’est l’avis du plus grand nombre des Sénégalais, tous confondus. Cette Constitution, dit-on, nous ferait enfin grand bien ! Et si la presse prenait le temps de la décliner de nouveau pour les populations, afin de mettre tous à niveau ?
Et si Macky Sall la faisait voter au lieu de laisser son successeur le faire ? L’histoire, la grande, le retiendrait. C’est réussir plus que l’acceptation paisible et digne d’une alternance démocratique louable, sans des cailloux dans les chaussures ! D’un mot : ce serait une révolution de velours et de taille qui aurait comme nom : Macky Sall. Il tient la bride du bon cheval… et il aime les chevaux, me dit-on. Il faudra bien un jour faire cette expérience et vivre cette nouvelle Constitution issue des Assises nationales qui donnera sûrement du sang neuf à notre espace politique grippé et caillouteux.
Et que cette Constitution vive et prospère pour des siècles. Nous ne souhaitons pas à un Président d’être vendu aux enchères, moins cher qu’un charretier. Pas plus que nous ne souhaiterions à une opposition d’être moins considérée qu’une poule mouillée et stérile. Respectons-nous. Parlons-nous. Soyons humbles. Élevons-nous ! Au mieux ou au pire, si nos institutions ne nous ressemblent pas et surtout ne nous rassemblent pas. Si nous doutons d’elles jusqu’à nous opposer dans la tuerie, remplaçons-les alors par des référendums du peuple - même si cela coûte -, à chaque fois que l’enjeu qui divise est de taille et de sang. Mais sachons tous que rien ne sera plus cher que la justice, l’équité, la liberté, le consensus, le vivre en commun dans la paix et le pardon. Les référendums seuls, sont au-delà des pouvoirs du Prince et des juges, quelle que soit l’altitude de ces derniers !
Nous entendons sur l’insoutenable pauvreté gémissante des programmes de nos chaines de télévisions et de radios et lisons tous les jours dans notre brave presse audacieuse mais hâtive : insultes et insanités entre citoyens de camps opposés ou entre de simples citoyens. Pire encore, la jungle des réseaux sociaux, pouvoir parmi les pouvoirs, au nom de la liberté. Comme elle peut avoir bon dos la liberté quand elle viole tout jusqu’à se violer elle-même! Ce qui ressort le plus souvent n’est que diatribes irrespectueuses, attaques honteuses. On se retrousse la bouche et la langue pour lancer sa bave : insulter, diviser, humilier, blesser, déshonorer !
Cette violence gratuite et infecte dévore petit à petit notre pays. Ce dont il doit s’agir, c’est d’échanger dans la sérénité, l’élévation, la politesse, la mesure, le respect de la posture de l’autre, serait-elle détestable et haïssable. Senghor nous apprenait que la violence et la vulgarité ressortent toujours d’un manque cruel de culture et d’éducation, d’un complexe handicapant d’infériorité et d’analphabétisme vite compensés par des coups de poings et des insultes. Apprenons surtout à ne pas rebrousser chemin ! Un pays ne rebrousse pas chemin. Apprenons à « nous souvenir de l’avenir» pour que la jeunesse ait moins à douter de son présent. Si tout le long de cette humble réflexion quelqu’un m’a compris, c’est que je me suis mal expliqué. La réalité est plus tragique encore. Au Sénégal, la « délibération de la raison » est longue. Longue comme « l’éternité, surtout vers sa fin ».
Existerait-il un pays, tout un pays, où aucun arbre ne donne un seul fruit ? Si oui, l’heure est venue de se donner la main en cédant chacun le nombre de doigts que lui dicte le chemin de la paix et du développement ! Ce n’est pas nous qui comptons, c’est le Sénégal qui compte ! Il nous faut réinjecter du rêve et de la générosité dans ce pays ! Il doit revenir à un esprit de conquête et de partage commun pour servir toujours le plus grand nombre. Mais d’abord et avant tout, rechercher et servir la foi qui est le plus beau cadeau apporté à quelqu’un ! L’Ambassadeur de Tombouctou ajoute, tout en sourire : « La religion, c’est aussi de la politique, sauf que dans le premier, Dieu n’est pas monnayable ! » Je réponds sans hésiter : puissions-nous apprendre à être pauvres comme Job !
