LA DER DES DERS D'IDY ?
A 64 ans, le patron de Rewmi, Idrissa Seck, joue assurément sa dernière carte pour accéder à la magistrature suprême du pays.

A 64 ans, le patron de Rewmi, Idrissa Seck, joue assurément sa dernière carte pour accéder à la magistrature suprême du pays. Un rêve qu’il a toujours voulu concrétiser en devenant le quatrième président de la République du Sénégal (IDY4PRESIDENT) après Léopold Sédar Senghor, Abdou Diouf et Abdoulaye Wade. Après avoir été à deux reprises directeur de campagne du candidat Abdoulaye Wade aux élections présidentielles de 1988 et 2000 avec des fortunes diverses, l’ancien pensionnaire de la prestigieuse université américaine de Princeton s’est essayé à l’épreuve par trois fois sans jamais avoir la faveur des Sénégalais. D’abord en 2007 — aprèsson épisode douloureux des chantiers dits de Thiès — où il termine deuxième avec 14,86 % des voix derrière son ex-mentor Abdoulaye Wade réélu au premier tour avec 55,90 % des suffrages. Ensuite en 2012, après son exclusion du Parti démocratique sénégalais (PDS) dans un contexte tendu de troisième candidature anticonstitutionnelle du président Abdoulaye Wade où il sera coiffé au poteau, cette foisci, par Macky Sall de l’Alliance pour la République (APR), lui aussi banni des rangs du PDS. Cette année-là, Idrissa Seck n’avait pu engranger que... 7% des suffrages au premier tour. Et enfin en 2019 où il a encore obtenu la deuxième place, toujours derrière le même Macky Sall avec 899 556 voix, soit 20,51% dessuffrages. A la tête d’une très forte coalition Idy2019 regroupant notamment deux anciens Premiers ministres (Cheikh Hadjibou Soumaré et Abdoul Mbaye), un ancien président de l’Assemblée nationale (Pape Diop), un ancien maire de Dakar (Khalifa Sall qui était il est vrai en prison) et quatre anciens ministres (Cheikh Bamba Dièye, Mamadou Diop Decroix, Malick Gackou et Moustapha Mamba Guirassy), le président de Rewmi, qui croyaitson heure venue avait juré, la main sur le cœur, de mettre un terme à sa carrière politique à l'âge de 63 ans. Le 25 février 2024, pour la quatrième fois dans l’histoire politique du Sénégal et certainement pour la dernière fois, la Der des Ders, l’ancien maire de Thiès va briguer la magistrature suprême du pays. Son rêve deviendra-t-il enfin réalité ? Nous revenons ici sur les chances et faiblesses de Idrissa Seck dans cette course effrénée pour laquelle il ne s’est jamais lassé.
Handicaps et faiblesses du candidat
Ses erreurs commises avec son ancien mentor, Abdoulaye Wade, sa tortuosité et sa suffisance restent ses principaux handicaps. Après avoir traité de “futur cadavre et ancien spermatozoïde” le Président Abdoulaye Wade qui l’avait, lui-même, assimilé à un “serpent venimeux”, livré les films du deal les liant tous les deux dans des épisodes viraux (Lui et Moi) et séjourné pour une seconde fois(première courte incarcération après l’élection présidentielle de 1988) à l’hôtel zéro étoile de Rebeuss, Idrissa Seck opère un virage à 90°, le 22 janvier 2007 en rencontrant, sur initiative de Serigne Abdoul Aziz Sy Junior, alors porte-parole du khalife général des Tidjanes, le président Abdoulaye Wade qui annonce, dans la foulée, son retour au PDS. Idrissa Seck drible Wade, maintient sa candidature et parvient à arracher la deuxième place devant des dinosaures tels que Moustapha Niass et Ousmane Tanor Dieng. Les Sénégalais, sensibles à la persécution dont il a fait l’objet les trois dernières années qui ont précédé les élections et hostiles à toutes formes d’injustice, lui témoignent ainsi leur soutien tout en lui reprochant sa tortuosité. Idrissa Seck, qui excelle dans l’art de dénicher de redoutables jeunes lieutenants, est hélas incapables de les garder à ses côtés. Il les perd quasiment les uns après les autres. De Thierno Bocoum à Dr Abdourahmane Diouf en passant par Déthié Fall, les rangs de Rewmi se dégarnissent de ses jeunes talents. En 2019, contre toute attente, Idrissa Seck, arrivé deuxième à la présidentielle, se démarque encore de Ousmane Sonko pour s’emmurer dans un silence pour le moins alourdissant alors qu’une coalition des deux hommes aurait compromis la victoire hypothétique de Macky Sall. Une tendance confortée par son retournement de veste en 2020 en rejoignant la mouvance présidentielle. La cité du rail, sa base affective de Thiès et non moins bastion dont d’aucuns disaient imprenable, lui échappe aux élections locales du 23 janvier 2022 et le département de Mbacké, qu’il avait gagné haut la main lors de la présidentielle, tombe aussi dans l’escarcelle de la coalition Yewwi Askan Wi et Wallu. Les élections législatives du 31 juillet 2022 conforteront cette tendance baissière dans ces principales villes où Idrissa Seck avait naguère la main. Vraisemblablement, son compagnonnage avec Macky Sall ne lui a pas réussi. Last not but least, Idrissa Seck est réputé arrogant et suffisant mais aussi de toujours mettre en exergue ses passages dans de grandes universités pour justifier ses connaissances. Or, les meilleures études, c’est un secret de polichinelle, ne garantissent guère de meilleures réussites et ne forgent pas un trait de caractère intrinsèque chez l’individu. Surtout au Sénégal où les cas de réussites cités en référence sont issus du secteur informel.
