PASTEF : DE L’ASCENSION FULGURANTE AU CRASH
La trajectoire de Pastef dans le temps renvoie à un météore dans le ciel politique. Neuf années d’une ascension fulgurante suivie ce lundi 31 juillet 2023 d’une disparition fulgurante.

La trajectoire de Pastef dans le temps renvoie à un météore dans le ciel politique. Neuf années d’une ascension fulgurante suivie ce lundi 31 juillet 2023 d’une disparition fulgurante. Le coup de semonce du régime de Macky Sall est terrible. Le leader charismatique Ousmane Sonko est envoyé en prison à Sébikotane pour huit crimes et délits dont ceux d’« appels à l’insurrection » et « atteinte à la sûreté l’Etat ».
En même temps que son leader est envoyé en prison, le Pastef est dissous pour « appels » fréquents à des mouvements insurrectionnels » qui ont poussé le ministre de l’Intérieur, Antoine Félix Diome, mais aussi le procureur de la République à mettre sur son dos les morts des événements de mars 2021 et de juin 2023.
Un coup d’arrêt terrible pour cette formation alors que son objectif qui était d’installer Ousmane Sonko au Palais de l’Avenue Léopold Sédar Senghor était presque réussi. Le parti créé en janvier 2014 sous l’acronyme Pastef qui signifie Patriotes Africains du Sénégal pour le Travail, l’Ethique et la Fraternité a connu en neuf années d’existence dans le landerneau politique sénégalais une trajectoire fulgurante qu’aucune formation politique à part l’Alliance pour la République (APR) n’a connue.
La formation politique du président Macky Sall peut se targuer d’avoir réussi en juste quatre années d’existence après sa création en 2008 à gagner le pouvoir. Une prouesse unique dans l’histoire politique du Sénégal. Mais Pastef peut aussi se targuer d’avoir réussi en neuf années d’existence, sous la conduite de son leader, mais aussi grâce à son modèle d’organisation, à susciter une nouvelle espérance au sein de toutes les couches du pays, mais surtout au sein des jeunes qui voyaient à travers Ousmane Sonko, l’homme capable de conduire les changements dont ils rêvent.
En effet, ce leader a incarné un nouveau type de discours et une radicalité extrême contre un système qui reproduit volontiers la domination d’une même élite depuis Senghor jusqu’à Macky Sall en passant par Abdou Diouf et Abdoulaye Wade. La perpétuation du modèle d’accaparement des richesses du pays par une élite corrompue au service de la domination étrangère précipitera l’entrée en politique de Ousmane Sonko avec des amis qui militaient avec lui au SAID (Syndicat des agents des impôts et domaines), mais aussi d’autres cadres de l’administration publique sénégalaise, du secteur privé, des professions libérales, des hommes d’affaires, des milieux enseignants, estudiantins et des élèves sans compter des hommes politiques qui migrent vers le nouveau parti.
En janvier 2014, Pastef fait irruption sur la scène politique nationale. Le modèle surprend par son organisation mais aussi par la qualité de ses ressources humaines. Seulement voilà, il est porté essentiellement par des hommes et des femmes, des cadres qui n’ont jamais fait la politique auparavant. Il impressionne au sein du landerneau politique. Son leader, qui se fait découvrir à cette occasion, engage une croisade contre le régime du président Macky Sall.
Ousmane Sonko incommode le système en place par des révélations fracassantes qui dérangement fortement les tenants du pouvoir. De son statut d’inspecteur des impôts et domaines, il entreprend d’exposer toutes les pratiques jugées alors peu catholiques de Sall et ses souteneurs. Ses différentes sorties, visant à dénoncer un vaste système de fraude fiscale, finiront par provoquer l’ire du chef de l’Etat. Sonko devenait alors un homme à abattre puisque, estimait-on, en tant que haut fonctionnaire il ne cessait de violer le devoir de réserve qui encadre son travail. Il sera finalement lourdement sanctionné avec sa radiation de la Fonction publique, le 29 août 2016.
L’histoire retiendra que cette radiation va lui ouvrir les portes de l’Assemblée nationale lors des législatives de 2017. Il est élu député de la législature de cette année-là à 2022 comme tête de liste de la coalition Ndawi Askan Wi/Alternative démocratique composée de plusieurs partis dont PASTEF, le RND, le PPAS, le MRDS etc.
En janvier 2018, il sort le livre Pétrole et gaz au Sénégal : Chronique d’une spoliation, où il accuse le président et son entourage de malversations dans la gestion des ressources naturelles du pays. Ces accusations sont reprises par un documentaire de la BBC. Parmi les personnes et entités visées, le frère du président de la République, Aliou Sall est accusé d’avoir reçu 245 000 dollars de pots de vin, ce qui est démenti par le président Macky Sall. La montée en puissance de l’homme et du Pastef inquiète le régime de Macky Sall. Il devenait de plus en plus clair que Sonko et le Pastef se dirigeaient allégrement vers la Présidence de la République.
En 2019, cet objectif est raté. Sonko se classe en troisième position derrière Macky Sall et Idrissa Seck avec plus de 687.000 voix soit 15,67% des suffrages exprimés. Sonko et le Pastef venaient de marquer encore l’histoire politique du pays pour une formation qui n’avait que cinq années d’existence. C’est alors qu’une accusation grotesque de viols répétés et de menaces de mort est portée contre le leader de Pastef par une jeune masseuse du nom d’Adji Sarr.
De février 2021 au 1er juin 2023, cette affaire a tenu en haleine l’opinion nationale et internationale. Les manifestations de soutien à Ousmane Sonko, convoqué parla justice en mars 2021, font plusieurs morts et des dégâts matériels incommensurables.
Jugé par contumace début juin dernier, l’opposant est acquitté des charges de viol mais condamné à deux ans de prison ferme pour « corruption de jeunesse ». Et pourtant cette histoire de viol n’a pas empêché le leader de Pastef d’être élu maire de Ziguinchor lors des municipales de janvier 2022. Ousmane Sonko sera aussi condamné dans une autre histoire, de diffamation cette fois-ci, l’opposant au ministre du Tourisme Mame Mbaye Niang. Affaibli par une série d’arrestations de ses cadres et militants, le leader de Pastef, après s’être retiré dans son fief de Ziguinchor sous bonne garde de ses partisans, entreprendre de revenir à Dakar parle biais d’une « caravane de la liberté ».
Cette dernière est dispersée violemment par les forces de l’ordre et Ousmane Sonko ramené manu militari à Dakar où est barricadé de force parles autorités pendant 55 jours dans son domicile de Cité Keur Gorgui. Le blocus est levé au début de la semaine dernière. Quelques jours plus tard, le vendredi 28 juillet, il est interpelé par la gendarmerie pour « vol de téléphone portable ». Déféré au parquet, il voit le ciel s’abattre sur sa tête avec son placement en gare à vue pour sept crimes et délits. Un huitième délit, celui de « diffusion de fausses nouvelles » viendra corser la dose. Et avant-hier lundi 31 juillet, Ousmane Sonko est placé sous mandat de dépôt tandis que son parti Pastef est dissous. Une autre nouvelle histoire commence.