KARIM ET KHALIFA POURRAIENT-ILS ÊTRE CANDIDATS À LA PRÉSIDENTIELLE ?
Le président Macky Sall a fixé la date des prochaines élections locales au 23 janvier 2022. Les deux opposants devraient avoir le droit de se présenter, selon un rapport d’experts indépendants

Si aucun nouveau report n’est décidé d’ici là, les élections locales auront lieu – normalement – le 23 janvier prochain, et ce malgré les demandes de l’opposition qui souhaitait les voir se tenir en 2021. Le 10 mai, le président Macky Sall a fixé par décret la date du prochain scrutin local, initialement prévu en juin 2019. Les opposants Khalifa Sall et Karim Wade, respectivement condamnés à cinq ans de prison pour détournement de deniers publics et à six ans de prison pour enrichissement illicite, pourraient-ils participer au scrutin ?
La question, au cœur des discussions menées depuis 2019 entre le pouvoir et ses adversaires, a été résolue par quatre experts mandatés depuis le mois de février pour un audit du fichier électoral national. Dans leur rapport, daté du 5 mai et présenté aux acteurs du dialogue politique, ils établissent clairement que « la permanence de l’exclusion sur les listes électorales pour des délits et crimes commis viole l’esprit de l’article 25 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ». Cet article du traité de 1966 donne le droit à tout citoyen de voter et d’être élu, « sans restrictions déraisonnables ».
Flou artistique
Deux dispositions du code électoral concentrent les critiques des experts : les articles L31 et L32. Le premier définit les personnes qui ne peuvent être inscrites sur une liste, notamment celles qui ont été condamnées pour des crimes et pour des délits tels que le vol, l’escroquerie ou l’abus de confiance – les faits pour lesquels Karim Wade et Khalifa Sall ont été jugés ne sont pas mentionnés.
Le second définit un délai de cinq ans pendant lequel certains condamnés ne peuvent être inscrits sur une liste électorale, en fonction de la peine dont ils ont écopé.
L’ennui, selon les experts : l’article 32 établit une déchéance permanente de droits, même si la personne condamnée a purgé sa peine – ou, dans les cas des deux opposants, a été graciée. « À moins d’être condamné à mort, personne ne peut être inéligible à vie, s’exclame Issaga Kampo, le chef de la mission d’audit. Le problème, c’est qu’on ne sait pas de quoi on parle. Il y a un flou artistique. En matière électorale, un article de loi doit être clair, les durées d’inéligibilité selon les peines bien définies, afin d’éviter que chacun l’interprète à sa manière. »
Pour lui, une confusion est faite entre le code électoral et l’article 34 du code pénal, qui établit que les tribunaux jugeant en correctionnelle peuvent, dans certains cas, interdire l’exercice de droits civiques, civils et de famille, dont le vote et l’inéligibilité. Ce qui n’a été le cas ni pour Khalifa Sall ni pour Karim Wade.