Atouts et chances
L’atout numéro un du président de Rewmi est sans nul doute son expérience des affaires de l’Etat, son endurance et son charisme. Idrissa Seck a, en effet, pratiquement occupé toutes les stations stratégiques que peut conférer un Etat à l’exception notable de la présidence de l’Assemblée nationale et de la magistrature suprême du pays. Nommé au poste stratégique de ministre d'État, directeur de cabinet du président de la République après la première alternance politique du Sénégal en 2000, Idrissa Seck avait auparavant étrenné ses premières fonctions ministérielles en 1995 comme ministre du Commerce, de l’Artisanat et de l’Industrialisation sous le magistère du président socialiste Abdou Diouf à la faveur d’une majorité présidentielle élargie à l’opposition d’alors. Responsable le plus redouté lors des premières années du président Abdoulaye Wade au pouvoir, il a fait et défait des carrières avant de gravir les échelons jusqu’à la station primatoriale, le 03 novembre 2002 en remplacement de Mme Mame Madior Boye, limogée après la catastrophe maritime du Joola. Mais son ascension fulgurante sera freinée en 2004 par son limogeage etsa mise en examen dans l’affaire dite des chantiers de Thiès. Son expérience des pratiques de l’Etat se poursuivra sous la présidence de Macky Sall avec sa nomination en 2020 à la tête du Conseil économique, social et environnemental (CESE) en remplacement de Mme Aminata Touré. Sans avoir la trajectoire exceptionnelle du président Macky Sall, lequel a quasiment occupé toutes les stations stratégiques d’un État jusqu’à la magistrature suprême, Idrissa Seck peut se targuer d’être le candidat en lice le plus expérimenté pour la course à l’élection présidentielle du 25 février 2024. Laquelle devrait être la dernière (Der) des dernières (Ders) présidentielles de Idy…
Outre son expérience, le candidat Idrissa Seck peut également compter sur sa persévérance et son endurance à toute épreuve. En effet, alors qu’il s’était fixé des limites pour conquérir le pouvoir, l’ancien maire de Thiès, malgré ses échecs répétitifs, n'a jamais baissé les bras pour concrétiser son rêve. A défaut d’être le quatrième président de la République du Sénégal, il se donne encore les moyens d’inscrire son nom sur les symboles de la République. Son ambition l’a poussé à démissionner de son moelleux fauteuil de président du CESE et à faire démissionner les responsables de son parti dans le gouvernement du Premier ministre Amadou Ba (Yankhoba Diatara aux Sports et Aly Saleh Diop à l’Elevage). Également, les mêmes ambitions l’ont conduit à rappeler régulièrement à son allié Macky Sall, tenté par une troisième candidature, l’anti-constitutionnalité de celle-ci en plus de sa promesse officieuse faite au lendemain du scrutin présidentiel de 2019 de ne plus briguer un autre mandat et de le soutenir, lui, Idrissa Seck aux joutes électorales de 2024. Un protocole qui lierait les deux hommes et qui aurait été scellé devant un grand dignitaire mouride de Touba. A l’époque, Idrissa Seck, arrivé officiellement deuxième de la présidentielle, s’était démarqué de Ousmane Sonko déclaré troisième et qui entendait contester les résultats électoraux qui avaient plongé le pays dans une situation comateuse tant ils étaient invraisemblables aux yeux de certains observateurs. Aujourd’hui que la parole donnée revêt de nouveau une importance capitale dans ce charmant pays après la renonciation par Macky Sall à une troisième candidature, Idrissa Seck peut aussi espérer un coup de pouce du président sortant qui cherche aussi à protéger ses arrières. Il est aussi établi que l’ancien Premier ministre Idrissa Seck est l’un des leaders les plus charismatiques du landerneau politique. Qu’on l’aime ou pas, Idy sait focaliser l’attention générale sur sa personne et est d’une rare éloquence. Il sait faire valoir son autorité et le récent épisode de ses ministres démissionnaires du gouvernement d’Amadou Ba le prouve à suffisance.