UNE COALITION DE TOUTES RECRUES
EXCLUSIF SENEPLUS - L’on fait davantage dans la confusion entre recrutement et engagement, comme si l’on avait pour but de perpétuer une tradition d’échec. « Yewwi askan wii » n’était pas bien inspiré. Le yewwi a commencé en interne

Yewwi Askan wi est le nom de ralliement hyperbolique trouvé par l’opposition pour constituer une large coalition en vue des prochaines élections locales et celles de la présidentielle de 2024, avec l’ultime but de dégager du pouvoir le régime du président Macky Sall.
Les analyses vont bon train depuis l’annonce de cette coalition, mais il y a quelque chose qui a surtout retenu mon attention : - jamais le lancement d’une coalition politique, qui de surcroît regroupe les ténors de l’opposition, n’a manqué autant d’engouement et d’enthousiasme. Pas un des participants n’avait la mine de l’occasion pour un événement de cette importance - n’est-ce pas curieux ? Ça l’est assez en tout cas pour ne pas échapper à un analyste, car l’on sait, ces qualités sont des attributs de l’impact recherché.
Cela m’a suffi pour aller à la recherche des incongruités insidieuses du projet qui pourraient en être la cause. J’ai abouti à la conclusion que la précarité était la qualité la plus appropriée à attribuer à cette coalition. Oui la précarité parce que cette coalition est fatalement confrontée à sa disparition par le fait même de ses forts relents d’objectifs inavoués, point besoin du moindre épiphénomène externe. Pourquoi le dis-je ?
Problématiques de la légitimité de la coalition.
- Au sommet de cette coalition se trouvent des membres fondateurs dont un dignitaire religieux à côté d’activistes politiques laïques, qui se distinguent notoirement les uns les autres par l’absence chez les derniers de la doctrine religieuse qui cristallise les adeptes du premier. Ce compagnonnage pose un problème pour chaque leader adhérent. Il devient impossible pour chacun d’eux de consolider son charisme auprès de ses partisans, tout en assurant un soutien solidaire aux autres leaders, qui à leurs yeux n’ont aucune légitimité. Il faut vraiment en tant que responsable manquer de confiance en soi pour vouloir à ce point être dans une telle coalition, qui manque de sens.
- L’on fait aussi ici davantage dans la confusion entre recrutement et engagement, comme si l’on avait pour but de perpétuer une tradition d’échec politique. Certes une coalition est essentielle à un leader politique, il est dit que l’on ne réussit pas en politique avec ses parents et amis comme militants. D’où l’impératif de tendre la main aux autres. Mais de quelle manière faut-il s’ouvrir aux autres ? - Certes pas en appelant à un engagement autour du nihilisme sans un programme articulé autour de valeurs et objectifs communautaires clairement définis. Or le lynchage médiatique ad hominem dirigé systématiquement à l’encontre de l’élu au pouvoir, en l’occurrence son excellence Macky Sall, n’est autre chose que ça. La base constituante de cette communauté est l’obsession de dégager ce dernier et, partant de ce modèle axé sur l’objectif, la coalition se dirige vers la confusion entre objectifs idéaux et objectifs atteignables. Cette confusion surviendra tôt lorsque les recrues se retrouveront autour d’une table avec les recruteurs pour décider des actes prioritaires. Les politiciens laïques en ces temps où les idéologies sont remisées, contrairement aux religieux, ne subissent aucune forme de pression sur eux sinon celle de la sanction des urnes. J’attire l’attention sur le danger de la duplicité d’une coalition qui est à la fois essentielle pour tout leader politique, mais aussi très redoutable - il n’y a pire chose pour ce dernier que de la rater.
Lacunes au niveau du choix organisationnel
La coalition est avant tout une organisation, un moyen par conséquent d’atteindre des objectifs. Dans le cas de la coalition «Yewwi askan wi» les objectifs organisationnels étant d’emblée affichés non seulement à travers le slogan de ralliement, mais aussi par la composition hétéroclite des membres et les objectifs clairement exprimés par les différents leaders pour les locales et la présidentielle de 2024, le standard choisi est à l’évidence l’approche par les objectifs fixés. Or cette approche est souvent illusoire en coalition politique où pour un objectif convenu il y a souvent autant d’objectifs inavoués que de parties en présence. Par conséquent le recrutement et le nombre important d’alliés n’est pas ici un critère de valeur sûre, mais un facteur de délitement - c’est le ver dans le fruit. L’on a pêle-mêle dans cette coalition des soixante-huitards (plus d’un demi-siècle d’opposition sans discernement), des jeunes pousses activistes fougueux, des marabouts, des mondains, des sachants et des incultes qui autour d’une table prennent des décisions sous la dictature d’une discipline d’égale dignité de tous, prise au sens le plus péjoratif. Ce choix non basé sur le système organisationnel ignore les critères d’efficacité nécessaires à la viabilité d’une organisation, viabilité sans laquelle toute atteinte d’objectifs est dès lors compromise.
Au moment même où je boucle cet article sur un pari que cette coalition ne survivra pas l’année 2021, la nouvelle sans surprise me parvient par un point de presse sur Sen TV, que la coalition Gueum Sa Bopp s’en est retirée. Le yewwi a donc commencé en interne. Tous les mouvements et partis “yobaalema” suivront bientôt pour laisser la fierté de la grande coalition annoncée se rétrécir comme une peau de chagrin en très peu de temps.
« Yewwi askan wii » n’était pas bien inspiré !