LA SORTIE DES DEPUTES DE YAW POSE LE PROBLEME DE LA FAIBLESSE DU TEMPS DE TRAVAIL DES DEPUTES
Alioune Souaré, ancien député, spécialiste du droit parlementaire, analyse la 14 législature

«La sortie des députés de Yaw, au-delà des aspects liés au contrôle parlementaire qu’elle soulève, pose encore le problème de la faiblesse du temps de travail des députés. Parlant du bilan de la 13ème législature et le rythme de travail des députés, j’avais à l’époque publié, sur ma page FB, que cela tournait environ autour de 45 mois/60 (durée de la législature), 15 mois de vacances/ 60 et 3 ou 4 textes de lois votées par mois sur 149 pour les 5 ans. L’évaluation des politiques publiques et le contrôle parlementaire étaient quasi-inexistants. Et maintenant, on a l’impression que c’est cette même situation qui est en train de se reproduire, avec la 14ème législature qui souffre de manque d’activités, après le temps fort consacré au vote du budget. Rappelons que la mission des députés, telle que définie par l’article 59 de la Constitution, est fondée sur le triptyque : voter les lois, évaluer les politiques publiques et contrôler l’action du gouvernement.
Pour ce qui concerne les récriminations des députés de Yaw, par rapport aux questions écrites faites et qui sont restées sans suite, iI faut relever que les questions (écrites, orales ou d’actualités) sont des outils en matière de contrôle parlementaire. L’article 85 de la Constitution évoque le principe pour tout député de pouvoir poser des questions écrites au Premier ministre et aux membres du gouvernement, qui sont tenus d’y répondre. Et c’est l’article 95 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale qui complète cette disposition constitutionnelle et y ajoute la procédure de sa mise en œuvre. C’est-à-dire, l’auteur de la question écrite ou des questions écrites doit s’adresser au président de l’Assemblée nationale (qui n’est pas le destinataire de la question écrite ou des questions écrites), il les transmet simplement au président la République en charge de saisir l’autorité du pouvoir exécutif concerné (Premier ministre ou ministre). Les questions écrites sont publiées au journal des débats (document interne à l’Assemblée nationale). Et, la contrainte pour la réponse de l’autorité concernée (Premier ministre ou ministre) entre en jeu dans le mois qui suit cette publication.
Le délai ne comporte aucune interruption et, à défaut de réponse jusqu’à l’expiration de ce délai, les questions écrites sont transformées en question orales. En résumé : les députés de Yaw devraient vérifier, avant de tirer sur le président de l’Assemblée nationale, si leurs questions écrites sont publiées au journal des débats. Et, c’est à partir de ce moment que le délai se pose et on peut apprécier, pour parler de lenteurs ou de blocage. L’autre chose à vérifier également, c’est si le blocage dénoncé par les députés de Yaw se situe au niveau du pouvoir exécutif ou celui du législatif ! Apparemment, ils chargent le président de l’Assemblée nationale, mais le problème peut être ailleurs.
Mais, dans tous les cas, le refus de répondre aux questions écrites relève une violation fragrante des articles 85 de la Constitution et 95 du Règlement intérieur. A l’instar des autres Assemblées nationales, dans les démocraties majeures, notre institution parlementaire devrait mener ses propres activités et cela n’est possible que si elle a une vie parlementaire animée par les auditions des ministres dont les initiatives émanent des Commissions permanentes, les missions d’informations ou d’études, les Commissions d’enquêtes parlementaires, les motions de censure (qui ne portent pas seulement sur la DPG, mais aussi sur tous les programmes de l’exécutif), les questions (orales, écrites, questions d’actualités ou questions d’actualités au gouvernement)».