2-/ ÉPILOGUE
Nous concluons cette réflexion qui se veut humble et consensuelle, porteuse d’issue heureuse sur la problématique du 3ème mandat, par nos condoléances aux habitants de Mangoroungou. Oh, quel beau nom ! C’est celui du village du policier Samba Ndiaye tué par un chauffeur ivre le 19 juillet dernier. Son village jouxterait celui de notre patrimoine commun, Sadio Mané. Cette mort m’a beaucoup bouleversé, au regard des bienfaits rapportés que ce serviteur de l’ordre public apportait à ses prochains. Je pense à l’ami Mabousso Thiam qui vient de nous quitter. Homme d’exigence, de talent et de foi. Artiste pur. Un grand cœur !
Écoutez-le, évoquant le Rwanda : «Je pourrais vous parler de ceux-là qui continuent dans le déni, en refusant toute repentance au motif qu’ils seraient un grand pays. Plus grand que qui ? Plus grand que quoi ? (…) je veux saisir cette tribune pour redonner espoir à celles et ceux, notamment les jeunes, qui, en Afrique, n’en finissent pas de désespérer de certains de nos dirigeants, incompétents, corrupteurs, corrompus, népotiques, prédateurs, assujettis à leurs maîtres, violents, répressifs, tricheurs, sans scrupules, sans ambitions pour leurs peuples (…)
Le Rwanda nous montre aujourd’hui, entre autres choses, que tout est possible lorsqu’on a décidé de compter sur soi, de forcer le respect de soi et des autres, d’ignorer les ricanements de ceux qui ne rêvent que d’une Afrique misérable qui tend la main (…) Cela s’appelle le leadership (…) Si les autres pays font l’économie du prix payé par le Rwanda, alors le sacrifice n’aura pas été vain.» À tous nos disparus, puisse l’hivernage rafraîchir leurs os. Que leur âme dorme entre les nuits et les jours les plus frais sur l’Oreiller d’Allah, entre les lits de Jésus et de Mohamed.
Un écrivain, un poète, un artiste, un créateur, a besoin d’humilité pour savoir que ce qu’il écrit ou dit ou chante ou peint ou sculpte, ou montre avec une caméra, une photo, une danse, change très peu la vie d’un peuple, encore moins la conduite d’un prince. Mais il doit faire ce qu’il a à faire et le faire dans l’émerveillement. C’est un pouvoir. Celui de la créativité. Voilà pourquoi nous avons ici refusé de nous taire sur la problématique du 3ème mandat. Jamais un créateur, dans le respect et l’exigence, ne doit se taire, mais tenter de croire que ses rêves s’accompliront avant ou après lui. Il est le seul à être avec le temps, en le devançant. C’est une foi et elle ne s’achète ni ne se vend. Mais tout, autant que possible, doit être dit et décliné dans le respect et l’exigence. Ne jamais être moralement voûté !
Éviter d’être abondamment pourvu de rien ! L’Ambassadeur de Tombouctou taquin, lance : «Prions également pour que l’opposition quitte le mur des lamentations etle pouvoir le mur des sourds.»
Le Sénégal vivra. La problématique du 3ème mandat sera résolu, au mieux, croyez-le, par nos propres « Ho’oponopono ». Même si nous souffrons à la fois de nos lois et de nos travers, au bout du chemin, nous pouvons nous retrouver et construire ensemble notre pays. Notre espace politique ressemble à un grand marché de toc. A nous d’en faire un marché de produits « griffés » et de qualité. A un Sénégalais, rien n’est impossible ! Ce pays n’est pas un pays. Il est une prière !
Amadou Lamine SALL
Poète
Lauréat des Grands Prix de l’Académie française