LA VISITE CONTROVERSÉE DE SONKO À AZOURA FALL EN PRISON
Tolérance zéro ou soutien tacite ? Le Premier ministre plonge dans une contradiction flagrante en rendant visite, hier à Rebeuss, au militant de son parti poursuivi pour insultes envers l'ex-président Macky Sall

Le Premier ministre a rendu visite, hier en prison, selon des informations partagées sur les réseaux sociaux, à Azoura Fall, un militant de son parti, placé sous mandat de dépôt depuis mardi et en attente de son jugement aujourd'hui devant le tribunal des flagrants délits de Dakar pour «propos contraires aux bonnes mœurs». Toutefois, la descente d'Ousmane Sonko à Rebeuss suscite une polémique.
Au parloir de la prison de Rebeuss, Ousmane Sonko. Le Premier ministre s'y est rendu pour rendre visite à Azoura Fall, un activiste dont il est proche. L'information partagée sur les réseaux sociaux a été confirmée plus tard dans l'après-midi par Me Saïd Larifou, membre du pool d'avocats d'Ousmane Sonko. Selon lui, c'est le président du Pastef et non le Premier ministre qui est allé rendre visite à son militant. «Celui qui s'est rendu à la maison d'arrêt pour rendre visite à son militant, ce n'est pas le Premier ministre. Mais, c'est le président du Pastef qui est allé rencontrer son militant incarcéré», fulmine l'avocat qui se veut clair non sans saluer «un acte de rupture».
Car, Me Larifou est convaincu qu'un autre président ou Premier ministre ne ferait pas ça. «Aucun président ou Premier ministre en fonction n'a rendu visite à son militant détenu à la maison d'arrêt. Il fallait que cela soit Ousmane Sonko pour lancer ce message politique d'une portée exceptionnelle au Sénégal mais aussi en Afrique. La rupture est en marche. Elle est méthodique et maîtrisée mais elle est soutenue par ceux qui croient en l'Afrique et au Sénégal», a-t-il remarqué.
Il faut dire que sur place, Ousmane Sonko a également rencontré l'influenceur El Hadji Ousseynou Kaïré. Toutefois, cette visite du Premier ministre à l'activiste détenu dans la prison de Rebeuss depuis le mardi dernier suscite une folle polémique sur la toile. Il faut dire que cette visite intervient à la veille du jugement de ces deux militants du Pastef. Azoura Fall et Kaïré devront être jugés aujourd'hui devant le tribunal des flagrants délits de Dakar. Ils sont tous les deux poursuivis pour «discours contraire aux bonnes mœurs».
Cette visite prouve, à en croire le cercle des Patriotes, le respect et la considération de Ousmane Sonko à tous les militants du Pastef. Elle témoigne, à ce titre, du soutien de leur formation politique à un des leurs actuellement dans de beaux draps. «Sonko en politique, tu es meilleur qu'eux et tu es plus humain qu'eux. Tu es le chef du Pastef et tu rassembles tout le monde avec leurs différences. C'est normal que tu ailles rendre visite à Azoura non en tant que ministre mais président Pastef. Respect», écrit une Bintou Rassoul sur Twitter.
Cette visite symboliserait aussi une rupture dans la gouvernance notamment du fonctionnement de la Justice. Désormais, soutiennent des comptes se réclamant proches du Pastef, la Justice ne fait plus de différence entre l'appartenance politique des individus. À la différence de l'ancien régime où des personnes qui auraient pu être poursuivies pour les mêmes délits que Azoura Fall et Kaïré n'ont pas été inquiétées à cause, disait-on, de leur appartenance politique. À ce titre, l'on peut convoquer le cas de l'enseignant républicain Ameth Suzanne Camara qui avait appelé publiquement au «meurtre» du leader du Pastef alors dans l'opposition.
«Sa (Ndlr, Ousmane Sonko) visite consiste à dire aux visités et aux militants susceptibles d'être «judiciairement» exposés par leurs mauvais comportements, «je ne pourrais rien pour vous lorsque vous enfreignez la loi à part venir vous voir en tant que votre leader». C'est le summum de la rupture. Pour ceux qui en doute, donnez-moi un seul individu qui a traité Ousmane Sonko (en tant que premier opposant au pouvoir sortant) de la sorte et qui a subi le sort actuel de Azoura Fall», a écrit sur Facebook, Ibrahima Mbaye qui se réclame du Pastef.
Cette visite sonne comme un paradoxe dans la «tolérance zéro» décrétée par le Premier ministre contre la diffusion de fausses nouvelles et les comportements jugés irresponsables. «Je n'ai jamais fait arrêter quelqu'un. Je le vois comme tout le monde à la presse. Mais à partir d'aujourd'hui, cela ne sera plus toléré, je m'impliquerai personnellement. Injures publiques, ce sera zéro tolérance. Diffusion de fausses nouvelles, ce sera zéro tolérance. Que chacun assume !» avait-il clamé, en avril dernier, devant les députés, lors d'une séance de questions d'actualité au Gouvernement.
En apportant son soutien à Azoura Fall poursuivi pour «propos contraires aux bonnes mœurs» dans une vidéo dans laquelle il proférait des insultes à l'égard de l'ancien Président Macky Sall, le Premier ministre porte un sale coup à sa politique de «tolérance zéro» face aux insultes. Par conséquent, ce soutien affiché montre une part de responsabilité des militants du Pastef dans la dégradation de la qualité des débats dans l'espace politique. «Paradoxe «Tolérance Zéro» des insulteurs. Le Premier ministre Ousmane Sonko s'est rendu ce jour à la prison de Rebeuss pour rendre visite aux militants de Pastef insulteurs, Azoura Fall et El Hadji Ousseynou Kaïré. L'insulte vient d'être normalisée au Sénégal par cet acte», s'exclame sur Twitter «Chronique 221».
En tout cas, cette visite, à la veille du procès de Azoura Fall, devant le tribunal des flagrants délits de Dakar, est perçue, par certains, comme une pression sur la Justice. En cas d'élargissement de l'activiste, il serait difficile de défendre la non-immixtion de l'exécutif derrière la décision. En tout état de cause, cette visite est polémique.